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Réalisation du questionnaire de l’engagement : principes

III.7.2 L’engagement mesurable

III.7.2.1 L’engagement dans le jeu vidéo . . . 153 III.7.2.2 Le sentiment de responsabilité appliqué aux jeux vidéo . . . 154

III.7.3 Modèle de mesure pour l’engagement . . . 156

III.7.3.1 Une relation de dépendance . . . 156 III.7.3.2 La posture du joueur pour la mesure de l’engagement . . . 157

III.7.4 Mesurer de l’engagement . . . 158

III.7.4.1 Sélection et conception des questions : remarques. . . 158 III.7.4.2 La mesure de laprésence-immersion . . . 158 III.7.4.3 La mesure dudésir de poursuivre la partie . . . 159 III.7.4.4 La mesure dusentiment de responsabilité . . . 159

III.7.5 Synthèse . . . 159

III.7.1 Introduction

Dans ce chapitre, nous détaillons notre approche de l’engagement du joueur. Nous le défi-nissons. Pour caractériser celui-ci, nous avons tenu compte de deux dimensions - la présence-immersionet ledésir de poursuivre la partie, mesurés dans la littérature - et d’inclure dans notre analyse lesentiment de responsabilité. Ces trois dimensions sont possiblement dépendantes les unes des autres. Ainsi, nous synthétisons un cadre pour une mesure subjective de l’engagement et posons les bases d’un nouvel outil de mesure axé sur le sentiment de responsabilité. Pour finir, nous présentons notre analyse pour une mesure de l’engagement du joueur.

III.7.2 L’engagement mesurable

A l’issu de notre état de l’art, le cadre de l’expérience du joueur nous est confus ou trop réduit par la discipline qui le qualifie. Nous proposons de mieux qualifier l’engagement en tenant compte de l’approche pluridisciplinaire que nous souhaitons défendre. Dans cette section, nous posons un nouveau cadre qui tient compte des objets du jeu vidéo, et en particulier de l’avatar.

III.7.2.1 L’engagement dans le jeu vidéo

Rappel de l’état de l’art : synthèse

Les principaux concepts rencontrés dans la littérature sur l’engagement du joueur peuvent être présentés par la figure III.7.1. Nous y incluons une partie relative à l’environnement gra-phique du jeu vidéo. Pour commenter cette figure, nous pouvons d’abord dire que l’engagement

Fig III.7.1 – L’engagement du joueur : synthèse

du joueur est une sensation subjective qui dépend d’un ensemble complexe d’activités mentales ou cognitives. Il est mesurable et variable dans le temps. Comparable à l’expérience du joueur, ce dernier vit grâce et avec le jeu une expérience émotionnelle qui est liée, en partie, à l’envi-ronnement graphique du jeu. Le contenu de l’envil’envi-ronnement a un ensemble de caractéristiques clefs pour optimiser l’expérience du joueur. Parmi elles, la cohérence sémantique participe à crédibiliser l’environnement virtuel. La crédibilité permet la construction et le maintien d’un modèle mental durant la partie. Le joueur vit alors une expérience émotionnelle : par exemple, il peut avoir peur ou être heureux. Nous supposons, dans ce cadre, qu’il peut aussi se sentir responsable [Natkin, 2010] et désireux de poursuivre la partie [Schoenau-Fog, 2011]. D’autre part, l’engagement dans le jeu vidéo est comparable à la présence, l’immersion et fait appel à des mécanismes cognitifs qui ont un impact sur la motivation ou l’attention du joueur.

Un contrat moral avec le jeu

Le terme engagement suppose le contrat moral et des actions. Ces points de définition nuancent l’engagement de la sensation de présence ou d’immersion. Nous le considérons alors comme un sous-ensemble à la présence, car le jeu vidéo peut être lui-même unsous-ensemble

des environnements virtuels : le jeu vidéo propose des caractéristiques qui lui sont propres. Une de ses particularités est, pour être synthétique, le gameplay. Le joueur engagé accepte de croire qu’il a un rôle déterminant dans le monde virtuel. Il désire vivre l’expérience du jeu. L’engagement est de ce fait une volonté délibérée du joueur. L’expérience qu’il vit s’étend avant et après la partie1 : le jeu estrêvéavant l’achat jusqu’au désir de rejouer au jeu.

