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I – L’ENVIRONNEMENT DU PORT DE CAEN DANS LA DÉCENNIE 1850

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 35-45)

LE PORT DE CAEN VERS 1850

I – L’ENVIRONNEMENT DU PORT DE CAEN DANS LA DÉCENNIE 1850

Après la période d’instabilité politique qui a suivi la chute du Premier Empire en 1815 (4 régimes en 40 ans), la France jouit d’un régime politique plus stable. Les élections du 10 décembre 1848 ont amené au pouvoir le Prince Louis Napoléon Bonaparte d’abord comme Président de la Deuxième République puis comme Empereur à la suite du sénatus-consulte du 7 novembre 1852. La stabilité du règne favorise la croissance économique. Le pays se transforme et se modernise sous l’impulsion d’un souverain qui a longtemps vécu en Angleterre et qui est ouvert aux avancées sociales. Durant les vingt années de son règne, il développe de nombreux secteurs économiques. Le chemin de fer passe de 3 000 à 17 500 kilomètres. La banque connaît d’importantes évolutions : quelques-uns des grands établissements bancaires contemporains sont créés à cette époque, comme le Crédit Commercial de France. L’adoption des lois sur les sociétés à responsabilité limitée et sur les sociétés anonymes complète le dispositif destiné à favoriser la croissance. Elle est de l’ordre de 3,5 à 4 % par an. Le traité de libre-échange signé en janvier 1860 avec l’Angleterre facilite le commerce maritime, lequel profite aussi de l’essor économique que connaît la France.

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A – L’évolution des transports

Cette « explosion commerciale » est due notamment à l’avènement de la vapeur qui transforme les navires et surtout améliore leurs performances. Les évolutions techniques passent par « une augmentation de la taille et de l’hydrodynamisme des navires »1. Alors que les voiliers en bois ne pouvaient guère dépasser une longueur de 70 à 80 mètres, les nouveaux navires avec une coque en fer d’abord, puis en acier (à compter des années 1880) peuvent atteindre 100 mètres de long et même plus, comme le fameux Great Britain, le premier vapeur à hélice lancé en 1843 qui mesure 98 mètres de long avec un tirant d’eau de 6,40 mètres et une charge utile de 3 800 tonneaux. Dans les seize plus grands ports de l’époque2, le poids du trafic à la voile n’est plus que de 70 % du trafic global en volume. Les ports doivent s’adapter dans le « domaine fonctionnel » et dans le « domaine spatial ».

L’adaptation dans le « domaine fonctionnel »3 a pour but de leur permettre de répondre aux nécessités de la rapidité dans la gestion de la rupture de la charge afin d’assurer un transit fluide. L’adaptation dans le « domaine spatial » touche la « dilatation sans précédent de leur site originel »4.

De nombreuses influences pèsent sur les ports. Les plus complexes et les plus nom-breuses sont certainement celles à caractère économique, « elles tiennent à la fois des impulsions venues d’un espace terrestre en cours de reconversion, des pratiques de navi-gation en évolution rapide et inscrites dans l’horizon marin, et de l’équipement matériel et économique de l’espace portuaire qui, pour partie, est l’héritage du passé, et pour partie le fruit d’un effort de rénovation »5.

Dans les années 1850 le port de Caen est confronté à ces influences. L’équipement portuaire est en mutation avec les travaux de creusement du canal qui va relier Caen à la mer autrement que par le fleuve d’Orne. Par ailleurs le chemin de fer arrive à proximité de

1 Jean-Louis LENHOF, Les hommes en mer, Paris, A. Colin, 2005, p. 84.

2 Il s’agit des ports suivants : Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, Marseille, Nantes, Saint-Nazaire, Rouen, Boulogne, Brest, Caen, Calais, Cette, Cherbourg, Dieppe, La Pallice, La Rochelle. Leur trafic cumulé en 1850 a été de 2 991 537 tonnes dont 2 035 396 pour la voile – source annexe Répartition des trafics portuaires selon le type de flotte, Bruno MARNOT, Les grands ports de commerce français…, op. cit., p. 566.

3 Bruno MARNOT, Les grands ports de commerce français…, op. cit., p. 69.

4 Ibid., p. 90-91.

5 André VIGARIÉ, Les grands ports de commerce de la Seine au Rhin : leur évolution devant l’industrialisation des arrière-pays, Paris, S.A.B.R.I., 1964, p. 75.

