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Le NCW, le Network Enabled Capability ou la NEB au sens large sont, selon les points de vues, des théories, philosophies ou concepts qui ont donné naissance à des principes d’emploi comme la guerre en réseau, les opérations réseau-centrées ou infocentrées, le NetOps, les

Network-Centric Operations, etc. Pourtant, ces termes formalisent simplement un état de fait,

militaire et civil, commencé bien antérieurement : l’opérationnalisation concrète de ces approches théoriques se retrouve par exemple pour certains depuis bientôt 20 ans dans des vocables tels que Digitization of the Battlefield, Numérisation des Forces Terrestres, Numérisation de l’Espace de Bataille « messagerie », etc. L’infovalorisation est un cas légèrement à part qui reprend à la fois les apports théoriques du NCW et les perspectives plus opérationnelles de la NFT. Comme tout nouveau système d’arme, on assiste à un débat entre ses partisans et ses opposants ; débat exacerbé par les conflits asymétriques (qui ont pourtant toujours existé), les évolutions organisationnelles extrêmement rapides des armées occidentales, des champs lexicaux abscons et les choix budgétaires souvent cornéliens.

Le besoin de partage de l’information n’est pas non plus nouveau. Depuis la nuit des temps, les chefs militaires ont cherché à percer le brouillard de la guerre afin de connaître les forces et faiblesses ennemies tout en contrôlant leurs propres unités combattantes. Les « navettes » et positions surplombant le champ de bataille pouvaient suffire à une époque mais, dorénavant, les élongations rendues possibles par les véhicules modernes impliquent souvent des combats ou des opérations de sauvegarde terrestre lacunaires qui nécessitent de transmettre de plus en plus d’informations de tout type (image, vidéo, texte, voix, etc.). C’est donc bien la « forme » de l’information qui a changé. D’analogique, elle est devenue numérique. Les moyens nécessaires pour la faire circuler doivent donc eux aussi évoluer en conséquence. De plus, le besoin de partage de cette information numérisée s’étend maintenant à toutes les composantes du champ de bataille ou des zones de catastrophes naturelles : Armes, armées françaises ou alliées, organisations civiles, etc. Nous sommes donc à un point de non-retour. La Numérisation de l’Espace de Bataille aura bien lieu et de nombreux pays sont en passe de réussir ce défi à première vue purement technologique.

La NumALAT, qu’elle se développe de son côté en assurant une interopérabilité complète avec les forces amies, ou qu’elle s’intègre au programme SCORPION via la mise en œuvre de SICS à bord de ses hélicoptères, se concrétisera dans les années à venir. Par conséquent, il est

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indispensable de dépasser l’opposition ou l’acceptation simple des Technologies de l’Information en étudiant proactivement les impacts de ces nouveaux dispositifs sur l’ensemble de l’ALAT. À ce titre, il nous semble opportun d’observer les usages qui émergent au sein des unités opérationnelles afin de réfléchir sur les pistes d’évolutions du Système d’Information NEB.

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Encadré 32

Synthèse de la 2ème partie

Chapitre 4

La guerre en réseau ou la céleustique du XXIème siècle

Le NCW est un « concept d’opérations militaires fondé sur la supériorité informationnelle qui génère une augmentation de la puissance de combat grâce à la mise

en réseau des senseurs, décideurs et tireurs. Il permet d’accéder à une situation

opérationnelle partagée, d’accélérer le processus décisionnel et le tempo des opérations, d’augmenter la létalité et la survivabilité et d’atteindre un certain niveau d’autosynchronisation » (United States Joint Staff, 2005).

L’autosynchronisation est la capacité « d’unités militaires d’orchestrer automatiquement

leurs actions en fonction de l’intention donnée par le chef au lieu d’attendre des ordres ou instructions directs et explicites supplémentaires » (Defence Science and Technology Organisation, 2005).

L’objectif du NetOps dans les opérations réseau-centrées (« Net-Centric Operations ») est

de permettre au GIG de fournir aux opérateurs de tous niveaux, et dans n’importe quel

environnement, les informations dont ils ont besoin. Afin de réussir ce challenge, les

capacités du NetOps sont orientées « mission », focalisées sur l’utilisateur, agiles au niveau global et évolutives en fonction des technologies et doctrines.

Le concept d’interopérabilité est central. Il est la condition sine qua non de la réussite du NCW. C’est l’aptitude des forces militaires à « s’entraîner, à s’exercer et à opérer efficacement ensemble en vue d’exécuter les missions et les tâches qui leur sont confiées » (Centre Interarmées de Concepts, de Doctrine et d'Expérimentations, 2012).

