• Aucun résultat trouvé

Retour au 10 septembre 1760. Vaudreuil, replié à Montréal et enfin obligé d’admettre la défaite, vient de signer deux jours plus tôt la capitulation du Canada. Il ne reste plus qu’à propager la nouvelle chez tous ses officiers à l’intérieur du continent. L’accent est mis sur les forts Détroit et Michilimackinac, les deux plus importants forts qui restent sur les Grands Lacs. Deux copies d’une même lettre doivent être remises à Belestre et à Beaujeu :

À Montréal le 9 7.bre 1760.

Je vous apprends, Monsieur, que j’ai été dans la necessité de Capituler hier avec l’Armée du Général Amerst.

Cette Ville est comme vous sçavez sans deffensçe Nos troupes etoient considerablement diminuées, nos moyens et nos ressources totalement epuisées.

Nous etions entourés par trois armées qui réunies forment au moins 30 mille hommes.

Le General Amerst etoit du 6 de ce mois à la vüe des murs de cette Ville. Le General Murray à portée d’un de nos fauxbourgs.

Et l’Armée du Lac Champain étoit à la Prairie et a Longueüil.

Dans ces circonstances ne pouvant rien espérer des efforts ny même du sacrifice des Troupes, J’ay pris sagement le partie de Capituler avec le General Amerst a des conditions tres avantageuses pour les Colons et particulierement pour les habitans du Detroit [lire dans la copie pour Beaujeu : du poste de Michillimakina].

En effet ils conservent le libre exercice de leur Religion, ils sont maintenant dans la possession de leurs biens, meubles, immeubles et de leurs peleteries, ils ont aussi les commerce libre tout comme les propres sujets du Roy de la Grande Bretagne.

M. de Belêtre Command.t au Detroit [ou : « à Beaujeu à Michillimakina »]

Les mêmes conditions sont accordées aux Militaires et ils peuvent commettre des procureurs pour user en leur absence de leurs droits eux et tous les Citoyens en general peuvent vendre aux Anglois ou aux François leurs biens, en faire passer le produit en France ou l’emporter avec Eux, s’ils jugent a propos de s’y retirer à la Paix.

Ils conservent leurs Négres et panis mais ils sont obligés de vendre ceux qui ont été pris aux Anglois.

66

Le General Anglois a declaré que les Canadiens devenaient Sujets de Sa Majesté Britanique et par cette raison le peuple n’a pas été conservé dans la coutume de Paris.

A l’egard des Troupes il leur a été imposé la condition de ne pas servir pendant la presente Guerre et de mettre bas les Armes, Elles doivent être toutes r’envoyées en France.

Vous ferez donc, Monsieur, r’assembler les Officiers et soldats qui sont dans votre Poste. Vous leur ferez mettre bas les Armes et vous Vous rendrez avec Eux à tel port de mer que l’on juegera à propos pour de la passer en France.

Les Citoyens et habitants du Detroit [ou : « à Beaujeu : de Michillimakina »] seront Consequemment sous le Commandement de l’Officier que le General Amerst aura destiné pour ce lieu.

Vous ferez passer Copie de ma Lettre aux Miamis, aux 8yatanons [ou : « à S.t Joseph et dans les postes des environs »] supposé qu’il y eut quelques Soldats256, afin qu’eux et les habitans s’y conforment.

Je compte avoir le plaisir de vous voir en France avec tous vos Messieurs. Madame Votre Epouse Joüit d’une parfaite Santé.

J’ay l’honneur d’être tres sincerem.t, Monsieur, Votre tres humble et tres Obéïssant serviteur (signé) Vaudreuil257.

À elle seule, cette lettre comporte une histoire compliquée. Il est nécessaire de bifurquer un instant pour s’y pencher afin de corriger quelques erreurs qui se sont glissées dans les reconstitutions subséquentes des événements.

