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LES QUATRE DIMENSIONS DU MASQUE

A. Présentation de la méthodologie

5. L’enquête sur échantillon

« La réalité sociale, (…) est construite par les interprétations effectuées par les acteurs sociaux qui y sont impliqués. Pour étudier cette réalité, le chercheur en sciences sociales doit donc retrouver ces interprétations, comprendre les acteurs et leurs actions. Sa tâche est facilitée par le fait qu’il ne s’intéresse pas à des actions singulières d’acteurs singuliers, mais plutôt à des actions typiques d’acteurs typiques. »(Valade & Fillieule (dir.), 1996, p. 489).

Nos enquêtes ont été menées auprès d’un public varié, réparti en cinq catégories de personnes que nous jugeons toutes représentatives d’un courant d’idée sur les croyances populaires, à savoir :

a. Les intellectuels : ce sont les universitaires, les chercheurs, les étudiants en science

humaines et sociales, les enseignants, les journalistes, les philosophes, des gens qui, à notre avis, sont capables de se démarquer de la subjectivité dans leurs opinions. Nous estimons qu’ils comprennent les enjeux des recherches scientifiques. Qu’ils soient historiens, sociologues ou travaillant dans quelque secteur de la vie publique ou privée que ce soit, nous avons estimé que ce sont des personnes capables d’observer le recul nécessaire par rapport à toute situation que nous évoquerions au cours de l’entretien. Du coup, ils nous diraient les choses telles qu’elles sont et non

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telles qu’ils voudraient que nous les voyions, avec les réponses préfabriquées et figées. C’est donc l’objectivité dans les opinions de cette catégorie de personnes sur des faits sociétaux que nous recherchons. Toujours est-il que nous n’ignorons pas que toute objectivité puisse avoir sa part de subjectivité.

b. Les autorités : ce sont les chefs coutumiers reconnus comme tels dans leur localité,

les têtes couronnées, les leaders d’opinion dans le paysage traditionnel local, les élus locaux, les responsables politico-administratifs, ceux qui exercent un ministère religieux, etc. Ils sont en mesure de parler des masques sans crainte. D’une manière générale, ces personnes (séniors) connaissent les masques depuis très longtemps et leur rôle dans la société leur permet d’être au-dessus de la mêlée et de pouvoir critiquer.

c. Les médiateurs : ce sont les conservateurs, les artistes qui, d’une manière ou d’une

autre, se sont servis du masque pour faire des créations artistiques, que ce soit dans le domaine de la musique, de la danse, du théâtre, de la photographie, des arts plastiques, etc., et les porteurs de projets divers (festival, collections…) autour du masque. Bien que conscients du côté cultuel du masque, ces derniers peuvent adopter des positions progressistes ou transgressives.

d. Les initiés : les personnes qui ont subi les rites d’intégration de couvent de masques.

Dans ce lot, nous distinguons deux sous-groupes : les dignitaires et les novices. Les premiers sont les maîtres incontestables des couvents, des notables à rang parfois seigneurial. Les seconds sont adeptes mais n’occupent pas forcément des postes de responsabilité de premier plan parce que n’ayant pas encore atteint un certain palier de consécration dans la hiérarchie. Qu’ils soient suffisamment actifs ou non dans la vie du couvent, avec eux (les initiés) il faut d’abord s’attendre à la langue de bois et des laudatifs à propos de leurs croyances.

e. Le public : c’est le membre de la société quel qu’il soit, l’homme du peuple, roturier

ou issu d’une famille princière, le non-initié, la bonne dame du marché, l’étranger-résident, le petit enfant du coin… Ces individus sont dans une position qui leur permet d’avoir un regard extérieur sur les masques et de les critiquer de manière profane, bien que nous n’ignorions l’existence de probables ou éventuelles proximités entre eux et des initiés.

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Ainsi réparties, c’est-à-dire en menant des enquêtes auprès de ce cinq catégories de populations on a pu avoir d’une part les cinq composantes de la société qui détiennent des vérités relatives aux mythes et mystères des masques. D’autre part nous considérons que la perception de chacune d’entre elles, sur les formes de médiation culturelle qu’offre le monde moderne ou tous autres sujets liés aux masques, peut valoir 20% du point de vue de la population. Le célèbre théorème de W. I. Thomas qui résume sa théorie de l’interaction sociale postule :

« Si les hommes définissent les situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs conséquences. » (Thomas, 1938, p 572).

Les cinq groupes d’acteurs ci-dessus définis, vivent directement ou observent des situations réelles liées aux masques à partir des conséquences qu’ils savent.

« C’est (…) la façon dont les acteurs eux-mêmes définissent la situation dans laquelle ils se trouvent, qui nous permet de comprendre leur comportement. » (Valade & Fillieule (dir.), 1996, p. 451).

De ce fait, leur participation générale à l’enquête est le gage d’une collecte d’avis divergents dont la résultante nous situerait dans les périmètres immédiats de la Vérité. Toutefois, il nous faut encore nous assurer de l’intelligibilité des discours pluriels en procédant à la vérification par nous-même. Or un tel contrôle n’est surtout rendu possible que par l’observation directe car selon Anne-Marie Green et A. Mouchtouris :

« L’observation est une technique qui permet de capter tous les comportements physiques des individus. Elle sert à déceler ce que ces individus ne révéleraient pas par la parole dans le cadre d’un entretien ou d’un questionnaire. Ce non-révélé n’étant pas forcément volontaire, du fait que les individus n’ont pas toujours conscience de leurs faits et gestes, l’observation apparaît comme la seule technique à même de détecter ce type de comportements » (Green & Mouchtouris, Lire en Banlieue, 1994, p. 139).

Nous considérons donc l’observation comme un moyen qui permet de : « résister aux constructions discursives des interviewés en permettant de s’assurer de la réalité des pratiques évoquées en entretien. »(Arborio & Fournier, 2005, p. 127).

D’une manière ou d’une autre quels que soient les outils d’investigations utilisés, il faudra bien analyser des faits significatifs, les interpréter, puis généraliser.

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