• Aucun résultat trouvé

L’hétérogénéité des élites politico-administratives du secteur sanitaire et social.

2. Les sommets de l’Etat du secteur sanitaire et social : une élite politico-administrative introuvable ?

2.3. L’hétérogénéité des élites politico-administratives du secteur sanitaire et social.

A première vue, la sociologie des élites politico-administratives du secteur sanitaire et social de la période 1981-1997 tend à confirmer l’hypothèse dominante, depuis l’instauration du régime de la V° République, de l’affirmation du pouvoir des hauts fonctionnaires au sein des sommets de l’Etat. De là à valider la thèse de Wright Mills, selon

128 Dans son étude classique des rapports entre les hauts fonctionnaires et la politique, le politologue Ezra

Suleiman avait mis en évidence ce constat : “ Si l’on peut admettre que l’obligation de choisir un fonctionnaire d’un corps particulier pour des fonctions techniques a des justifications techniques, auxquelles s’ajoute une part de tradition, dans d’autre cas, il arrive de voir une direction monopolisée par un corps au nom de la seule tradition. Et, pour créer une tradition, il peut suffire que le premier directeur nommé à ce poste, au moment de sa création, ait été membre de ce corps. Tel est, par exemple, le cas de la direction de la Sécurité sociale au ministère de la Santé publique et de la Sécurité sociale, que le Conseil d’Etat considère comme devant lui revenir, parce que Pierre Laroque, qui fut le premier directeur de la Sécurité Sociale (et le créateur du système de Sécurité sociale en France), était membre du Conseil d’Etat ”, cf., E. N. Suleiman, Les hauts fonctionnaires et la politique, Paris, Le Seuil, 1976, p. 50.

129 Notons que cette caractéristique ne fait que confirmer l’hypothèse de la transformation du pouvoir médical,

laquelle on vivrait le règne de “ l’élite du pouvoir ” se caractérisant par une forte autonomisation d’un personnel politico-administratif tant à l’égard de la société, et en particulier vis à vis du monde des affaires, il y a un pas que l’on ne saurait franchir. Les résultats de notre analyse socio-graphique soulignent au contraire que, dans son ensemble, notre population d’élites se caractérise par une forte hétérogénéité. En effet, du fait des contraintes inhérentes au choix d’un début de carrière ou du simple passage dans un secteur de l’activité étatique symboliquement peu porteur, la mobilité extra sectorielle de ces élites est une donnée constante. De plus, les connexions avec le privé tendent à se développer notamment à travers le nouveau rôle des compagnies d’assurances. Ainsi, le taux global de renouvellement des élites politico-administratives de ce secteur est assez fort. L’idée reçue selon laquelle ce secteur de l’activité étatique serait établi sur des prédispositions structurantes telles que la socialisation au sein d’un milieu social particulier ou encore les effets d’un “ esprit d’école ” mérite d’être critiquée. Autrement dit, on doute fort de l’existence d’une sous catégorie de la noblesse d’Etat à la Bourdieu susceptible d’imposer un système de représentation et d’action entièrement légitimé par le haut, depuis la place occupée et selon la trajectoire poursuivie, par le pouvoir d’Etat. Notre sociologie diachronique des élites montre que bien au contraire le “ jeu de chaise musicale ” autour des positions institutionnelles dominantes du secteur relève d’une autre matrice telle que celle du changement politique dans un régime pluraliste, mais aussi à travers la capacité qu’ont certaines élites à se construire une légitimité par la spécialisation dans la logique d’action sectorielle. Plus que des déterminismes sociaux tels que les titres scolaires ou encore la densité des réseaux sociaux et politiques de ces élites, ce qui semble important pour affirmer sa légitimité dans ce secteur de l’activité étatique c’est la capacité à s’impliquer et à manifester un savoir susceptible de jouer dans les processus décisionnels.