Bien que nous n’ayons trouvé que trois copies toujours existantes de cette lettre, sa trace est présente dans la correspondance de nombreux officiers britanniques. Selon les habitudes de l’époque, plusieurs copies d’une même lettre sont produites pour s’assurer que le message soit bien transmis. Dans ce cas-ci, la responsabilité de messager principal est confiée au major Roberts et ses Rangers qui doivent prendre possession des forts de l’ouest. D’autres copies seront également remises à divers officiers britanniques pour s’assurer que tous soient au courant des instructions formelles de Vaudreuil258. Enfin, une autre copie est remise à Langlade, le commandant en second du fort Michilimackinac qui

256 Selon un rapport de Donald Campbell envoyé à Amherst, outre les habitants, il n’y a qu’un seul soldat au

fort Saint-Joseph (aujourd’hui Niles, Michigan). Dans le rapport de John Butler, lieutenant des Rangers, il y a huit militaires français aux Ouiatenons et neuf autres au fort Miami. Ces derniers seront également tous expédiés en France tandis que les Canadiens seront simplement soumis au serment d’allégeance. PRO, War Office 34, Vol. 49, F°19-20v. Donald Campbell à Amherst. À Détroit, le 14 février 1761; PRO, War Office 34, Vol. 98, F°108-108v. Anthony Wheelock à Amherst. À New York, le 25 mai 1761, et PRO, War Office 34, Vol. 90, F°1-4. Lieut. Butler's Report of the Miamis & Outanon Forts. 1761. À New York, le 4 janvier 1762.

257 PRO, War Office 34, Vol. 8, F°57-58 (deuxième copie F°59-59v), Copy of a Lettre from the M.is of

Vaudreuil to M.r de Belêtre Commandt of the Detroit: being Orders for the Execution of the Capitulation.

Montreal 9.e September 1760. The same Letter wrote to M.r Beaujeu Commandant at Michillimakinac.

Originals sent to Brig.r Monckton 12.th September. Copy Enclosed to M.r Secretary Pitt 4.th October.

258 Historical Collections, Lansing, Michigan, Michigan Pioneer and Historical Society, Vol. XIX, 1911

67 vient de quitter Montréal pour rejoindre son supérieur. Cette copie, à l’intention de Beaujeu, se trouve de nos jours à la Wisconsin Historical Society259. Elle a été reproduite dans les Wisconsin Historical Collections, qui identifient fautivement le récipiendaire de la lettre comme étant Langlade (rappelons que le marquis de Vaudreuil, dans sa lettre originale, indique clairement que le message est adressé à Belestre et à Beaujeu). L’erreur de la WHS est pardonnable : le manuscrit en leur possession n’indique aucun destinataire outre qu’elle parle du fort Michilimackinac260. De plus, il a été découvert parmi les documents personnels de Langlade, sous-entendant à l’époque que la lettre lui était destinée. Bien que la WHS écrive que cette lettre est remise à Langlade peu après son départ de Montréal, nous rappelons qu’il aurait pu la recevoir plus tard, en tant que commandant agissant après le départ de Beaujeu. À l’inverse, une autre société historique, la Michigan Pioneer and Historical Society, identifie correctement Beaujeu comme récipiendaire d’une autre copie trouvée à Ottawa, même si elle non plus ne nomme aucun destinataire261. Il ne faut pas s’étonner de l’erreur : ces copies (et leurs reproductions typographiées) contiennent souvent des erreurs de transcription. Dans le cas de la MPHC, le mois de février a été accidentellement transcrit comme date de composition au lieu de septembre. Autre divergence : les WHC mentionnent « 80,000 » hommes dans leur traduction anglaise au lieu des « 20080 mil » qui figurent dans le manuscrit original et sa version typographiée en français262. Toutefois, contrairement aux copies primitives des archives britanniques (dont celle typographiée ci-haut) qui mentionnent la présence de 30 000 soldats, la copie de Langlade mentionne un nombre plus près de la vérité puisque l’armée devant Montréal s’élevait autour de 17 000 hommes263.

Qu’importe la fidélité des reproductions du message, aucune de ces copies ne rejoint Beaujeu. Contrairement à la déduction des rares auteurs qui se sont intéressés à lui et Langlade, aucun document n’appuie l’arrivée de ce dernier à Michilimackinac à temps

259 Heureusement, les papiers de Langlade ont été découverts en 1828 dans une maison de traite abandonnée

ayant déjà appartenu à sa famille. Depuis, ils sont conservés par la Wisconsin Historical Society. WHC, Vol. VIII, 1879, p. 209.

260 WHS,correspondance par courriel, le 19 novembre 2010. 261 Historical Collections, Vol. XIX, pp. 28-29.

262 L’auteur de cette copie manuscrite a évidemment ajouté le « mil » en trop. WHC, Vol. VIII, 1879, p. 216;

M. L. MARTIN, Address Delivered…, pp. 33-35 et WISCONSIN HISTORICAL SOCIETY, Langlade Papers, Vaudreuil à Langlade, le 9 septembre 1760.

