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Chapitre 2 : la recension des écrits sur le concept d’autonomie

2.1 L’autonomie en éducation

Le concept de l’autonomie signifie étymologiquement, comme nous l’avons dit à la section 2.6.1, la capacité qu’a un système à régler par soi-même sa conduite selon les lois (Arénilla, Gossot, Rolland & Roussel, 1996). Qu’en disent les chercheurs en éducation?

2.1.1 L’autonomie : liberté et responsabilité de l’apprenant

Pour définir l’autonomie dans le domaine spécifique de l’éducation, appuyons-nous sur quelques exemples de définitions relevées par Rodet (2003). Ces définitions présentent l’autonomie comme : la capacité d’une entité, par exemple, un établissement ou un individu à fonctionner selon sa propre loi. Dans le domaine de l’enseignement, la notion d’autonomie peut-être vue comme une indépendance relative, une liberté partielle accordée à un établissement d’enseignement par l’éducation nationale.

L’autonomie concédée à l’apprenant revient à dire que celui-ci doit définir son projet de formation, ses propres méthodes et apprendre à s’autoévaluer. Et, selon le degré d’autonomie, c’est-à-dire de droit et de libertés accordées à l’apprenant dans la définition de ses méthodes d’apprentissage, elle est une caractéristique très discriminante des méthodes pédagogiques employées.

Notons avec Rodet (2003), à partir de l’analyse de ces définitions, quelques caractéristiques fortes qui se dégagent du concept d’autonomie :

La première définition suggère que l’apprenant autonome décide librement de ses règles de fonctionnement et l’exerce dans les limites des moyens dont il dispose ou plus exactement dans les limites de sa capacité à les suivre. De la deuxième définition, il ressort que la notion d’autonomie fait intervenir une entité locale et une autre globale, fondatrice des droits accordés à la première. L’autonomie de l’établissement doit être considérée par rapport à l’éducation nationale. On pourrait alors en déduire qu’en éducation, l’autonomie est un droit et une liberté relative, relative parce que l’apprenant construit son autonomie par interaction avec l’enseignant (Rodet, 2003).

La troisième définition soutient que l’autonomie en pédagogie est une caractéristique des méthodes d’apprentissage, c’est-à-dire que l’importance accordée à l’autonomie définit le type de processus d’apprentissage. Ainsi, en éducation, l’autonomie ne se construit pas

de manière unilatérale par revendication comme en politique, par exemple; c’est le cadre pédagogique qui lui donne sa place et les instruments nécessaires à sa construction.

Dans le tableau 2 que nous proposons ci-dessous, nous récapitulons les termes qui caractérisent l’autonomie de l’apprenant.

Tableau 2 : caractéristiques, mots et phrases clés de l’autonomie de l’apprenant (Rodet, 2003)

Caractéristiques de l’autonomie Mots et phrases clés

En pédagogie, l’importance accordée à l’autonomie de l’apprenant définit les méthodes d’apprentissage.

Importance accordée à l’autonomie

L’autonomie de l’apprenant est un droit et une liberté relative.

Droit et liberté de l’apprenant

L’apprenant décide librement de ses règles de fonctionnement.

Liberté de choix dans le fonctionnement de l’apprenant La notion d’autonomie implique la

coexistence de deux entités : une entité locale et une entité globale fondatrice des droits de la première.

Coexistence de deux entités : une globale et l’autre locale dépendant de la première

L’apprenant exerce les règles de fonctionnement qu’il a librement choisies dans les limites de sa capacité à le faire.

Capacité à suivre le fonctionnement choisi par l’apprenant

Selon les situations, le concept d’autonomie va être entendu tantôt comme liberté de mouvement, tantôt comme accomplissement de soi ou encore responsabilité en fonction de l’importance que chacun accorde à l’un ou plusieurs mots ou phrases clés du tableau 2; ce qui en fait un concept sujet à un glissement sémantique compréhensible vers d’autres notions voisines (Houssaye, 1999).

Si en philosophie cette variété de conception ne constitue pas une entrave importante, en est-il de même dans une recherche en éducation privilégiant une stratégie d’action et de développement?

2.1.2 Trois générations de théories sur l’autonomie

Le manque d’acception partagée et la passion suscitée par les débats sur le concept font de l’autonomie un concept sujet à confusion. Cependant trois grandes étapes se dégagent de son évolution, correspondant chacune à une théorie particulière (Dieumegard, 2004).