En juillet 2012, la Numérisation de l’Espace de Bataille (NEB) est toujours quasi-inexistante dans la littérature académique française et, lorsqu’elle apparait, c’est pour traiter du concept américain de Network-Centric Warfare (NCW) qui peut paraitre de prime abord analogue. Pour le Commandement des Forces Terrestres français, l’objectif de la Numérisation de l’Espace de Bataille consiste à maîtriser l’information et le processus décisionnel pour acquérir et conserver l’avantage sur un adversaire en coercition de force, comme en maîtrise de la violence.

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La définition officielle de la NEB est la mise en réseau de l’ensemble des systèmes d’information interopérables entre eux (comprendre les TIC ou SIOC, N.D.A.), de l’état-major jusqu’au dernier soldat, afin de traiter et diffuser en quasi-temps réel (ou

temps réflexe) les informations utiles au combat. Cette mise en relation de tous ces SI de

commandement, de préparation et de conduite de mission doit permettre l’échange de données numériques fiables au sein d’un combat infocentré afin de comprendre, décider et agir plus rapidement que l’adversaire.

Ce nouveau SIOC SICS rompt avec la logique d’intégration incrémentale des SIOC de la NEB « messagerie » (ou approche modulaire) qui s’est terminée en 2009 par l’arrêt de l’Opération d’Ensemble SIC TERRE (OE SIC TERRE) qui avait tenté, en vain, de rendre interopérable un ensemble de SIOC de générations différentes. SICS, via

SCORPION, impose une mise en place de type « big bang », c’est-à-dire, et par analogie à

la cosmologie, d’une manière globale et instantanée en évitant de réaliser des passerelles et interfaces provisoires avec les systèmes déjà en place.

La définition officielle de l’infovalorisation est l’exploitation optimale des ressources d’informations obtenues grâce aux technologies et à la mise en valeur de l’information à

travers tout le dispositif (La Numérisation de l'Espace de Bataille, 2010).

Chapitre 5

La NumALAT ou la numérisation de l’aérocombat

La Numérisation de l’ALAT ou NumALAT est l’intégration de l’ALAT dans la NEB.

Le Module de Préparation de Mission des Équipages ou MPME (SAGEM – Groupe SAFRAN) a été adopté par l’institution militaire en 2009. Sa dernière version (1.2) a été ensuite qualifiée et a reçu son accréditation de Mise en Service Opérationnelle (MSO) au second semestre 2012. Le MPME est un système de préparation et de restitution de mission collaboratif, fédérateur et intégrateur qui s’insère dans la NEB « messagerie » (via le SIR et EUROGRID) et dans la NEB « de combat » (via le SITALAT). Il correspond à un Système d’Aide à la Décision de Groupe (SADG) de niveau 1 avec quelques fonctionnalités de niveau 2 selon l’échelle à 3 niveaux de Desanctis et Gallupe (1987).

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La NumALAT ne rentre pas aujourd’hui dans le cadre des premiers travaux du combat infovalorisé. Toutefois, les évolutions technologiques qu’elle a mises en avant, dont certaines sont en rupture par rapport au reste de l’armée de Terre (notamment la logique du TDMAi), seront reprises pour SICS. Il reste cependant à décider de son avenir en tant que programme « isolé » : s’intègrera-t-elle dans le programme structurant SCORPION via une mise à niveau de ses deux SIT par le SICS ou évoluera-t-elle indépendamment des troupes terrestres en garantissant une interopérabilité complète comme demandé dès SICS V0 ?

Chapitre 6

Du prescrit au réel, le cas du MPME

L’objectif de ces expérimentations était d’effacer l’échec des solutions informatisées précédentes afin de démontrer aux équipages la pertinence des choix technologiques pris par l’ALAT. Ces résultats, que nous espérions positifs, devaient donc satisfaire les pilotes et ainsi faciliter l’acceptation du MPME dans l’ensemble des unités.

Les résultats les plus importants des expérimentations sur le simulateur tactique EDITH montrent à la fois une baisse drastique des temps de communication et des valeurs en tous points supérieures au profit des patrouilles numérisées. La NumALAT en général et le MPME en particulier ont donc des effets bénéfiques sur les missions ALAT.

Cette méthodologie expérimentale ne nous apprend rien sur la dynamique sous-jacente de l’intégration réelle de la technologie dans les missions.

En effet, cette étape nous a permis de comprendre que les difficultés ne se situaient pas dans la résistance au changement (les équipages n’étaient pas contre l’évolution technologique) mais plutôt dans le processus de changement lui-même avec des différences entre le travail prescrit (par les ingénieurs, mais aussi par nos premières formations à l’évidence bien trop techniques) et le travail réel.

Par conséquent, la constatation de plusieurs usages émergents lors de ces

expérimentations, dont certains sont détaillés dans la 3ème partie, a réorienté notre

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ème

partie

La sociomatérialité comme cadre