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Caen en 1855. En effet la gare provisoire est implantée à Mondeville. Elle est complétée par l’ouverture du tronçon Caen-Cherbourg en 1858. La liaison avec Le Mans est ouverte sept mois plus tard. En quelques années les communications de la ville avec l’extérieur sont bouleversées. Les négociants du port rêvent d’un vaste hinterland vers le sud du Calvados et au-delà.

La photo ci-dessous donne un bon aperçu du tracé des lignes de chemin de fer pour Caen depuis Paris et depuis Le Mans.

Arrivée

Carte 2 : Le réseau de chemin de fer au début des années 18506

Sur le haut de la carte, datée du début des années 1850, ressort, en bleu, le tracé de la ligne de chemin de fer qui va de Paris à Caen. La gare de Caen n’est ouverte que le 1er septembre 1857. Les embranchements vers Alençon, Le Mans, Sablé, Angers et Tours

6 Arch. dép. Calvados, S 1284-1285, Régime des eaux avant et après la création du Canal : carte indicative du réseau de chemins de fer pour le nord-ouest de la France. Cette carte date du début des années 1850 ou de la fin des années 1840 car elle ne prévoit pas le train jusqu’à Cherbourg.

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partent de Mézidon avant Caen. Cette carte (établie par la Compagnie des Chemins de Fer de l’Ouest) n’indique pas la ligne directe Le Mans-Tours, concédée à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans. La ligne Le Mans-Alençon est ouverte en mars 1856, les prolongements vers Argentan et Tours sont ouverts pour Argentan en février 1858 et pour Tours en juillet 1858. La prolongation de cette ligne vers la ligne Paris-Caen-Cherbourg, par Mézidon, est ouverte le 1er février 1859.

En revanche cette arrivée du chemin de fer ne se fait pas sans difficulté entre la Compagnie des Chemins de Fer et la municipalité. À l’origine, la Compagnie de l’Ouest n’en-visageait pas une ligne directe Paris-Caen mais uniquement un embranchement vers Caen depuis la ligne Paris-Rouen (un trait en pointillé figure la liaison Rouen-Caen) ou depuis la ligne Paris-Alençon, via Le Mans. Les nombreux argumentaires conservés par les archives pour plaider la création d’une ligne Paris-Caen-Cherbourg évoquent peu le port de Caen. Il est vrai que ces discussions ont lieu au début des années 1850, à l’époque le canal n’est pas encore une réalité7. Après avoir obtenu gain de cause sur la construction de la ligne Paris-Caen-Cherbourg, les édiles locaux doivent se battre pour l’emplacement de l’embarcadère.

La municipalité souhaite implanter la nouvelle gare à proximité du port pour faciliter son activité et la compagnie souhaite implanter cette gare presque en dehors de la ville pour des raisons de coûts. Cette implantation fait l’objet de nombreuses discussions et plusieurs citoyens de la ville prennent part au débat au travers de mémoires qui leur permettent d’exprimer leur avis et surtout de défendre une implantation de la future gare le plus près possible du port. C’est ainsi que M. Barthélémy Pont prend part au débat en février 1854. Il approuve le projet de la municipalité, soutenu par la Chambre de Commerce. À ses yeux l’intérêt du projet municipal est double « il sert les intérêts du commerce de transit […] et favorise le commerce d’entrepôt, le commerce de détail, les voyageurs puisqu’il est placé au centre de la ville et qu’il rayonne par de nombreuses rues dans tous les quartiers »8.

En revanche le projet de la Compagnie présente le double inconvénient d’éloigner le chemin de fer du port « il le tient à trois kilomètres » comme du centre-ville qu’il tient « à deux kilomètres de la station »9.

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Ibid.

