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CHAPITRE III : MÉTHODOLOGIE

3.3. L ES DEUX DISPOSITIFS

Les deux dispositifs ci-dessous ont été soumis aux élèves décrits précédemment. Lors de ces différentes activités, le but était d’étudier les arguments produits par les élèves dans deux situations de communication différentes. Ces deux tâches étant distinctes, cela nous permettra également de comparer et d’analyser l’importance des situations de communication impliquant des thèmes divers quant à la production argumentative des élèves de cet âge.

Les pages qui suivent présentent donc la méthodologie utilisée et tentent de décrire le plus précisément possible ce qui a été présenté aux élèves. Pour chacune des deux tâches, nous présenterons en premier lieu le matériel utilisé. Ensuite, nous introduirons le destinataire et la finalité de l’activité, tels qu’ils ont été présentés aux élèves25

Les groupes ont été déterminés selon les modalités suivantes : nous avons tout d’abord partagé la classe en deux groupes : les 1ères et les 2èmes enfantines. Une fois ces tranches d’âge départagées, les groupes ont été faits de manière aléatoire.

, ainsi que la controverse qui est liée à la tâche, à savoir l’élément précis sur lequel porte la discorde. Cette controverse n’est pas présentée aux élèves. Enfin, nous exposerons le déroulement de chacune de ces deux tâches.

3.3.1. La tâche piagétienne de conservation des quantités de liquide

Ainsi que nous l’avons abordé dans la première partie de ce travail, la tâche créée par Piaget, la conservation des quantités de liquide, était destinée, à travers l’entretien clinique, à comprendre les processus du fonctionnement intellectuel de l’enfant lors du stade préopératoire. Notre but pour ce travail n’est pas celui que poursuivait Piaget. Nous ne cherchons pas à étudier le développement et le fonctionnement de l’intelligence, mais plutôt à observer la manière dont les élèves discutent par rapport à cette tâche.

Les raisons pour lesquelles notre choix s’est porté sur cette tâche de conservation des quantités de liquide ont déjà été abordées dans la partie théorique de ce travail. Nous allons maintenant exposer en détails les modifications qui y ont été apportées.

Les groupes sont composés de deux ou trois élèves, assis autour d’une table en compagnie de l’expérimentatrice. Si le groupe est composé de deux élèves et l’expérimentatrice, les trois protagonistes forment un triangle (un élève est assis en bout de table, l’autre élève se trouve

25 Même si le destinataire est fictif dans ce cas-là, il est important de le mentionner aux élèves, afin de rendre la situation de communication plus claire pour eux, et qu’ils aient un but communicationnel.

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face à l’expérimentatrice) et s’il est composé de quatre personnes, deux élèves font face à l’expérimentatrice et le quatrième est assis en bout de table.

Matériel :

- 4 verres (A, A’ et A’’, identiques, et C26, différent des trois autres)27

- 1 bouteille contenant du sirop de menthe - 1 gourde contenant du sirop de grenadine

- 3 animaux en peluche : une girafe, un singe et un ours

Destinataire : il s’agit des élèves d’une autre classe dans une autre école qui vont regarder le film. Le destinataire a été introduit à l’ensemble du groupe-classe avant de commencer l’activité en petits groupes. Il a été dit aux élèves que des élèves d’une autre école allaient les regarder ; qu’il fallait donc qu’ils parlent bien fort et clairement et qu’ils discutent entre eux et avec l’expérimentatrice.

Finalité : les élèves doivent donner aux animaux la même quantité de sirop à boire. Il leur est aussi indiqué que le groupe doit être d’accord sur la réponse qui est donnée à la fin.

Controverse : Il peut y avoir la même quantité dans les verres ou pas. Si tous les animaux n’ont pas la même quantité à boire, ils ne vont pas être « contents ».

Déroulement, en deux parties :

1ère partie : Mise en condition. Le but est ici de mettre l’élève à l’aise, de lui faire connaître l’expérimentatrice, de lui rendre la situation et le contexte familiers. L’expérimentatrice pose des questions générales à l’enfant, sur la thématique du zoo, des animaux en l’occurrence, formulant des questions du type : « tu es déjà allé au zoo ? Tu y as vu quels animaux ? », etc.