68

pour rencontrer son commandant264. Tel que discuté au premier chapitre, Langlade quitte Montréal autour du 3 septembre pour emprunter la rivière des Outaouais à destination du fort. Puisque cette voie nécessite une quarantaine de jours de voyage, il n’arrivera donc, au plus tôt, qu’à la mi-octobre. Bien qu’Amherst écrit le 14 février 1761 que Beaujeu « left

Monsieur Langlaad there with some Militia & the Inhabitants265 », les missionnaires de Michilimackinac mentionnent clairement le 20 janvier 1761 que « nous n’avons personne pour commander266 ». Ce n’est que le 7 mai de la même année qu’on retrouve la première trace de Langlade depuis septembre dans les archives, sans connaître pour autant la date de son arrivée267. Hivernera-t-il quelque part avant d’arriver au printemps? C’est probable, considérant que même les messagers britanniques seront ralentis par le froid, obligés par conséquent d’hiverner à Détroit.

Que Langlade ait le message de Vaudreuil avec lui ou non, les nouvelles se propagent plus vite par les voies informelles que par les voies officielles. Le père Du Jaunay268 récapitule les événements dans sa lettre envoyée au père Poitier, datée du 15 janvier 1761 :

[…] voiez ce qui nous regarde des Sauvages nous apprirent cet automne que les anglais avoient achevé la conquete du Canada par la prise de Montreal; qu’ils leur avoient dit qu’ils ne tenoient ces pais, que pour sept mois, et qu’ils ne doutoient point que la paix ne fut faite En europe. M.r de Beaujeu avoit reçu une lettre de mons.r le general qui lui permettoit de se replier vers les illinois au cas, qu’il apprit que les anglais, fussent maitres de montreal, il a pris ce parti vers la fin d’octobre269 : tout le monde des postes, de la pointe, du lac, Superieur, de l’ou-est, n’ont ny descendu, a

264 Ceci inclut la biographie par Ruddy, qui déduit que Langlade lui a remis l’ordre de rejoindre les Illinois.

Aucune de ses sources ne confirme ceci. RUDDY, « Liénard de Beaujeu de Villemonde… », p. 548.

265 PRO, War Office 34, Vol. 49, F°19-20v. Donald Campbell à Amherst. À Détroit, le 14 février 1761. 266 « Nous envoions dans vos quartiers pour nous informer des nouveles; nous n’en avons eu aucune depuis le

depart de notre commandant; si jeusse voulu le croire, il n’y auroit plus de fort de michilimakinac; je fus obligé d’y faire opposition par écrit, nous sommes bien tranquiles et les Sauvages qui sont ici paroissent bien disposés, comme nous n’avons personne pour commander chacun fournit sous contingent pour les Sauvages passants et ils meurent de faim. les christinaux qui des un doient avec le commandant de l’ou-est, n’ayant pus s’en retourner, hivernent icy revenant de Montreal nous ont assuré que les abenaquis hivernoient dans la grande rivière pour venir par icy, Si les choses ne vont pas bien. » PRO, War Office 34, Vol. 49, F°28. Copie Père Lefranc au père Salleneuve. À Michilimackinac, le 20 janvier 1761.

267 Copy of a Letter from the Reverend Father Dujaunay, a Jesuit, to Father St. Pé, at Montreal — Dated at St.

Ignace, 7th. May 1761, cité dans JOHNSON, The Papers of…, Volume 3, pp. 412-414.

268 Né entre 1704 et 1705, entre chez les jésuites en 1723 et devient missionnaire à Michilimackinac en 1735.

Meurt à Québec en 1780. David A. ARMOUR, « Du Jaunay, Pierre (Pierre-Luc) », dans Dictionnaire

biographique du Canada, Volume IV de 1771 à 1800, Québec, Presses de l’Université Laval, 1980, pp. 259-

261.