2.3.1. Faibles prédispositions et “ choix ” indéterminé du secteur.

Dans le cadre des entretiens réalisés avec un certain nombre d’acteurs ayant fait carrière dans le secteur, nous avons abordé la question des prédispositions, c’est à dire de la socialisation primaire130, qui serait susceptible d’orienter le choix de façon consciente ou inconsciente vers le secteur des affaires sanitaires et sociales. Autrement dit, il s’agissait de voir s’il existe des éléments provenant d’un lointain passé susceptible d’établir les futures vocations, au sens wébérien de Beruf, qui se réaliserait pleinement à travers une carrière dans le secteur. Ces élites soulignent parfois de lointaines prédispositions telles que des affinités familiales plus ou moins fortes avec la santé ou encore la protection sociale. Par exemple, un ancien membre du cabinet du secrétaire d’Etat des affaires sociales déclare : “ (mon père)... a eu une carrière assez mouvementée, il a été cadre supérieur, il a dirigé des entreprises de tourisme, c’est lui qui a monté toute l’action sociale au ministère de la défense, il était administrateur de l’action sociale au ministère des armées ”131

. Dans un même sens, un autre conseiller social rappelle : “ d’une certaine manière, je suis tombé tout petit dans le secteur social, dans la mesure où mes parents étaient très actifs dans ce secteur et au fond, par la suite, j’ai toujours été amené à côtoyer ce secteur par le biais associatif et caritatif ”132. Un autre haut fonctionnaire n’hésite pas à mettre en avant que dans sa : “... famille proche, il y a des médecins, en particuliers mes parents qui le sont tous les deux et ainsi que ma sœur. J’entendais beaucoup parler de médecine et en cela j’avais une assez bonne culture sur la manière dont ça se passait et en cela j’étais prédisposé à m’intéresser à cela ”133. Cependant, la plupart des autres acteurs interviewés soulignent le hasard et la logique du classement de sortie de l’école nationale d’administration. Un ancien conseiller technique issu de la haute fonction publique reconnaît : “ J’étais très mal classé à la sortie de l’ENA. C’est donc un choix relatif... Je pense qu’à l’époque, j’aurais eu le choix du ministère, j’aurais pris l’agriculture... Enfin c’est mon rang de classement qui a fait que j’avais le choix entre les Affaires sociales, l’Éducation nationale, la Défense et donc j’ai

130 Pour une présentation des différentes façon d’approcher la question de la socialisation se référer à A.

Percheron, La socialisation politique, Paris, A. Colin, 1993.

131 Entretien conseiller technique.

132 Entretien conseiller auprès du Premier ministre. 133 Entretien directeur de la CNAMTS.

choisi le ministère des Affaires Sociales plus pour des raisons contingentes que par vocation cheville au corps. Par la suite, c’est à peu près le même genre de hasard. Pour être clair, ce n’était ni une vocation datant de ma petite enfance, ni une prescience extraordinaire de ce que le secteur social, la sécurité sociale seraient le grand sujet de demain ”134. Ainsi, plutôt que de parler de prédispositions, on peut noter qu’il existe chez certaines de ces élites une sensibilité, plus ou moins forte aux affaires sociales, héritée d’un processus de socialisation particulier à chaque individu. De plus, contrairement à certaines idées reçues, si le diplôme initial, en règle générale celui de l’ENA, permet d’entrer par le haut dans la fonction publique, la “ tyrannie du classement ” entraîne un choix où bien souvent s’oppose une éventuelle affinité avec le secteur social avec une quête de reconnaissance symbolique et matérielle135. S’il est clair que l’option pour une carrière dans le service public semble fortement partagée par ces élites l’investissement dans le secteur social est plus aléatoire.

Aujourd’hui encore, les choix d’affectation de la promotion de l’ENA “ Cyrano de Bergerac ” (1997-1999) ne font que confirmer cette hypothèse136. En effet, si la Cour des comptes s’empare pour la première fois de la deuxième position, derrière le Conseil d’Etat mais devant l’inspection des Finances, les affaires sociales arrivent en avant dernière position. Ce n’est donc que ex post que la logique de corps peut avoir un effet sur la formation ou plutôt lors du choix d’une professionnalisation sectorielle (au sens anglais du terme). Ainsi parmi les jeunes énarques qui choisissent aujourd’hui la Cour très peu savent déjà qu’ils vont pouvoir se spécialiser dans les affaires sociales par ce biais là.

