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2. Traduction et culture

2.4. L’ethnocentrisme en traduction

Comme nous l’avons vu plus haut, l’un des reproches formulés à l’encontre de la tradition cibliste est de produire des traductions considérées comme ethnocentriques. La critique de l’ethnocentrisme en traduction est relativement récente et doit beaucoup aux recherches de Jean-Louis Cordonnier et particulièrement son ouvrage intitulé « Traduction et culture » (Cordonnier 1995). Dans ce travail, l’auteur effectue une analyse historique de la perception de l’altérité en Europe et examine de manière détaillée à quel point elle a contribué à construire la culture européenne. Il souligne en particulier l’impact majeur de la traduction dans ce processus, qui a notamment permis de donner accès aux textes de la Grèce antique et de la science arabe. Mais pour Jean-Louis Cordonnier, la découverte du Nouveau monde a joué un rôle encore plus considérable en mettant l’Europe face à une altérité radicale, dont personne ne soupçonnait l’existence. L’apparition de cet « Autre » (les civilisations américaines préhispaniques) a ainsi bouleversé les représentations du monde qui prévalaient à l’époque.

Jean-Louis Cordonnier décrit ensuite les modes de traduire européen, qui ont été largement influencés par la découverte américaine (1995 :11) et qui se fondaient sur une perception ethnocentrique du monde. Les spécificités culturelles des textes sont gommées au profit d’une interprétation qui met en avant la culture cible. Jean-Louis Cordonnier nomme ce phénomène la traduction-annexion et estime que cette pratique s’est développée lors de la constitution des

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Nations européens et des langues-cultures nationales. Il appelle alors à rejeter cette pratique ethnocentrique et introduit le concept d’ouvertude8.

Cet ethnocentrisme s’est toutefois révélé avoir des effets positifs, en contribuant à la constitution des différentes cultures européennes (Cordonnier 2002 :41).

Cependant, la tâche assignée à la traduction a évolué :

« Aujourd’hui, même si la traduction continue à assumer son rôle millénaire d’emprunt aux autres cultures, sa tâche ne consiste plus à ériger une culture nationale par l’exclusion de l’Autre, dans une « annexion », mais d’ouvrir le Même à l’Autre par l’accueil de l’Autre (en encourageant la traduction de l’Autre vers nous et inversement) avec la certitude que ce « décentrement » est source d’enrichissement » (Cordonnier 1995 :18).

Jean-Louis Cordonnier introduit alors le concept de traduction-dévoilement9, qui fonctionnerait tant sur le plan littéraire et culturel que sur le plan linguistique, ethnologique ou politique, contribuant ainsi à l’enrichissement des deux cultures en présence (1995 :13).

Antoine Berman (1984), qui a également critiqué l’ethnocentrisme en traduction, a mis en évidence les différences entre traduction décentrée et traduction ethnocentrique :

« Dans le premier cas, le traducteur oblige le lecteur à sortir de lui-même, à faire un effort de décentrement pour percevoir l’auteur étranger dans son être d’étranger ; dans le second cas, il oblige l’auteur à se dépouiller de son étrangeté pour devenir familier au lecteur » (Berman 1984 :235).

Dès lors, Jean-Louis Cordonnier plaide pour une importance accrue de la critique en traduction, car celle-ci peut contribuer à mettre en évidence cette annexion de l’Autre et permettre de rompre avec l’ethnocentrisme contemporain (2002 : 45-46).

2.5. La culture en traductologie : une approche pluridisciplinaire

8 Le traducteur qui adopte cette attitude s’efforce de sortir de l’ethnocentrisme hérité du passé et s’engage à apporter à sa culture des éléments nouveaux qui permettront d’améliorer les relations interculturelles (Cordonnier 2002 :47).

9 Ce type de retraduction doit mettre en avant la différence culturelle et remplacer les traductions ethnocentriques du passé qui ne sont plus acceptables aujourd’hui (Cordonnier 2002 :47).

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Étant donnée la complexité du phénomène culturel, de nombreux chercheurs ont plaidé pour une approche multidisciplinaire de la notion de culture en traduction.