269 La dernière mention de Beaujeu dans les registres de Michilimackinac date du 6 septembre 1760 en tant

que parrain des jumeaux né du couple Laurent du Charme et Marguerite Metivier. « The Mackinac register »,

69

montreal, ni retourné a leur postes faute de marchandises, cette multitude incommode, fort Michilimakinac...270

Ainsi donc, la nouvelle de la capitulation de Montréal s’est propagée plus rapidement de bouche à oreille par l’entremise d’individus voyageant avec plus d’aise que les messagers officiels, probablement ralentis par la taille de leurs groupes. Cette nouvelle passe sans doute par la rivière des Outaouais, la voie habituelle et plus rapide utilisée par les Indiens entre Montréal et Michilimackinac271. Toutefois, des détails importants, dont celui de la capitulation exigée des forts, risquent d’être omis ou mal rapportés. Comme l’affirme Jay Cassel, l’état des communications dans l’Ouest n’est pas bien établi272. La situation est compliquée davantage par le fait que les Amérindiens de la région sont déjà alarmistes. Par exemple, en 1761, les Britanniques peineront à dissiper les rumeurs voulant qu’ils aient tué Belestre, le commandant de Détroit, et ses hommes273. Bref, Beaujeu apprend seulement que le Canada est perdu, non qu’il doive se rendre.

La précédente lettre évoque, comme nous le verrons à plusieurs reprises, le fait que tant les Français que les Britanniques s’imaginent que le Canada sera redonné à la France. Toutefois, le plus étonnant dans cet extrait est d’apprendre que Beaujeu aurait reçu de la part de Vaudreuil l’ordre de quitter Michilimackinac pour les Illinois advenant la perte du Canada… Bien que l’armée française planifiait originalement de se replier en Louisiane, aucune mention de cet ordre ne semble exister dans les documents de l’état-major français. Pourtant, le père Du Jaunay n’est pas le seul à l’avoir mentionné. Thomas Gage, maintenant le gouverneur militaire de Montréal, écrit à Amherst le 7 juin 1761 que la famille de Beaujeu, réfugiée dans la même ville, « prétendent » qu’il soit parti en obéissant

270 PRO, War Office 34, Vol. 49, F°27-27v. Copies of french Letters wrote by the Missionaries at

Michlimakinak to those at the Detroit, le 15 janvier 1761. Attachée à PRO, War Office 34, Vol. 49, F°25-26. Donald Campbell à Amherst. À Détroit, le 10 mars 1761.

271 HENRY, L’Attaque de 1763…, p. 29. 272 CASSEL, « Troupes de la marine... », p. 285.

273 « I see by the Jesuits letter which your Excellency has been pleased to send me that there was a Report at Michilimackinak that M.r Belletre with his Garrison had been killed by our people, we had a report there that

he had been ill trated [treated] by the Indians at Sanduskie, which was entirely contradicted by his own letters mentioning his being well received every where by the English. » PRO, War Office 34, Vol. 49, F°45-

46v. Donald Campbell à Amherst. À Détroit, le 9 août 1761. Aussi: « The Report Spread by the Indians of

Mor. De Beletre, and the Officiers that Accompanied him, being murdered near Niagara, is a New proof of

their Villainous Dispositions in progagating [propagating] Falsehoods.— Major Gladwin will Use all means to Contradict such infamous Reports, and Convince the Indians, that Britons are not Capable of such Behaviour ». Amherst à William Johnson. À Albany, le 22 juin 1761, cité dans JOHNSON, The Papers of…,

70

à un ordre reçu par le Marquis de Vaudreuil (bien que Gage doute qu’elle se prononce ainsi pour protéger ses biens)274. Comment réagir face aux allégations que Beaujeu ait reçu des ordres secrets? Amherst lui-même refuse de croire sa famille :

I can’t possibly think Monsieur de Vaudreuil could be guilty of what Monsieur de Beaujeu’s Family give out to Justify his unwarrantable Proceedings, for Monsieur de Vaudreuils Letter to him was very Explicit, Imagine, I shewed this Letter to You, but I now Enclose You a Copy of it, that You may make the Family Sensible of their Mistake.275

Clairement, Amherst ne sait toujours pas que Beaujeu n’a jamais reçu les ordres de capitulation de son gouverneur. Le 12 octobre 1761, le lieutenant Lesley informe ses supérieurs que les autres habitants de Michilimackinac sont d’avis que Beaujeu est parti sans jamais avoir reçu d’ordre de la part de Vaudreuil276. Cette nouvelle est ambiguë : parlent-ils d’un ordre de quitter le fort, ou de capituler? Mystère. Néanmoins, il se peut pour autant qu’il ait reçu des ordres secrets : cette pratique existe bel et bien, comme dans le cas de ceux laissés à Lévis, à lire seulement dans l’éventualité de la mort de Montcalm277. Beaujeu pourrait tout aussi bien avoir reçu des instructions à suivre après avoir appris la perte du Canada. Alors, si Beaujeu avait bel et bien des ordres secrets de Vaudreuil, comment se fait-il qu’il n’y ait aucune indication que d’autres officiers, comme Belestre, aient reçu les mêmes instructions? Nous avons deux hypothèses : soit que Belestre apprend d’avance qu’il doit capituler, contrairement à son confrère d’armes, ou alors que les témoignages du jésuite et de la famille Beaujeu soient simplement deux fabulations qui coïncident.