On leur présente le « zoo » : dans ce zoo, il y a un singe, une girafe et un ours. L’histoire débute alors : un jour, les animaux du zoo tombent malades, ils toussent, il faut leur donner du

26 Nous l’avons nommé C en référence au schéma de base de Piaget.

27 Les verres A, A’ et A’’ sont gradués alors que le verre C ne l’est pas.

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sirop contre la toux, qui provient de la « pharmacie des animaux ». Il faut qu’ils aient tous la même quantité de sirop pour guérir. On donne alors aux enfants une bouteille dans laquelle il y a du sirop de menthe. Ils reçoivent la consigne de remplir au même niveau les trois verres semblables (A, A’ et A’’) qui se trouvent devant eux. Les 3 verres donnés à ce moment-là sont identiques. Le but de cette 1ère partie n’est pas qu’ils débutent un débat mais qu’ils se plongent dans la tâche et qu’ils se familiarisent avec les liquides, l’expérimentatrice, les caméras. Une fois qu’ils sont d’accord sur l’égalité des quantités, l’expérimentatrice fait mine de donner à boire le sirop aux animaux et remet le reste dans la bouteille, en précisant aux élèves que le surplus de sirop doit être rendu à la pharmacie des animaux.

Rôle de l’expérimentateur : exposer la situation aux élèves. On peut intervenir à tout moment, étant donné que cette partie de la tâche ne sera pas analysée et qu’elle est uniquement destinée à mettre les élèves à l’aise, à interagir entre eux et avec nous.

Consigne énoncée : Dans le petit zoo qu’on voit ici, il y a 3 animaux : un singe, un ours et une girafe (on montre les animaux). Un jour, les 3 animaux tombent malades. Ils toussent beaucoup et ils ont besoin d’un médicament, qu’on prend quand on tousse : du sirop contre la toux. Aujourd’hui, c’est vous qui devez donner à ces animaux leur médicament. A la pharmacie des animaux, ils nous ont donné cette bouteille et ces 3 verres. Ce que vous devez faire, c’est verser le sirop contre la toux dans ces 3 verres. Mais attention, les 3 animaux doivent recevoir la même chose beaucoup de sirop sinon, il y en a un qui ne sera pas guéri et qui continuera à tousser beaucoup.

Transition : les médicaments sont distribués, les animaux sont guéris et contents et ils peuvent se rendre à un goûter d’anniversaire.

2ème partie : production argumentative, reproduction de la tâche piagétienne de conservation des liquides. Le but est ici d’amener les élèves à parler et à confronter leurs opinions.

La deuxième partie est celle qui nous intéresse davantage. On entre dans la tâche au cours de laquelle on aimerait voir les élèves argumenter. On leur explique alors la situation : la girafe, le singe et l’ours sont à un anniversaire, où ils vont boire du sirop. On demande alors aux élèves de donner du sirop à deux des trois animaux dans les verres A et A’, identiques. Ils doivent avoir la même quantité à boire. Une fois que l’égalité est établie (on demande à chacun des élèves s’il est d’accord), on introduit le troisième animal et donc le troisième verre, différent des autres. Il est précisé aux élèves que le troisième animal a été oublié et qu’il aimerait lui aussi du sirop, et la même quantité que les deux autres. On leur met alors à

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disposition les trois verres (A, A’ et C) ainsi que la gourde de sirop. La consigne donnée est qu’il faut que les trois animaux soient contents et donc qu’ils aient tous les trois la même quantité de sirop à boire.

Rôle de l’expérimentateur : rester le plus possible en dehors du dialogue mais relancer la polémique si la conversation est bloquée, faire des contre-suggestions. L’expérimentatrice doit faire des contre-suggestions, à la manière de Piaget. Dans cette situation, elles sont faites à l’aide des animaux. Lorsque les enfants se sont mis d’accord, l’expérimentatrice demande leur avis aux animaux et les fait parler. En général, deux des trois animaux sont d’accord et le troisième s’inscrit contre l’avis des deux autres. Il donne un argument, de type « moi je ne suis pas d’accord, parce que je pense que ce verre-là (C) il est plus gros et qu’il en a plus ».

Ensuite, on demande aux élèves avec quel animal ils sont d’accord.

Consigne énoncée : Les animaux sont à un anniversaire. Ils ont mangé un gâteau et maintenant, ils ont soif ; ils veulent du sirop. Vous devez donner la même chose de sirop à petit singe et petit ours, dans ces verres (A et A’).

Nous n’avons pas encore donné de sirop à petite girafe. Il faut lui en donner dans ce verre (verre C). Mais elle doit avoir la même chose beaucoup à boire que les deux autres. Vous pouvez utiliser tout ça, comme vous voulez (la gourde et les 3 verres). Le but est que les trois animaux aient la même chose à boire.