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La préoccupation du développement du port est bien présente dans ces discussions autour de l’emplacement de la future gare du chemin de fer. Pour M. Bertrand10 le chemin de fer peut pallier le déficit de communication du port avec le sud du département et vers la Loire et élargir son hinterland. Dans une lettre, il regrette l’abandon de la canalisation de l’Orne au-delà de Caen. À ses yeux cette grande voie aurait pu assurer au port une place

« entre les grands courants du Havre et de Nantes ; car toutes ces affaires n’auraient pu partir que de son port et n’auraient pu revenir qu’à son port »11. Comme cette canalisation n’a pas été retenue, la seule voie de communication possible vers le sud de Calvados, vers l’Orne, la Sarthe et la Mayenne ne peut plus venir que du chemin de fer comme il l’écrit à la fin de sa lettre : « Aujourd’hui, en effet, que rien n’a été fait pour nous assurer d’avance la possession des affaires du sud du Calvados, avec l’Orne, la Sarthe, la Mayenne ; aujourd’hui qu’il n’y a plus rien à attendre que des lignes de chemin de fer… »12.

Le chemin de fer prend rapidement une place conséquente dans le trafic commercial comme l’indique le tableau ci-dessous.

Tableau 1 : Mouvement commercial par voie ferrée (gare de Caen) et par voie maritime (port de Caen) – 1856 à 1858 – Expéditions et arrivages (en tonnes)13

Années 1856 1857 1858

10 Il s’agit de François-Gabriel Bertrand, maire de Caen entre le 19/08/1848 et le 08/08/1870. Après un doctorat es lettres obtenu en 1829, il entame une carrière de professeur à l’Université de Caen où il est nommé adjoint du titulaire de la chaire de littérature grecque qui vient d’être créée. Il commence sa carrière politique en 1838, comme conseiller cantonal dans le canton de La Ferté-Macé dans l’Orne. Il entre au Conseil municipal de Caen en 1841. Il y reste jusqu’en 1870. Il accomplit une œuvre importante à la tête de la ville de Caen qui touche l’entretien des églises, l’amélioration de la voirie, la couverture de certaines voies d’eau à l’intérieur de Caen, l’éclairage public… Il se préoccupe aussi de l’implantation de la gare et du développement du port. C’est sous son mandat qu’est inauguré le canal de Caen à la mer. Il est désavoué par ses concitoyens aux élections de 1870 en raison du caractère dispendieux de sa gestion et de l’endettement de la ville. Il meurt le 24 avril 1875. Ces explications sont tirées de la Biographie de M. Bertrand lue à la séance du 26 novembre 1875 par MM. Julien Travers et Alfred Campion Membres titulaires, Mémoires de l’Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres de Caen, disponible sur Gallica sous la référence N5457938_PDF_118_159DM.

11 Arch. dép. Calvados, S 1284-1285, Régime des eaux avant et après la création du canal : lettre de M. Bertrand.

12 Ibid.

13 M. GUICHARD, « Mouvement de la voie ferrée et du port de Caen, période 1856 à 1858, Expéditions et Arrivages », Annuaire des cinq départements de la Normandie, Association Normande, 1860, pp. 19-21.

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Ce tableau illustre la tendance générale de l’incidence de l’arrivée du chemin de fer dans une ville. Le trafic des arrivages de marchandises venant par la mer est relativement peu affecté, en effet la place du chemin de fer n’est que de 25 %. En revanche l’incidence sur le trafic intérieur est beaucoup plus significatif puisqu’il atteint 50 % dès la première année. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le trafic fluvial à l’intérieur du pays. En 1820, M. Becquey, directeur général des Ponts et Chaussées, avait proposé la création de deux canaux pour faire communiquer l’Orne avec la Loire, par Angers d’un côté, et de l’autre par Pont-d’Ouilly, Argentan, Alençon et Le Mans. Mais finalement, c’est la canalisation de l’Orne entre Caen et la mer qui l’emporte. L’arrivée du chemin de fer, donnant satisfaction au commerce, pro-voque quasiment l’abandon de l’idée de créer « des canaux dans les régions à relief assez prononcé comme la nôtre »14.

Le port, comme le chemin de fer, servent une activité économique agricole et industrielle.

Ces activités constituent aussi l’environnement du port de Caen.

B – L’activité économique

Le Calvados est prioritairement un département agricole céréalier dans lequel la plaine de Caen occupe une place centrale. Elle représente environ 30 % des terres cultivées. Les principales céréales sont le froment, le seigle, l’orge, l’avoine et le sarrasin, sans oublier le colza pour la fabrication d’huiles. D’après Jean–Marc Dupuis dans la période 1849-1859, le Calvados est le premier producteur d’huile de colza avec 40 usines implantées dans la région caennaise en 1850 et près de 80 dans tout le Calvados, vers 1860. Cette activité économique agricole se répercute dans le trafic portuaire : « les usines à huile vont se développer près des lieux de consommation et d’expédition »15, à savoir à proximité du port.