L’engagement comme système

L’environnement et les objets du jeu vidéo sont dynamiques. Dans les études sur la présence, les scientifiques portent un intérêt particulier aux environnements virtuels de type réaliste ou au traitement photo-réaliste. Nous préférons à ce réalisme le concept de crédibilité2 car le jeu vidéo est un système dynamique et sémantique. Le joueur interagit avec ce système et, par une réponse synchrone et sémantiquement cohérente, il met en scène ce joueur. De son côté, le joueurcomposeun modèle mental du monde virtuel avec lequel il est en interactivité. En plus des règles du jeu, l’environnement et l’avatar - quand il est présent - induisent chez le joueur un ensemble de règlescomportementaleset depensées3. Par ce système dynamique, le joueur peut développer un rapport privilégié avec les objets du jeu. Ils conduisent, entre autres, le joueur à se sentir responsable du déroulement de la partie et des objets avec lesquels il interagit. Ce sentiment peut induire chez lui le désir de poursuivre la partie.

Être engagé : définition

L’engagement, comme sensation subjective, peut désigner l’expérience du jeu vidéo : le

gameplay place le joueur comme acteur primordial à son processus. Délibérément, le joueur accorde une réelle valeur à ses décisions, actes et peut développer un rapport affectif avec les objets de l’environnement dynamique. Le joueur engagé adhère intimement aux règles du sys-tème. Celui-ci l’enrichit et renforce l’expérience de jeu.

III.7.2.2 Le sentiment de responsabilité appliqué aux jeux vidéo

Pourquoi mesurer le sentiment de responsabilité ?

Nous avons vu, en section II.2.4.2, que le sentiment de responsabilité vécu par un joueur est pertinent pour qualifier l’expérience de jeu. Son analyse et sa mesure nous permettraient d’approfondir nos connaissances sur l’engagement du joueur. Aussi, ce sentiment est un point d’étude intéressant pour une évaluation de la représentation de l’avatar dynamique dans l’en-gagement, car le termeresponsabilité appelle l’interrogation envers qui ouenvers quoi. Nous avons pu voir, en section II.4.3.3, le poids de la représentation de l’avatar sur lespenséesmême du joueur. Le type de représentation de l’avatar dynamique peut être un point de variation si-gnifiant dans ce sentiment de responsabilité.

Êtreresponsable dans un jeu vidéo

La définition du motresponsableestqui doit rendre compte devant une autorité de ses actes ou des actes de ceux dont il a la charge 4. Ce terme est très lié à la définition de l’engagement : par exemple, nous retrouvons les concepts decontrat moralou d’action. Le termeceuxse réfère à un tiers, un individu ou un objet reconnu comme tel. L’action et le concept de contrat sont centraux à notre approche de l’engagement. Nous concentrons donc notre analyse dusentiment de responsabilité sur le désir d’action, l’action et l’inaction du joueur, par opposition. Notons 2. En section II.3.3, Perlin [Perlin, 2003] associe au concept de crédibilité le terme deplausible. Il souligne ainsi que le personnage de Bugs Bunny est crédible : le spectateur aurait un bon aperçu de sa constitution psychologique.

3. Nous avons pu voir, en section II.4.3.3, le poids de l’effet Proteus dans les jeux vidéo [Peñaet al., 2009]. 4. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/responsable/

