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Les traits d’une supernova intergalactique

3. L’ ART DES LOCI

La première considération portée à la nature de la mémoire, dans ses aspects scientifiques et philosophiques, peut être attribuée aux écrits des philosophes et érudits classiques grecs et romains. La référence initiale à une observation philosophique sur la mémoire est arrivée avec la méthode mnémotechnique des loci inventée pour la première fois par l’orateur grec Simonide de Céos (556-468 avant J.-C.). Simonide avait inventé l'art des loci après avoir échappé à la tragédie d’un tremblement de terre qui avait démoli un bâtiment plein de dignitaires. Ayant quitté les lieux juste avant le séisme, il avait pu identifier les victimes en se rappelant des endroits où ils étaient assis avant la tragédie. L’association entre un lieu et un objet (humain dans ce cas) était la clé qui lui avait permis de développer une cartographie de l’emplacement des individus. Cette association mémorielle a ensuite fondé tout l’art des Loci. De nombreux érudits75 considèrent l’œuvre de Simonide comme un tournant dans l'histoire de l'art de la mémoire. Elle a engendré un grand changement au sein d'une société hautement organisée et a contribué à la mise en œuvre d’un nouveau système qui transcende la tradition orale. Dans son De Oratore, écrit en 55 avant notre ère, Cicéron décrit l’évènement tragique censé avoir conduit le poète Simonide à inventer sa méthode. Lui-même utilisait ce procédé en plaçant des objets dans un espace visuel imaginaire comme un moyen de se rappeler son discours. De nombreux auteurs ont repris l’histoire de Simonide et commenté sa méthode (Bohler, 2006; H. Hudrisier, 2000; Paveau, 2006).

Ce qui nous paraît important à souligner en revanche, c’est qu’à l’époque romaine, et du temps de Cicéron plus précisément, les techniques d’entrainement et d’instrumentation culturelle de la mémoire étaient déjà bien développées. Ceci n’est peut-être pas surprenant de la part d’une civilisation qui a su respecter l'orateur et qui disposait de peu de moyens techniques pour fixer des éléments d’information de façon permanente. La force de la mémoire était alors, comme aujourd'hui, fortement influencée par la technologie disponible d'enregistrement et de stockage. Le mode le plus commun de prise de notes était les tablettes de cire qui pouvaient ensuite être effacées à volonté par la fonte ou le grattage. En revanche, c’était un procédé lourd et inenvisageable dans les mains d’un orateur. Aujourd’hui, d’aucuns considèrent comme inélégant d’utiliser la dactylographie de son discours, un prompteur mais aussi un PowerPoint sauf si ce dernier apporte une réelle valeur ajoutée (graphiques, images, audio-visuels associés). Les loci sont en fait très comparables au principe du stockage des souvenirs qui vont et qui reviennent de façon récurrente dans le processus mnémonique. Ils nous rappellent aussi des procédés techniques similaires de gestion de la mémoire, que des

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Johannes Gensfleisch, alias Gutenberg (du nom de son enseigne « À la Bonne Montagne », « Zum Guten Berg »)

75 Nous citons d’abord France Yates et son magistral ouvrage « histoire de la mémoire » qui retrace l’histoire de la mémoire artificielle de ce moment originel jusqu'à aujourd’hui. La plupart des autres chercheurs se réfèrent à elle.

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cultures orales très différentes ont utilisées : la mélopée ou chant récitatif dans presque toutes les civilisations, les blasons poétiques comme à l’école de Médecine de Salerne en Italie76, la mémorisation du texte sacré dans les écoles coraniques (cf. volume 3, annexe 1, fig. 6), la mémorisation des tables de multiplication par nos écoliers77, la mémorisation des itinéraires et des tracés des mouvements que le corps garde en souvenir comme c’est le cas pour un comédien qui apprend sa mise en scène ou encore plus impressionnant le « chant des pistes » chez les aborigènes australiens (Chatwin, 1987), etc.