Jean Delisle (2014) a par exemple souligné l’intérêt d’une approche sociologique de la question (2014 :40). Il décrit dans sa recherche les différentes fonctions de la traduction et met en évidence « la place et l’importance qu’elles occupent au sein d’une société et entre les sociétés ». Constatant l’apport fécond de la sociologie de Pierre Bourdieu en traductologie, il introduit alors le concept de sociotraduction, qui doit permettre aux traducteurs de délaisser une approche purement linguistique au profit d’une analyse qui englobe également les enjeux sociétaux de la traduction(2014 :55).

Ainsi, dans sa description des fonctions de la traduction ayant une dimension culturelle (telles que la traduction comme source d’inspiration, la traduction façonneuse de culture, la traduction transgressive, …), il cherche à mettre en évidence à quel point la traduction opère comme un stimulant sur les cultures et les civilisations.

Dans un autre domaine, Jean-René Ladmiral et Marc Edmond Lipiansky mettent en avant la contribution de la psychologie et de la psychosociologie dans la communication interculturelle (Ladmiral et Lipiansky 2015 :43). Dans leur recherche portant sur les interactions de deux groupes d’étudiants bilingues dans le cadre d’un projet de traduction, ils cherchent à comprendre quels effets les différences culturelles et psychologiques ont sur la communication interculturelle.

L’approche multidisciplinaire de la notion de culture en traduction ne se réduit bien évidemment pas à ces auteurs et il existe de nombreuses contributions sur le sujet provenant d’autres disciplines (anthropologie, histoire, etc.) qui auraient pu être présentées ici.

2.6. L’implicite culturel en traduction

Comme le souligne Paul Bensimon, « La transposition de l’implicite culturel, qui entretient un rapport étroit avec la réception et la lisibilité de l’œuvre traduite, constitue l’un des principaux enjeux de la traduction de la culture » (Bensimon 1998 :11). Il met ici en évidence la complexité de la tâche du traducteur, qui doit en effet non seulement permettre au lecteur d’accéder à l’implicite culturel d’un texte traduit, mais également préserver un certain confort de lecture pour le public cible. Le traducteur doit ainsi avoir une connaissance exhaustive de la culture source comme de la culture cible. Jean-Louis Cordonnier insiste lui aussi sur l’importance des connaissances culturelles du traducteur :

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« […] le degré de méconnaissance de la culture étrangère est directement proportionnel au degré de résistance de la traduction. Plus cette méconnaissance est grande et plus cette résistance l’est aussi. On peut dire également que plus l’implicite culturel étranger est méconnu de la part du destinataire de la traduction, plus les possibilités de solutions de la traduction sont réduites pour le traducteur. En fait, les résistances à la traduction révèlent l’état des interactions culturelles » (Cordonnier 1995 :56).

Il est ainsi essentiel pour le traducteur de posséder une connaissance approfondie de la culture source, en particulier lorsqu’il se retrouve face à l’implicite culturel présent dans les allusions et les connotations. À cet égard, on peut souligner l’apport important de Corinne Wecksteen sur la traduction des référents culturels (Wecksteen 2005). Elle analyse en effet dans ce travail les différentes traductions du roman Maybe The Moon d’Armistead Maupin et expose les difficultés rencontrées par le traducteur pour repérer certaines allusions, car elles renvoient à une réalité culturelle étrangère implicite.

Il en va de même pour les connotations, qui véhiculent de la « valeur ajoutée » (2005 :112). Certaines connotations ne sont parfois explicites que pour un groupe limité de personnes et même un lecteur provenant de la culture originale peut avoir du mal à les interpréter. Devant ces difficultés, Corinne Wecksteen estime alors que le traducteur doit faire un choix :

« La tâche du traducteur serait donc de déterminer quel est le trait le plus pertinent dans le texte original (même s’il s’agit d’un trait sous-jacent), afin de le faire apparaître de façon visible dans le texte-cible, si la langue-culture d’arrivée n’a pas forcément intégré sémantiquement la variable sous-jacente contenue dans le texte-source » (2005 :117).

Une connaissance encyclopédique de la culture source et de la culture cible est donc indispensable au traducteur, qui se tient à la lisière entre deux langues-cultures, pour rendre accessible l’implicite et le non-dit.

Corinne Wecksteen note ainsi que « […] la traduction des référents culturels révèle, de manière exacerbée, toutes les difficultés auxquelles le traducteur est confronté » (2005 :122).