2.3.2. “ L’énarchie ” face à la logique sectorielle : l’introuvable effet de promotion. Il s’agit ici de “ mesurer ” l'effet de promotions à partir de deux types de sources : d’une

134 Entretien conseiller technique.

135 Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui ont intégré l’ENA par la voie interne. La trajectoire

d’un sous directeur d’administration centrale est particulièrement éclairante. Il commence tout d’abord “ par goût et par idéalisme ” dans le social (inspecteur élève de l’action sanitaire et sociale) “ comme étant un peu le nec le plus ultra de ce qu’était le service public ”. Très vite il s’aperçoit que les affaires sociales “ au niveau départemental (DDASS), c’est un statut peu valorisant car on se compare très vite aux collègues des DDE et DDA qui sont mieux logés, mieux dotés de moyens etc.. ”. Il remarque alors que “ l’idée n’était quand même pas de rentrer dans les ordres : je n’avais pas fait vœu de pauvreté et de modestie de statut social ”. Par la suite, il intègre l’ENA ou son rang de classement (75 sur 110) réduit ses possibilités en matière de choix: “ à partir du moment où je suis classé comme je le suis, je choisis les affaires sociales sans peine parce que cela reste un secteur d’activité qui m’intéresse bien qu’à ce moment là j’avais quand même perdu un peu mon idéalisme ”. Entretien sous directeur DSS.

part des données statistiques pour identifier les promotions orientées plus fortement vers le social137 et d’autre part sur les relations générationnelles dont peuvent se revendiquer dans les entretiens les anciens élèves de l’ENA. Sur le premier point, on peut noter en guise de préalable que le nombre de diplômés par promotion de sortie de l’ENA connaît une augmentation sensible à partir 1974, avec la promotion “ Guernica ” jusqu’à la promotion “ Louise Michel ” (1982-84). Ces différentes promotions fournissent entre 4 et 10 élèves qui effectuent ou effectueront un passage dans le secteur de la santé et des affaires sociales (cf. tableau n°6). Ce tournant correspond certainement à la transformation de ce secteur de l’activité étatique qui, comme nous l’avons mentionné précédemment, devient de plus en plus important. Cependant de façon générale, l’effet de promotion est statistiquement faible sur notre échantillon pour ce qui concerne les générations d’avant ou du début des années 1970, mais aussi pour celle d’après 1986. Par ailleurs, en se fondant sur nos interprétations statistiques, on peut constater que dix des membres de la promotion “ Voltaire ” ont effectué un passage dans le secteur. Les entretiens permettent d’ajuster ces interprétations et de relativiser l’effet promotion. Ainsi, une ancienne élève de la promotion “ Voltaire ” rappelle de certains de ces camarades : “ à commencer par François Hollande, Jean-Pierre Jouay, Frédérique Bredin, Michel Sapin, Ségolène Royal... C’était une promotion rigolote ... ”, mais elle précise que pour ceux qui se sont retrouvés dans le secteur au moment de son passage à la direction des Hôpitaux : “ j’ai un de mes sous-directeurs qui est de ma promo, il y en a un autre qui a été longtemps à la DSS, mais bon je ne peux pas dire que ce soit une promotion qui se soit distinguée sur le secteur sanitaire et social, pas vraiment ”138. Il en va de même pour les énarques sortis de la promotion Charles De Gaulle (1970-72) bien connu pour son attitude collective qui s’est traduite par le refus de choisir les grands corps139

.

137 Il est nécessaire de signaler que les statistiques mobilisées dans le tableau n°6 sont calculées à partir des

données du Bérard Quelin. Elle indique le nom de la promotion de sortie de l’ENA et un passage dans le secteur étudié. Ce passage peut être bref et n’intervient pas forcement à la sortie de l’école.

138 Entretien directeur des Hôpitaux. 139 Entretien directeur de l’IGAS.

Promotions ENA nb cit. % Voltaire (78-80) 10 10% Guernica (74-76) 7 7% D’Aguesseau (80-82) 7 7% Droits de l’homme(79-81) 7 7% Stendhal (63-65) 6 6% M. De l’Hospital (77-79) 5 5% Charles de Gaulle (70-72) 5 5% Solidarité (81-83) 5 5% Louise Michel (82-84) 4 4% Simone Weil (72-74) 3 3% François Rabelais (71-73) 3 3% Diderot (84-86) 3 3% Thomas More (69-71) 2 2% P. Mendès France (76-78) 2 2% André Malraux (75-77) 2 2% Jean Monnet (88-90) 2 2% Marcel Proust (65-67) 2 2% Robespierre (68-70) 2 2% Saint-Just (61-63) 2 2% Montaigne (86-88) 2 2%