L'hypothèse que pose l'art de la mémoire est que nous sommes prédisposés à nous souvenir d’objets (ou de concepts avec un léger effort supplémentaire) que l’on associe avec des lieux. Selon Frances Yates (1987), spécialiste britannique de l’art de la mémoire, les images et les textes sont cartographiés sur des lieux virtuels pour venir en aide à la mémoire des orateurs. (Cicéron disposait, prétendait-il, de plus de 300 lieux). Yates explique que cette mémoire artificielle dépend du souvenir des images : « La mémoire artificielle est établie à partir de lieux et d'images ... Un locus est un endroit facile à retenir par la mémoire, comme une maison, un espace entre colonnes, un coin, un arc, ou toute chose similaire. Les images sont des formes, des marques ou des simulacres de ce que nous voulons retenir. Par exemple, si nous tenons à nous rappeler le genre d'un cheval, d'un lion, d’un aigle, nous devons placer leurs images sur des loci précis » (Yates, 1987). Yates s’inspire de l’affirmation d’Aristote selon laquelle il est impossible de penser sans image mentale pour soutenir l’utilisation des images dans la mnémonique » (Yates, 1987). Aristote affirme dans son œuvre De Anima : « il est possible de disposer de choses devant nos yeux exactement comme le font ceux qui inventent des systèmes de mémoire et construisent des images » (Aristóteles & Tricot, 1995). Selon Santorienos, l’idée d’Aristote est actuellement réaffirmée via la technologie du multimédia. Il prend comme exemple le « bureau » d’ordinateur avec « les petites icônes qui symbolisent la mémoire de l’ordinateur » (Santorineos, 2008).

La mémoire artificielle est une sorte d '« écriture intérieure » que l'orateur réexamine tout en présentant un discours, en observant les images, les lieux et leurs contenus. Il récupère le souvenir des choses (les sujets) que ces images représentent. L'orateur utilise une série de lieux (les topoi de la rhétorique classique contiennent des arguments, appelés inventio78), dans lesquels il place une ou plusieurs séries d'images, selon le discours qu'il doit mémoriser. « Les

loci restent dans la mémoire et peuvent être utilisés à nouveau en plaçant une autre série d'images pour un autre ensemble de matériel » » (Yates, 1987).

De toute façon, il faut bien comprendre que l’intellectuel de l’Antiquité, du Moyen Âge et même à l’ère contemporaine n’avait souvent que cette solution comme note de discours pour une raison pratique (encombrement des tablettes de cire, inexistence du papier, ou trop grand coût des supports alternatifs comme le papyrus ou le vélin) pour pouvoir s’en servir. Pour tous ceux-là, la mémoire des loci est l’unique solution. Comme pour les écoliers, les étudiants en médecine, ou d’autres professionnels, quantité de techniques mnémotechniques sont également très utiles.

Ces techniques mnémoniques spatiales ont été utilisées durant le Moyen Âge et plus tard, à la Renaissance par des savants et érudits comme Raymond Lulle (1235-1316), Giulio Camillo (1480-1544), Giordano Bruno (1548-1592) et Pierre de la Ramée (1515-1572). Bien avant eux

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Voir Montesse A. (Dir). Nouvelles technologies et arts de la mémoire. Paris : Edition oohoo, 2002

77 Ont peut très sérieusement se poser la question du déficit d’apprentissage et d’entrainement de la mémoire qu’induit (entre autres) la généralisation des calculettes dans la quasi totalité des examens.

78 Inventio est le système ou la méthode utilisée pour la découverte des arguments de la rhétorique occidentale et vient du mot latin, qui signifie « invention » ou « découverte ».

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Mokhtar BEN HENDA. Interopérabilité normative globalisée des systèmes d’information et de communication. Mémoire HDR, Volume 1. Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 2012

au IVe

siècle, Saint-Augustin (354-430) a été l'un des rares penseurs chrétiens à avoir réfléchi très tôt sur les problèmes de mémoire. Il représente une charnière clé dans l’évolution des

Loci. Exposé très jeune aux travaux de Cicéron qui l'ont conduit à la fascination pour les questions philosophiques, Saint Augustin parle dans son œuvre Les Confessions de l’impact des images enfouies dans les « vastes pièces du palais de mémoire ». Sa démarche émanait de sa conviction théologique qui l’a conduit à vouloir démontrer en quelque sorte que l’homme, par son esprit, touche à la perfection divine.