Supposant pour un instant que Beaujeu n’ait jamais reçu d’ordre de rejoindre les Illinois, qu’est-ce qui explique son départ? Agit-il selon un coup de tête, voulant sauvegarder les honneurs de la guerre et désirant continuer de servir son roi? Agit-il de

274 « This Gentleman’s Family is here who pretend to Justify his Proceeding, from the orders he received from the Marquis de Vaudreuil. Tho at the same time a good deal terrifyed, least his Effects should be confiscated. […] [He has] no Estate here as I can learn, except a House at Quebec. » PRO, War Office 34,

Vol. 5, F°146-147. Thomas Gage à Amherst. À Montréal, le 7 juin 1761.

275 PRO, War Office 34, Vol. 7, F°41-41v. Copie Jeffrey Amherst à Thomas Gage. À Albany, le 16 juin 1761. 276 « I had a Letter from Lieut. Lesley dated at Michlimacknac the 12th of Oct.r (Wherein he acquaints me,

That the Fort was found in good order But that nothing was left belonging to the King, except two Small Brass Cannon & one Mortar. The Inhabitants there are of Opinion that Monsieur Beaujeu abandoned his post without any orders from the Governour of Canada. » PRO, War Office 34, Vol. 49, F°62-63v. Donald

Campbell à Amherst. À Détroit, le 8 novembre 1761.

277 W.J. ECCLES, « Lévis, François (François-Gaston) de, duc de Lévis », dans Dictionnaire biographique du Canada, Volume IV de 1771 à 1800, Québec, Presses de l’Université Laval, 1980, p. 516.

71 peur de devenir un prisonnier des Britanniques? Ou bien est-il plutôt inspiré par quelqu’un d’autre? Un des biographes de l’Abbé Picquet, André Chagny, mentionne que le sulpicien est passé par Michilimackinac pour effectuer sa retraite278. Selon lui, c’est le missionnaire qui avertit Beaujeu de la perte de Montréal. Nous savons qu’effectivement sa présence est attestée au fort279. Toutefois il est difficile à dire si elle coïncide avec le départ de Beaujeu et si l’abbé le suit. Chagny ne mentionne aucune source qui élabore les détails du déplacement de l’Abbé Picquet jusqu’à La Nouvelle-Orléans.

Bref, nous ne pouvons pas savoir avec certitude ce qui a motivé Beaujeu à quitter son poste. Toutefois, nous croyons qu’il est permis d’affirmer qu’il quitte le fort pour une raison liée d’une manière ou d’une autre au plan original de l’état-major de se replier aux Illinois, qu’il s’agisse d’instructions formelles ou secrètes reçues à cet effet ou bien sous l’influence de l’Abbé Picquet qui entreprend sa propre retraite inspirée du plan avorté.

Beaujeu abandonne Michilimackinac vers la fin d’octobre. Le fort, à cette période, est formé d’une trentaine de maisons « d’apparence propre et relativement confortables » entourée d’une palissade en pieux de bois280. De peur de voir les Britanniques prendre son fort, Beaujeu veut l’incendier. Il se voit contraint de changer d’avis suite aux protestations de la part des habitants qui refusent de le suivre281. Il quitte donc le fort en emportant tout ce qui appartient au Roi, ne laissant derrière que deux petits canons en laiton et un mortier282. Alexander Henry, un des premiers marchands britanniques qui arriveront sur les lieux après la capitulation de Montréal, décrit ces derniers comme étant « deux petits

278 CHAGNY, François Picquet, pp. 587-588.

279 Copy of a Letter from the Reverend Father Dujaunay, a Jesuit, to Father St. Pé, at Montreal — Dated at St.

Ignace, 7th. May 1761, cité dans JOHNSON, The Papers of…, Volume 3, pp. 412-414. 280 HENRY, L’Attaque de 1763…, pp. 52-53.

281 « [...]You are not ignorant, I imagine, that M.r Beaujeu the french Commandant of Michillimackinac, left