que ces termes renvoient auxentrées5du joueur dans un jeu vidéo. Elles peuvent être mesurées. Il faut clarifier la définition dusentiment de responsabilitéet du concept derègles morales du jeu vidéo. Le rapport à l’éthique ou la morale n’a pas été abordé dans cet état de l’art. Call of Duty (Infinity Ward, 2003) peut être un exemple simple pour comprendre ce concept de règles morales du jeu. Le joueur, pour gagner, doit tuer un maximum d’autres joueurs. Cette simple phrase, en soi, semble lourde de sens. Mais, ce rapport à la victoire réelle que vit le joueur est très différent. Il incarne, dans ce jeu, un militaire - un avatar identiqueaux autres joueurs. Le joueur joue le rôle de son concept de militaire : en fonction de sa personnalité ou de son degré d’éthique, le joueur va adopter les règles moralesinduites par le jeu. Dans ce concept de militaire, un soldatdoit abattre ses ennemis, en accord avec les règles du jeu. Le joueur a un comportement positif envers les règles morales du jeu et ses propres croyances. C’est en fonction de ces croyances, ainsi influencées par les règles et l’environnement graphique - et sémantique - dynamique, que le sentiment de responsabilité se construit dans et par l’univers du jeu vidéo. Ricoeur [Ricoeur et Jarczyk, 1991] définit ce concept d’éthique autour de trois axes : lesoiet la liberté pour soi ; la reconnaissance, l’acceptation de l’autrecomme soi, de sa liberté ; les règles définies par une institution juste. Ces axes ou acteurs sont mis en jeu dans le sentiment de responsabilité. Ils sont lesoi, donc le joueur. Ensuite, il y a cetautre, envers lequel il se sent responsable. Pour finir, des règles déterminées sont nécessaires afin de permettre cette

évaluation chez le joueur. Dans ce cadre, nous ajoutons que se sentir responsable est un état induit et qui naît d’un processus lié à ses actions : le joueur attribue à ces dernières desvaleurs

en fonction des règleset en fonction de laréactiondu monde virtuel - des objets dynamiques qui le composent. Ce procédé dépend de deux variables autonomes : laqualitéet laquantité. La qualité serait le jugement du joueur qu’il porte à ses actions : plus ou moins bienoumaldans le sens moral des termes. La quantité serait le degré importancede ce sentiment : c’est à dire plus ou moins fort. Ce cadre simple permet de positionner le joueur : il se sent plus ou moins responsable, positivement ou négativement, de son action - ou inaction. Une des conséquences de se sentir responsable est un état émotionnel lié au jeu : par exemple, c’est parce qu’il est réellement responsable du déroulement de la partie qu’un joueur vit une véritable victoire et est heureux de cette conséquence. Cesentiment de responsabilitédu joueur est établi en fonction de ses actes, du jugement de ces derniers et de leurs conséquences. Nous reconnaissons lanécessité

d’unautre, comparable àsoi. Le joueur se sent alors en même temps responsable des actes d’un

tiers envers lequel il croit et accepte moralement d’assumer les conséquences des actions de ce dernier. Ce tierspeut-être le système du jeu lui-même. Mais nous admettons que le joueur reconnaît au moins des intentions intelligentes au système et/ou aux objets qui composent le monde dynamique du jeu. De plus, il reconnaît que leurs actes - autonomes - dépendent de lui ou sont dirigés vers lui. Pour que le joueur puisse juger leurs actions, il attribue entre autres des valeurs morales - bien ou mal, par exemple - ayant pour conséquences ses états émotionnels. Dans notre exemple sur Call of Duty, nous discutons d’un environnement de jeu où les objets - dont l’avatar - qui le composent sont signifiants pour un joueur tant que celui-ci reconnaît le concept de guerre, arme ou de militaire. Pour notre étude, il nous fallait donc rationaliser les éléments fondamentaux de notre définition afin de mesurer ce sentiment dans des contextes sémantiques de jeu bien plus large.

5. Nous employons dans ce document le termeentréepour traduireinput. Il suppose la pression d’un bouton de la manette de jeu, les données informatiques produites par cette action ou les stimuli, visuels ougameplay, qui participent à susciter l’action dans le jeu.

Se sentir responsable : définition

Le sentiment de responsabilité est constitutif à l’engagement et est donc induit par le ga-meplay. Le joueur se sent responsable du déroulement du jeu parce qu’il effectue une série de choix tactiques et parce que le système interagit en fonction de ses choix - notamment, grâce aux valeurs de feedbacks. Le joueur engagé accepte les règles morales du jeu et y adapte ses propres règles ou croyances. Il s’engagemoralementpour le système du jeu, accompli des actes - totalement, partiellement ou n’agit pas -à la placeetenversles objets de ce système. C’est ce pacte ou contrat moral consenti qui conduit le joueur à se sentir responsable.

III.7.3 Modèle de mesure pour l’engagement