L’implicite peut également se retrouver dans la valeur accordée à un terme par une culture donnée. Dans son travail sur l’importance des valeurs culturelles en traduction, Carina Wurzinger (2012) montre que le traducteur porte une grande responsabilité dans la transmission de ces valeurs :

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« As a member of a sociocultural group, readers are expected to know about the values that are relevant in their societies and necessarily interpret a text against this background. Where there is a conflict of values, there may be conflicts in the communication process » (2012 : 1).

Elle reprend la définition de l’anthropologue Clyde Kluckhohn qui considère la valeur comme un concept implicite ou explicite, caractéristique d’un groupe, qui influence les modes, les moyens et les fins d’action (2012 :4). En effet, même si un individu possède ses propres valeurs, celles-ci sont influencées par celles du groupe auquel il appartient. Carina Wurzinger souligne alors que le processus d’acquisition des valeurs est souvent inconscient et éminemment culturel (2012 :5). La communication entre différents groupes culturellement différents implique une transmission de leurs valeurs les uns aux autres. C’est pourquoi Carina Wurzinger écrit :

« As experts in cross-cultural communication, translators are necessarily dealing with values, since values and communication are interdependent » (2012 :6).

Selon Carina Wurzinger, les valeurs culturelles sont également au fondement des idéologies et des normes sociales et s’inscrivent ainsi dans la perspective de la traduction des cultures. Le traducteur lui-même a son propre système de valeurs qui l’influence lors de son travail. Il est alors de sa responsabilité d’en être conscient afin d’éviter tout débordement de ses valeurs dans le texte cible (2012 :10). Cependant, le texte source véhicule lui aussi des valeurs culturelles parfois implicites, qu’il s’agit de repérer et surtout de transmettre au lecteur :

« In the case of communication across cultural boarders, culture-specific values implicitly transmitted in the original text might be explicitly rendered in the translation in order to communicate the relevant message, if this is part of the purpose of the translation » (2012 :13).

L’implicite en traduction ne se retrouve ainsi pas uniquement dans les connotations ou les allusions, mais également dans le système de valeurs diffusé au sein d’un groupe.

Comme on peut le voir, le concept de culture a énormément enrichi la réflexion traductologique de ces dernières décennies. L’apport de la traductologie aux Cultural Studies est désormais évidente et se retrouve jusque dans la définition de la notion de culture, autrefois chasse gardée des anthropologues. Le tournant culturel a ainsi ouvert la voie à de nombreux chercheurs provenant d’horizons et de disciplines différentes et permis un foisonnement des théories traductologiques. Il a cependant relancé un débat qui n‘était toutefois pas éteint, l’opposition entre sourciers et ciblistes. Cette controverse a mis en évidence la

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vivacité de la pensée traductologique et l’importance culturelle de la traduction.

Mais ces réflexions sur la culture ont également permis de pointer un phénomène jusque-là plutôt négligé : l’ethnocentrisme. Les recherches sur le sujet montrent à quel point ce trait est fondamental non seulement dans la pratique de la traduction, mais également dans la construction culturelle des identités nationales. Finalement, on se rend compte que la culture est omniprésente et se cache même dans les plus petits détails. Traduire l’implicite culturel, qu’il se niche dans les référents culturels ou dans les valeurs d’un groupe social donné, pose d’énormes problèmes au traducteur dans sa pratique quotidienne. La culture est ainsi un concept complexe, mais essentiel dans la compréhension de la réflexion traductologique actuelle.

3. Approche théorique

Le présent chapitre sera consacré à présenter les divers concepts qui sont au fondement de ce travail. Il s’agit en particulier du concept d’Encyclopédie élaboré par Umberto Eco (1984) et approfondi par Lance Hewson (2012), de l’approche interprétative de Jean-Jacques Lecercle (1999) et de la méthode de critique des traductions élaboré par Lance Hewson (2017).

3.1. Umberto Eco et Lance Hewson : le concept d’Encyclopédie

Dans son ouvrage intitulé « Sémiotique et philosophie du langage » (1984), Umberto Eco reprend les concepts clé des différentes courants philosophiques et sémiotiques ayant trait au langage (signe, mot, métaphore, signifié, …). Il souhaite en particulier dépasser l’opposition Dictionnaire/Encyclopédie, qui selon lui doit être reconsidérée (Eco 1984 :107). En effet, il est d’usage de concevoir le Dictionnaire comme une représentation purement linguistique, sémantique et neutre, alors que l’Encyclopédie10 participerait au domaine de l’expérience, de l’extralinguistique, du monde réel (Haiman 1979 :330).