Promo. Ment. une fois 14 15%

Total 95 100%

Tableau n°6 : Les promotions de l’ENA des élites politico-administratives du secteur

Mais de l’aveu même d’un des anciens élèves de “ cette promotion où figurent notamment Alain Juppé, Christian Pierret, Dominique Perben, les Préfets ou anciens Préfets Christian Frémont, Paul Mingasson, Joel Lebeschu, Jean Michel Bérard, Jean Pierre Lacroix, Thierry Klinger, Denis Prieur, Joël Gadbin, Bernard Coquet, Pierre Mirabeau, le chef de l’IGAS, Christian Rollet, Jérome Clément (ARTE), Bernard Faivre d’Arcier (festival d’Avignon)... ” connaissait d’autre logique de solidarité préalable à la scolarité à l’ENA : “ autour du groupe dit des artilleurs composé des dix de ladite promotion qui s’étaient connus à l’école d’Artillerie et qui se retrouvent tous les ans le Premier Mai depuis 25 ans ”140. A s’en tenir à de tel propos “ l’effet de promotion ” n’a pas forcément un impact direct sur le développement de carrière dans le secteur. Par contre, il se peut qu’au “ coup par coup ” et de façon individuelle un haut fonctionnaire soit à un moment donné de sa trajectoire “ recommandé ” par une de ses relations de promotion pour l’octroi d’un poste. Mais la plupart du temps, ces “ choix politiques ” sont guidés par le croisement de deux logiques “ de compétence et de confiance ” qui se chevauchent (au sens anglais de overlap)

sans jamais s’exclure141

. Lors des entretiens, ces acteurs présentent la haute fonction publique comme “ un petit monde ” où l’on se connaît et où on se fait reconnaître, car l’un de vos prédécesseurs propose votre nom lors de l’octroi d’un poste142. Ici, l’hypothèse forte

que sous-tendent certains travaux ethnologiques voyant dans le passage par la promotion le moment, voire même le rite, qui donne “ naissance à l’esprit de corps ”143, mérite d’être

relativisé par notre étude des trajectoires sectorielles de ces élites politico-administratives. Certes, le rôle de l’effet de promotion comme élément permettant d’accéder aux réseaux qui facilitent l’intégration des sommets de l’Etat mériterait d’être posé144, mais en l’état de

notre connaissance du terrain, on ne peut y accorder qu’une importance relative et souligner par là même l’hétérogénéité des ces élites. Par contre, l’analyse de l’implication des élites politiques administratives tant dans les “ clubs politiques ” que dans les forums où se discute le devenir des politiques sectorielles montre qu’il existe des lieux de socialisation extérieur au secteur qui même s’ils ne jouent pas forcément le rôle que la science politique veut bien leur attribuer, demeurent encore aujourd’hui des lieux d’échanges d’idées et de développement d’interconnaissances qui ne sont pas sans effets sur le secteur.

140 Entretien chef de cabinet du ministre de la Solidarité Nationale.

141 Pour certains historiens, le favoritisme et l’extension du tour extérieur ne datent pas des années récentes,

car déjà au début du siècle l’accession à l’emploi public et le développement de carrière dépendait de recommandations à caractère politique. On pourrait toutefois remarquer qu’aujourd’hui le critère de la compétence joue plus fortement, cf., J. P. Machelon, La République contre les libertés, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1976.