À la Renaissance, Giulio Camillo, considéré par beaucoup comme le penseur le plus célèbre du XVIe

siècle, s’est inspiré des travaux de Raymond Lulle pour développer son modèle de « Théâtre de la mémoire »79 (cf. volume 3, annexe 1, fig. 8). Dans sa présentation de ce modèle, Bertrand Scheffer le décrit comme un théâtre conçu sur le modèle des théâtres antiques, mais dans lequel l’organisation de la représentation est inversée de sorte que le spectateur (un seul) est mis au centre de la scène entourée de gradins sur lesquels sont peints les lieux de mémoire, c’est-à-dire le spectacle (Scheffer, 2001). L’objectif en était de présenter la mémoire comme une « image complète du monde dans laquelle il est possible de représenter, par un nombre fini de combinaisons d’images, la somme de toutes les choses, idées et concepts, c’est-à-dire la totalité du monde connaissable » (Scheffer, 2001, p.21). L’idée en soi est largement marquée à la fois par l’art de la mémoire des Grecs et la Cabbale (Santorineos, 2008).

Giordano Bruno (1548-1592), successeur de Camillo, a tenté d'utiliser le même principe pour se saisir des mystères de la religion et de l’infinité de l'univers. Il a conçu des systèmes de mémoire de la plus grande complexité dans la nature en insistant sur la classification systématique des matériels observables. Par son Théâtre de la mémoire, il affirmait pouvoir devenir « omniscient », connaître et retenir l’infinité des savoirs humains. Mais, même si ses techniques mnémoniques sont devenues rapidement démodées et obsolètes en raison de l'émergence de la culture de l'imprimé et de la prédominance du mode verbal de mémoire, l’art de la mémoire iconique a eu une influence considérable sur la pensée contemporaine. Un autre mécanisme de mémoire s’est très vite imposé depuis cette époque et jusqu’au XXe

siècle : le système de traitement de la connaissance par le papier, le livre et la bibliothèque comme lieu de mémoire organisé. « De l’usage du papier et de la photographie au développement des applications avancées de l’ordinateur, la bibliothèque et l’ensemble des livres classifiés en général constituent le système mécanique extérieur principal de la pensée » (Santorineos, 2008).

L'homme contemporain vit désormais dans un espace largement pourvu d’artefacts de mémoire qui préservent les traces des évènements importants, notent l’évolution des techniques, mémorisent les différences économiques, servent l’accroissement de la connaissance ... Ces artefacts génèrent ce que Gille Deleuze (1988) appelle des « plis de mémoire », pour signifier les espaces où toute activité peut avoir lieu80. Avec l’invention de la télévision, la mémoire a subi une nouvelle épreuve. La télévision est devenue elle-même un porteur de mémoire en fournissant une preuve visuelle de la réalité. À chaque fin d’année, elle diffuse des rétrospectives condensées des moments les plus marquants de l’année pour rafraîchir et entretenir la mémoire collective.

79 Pour une description détaillée du fonctionnement du théâtre de la mémoire, voir Bertrand Schiffer « Les lieux de l’image » éd. Allia, 2001

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En réalité, quand Deleuze parle des « plis de mémoire », il pense à l’étymologie latine de « explicare » : défaire les plis d’un

volumen que l’on a déroulé et mis en plis comme une rame de tissu que le marchand déroule et superpose en plis

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Avec l’avènement des technologies numériques, l’expression audiovisuelle de la mémoire n’est plus tenue comme référentiel principal de la civilisation. Manthos Santorineos synthétise cette transformation au XXIe

siècle : « nous ne pensons plus linéairement les évènements, nous ne faisons pas de zoom sur les sujets qui nous intéressent en laissant de côté tous les autres. Notre mémoire ne reproduit pas de scènes de notre vie d’une manière cinématographique. Nous pensons progressivement avec la forme de l’hypertexte. Nous choisissons une information seulement quand elle est immédiatement nécessaire, nous combinons un évènement avec d’autres en même temps. Il n’y a plus beaucoup de surprises, le suspens du langage cinématographique lors de la combinaison des informations puisque c’est nous qui en choisissons l’ordre » (Santorineos, 2008).

