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100 « Mr. L’abbé piquet missionnaire du Canada, est arrivé icy il y a près de 6 Semaines par les illinois, dans

le Dessein de profiter de la Voye D’Espagne pour repasser en Europe, mais comme il Se pourroit bien faire qu’il Seroit plusieurs mois a la havanne dans l’attente de quelque occasion pour Europe, il prend le party d’attendre icy le denouement d’une occasion plus heureuse et plus favorable. » ANOM, Colonies, C13A 42,

F°81-82v. Kerlerec au ministre. À La Nouvelle-Orléans, le 21 décembre 1760.

101 Né le 24 décembre 1704, il entre chez les Jésuites en 1725. Il est présent à la mission et au poste de Saint-

Joseph. Il se retrouve par après à Sainte-Geneviève jusqu’en 1763, date de l’expulsion des Jésuites. A. E. JONES, « Jean-Baptiste de la Morinie » dans Pierre-Georges ROY,dir. Bulletin des recherches historiques,

Volume 20, Lévis, Pierre-Georges Roy, 1914. pp. 14-17.

102 Copy of a Letter from the Reverend Father Dujaunay, a Jesuit, to Father St. Pé, at Montreal — Dated at St.

Ignace, 7th. May 1761, cité dans William JOHNSON, The Papers of Sir William Johnson. Volume 3, Albany, University of New York, 1921, pp. 412-414.

33 Curieusement, bien que Versailles ait refusé de financer une retraite militaire, un autre projet plane dans les airs. Ce plan, rédigé par un illustre inconnu et dont on ne connaîtra jamais l’approbation ou non, porte sur la migration massive des Canadiens vers la Louisiane advenant la perte du Canada. L’auteur argumente qu’il vaut mieux garder la Louisiane, à la température plus clémente, et d’y transposer les Canadiens pour l’occuper. Le Canada, « qui ne produit qu'a peine La Subsistance de Ses Habitants et occasionne de grandes dépenses à La France », peut être laissé aux Britanniques. Naïvement, il prétend également que les Canadiens accepteront d’abandonner leurs terres pour la simple raison qu’on leur offrira l’abondance, « Le triple à la Louisiane » que ce qui est produit dans la vallée du Saint-Laurent. Bref, « La perte du Canada en Luy mesme n'est rien pour la france mais Celle de Ses habitants est inestimable » 104.

Selon la proposition, cette migration se déroulerait sur trois ans et serait divisée en quatre étapes. Des « dépots de subsistance » seraient préparés et disposés le long du parcours. Le tout débuterait avec l’évacuation des habitants de la rive droite du Saint- Laurent. De Montréal, le point de rencontre commun, la population se dirigerait vers les lacs Ontario et Érié pour s’établir entre le « fort aux Bœufs » — c’est-à-dire fort LeBœuf (situé à Waterford, en Pennsylvanie) — et le fort Duquesne (aujourd’hui Pittsburgh, également en Pennsylvanie). Cette première vague de migrants devrait s’installer le long des rivières Chiningué (aujourd’hui Shenango) et Ohio. L’année suivante, la population de la côte sud devrait s’installer entre la rivière Ohio et la rivière Ouabache (aujourd’hui Wabash), tout en construisant et fortifiant une ville au confluent de ces deux voies d’eau. Au cours de la troisième année qui combine la troisième et quatrième étape, la dernière partie de la population descendrait l’Ohio jusqu’à son embouchure sur le Mississippi pour y construire une ville. Cette étape serait réservée à ceux et celles qui ne pourront pas se déplacer aussi rapidement par fatigue : « ils ne soufriront point, Le climat y etant extremement temperé et etant a portee de recevoir toute sorte de Secours des illinois par Le fleuve105 ». La dernière étape serait réservée aux religieux et aux gens qui n’auront pas voulu suivre les trois premières vagues migratoires. Elle serait entreprise par la mer en direction de La Nouvelle-Orléans.

104 « Mémoire sur le Canada », Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 8, No. 1 (1954), pp. 120-123. 105 Ibid., pp. 120-123.

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Rappelons que sur le plan idéologique, la proposition de l’auteur n’est ni plus ni moins celle d’une déportation massive qui rappelle celle subie par les Acadiens à peine quelques années plus tôt (d’ailleurs, nous osons imaginer que l’auteur s’en est peut-être même inspiré). Une telle proposition serait, évidemment, mal vue par la population canadienne… L’auteur prévoit d’ailleurs ce sentiment et concède qu’il faudrait encourager la population à accepter une action aussi radicale. Pour ce faire, il prévoit utiliser l’influence de l’élite canadienne :

J’adjouteray encor que Si L’on se détermine à la transmigration il faut en faire part à Mr de Vaudreuil général du Canada L’engager a determiner Les principaux habitants et Concerter avec eux Les moyens Les plus Convenables, Leur faire Connoistre que L’etat de La marine ne permettant pas de Les Secourir on Leur faciliteroit tous Les moyens de S’établir dans un pays plus riche et plus agréable. Ce général a Commandé plusieurs années a La Louisiane il est adoré des Canadiens, et des Sauvages il Leur fera faire L’impossible et je ne doute pas qu’apres les avoir determiné Les plus grandes Difficultés ne Sapplanissent au reste il y aura un plan a faire beaucoup plus détaillé sur Ces objets106.

Est-ce que Beaujeu a été contacté à ce sujet? Est-ce que cela explique sa motivation militaire qui le mènera à chercher à fortifier l’entrée de la Louisiane par la voie du pays des Illinois? Mystère. Bien que ces détails ne nous offrent aucune réponse concrète sur les desseins de Beaujeu, elles nous révèlent au moins que l’idée d’utiliser la Louisiane comme refuge n’est pas originale. Loin de là.