Cependant, pour Umberto Eco, cette opposition n’a pas lieu d’être, car la langue intègre ces deux approches :

« Nous pensons […] que l’on doit postuler une langue L qui contienne, parmi ses règles de signification, des instructions pragmatiquement orientées. Si cela était impossible, on aurait tout au plus un dictionnaire de L, très rigoureux mais insuffisant pour rendre compte des signifiés situationnels » (Eco 1984 :75).

10 Umberto Eco emploie le concept de « l’encyclopédie » sans utiliser de majuscule. Cette notion étant centrale dans mon travail, j’emploierai systématiquement la majuscule à l’instar de Lance Hewson (2012), afin de la différencier du substantif ordinaire.

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Ces « instructions » sont précisément ce que fournit l’Encyclopédie. On peut le voir dans la situation suivante : quand une femme commande un café à un serveur, elle ne s’attend pas à se voir apporter un seau d’un litre. L’employée et la cliente partagent des connaissances situationnelles encyclopédiques qui leur permettent de se comprendre, alors que ces informations ne sont pas présentes dans l’expression « j’aimerais un café ». Selon Eco :

« Une théorie du signifié dépasse cette contradiction si elle réussit à formuler un modèle capable d’intégrer, tout ou partie, sémantique et pragmatique. Mais cela présuppose que l’on entende L non comme un dictionnaire succinct mais comme un système complexe de compétences encyclopédiques » (Eco 1984 :75).

L’Encyclopédie joue donc un rôle clé chez Umberto Eco. Il la définit comme un

« postulat sémiotique », c’est-à-dire un principe qui guide la représentation des signes des systèmes signifiants. Chaque individu possède sa propre Encyclopédie, qui est un vaste ensemble regroupant les informations, les images, les signes qui lui permettent de se représenter le monde.

Lance Hewson (2012) s’est également penché sur la question et a mis en évidence sept caractéristiques fondamentales de l’Encyclopédie : sa première caractéristique consisterait en sa nature diachronique, c’est-à-dire qu’elle doit être considérée comme en évolution dans le temps. L’Encyclopédie serait comme une vraie encyclopédie dont les entrées deviendraient de plus en plus fournies et hétérogènes suite à l’addition de nouvelles informations.

La deuxième caractéristique découle de la première, l’Encyclopédie n’est jamais achevée. Chaque entrée comporte des contenus qui sont susceptibles d’évoluer, voire de disparaître. Elle est donc incomplète et instable.

La troisième caractéristique de l’Encyclopédie serait sa capacité à entretenir ou conserver des informations contradictoires ou incohérentes. On peut prendre ici l’exemple du policier, qui cumule les images antagonistes de garant de la sécurité et de l’ordre au sein de la société d’un côté, et d’agent répressif de l’État de l’autre. Ou Nestlé, considérée comme une entreprise modèle du système capitaliste ou comme une compagnie amorale exploitant les ressources de la planète.

L’Encyclopédie est également caractérisée par son hétérogénéité. Les contenus de l’Encyclopédie peuvent varier selon les régions géographiques ou les classes sociales. En Russie par exemple, Moscou est souvent considérée par ses habitants comme le centre politique et économique du pays. Or, à St-Pétersbourg, ancienne capitale des tsars et à la frontière avec l’Occident,

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Moscou est considérée comme une ville concurrente et un peu arriérée, qui a un retard à combler au niveau culturel. D’un autre côté, en Sibérie, Moscou est apparaît plutôt comme une force coercitive et centralisatrice lointaine, ayant peu de considération pour les réalités sibériennes. Que dire alors de la représentation de Moscou chez les Touktches, peuple indigène habitant le nord de l’Extrême-Orient russe ?

La cinquième caractéristique de l’Encyclopédie est sa propension à privilégier les contenus populaires plutôt que spécialisés. Elle comporte donc une grande part d’approximations, d’idées reçues et d’erreurs. Ce mélange hétéroclite, composé de fictions, de légendes urbaines et de faits avérés, contient ainsi différentes « vérités ». Des vérités historiques (Jacques Chirac était le Président de la France), des vérités cinématographiques (le Terminator vient du futur), des vérités populaires (Rihanna est amoureuse d’Ed Sheeran), etc.