Le premier ensemble de théories, défendu par des auteurs comme Moore (1973), perçoit l’autonomie comme une caractéristique du dispositif : ces théories opposent l’autonomie de l’apprenant à son interaction avec autrui. Le processus d’apprentissage se réalise dans un face à face apprenant et ressources éducatives et en dehors de toute interaction avec et les enseignants et les apprenants (Dieumegard, 2004). C’est dans la logique de cette théorie que Holec (1981) estime qu’un apprenant autonome doit prendre en charge l’ensemble des tâches de son processus d’apprentissage : de la définition, à sa gestion, son évaluation et sa réalisation. Un ensemble de compétences qui exige de lui une culture et une méthode d’apprentissage en plus de celle qu’il doit avoir dans le domaine cible de sa formation. La quête de la culture d’apprentissage peut faire l’objet d’une formation avant ou pendant la formation principale sans empiéter ou se substituer à l’apprentissage. Ces théories ont été peu couronnées de succès, ce qui va engendrer la marche vers une seconde génération.

Pour les concepteurs du second ensemble de théories, l’autonomie est issue d’une disposition plus ou moins stable de l’apprenant. En clair, l’autonomie est un pré-requis exigé de l’apprenant en même temps qu’un objectif (Dieumegard, 2004). En somme, ces théories font une injonction à l’apprenant de faire preuve d’autonomie; et, s’il lui arrivait d’échouer, alors on en conclut qu’il n’a pas été autonome. Parmi les figures de proue de cette conception de l’autonomie, citons certains auteurs de l’apprentissage autodirigé que sont Carré, Moisan et Poisson (1997).

Cette deuxième génération de théories se distingue par une conception de l’apprentissage avec trois niveaux : le niveau psychologique défini par la motivation et les habiletés métacognitives de l’apprenant; un niveau pédagogique et un autre sociologique. Le niveau de contrôle psychologique prévaut sur les autres.

Or l’autonomie exige de l’apprenant des capacités telles la prise en charge de son propre apprentissage; des capacités qui sont difficilement accessibles naturellement, mais

plutôt de manière formelle (Linard, 2003). Des difficultés que l’ensemble de théories de la troisième génération va tenter de corriger.

Le troisième ensemble de théories sur l’autonomie défend, quant à lui, une construction sociale de l’autonomie dans un système composé des apprenants et des éducateurs. Ces théories rejoignent ainsi le socioconstructivisme de Vygotsky, selon lequel l’apprentissage est indissolublement individuel et social : l’apprenant doit intérioriser les règles sociales en interaction avec son environnement social (Vygotsky, 1978).

Ces trois ensembles de théories se distinguent par le rôle de l’enseignant dans le processus de quête d’autonomie de l’apprenant. Dans le premier ensemble, l’enseignant est absent non seulement dans la quête de l’autonomie, mais dans le processus d’apprentissage tout entier. Le second ensemble de théories remet en cause cette absence, mais seulement dans le processus d’apprentissage; l’enseignant n’est aucunement responsable dans le besoin d’autonomie de l’apprenant. Le troisième ensemble de théories se distingue, voire s’oppose aux deux premiers : il se distingue en ce sens qu’il introduit la dimension sociale de la construction de l’autonomie et s’oppose aux deux premiers ensembles de théories parce que dans cette dimension sociale, l’enseignant prend une place importante : celle de l’entité globale qui donne le droit, mais aussi encadre l’apprenant à assumer sa responsabilité d’acteur autonome.

Cette façon de voir l’autonomie n’est pas en soi une nouveauté; des auteurs comme Albero (2003) le suggèrent, même si c’est d’une façon différente, qu’en pédagogie, l’importance accordée à l’autonomie de l’apprenant définit les méthodes d’apprentissage. Cette phrase sous-entend que la construction de l’autonomie de l’apprenant est prise en compte par une pédagogie appropriée; nous jugeons important de noter explicitement ceci : « l’autonomie doit être encouragée et favorisée par l’enseignant ». L’enseignant représente ici tout l’environnement d’éducation dont il cumule les responsabilités, notamment en matière d’autonomie.

Notre travail s’inscrit dans la logique de ce troisième ensemble de théories parce que correspondant aux acquis les plus actuels de la recherche en matière d’autonomie. Le choix de ce troisième ensemble de théories pourrait se justifier par une autre raison : ses similitudes avec les théories éducatives que sont le constructivisme et le

socioconstructivisme. L’objectif de la section suivante est de faire ce rapprochement entre l’autonomie et ces théories éducatives.