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L’Australie : un exemple pragmatique de concrétisation du NCW

b. Conséquences militaires du NCW

Encadré 20 La doctrine française La doctrine française

4.1.3. L’Australie : un exemple pragmatique de concrétisation du NCW

« La majorité des problèmes qui émanent de la mise en réseau ne sont ni techniques ni économiques, mais culturels et sociaux. Malheureusement, ces difficultés sont celles que les forces armées australiennes ont le plus de mal à résoudre. »

(Schmidtchen, 2005)

L’Australie a choisi de concrétiser le concept de NCW en établissant dès 2003 une feuille de route régulièrement mise à jour (Australian Government Department of Defense, 2005;

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2009; 2007)59 et destinée à détailler les trois étapes de la numérisation de l’ensemble de ses entités et domaines d’interopérabilité (Terre, Air, Mer, Intelligence – surveillance – reconnaissance (ISR), interarmées et interalliées) pour 2030 :

1. création des fondements du NCW (2003 à 2010) ;

2.construction des forces numérisées (2010 à 2020) ;

3. évolution des forces numérisées suite à l’acquisition prévue de nouvelles plateformes

de combat (2020 à 2030).

Pour cette nation, le NCW est un moyen d’organiser la force armée autour d’un réseau d’information unique60, cohérent grâce aux TIC et relié lui-même à trois sous-réseaux : le sous-réseau des capteurs, le sous-réseau des décideurs (C2) et le sous-réseau des systèmes d’armes. Cette mise en réseau doit permettre aux soldats de combattre plus efficacement et plus rapidement grâce à une conscience de la situation améliorée, une collaboration accrue et des capacités offensives démultipliées (ceci inclut les capacités de configurations directes

« sensor-to-shooter » (Haig, 2003)). Cette définition met en évidence que le NCW est

davantage qu’un simple concept ou un ensemble de technologies : c’est surtout un dispositif destiné à contribuer d’une manière significative à la création d’un avantage au combat, mais aussi à améliorer les interventions humanitaires ou de maintien de la paix (Australian Government Department of Defence, 2006). D’ailleurs, la définition du NCW proposée par le DSTO est « l’utilisation par les militaires de la science et des technologies de l’information pour améliorer les opérations »61.

Pour ce faire, les Forces de Défense Australienne (FDA) n’hésitent pas à mettre en avant, dans leurs documents institutionnels, les réussites d’évolutions technologiques comme celui du secteur bancaire et les bénéfices apportés par les premières opérations en réseau dans les conflits contemporains (Afghanistan et Irak). Le NCW se conçoit selon deux

59 La première version de 2003 est classifiée.

60 Ce réseau unique est similaire au concept américain du même nom « Global Information Grid » ou GIG (Tomolya, 2005).

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dimensions distinctes (science de la guerre et art de la guerre) comprises dans le concept de

« Networking » :

- la dimension technologique du réseaunetwork dimension ») ou « science de la

guerre » (Australian Government Department of Defense, 2009; Sullivan & Dubick, 1993) : il s’agit de relier l’ensemble des systèmes au sein d’un réseau unique. Les FDA considèrent ce point comme prioritaire tout en insistant sur le fait qu’il aura un impact important sur la dimension humaine. L’armature de ce réseau s’appuie sur les principes de collecte de l’information, de connectivité des plateformes, de l’utilisation pertinente des informations et de sa protection contre les agressions externes ou ses pannes. Les évolutions technologiques sont soutenues par une nouvelle procédure de gestion de projet :

le Rapid Prototyping, Developement and Evaluation qui permet la réalisation de

prototypes (entre 12 et 18 mois) et de rapports rapides « quicklook » (de 2 à 3 mois) de la part des industriels et des universitaires ;