Dans le domaine industriel la Basse-Normandie accuse un retard certain par rapport à d’autres grandes régions de l’Empire. L’industrie dominante est celle du textile : laine, coton, lin avec 540 établissements et près de 24 000 ouvriers. Les chantiers de construction navale sont au nombre de treize avec 412 ouvriers dont environ trois pour Caen et Ouistreham. On

14 Auguste NICOLAS, Le Calvados agricole et industriel. Caen et la Basse-Normandie, Caen, Dunod et Pinat, 1918, p. 39.

15 Jean-Marc DUPUIS, Jean-Paul DUPUIS, Mille ans de Moulins à Caen, Cabourg, Cahiers du Temps, 2014, p. 50.

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trouve également huit scieries, huit entreprises de travail des métaux, installées à Caen, mais aussi à Pont-l’Évêque et Honfleur pour les scieries et Vire pour le travail des métaux. Il s’agit de petites entreprises qui représentent au total environ 200 ouvriers16. La sidérurgie existe principalement dans les départements de l’Orne et de la Sarthe. Les choses ont bien changé depuis la fin du XVIIIe siècle où « la Basse-Normandie était la troisième région sidérurgique française ». Pour pallier ce déclin le Conseil général a même tenté en 1850 de subventionner la recherche locale dans le domaine de l’exploitation minière pour la houille et le minerai de fer, rien n’y fait, « l’initiative des nouveaux projets appartient désormais plus aux horsains qu’aux Bas-Normands »17. Le département du Calvados produit de la houille à Littry mais sa production est irrégulière. Il s’agit d’un charbon à chaux dont la consommation est très dépendante de l’agriculture locale (la chaux sert à « amender les terres acides de l’Ouest de la France »18). En revanche dès les années 1840-1843, le directeur de la mine de Littry « évoque l’arrivée massive et inattendue de charbons venant de Calais, dans le port de Caen, propres à la fabrication de chaux. C’est ainsi que les chaufourniers de Fontenay, Tilly et Hottot, les plus proches du port de Caen, vont progressivement délaisser Littry »19. On voit ici commencer à se dessiner les "contours" du trafic du port que nous armateurs/négociants au Havre. Ces chefs d’entreprise sont peu entreprenants. Même s’ils restent attachés à la qualité de leurs productions, lorsqu’ils investissent « mue par un "motif

16 Arch. dép. Calvados, L’industrie et la vie ouvrière dans le Calvados sous le Second Empire : choix de documents, Caen, CRDP, Institut pédagogique national, 1969, n.p.

17 Alain LEMÉNOREL, « L’impossible révolution industrielle ? Économie et sociologie minières en Basse-Normandie, 1800-1914 », Cahier des Annales de Basse-Normandie, n° 21, 1988, p. 34.

18 Christian CUSSONEAU et Jean-Louis KÉROUANON, Les fours à chaux de Montjean-sur-Loire, Service Régional de l’Inventaire DRAC Pays de la Loire, disponible sur http://troglos.free.fr/dossiers_liens_ biblio/pdf_

vdl/fours_a_chaux_de_montjean_site_de_la_cg49.pdf, n.p., non daté, consultation du 30/ 12/2014.

19 Alain LEMÉNOREL, L’impossible révolution industrielle ? …, op. cit., p. 193.

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de précaution" la logique patrimoniale l’emportait »20. Toutes les sources qui évoquent ces chefs d’entreprise insistent sur leur préoccupation de montrer leur réussite par le biais d’acquisition de grands domaines terriens-pour vivre la vie des aristocrates de l’Ancien Régime, plutôt que d’investir leurs profits dans de nouvelles entreprises dans le but de constituer de grands groupes d’affaires à vocation commerciale ou industrielle. Enfin leur fidélité aux techniques éprouvées limite leur capacité à se tourner vers l’innovation.