3.3.2. Le dilemme moral

Le dilemme qui a été choisi porte sur le thème de l’amitié, de la loyauté envers ses amis. Ce thème a été choisi après avoir visionné le film Ce n’est qu’un début sorti en France en novembre 2010. Il s’agit d’un documentaire qui porte sur les ateliers philosophiques en maternelle. Les débats qui portaient sur ce thème qui sont montrés dans ce documentaire sont particulièrement prolifiques et l’amitié semble être un sujet sur lequel les enfants discutent volontiers. Ma propre expérience auprès d’enfants abonde également dans se sens. L’amitié n’est pas le seul point qui crée la controverse dans ce dilemme. Nous y reviendrons plus loin.

Matériel : une histoire courte qui expose une situation de dilemme moral28

28 L’histoire présentée ici est inspirée en premier lieu des dilemmes moraux de Kohlberg. Cependant, elle est tirée d’un mémoire de mémoire de Sylvie Troesch & Marie Seitz disponible sur internet à l’adresse suivante : http://pratiquesphilo.free.fr/contribu/contrib67.htm (consulté le 28 avril 2011)

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Karim et Raphaël sont les meilleurs amis du monde. Ils sont à l’école ensemble, ils sont assis à côté et ils font plein de choses ensemble : ils jouent à la récré et aussi après l’école. Ils sont très contents quand la maîtresse, un jour, leur demande à tous les deux d’aller porter une lettre à une autre maîtresse. Ils sortent de la classe ensemble.

Quand ils sortent de la classe, ils sont très étonnés de voir Guillaume, un de leurs copains, dans les couloirs. Il est en train en train de fouiller dans les poches de la veste de Latifa, une fille de leur classe. Guillaume sort de la poche de Latifa un natel, il l’enfile sous son pull et part en courant. Karim et Raphaël sont très surpris.

- Tu as vu ça ? dit Karim, Guillaume a volé le natel de Latifa dans sa veste !

- Ou là là, répond Raphaël, elle va se faire gronder par ses parents quand ils verront qu’elle n’a plus son natel. Moi, après l’école, j’irai tout raconter à Latifa et à ses parents.

- Tu es fou ! s’exclame Karim, tu ne vas pas dénoncer Guillaume ! C’est notre ami et on l’aime bien. Et si ses parents apprennent qu’il a volé, lui aussi, il va se faire gronder ! Non, moi je ne dirai rien à personne.

Destinataire : une autre classe d’élèves à qui on va rapporter la discussion et les élèves devront dire ce qu’ils feraient dans la situation de dilemme qui leur a été présentée. Le destinataire a été présenté à l’ensemble du groupe-classe, avant le début de l’activité en petits groupes.

Finalité : débattre, donner son avis, argumenter.

Controverse : c’est le thème du débat qui créer la controverse. Ici, elle porte sur la loyauté en amitié. Plus précisément : doit-on dénoncer un ami qui a fait quelque chose de mal ? D’un côté, Karim et Raphaël savent que Guillaume a mal agi, et que les conséquences pour Latifa, s’ils se taisent, vont être fâcheuses. D’un autre côté, Guillaume est leur ami, et le dénoncer entraînerait des conséquences fâcheuses pour lui. Que faut-il faire ? Rester loyal envers son ami au risque qu’une innocente soit punie et n’ait plus son natel ? Trahir son ami et faire ce qui est juste ?

Déroulement : l’histoire est lue par l’expérimentateur à l’ensemble d’un groupe de 4 à 5 élèves en leur demandant d’écouter et de réfléchir à des questions qu’on pourrait se poser par rapport à cette histoire courte. À la fin de l’histoire, l’expérimentatrice répète la situation, le nom des personnages et leur avis sur la manière d’agir dans cette situation. Ensuite vient la phase de débat : on pose alors aux élèves la question de savoir ce qu’ils feraient dans une telle situation. L’expérimentatrice peut également ouvrir la discussion en parlant des amis des élèves, de ce qu’est l’amitié, de la dispute entre amis.

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Consigne : Je vais vous lire une histoire où il y a des enfants et vous écoutez bien et vous réfléchissez aux questions que cela peut poser et à ce que vous feriez si vous étiez à la place de ces enfants.

Lecture de l’histoire.

Et vous, qu’est-ce que vous feriez ? Qu’est-ce que vous décideriez si vous aviez vu Guillaume voler ? Raphaël irait tout dire et Karim ne dirait rien à personne. Et vous, qu’est-ce que vous feriez ?

Rôle de l’expérimentateur : ne pas prendre position sur le débat, mais il doit gérer les tours de parole, dans le calme, le respect et l’écoute de l’autre. Relancer le débat en posant des questions ; à intervalles régulières, demander au groupe si tout le monde est d’accord avec ce que vient de dire un élève (surtout si c’est provocateur ou original) ou demander quels sont ceux qui ont aimé, ou pas, ceci ou cela.