- la dimension humainehuman dimension ») ou « art de la guerre » (Australian

Government Department of Defense, 2009; Sullivan & Dubick, 1993) : cette dimension traite de la formation, de l’entraînement, de la doctrine, de l’organisation et du leadership. Les soldats doivent devenir des « networkers ». L’accent est mis aussi sur l’apprentissage organisationnel et les capacités d’innovation et d’adaptation des forces australiennes. À ce titre, et même si aucun auteur académique n’est explicitement cité, on peut clairement faire référence, d’une part, à Fillol (2009) qui, dans une définition synthétique, conçoit l’apprentissage organisationnel comme un « processus collectif assurant la création et l’acquisition de connaissance par une organisation » et d’autre part, ce qui est relativement moins commun, à l’organisation qualifiante. Selon Plane (2012), cette théorie est plus orientée « bottom-up » que l’organisation apprenante 62 et envisage une logique « heuristique, émergente dans le sens où elle s’appuie sur des réalités organisationnelles en évolution plutôt que sur une approche planificatrice centralisée ». Par exemple, Zarifian (1998) explique que, lors de la survenue d’une panne d’un système technique, « elle [la panne, N.D.A.] devient un moment privilégié auquel la communauté d’individus aura pu

62 Bien que pour Livian (2008), l’organisation apprenante et l’organisation qualifiante renvoient à des analyses assez voisines. L’organisation apprenante, pour Ferrary et Pesqueux (2006), est le « processus collectif de création, diffusion et assimilation de la ressource humaine ».

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donner un sens positif, et qui aura fait évoluer tout à la fois les connaissances techniques, les échanges sociaux entre catégories différentes de salariés, la performance du système technique grâce au retour vers les causes premières de la panne ». Enfin, il est très important de préciser que le centre de recherche DSTO possède un groupe de recherche dédiée au NCW depuis 2003 avec, entre autres, une équipe en Sciences Humaines (qui parait toutefois très orienté sur l’ergonomie) : le Human Dimension Research Steering

Group.

Le NCW est construit autour de cinq principes de base (Australian Government Department of Defence, 2006) permettant de comprendre comment ce concept de

« Networking », c’est-à-dire l’optimisation conjointe des deux dimensions (technologique et

humaine), va se traduire en avantage opérationnel (figure 13) : la compétence et la maîtrise professionnelles, les principes généraux militaires du commandement et de subsidiarité, un réseau technique robuste, une conscience de situation partagée et, au centre, l’autosynchronisation représentant l’agilité (capacité de déplacement rapide et non contrainte d’une unité combattante) et la capacité asymétrique des unités combattantes. Aux quatre domaines du NCW (social, cognitif, physique et informationnel) s’ajoute un cinquième : le domaine transverse qui traite par exemple de la gestion de projet et les études d’impacts des futures technologies.

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Si cette perspective peut toujours paraître très déterministe quant aux avantages du NCW, la défense australienne conserve toutefois une vision très pragmatique et prudente en mettant l’accent sur l’aspect humain et en s’interrogeant sur des questions de l’impact sur la culture militaire, du positionnement du chef dans le réseau, de la capacité des opérateurs à gérer l’information et de la concrétisation du combat collaboratif. L’évolution se veut expérimentale et les concepts de « useful failures » ou de « learning by doing » sont régulièrement avancés. En d’autres termes, l’armée australienne prône une réflexion conceptuelle, critique et incrémentielle de grande ampleur avant la mise en réseau effective des systèmes d’armes et souhaite la cohésion de l’ensemble des parties prenantes pour réussir cette transition : « chaque membre de la Défense, ainsi que les industriels et les universitaires qui supportent la Défense, ont un rôle à jouer dans la concrétisation du NCW »63 (Australian Government Department of Defence, 2006). Il est intéressant de noter que les termes

Revolution et Transformation ne sont pas présents dans les différents textes officiels

australiens…

Enfin, les feuilles de route sur la simulation militaire 2006 et 2011 (Australian Government Department of Defense, 2011) sont notamment mises en parallèle de la feuille de route NCW 2009 afin d’utiliser les simulateurs pour tester les capacités de la guerre en réseau.

63 « Every member of Defence, along with the contractors and academics who support Defence, has a part to play in implementing NCW ».

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Section 4.2