Cette vision rejoint celle décrite par Fernand Braudel à propos du Caen du XVIIIe siècle :

« Seuls de rares individus engagent, comme au hasard, quelques fonds dans le commandite-maritime : la fièvre du commerce au long cours qui entraîne la France ne touchera Caen que tout à la fin du siècle. Dans un libelle sur [les avantages du commerce maritime] publié en 1781, Le Vanier, bourgeois de Caen, mais ancien capitaine négrier, commentait la faillite en 1775 de la banque Gaultier, l’unique banque d’affaires de Caen. Pourquoi n’avait-elle pas utilisé intelligemment les emprunts et dépôts qu’elle rétribuait à 4 % ? [J’avoue que je ne puis comprendre une telle inaction], s’indignait le capitaine. N’aurait-il pas suffi d’armer 10 ou 12 navires ? »21. Cette particularité de l’entrepreneur du Calvados s’explique, d’après Fernand Braudel, par la présence d’un arrière-pays agricole riche qui nourrit correctement les paysans qui travaillent cette terre et qui peut aussi attirer le placement financier surtout pour le mode de vie qu’il peut offrir sans omettre l’idée que « la terre, la rente foncière sont de bons profits dans ces campagnes grasses »22. Gabriel Désert note que les choses avaient cependant commencé à évoluer durant la première moitié du XIXe siècle. Philippe Dupré dans sa thèse consacrée à l’histoire économique de la côte du Calvados entre 1830 et 1939, confirme ce propos en évoquant les grandes familles du négoce caennais de l’époque : les Angot, les frères Jobert et les frères Lamy, les Gast enfin. Et pourtant l’entrepreneur bas-normand, investisseur plutôt dans la richesse foncière, n’est pas vraiment dans l’esprit du Second Empire. D’après Louis Girard le bas de laine des français découvre la Bourse et la spéculation au détriment des placements fonciers et hypothécaires.

20 Dominique BARJOT, « Les entrepreneurs de Normandie, du Maine et de l’Anjou, à l’époque du Second Empire : bilan d’une enquête », Annales de Normandie, 1988, n° 2/3, Actes de la table ronde du 3 décembre 1986 publiés sous la direction de Dominique Barjot, p. 221.

21 Fernand BRAUDEL, L’identité de la France…, op. cit., p. 223.

22 Ibid., p. 222.

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À ce caractère particulier des chefs d’entreprise bas-normands s’ajoute, plus spécifique-ment pour Caen, une spécifique-mentalité des élites caennaises tournées plus vers les belles lettres que l’entrepreneuriat. Au milieu du XIXe siècle, le Calvados apparaît comme l’un des départe-ments comptant le plus grand nombre de Sociétés savantes. La carte ci-dessous éclaire ce phénomène. Le Calvados y apparaît en seconde position, avec huit à dix Sociétés savantes, juste après le Rhône qui en compte quinze, au même niveau que la Seine-Inférieure, la Gironde et les Bouches du Rhône.

Carte 3 : Les sociétés savantes en France en 184623

Cette carte fait bien ressortir l’importance de ce phénomène, très spécifique, dans le Calvados. Caen est une ville lettrée et universitaire ; ce que l’académicien Jouy exprimait en ces termes : « Caen a mérité d’être surnommé dans le vieux langage La ville de sapience. Si on voulait lui donner une qualification plus modeste, on pourrait l’appeler l’Athènes de Normandie »24.

23 Jean-Pierre CHALINE, Sociabilité et érudition : les sociétés savantes en France : XIXe-XXe siècles, Paris, Édi-tion du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1998, p. 51.

24 Eugène ROBILLARD de BEAUREPAIRE, Paulin CARBONNIER, Caen illustré : son histoire, ses monuments, Péronnas Éditions de la Tour Gile, 1896, réédité en 1994, p. 532.

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Il s’agit d’un phénomène ancien : l’Académie royale des sciences, arts et belles lettres de Caen est fondée dès l’année 1652. Elle est la première Académie littéraire de province installée après l’Académie Française, créée en 1635.

Après la Monarchie de Juillet, le Second Empire investit dans ses grands ports. La plupart des ports les plus importants, à l’exception de Rouen, de Cherbourg et de Nantes, font l’objet pendant la période 1852-1870 de très importantes dépenses d’investissement pour leur permettre, chacun à leur niveau, de s’adapter aux évolutions évoquées plus haut.

Pour Caen les travaux concernent le canal qui va relier le port de Caen à la mer. Le projet

Pour Caen les travaux concernent le canal qui va relier le port de Caen à la mer. Le projet

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