Nous signalerons encore dans cet axe de l’oralité, le rôle qu’a joué la mémoire dans le développement des styles littéraires et artistiques oraux. Entre griots, conteurs et orateurs, l’oralité a développé ses propres paradigmes principalement l’Art poétique, le comptage corporel, la récitation, la répétition, la psalmodie, les mythes, les récits et les contes, les généalogies et les lieux (loci) que nous venons juste d’évoquer. Nous passerons donc rapidement en revue ces paradigmes comme conséquences naturelles d’une évolution progressive de l’usage de la mémoire dans la conservation et l’échange d’information. Comme nous le verrons plus tard, ces paradigmes, dans leur état primitif, ont constitué des avant-coureurs de l’art rhétorique rendu célèbre particulièrement par les Grecs puis les Romains. Pour distinguer ces paradigmes de l’oralité savante, par opposition à un proto langage primitif sans grammaire, nous allons l’appeler une « oralité culturelle et linguistique ».

4.L’

ORALITÉ CULTURELLE ET LINGUISTIQUE

Les systèmes culturels centrés sur l’oralité ont offert l’inestimable avantage de produire et promouvoir une tradition orale « littéraire » très riche qui inclut une grande variété de formes : proverbes, énigmes, contes, comptines, légendes, mythes, chants et poèmes épiques, incantations, prières, psalmodies, chants, représentations théâtrales, etc. Toutes ces formes orales véhiculent des savoirs, des valeurs et surtout une mémoire collective qui joue un rôle essentiel dans le dynamisme culturel. L’oralité implique, en effet, de retenir l’attention des autres ce qui, dans la durée, donne naissance aux différentes formes de récits. Pour Paul Ricœur (1985), « raconter c’est relier au passé un temps vécu entre le narrateur et celui ou ceux qui l’écoutent ». Les grands récits épiques de plusieurs milliers de vers appris par cœur et chantés par l’aède et le barde (exemple de l’Iliade de Homère ou le Véda en Inde), avaient aussi l’avantage de se construire sur la base d’une interaction avec l’auditoire, ce qui en accroissait la richesse.

L’oralité prend ses sources originelles dans l’enfance. Les contes (dans la culture occidentale) sont toujours un facteur déterminant dans l’éducation de l’enfant. Selon le principe de l’ontogénèse dans l’évolution humaine, chaque individu réinvente avec ses parents le parcours de l’évolution humaine et de la culture de sa communauté. Les histoires de grands-mères racontées aux enfants pendant les veillées d’hiver sont l’expression même du rôle social important que l’oralité a continué à jouer dans les civilisations plus actuelles. Avec la culture du livre imprimé, « lire une histoire pour endormir un enfant », traduit la survie de l’oralité par rapport à l’écrit et à l’imprimé comme forme de communication préférée dans des sociétés à faible proportion de lettrés81. Cela confirme aussi la préservation des aspects mythiques, fantaisistes et imaginaires qui caractérisent le récit oral, surtout pour les enfants.

81 La lecture accompagnée par un adulte est aussi la meilleure forme de l’introduction progressive à l’apprentissage de la lecture chez l’enfant.

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Mokhtar BEN HENDA. Interopérabilité normative globalisée des systèmes d’information et de communication. Mémoire HDR, Volume 1. Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 2012

Le recours de l’éducation nationale en France à des conteurs dans des garderies d’enfants en est une autre illustration. Les contines enfantines en sont encore une facette, car elles assurent souvent, sous l’impulsion d’adultes, la transmission de la culture spécifique de l’enfance.