La sixième caractéristique de l’Encyclopédie est sa propension à proposer des contenus bien plus fournis concernant sa culture et son histoire et à posséder des informations approximatives et des clichés en ce qui concerne les contenus des autres cultures. Ainsi, la majorité des Suisses connait l’histoire de son pays, la raison de la diversité de ses langues et cultures et même probablement certains détails historiques, tels que la bataille de l’Escalade ou la soupe de Kappel.

L’entrée de la France, proche voisine et en interaction quotidienne avec le pays, est très documentée dans l’Encyclopédie suisse. Les pratiques culturelles et les grands traits de l’histoire française font partie de la culture générale suisse.

L’entrée de l’Angleterre est déjà moins précise et en majorité composée de clichés tels que les fish & chips, Big Ben ou encore Shakespeare. Parallèlement, les villes de Raqqah ou de Deir-ez-Zor en Syrie n’ont vraisemblablement acquis que récemment une entrée dans l’Encyclopédie suisse et il est probable que ces entrées disparaîtront une fois la guerre terminée. On voit à travers ces exemples que l’Encyclopédie contient beaucoup plus d’entrées vides ou lacunaires que d’entrées bien fournies et que celles-ci concernent en premier lieu la représentation de la culture et l’histoire de son pays.

La dernière caractéristique est celle qui m’intéresse le plus dans le cadre du présent travail. Elle postule que l’Encyclopédie est indissociable de la langue qu’elle utilise (sans pour autant en être le seul élément) et qu’on ne peut la transposer dans une autre langue. Or, le traducteur est sans cesse confronté dans son travail à la concurrence de différentes Encyclopédies : celle de l’auteur, celle du lecteur (qui peut varier et qui doit être déterminée) et celle du traducteur lui-même qui, ayant une connaissance bien plus poussée de la langue et la culture de l’Autre et de sa propre langue et culture, est souvent le seul qui a les moyens de faire coexister ces diverses Encyclopédies (Hewson 2012 :51).

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On peut alors poser différentes hypothèses concernant l’image que se fait le traducteur de l’Encyclopédie de son lecteur et des stratégies qui en découlent.

Lance Hewson (2012 :51-53) définit quatre cas de figure : dans le premier cas, le traducteur ne tient pas compte des diverses Encyclopédies en jeu et traduit sans prendre le temps de déterminer celle de son lectorat cible. Dans le second cas, le traducteur estime que son lecteur modèle ne possède pas les entrées requises dans son Encyclopédie. Le traducteur dispose alors de différentes stratégies (notes de bas de page, réécriture, etc.) pour pallier ce manque. Dans le troisième cas, le traducteur postule que son lecteur possède les informations encyclopédiques nécessaires. Le traducteur n’explicite alors aucune référence du texte source, cependant cette situation est potentiellement risquée dans la mesure où le lecteur pourrait parvenir à une interprétation erronée du texte original, ses entrées encyclopédiques pouvant être insuffisantes. Le dernier cas concerne la traduction spécialisée, quand un expert écrit pour des experts. Le traducteur n’a alors pas besoin de déterminer l’Encyclopédie de son lectorat cible, étant donné que celui-ci possède les connaissances scientifiques lui permettant d’interpréter le texte source.

En reprenant le concept d’Encyclopédie forgé par Umberto Eco (1984) et approfondi par Lance Hewson (2012), je vais tenter d’analyser dans quelle mesure cette notion peut avoir un intérêt pour la pratique traductive. Je vais ainsi émettre des hypothèses concernant les choix traductifs des traducteurs français et russes de Russendisko afin d’examiner si ce concept permet d’expliquer leurs décisions traductives que j’estime questionnables ou surprenantes.

En reprenant le concept d’Encyclopédie forgé par Umberto Eco (1984) et approfondi par Lance Hewson (2012), je vais tenter d’analyser dans quelle mesure cette notion peut avoir un intérêt pour la pratique traductive. Je vais ainsi émettre des hypothèses concernant les choix traductifs des traducteurs français et russes de Russendisko afin d’examiner si ce concept permet d’expliquer leurs décisions traductives que j’estime questionnables ou surprenantes.