142 Un haut fonctionnaire nous rappelle comment il a accédé au poste de directeur des Hôpitaux : “ ...Donc lui,

il a dû partir fin avril et moi je suis arrivé le 15 juillet en ayant été contacté fin juin. Mais visiblement le cabinet du ministre a cherché dans le secteur et puis quand il y a des postes comme ça vacants, il y a des gens qui font acte de candidature ... Dans ce cas là vous prenez les annuaires de la l’ENA, les annuaires de je ne sais pas quoi, vous regardez et vous vous dites : tiens c’est dommage ; pourquoi est-ce qu’on ne le contacterait pas. Ça, c’est le côté chasseur de tête pour trouver des responsables pour des postes comme ça. Alors on ne fait pas appel à un cabinet de recrutement, on fait appel aux instruments traditionnels de

l’administration. Vous savez, c’est un petit monde l’administration... Oui bien sûr, c’est quelqu’un que je

connaissais. Comment on fait quand on cherche quelqu’un ? On commence par passer des coups de téléphone aux copains en disant : dis donc tu ne connaîtrais pas quelqu’un qui aurait ce profil là, encore une fois c’est de l’artisanat de chasseur de tête ”. Entretien directeur des Hôpitaux.

143 I. Bélier, L’ENA comme si vous y étiez, Paris, Seuil, 1993.

144 Un journaliste du Monde consacré récemment une pleine page à cette question : “ ENA, le cérémonial du

baptême ”. Ces conclusions rappellent l’ambiguïté de la question : “ Or plus le temps passe, plus les mémoires sont défaillantes. Si certains anciens élèves se sont passionnés pour le choix des noms ... d’autres y ont été assez indifférents en considérant cela comme une affaire de potaches... Il serait temps néanmoins, d’écrire l’histoire de ces promotions, qui a l’intérêt de refléter l’Histoire avec un grand H ”, cf., Le Monde 23/01/1998, p. 14.

2.3.3. La diversité de la socialisation “ externe ” : des “ clubs politiques ” aux pratiques informelles.

Un certain nombre de travaux sur les élites ont avancé l’hypothèse selon laquelle le passage par un “ club politique ”, notamment dans la période précédent un changement de régime145 ou encore suite à une alternance politique après de longues années de marginalisation par rapport aux sommets de l’Etat146, facilite l’intégration dans la structure

du pouvoir de nouveaux hauts fonctionnaires. Passé cette période de “ grande transformation ”, il semble que les hauts fonctionnaires se socialisent en externe en développant des pratiques particulières comme la constitution “ d’amicales ”, d’associations ou encore la participation à certains cercles d’intellectuels. Dans cette perspective, il s’agit de s’impliquer dans ces lieux informels qui permettent aux élites de rester en contact avec le secteur.

Sur le premier point, l’analyse des entretiens nous invite à distinguer les différentes alternances politiques. En effet, pour les hauts fonctionnaires socialistes et les membres de cabinets intégrant les sommets de l’Etat entre 1981 et 1986, la référence à différents clubs politiques ou à des cercles de réflexion semble structurante. Ainsi, un ancien directeur de la Sécurité sociale déclare : “ Avant 1981, j’ai participé aux groupes de travail des experts du PS sur les questions de la santé publique, de la sécurité sociale et des hôpitaux. Au sein de ces groupes, j’ai côtoyé entre autres des acteurs tels que Jean Michel Belorgey, Jean Louis Bianco, Jean de Kervasdoué, Gérard Moreau. Dans le cadre de ces réseaux ma génération se préparait à l’alternance politique et on fonctionnait déjà comme un gouvernement d’alternance... Mon implication dans le groupe d’expert socialiste m’a permis d’approfondir mon savoir-faire sur la question sociale. Je dois préciser qu’au sein de ces groupes de travail la dimension idéologique de l’action sociale, notamment la référence au modèle social-démocrate n’était pas essentielle pour moi. Mon approche du devenir des politiques dans le secteur était très technique. Notre groupe d’expert produisait de l’argumentation

145 On renvoie ici aux travaux de Delphine Dulong sur “ le club Jean Moulin ” dans le processus de

socialisation des Hauts fonctionnaires au mode d’action étatique qui va caractériser la genèse de la nouvelle République, cf., D. Dulong, Moderniser la politique. Aux origines de la V° République, Paris, L’Harmattan, 1997.

146 Se référer ici aux articles de B. Gaïti, “ Politique d’abord : le chemin de la réussite ministérielle dans la

France contemporaine ” et F. Dreyfus, “ Les cabinets ministériels : du politique à la gestion administrative ”, in P. Birnbaum (dir.), Les élites socialistes au pouvoir. 1981-1985, op. cit.

pour les acteurs politiques et de fait participait indirectement à la genèse du programme