Après le livre et le journal qui, à un moment donné, sont venus appuyer la capacité oratoire des conteurs, la radio a brutalement soustrait à ce dernier son auditoire direct. L’oralité est dès lors entrée dans une phase de virtualité que la télévision est venue ensuite renforcer. Les familles isolées de leurs voisins ont commencé à se rassembler autour de la télévision, s'asseyant côte à côte, mais sans se parler, permettant à la télévision (ou autre média moderne) de prendre en charge le rôle de conteur. La télévision a été considérée par beaucoup comme une menace pour le patrimoine culturel et le folklore oral. Le cinéma a aussi pris part à cette transformation technoculturelle de l’oralité. Avec les films mythologiques82 et notamment les productions destinées à la jeunesse qui ont fait le succès de Walt Disney, le conte, le mythe et la légende se régénèrent sous d’autres formes de plus en plus attractives pour un nouvel auditoire plus conditionné aux changements de l’ère médiatique du XXe

siècle. Les technologies numériques ne dérogent pas à la règle et orientent les goûts vers des formes de récit encore plus fantaisistes et captivantes par la combinaison des effets spéciaux, de la 3D et de la voix de synthèse dont les films et les récits mythologiques que l’on retrouve dans Harry Potter ou dans la Guerre des étoiles. C’est aussi le cas des jeux en 3D qui sont associés, en produits dérivés, à toutes ces productions.

Pour ce qui est de l’oralité culturelle plus actuelle, les manifestations relevant des traditions orales sont le fait d’artistes professionnels souvent tenus en haute estime, car ils sont considérés comme les gardiens des mémoires collectives. N’est-ce pas Homère qui a dit dans l’Odyssée : « De tous les hommes de la terre, les aèdes méritent les honneurs et le respect, car c’est la Muse, aimant la race des chanteurs, qui les inspire » (Odyssée, VIII, 479-481, trad. Philippe Jaccottet). L’oralité dans ce cas particulier est une incitation à la recherche du sens de la vie. Considérée comme une « voix de l’âme », la parole mettant en jeu le corps tout entier, favorisait très certainement une communion permettant de transmettre des messages venus de l’au-delà. La parole était dès lors devenue un acte divin chargé de valeurs mystiques que les hommes vénéraient à travers les discours des prêtres, des sages, des philosophes, des orateurs et des conteurs. C’était aussi le mode de médiation des précepteurs pour communiquer les savoirs et éduquer les foules. La voix parlée, scandée ou chantée, porte en elle, l’héritage de toutes les activités de la vie sociale. Plus facile à retenir quand elle est chantée, elle demande néanmoins un effort de mémorisation, que maîtrisent les spécialistes que sont les aèdes, les bardes ou les griots (cf. volume 3, annexe 1, fig. 5).

En termes de performance, certains savoir-faire spécifiques permettent à un conteur d'apporter de la « vie » à un récit et de transformer les « auditeurs » en « participants » actifs. Le langage du conteur est souvent coloré avec une utilisation dramatique de l'intonation et des pauses. Le silence peut être aussi significatif que la parole. Les pauses sont utilisées pour mettre en évidence et renforcer le drame. Certains passages ou certains mots peuvent être prononcés en jouant sur la vitesse d’énonciation ou sur la tonalité pour renforcer le sens. L’approche d’un animal sauvage est marquée par une voix rugissante. Le volume de la voix peut monter et descendre, et le ton peut changer soulignant ainsi une action ou un personnage.

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Ou même directement lié au corpus des textes fondateurs d’une religion comme la TV et le cinéma indien. Cette situation est assez exceptionnelle dans la religion chrétienne et peu envisageable pour l’Islam ou le Judaïsme. Par contre la littérature imprimée des BD ou des récits pour enfants abonde pour transmettre les récits bibliques.

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Dans la culture arabe où j’ai grandi, des générations entières sont encore marquées par les histoires des Mille et Une Nuits qu’elles n’ont jamais lues comme œuvre écrite, mais entendues de la bouche de conteurs, dans les familles, dans la vie des quartiers ou sur les médias sociaux (radio et télévision). Des personnages devenus célèbres (même à l’échelle du monde) comme Shéhérazade, Haroun Al Rachid et son vizir Jaafar, Aladin et sa lampe magique, Sindbad le marin, Ali Baba et les 40 voleurs, et tant d’autres, sont les produits de traditions séculaires et de conteurs de talent qui ont su excellemment reproduire par l’intonation vocale, le suspense que Shéhérazade exerçait sur le roi Shehryar pour entretenir sa curiosité afin qu’il la laisse continuer ses contes pendant mille et une nuits (cf. volume 3, annexe 1, fig. 4). Aujourd’hui,