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Les écritures alphabétiques et le « Miracle grec »

La naissance des civilisations

4.4. Les écritures alphabétiques et le « Miracle grec »

Il est couramment admis que les plus anciens alphabets ont été utilisés par des langues sémitiques occidentales, particulièrement l'ougaritique et le phénicien. James G. Février, linguiste et spécialiste de l'épigraphie sémitique, affirme que ces alphabets anciens n’étaient « pas ce que nous avons coutume d'appeler un alphabet, c'est-à-dire une écriture analysant chaque mot en ses éléments phonétiques constitutifs, consonnes et voyelles … [ils permettent plutôt]… une écriture phonétique, mais incomplètement phonétique, puisqu'[ils] ne note[nt] que les consonnes » (Février, 1948). Martin-Lagardette (2009) commente Pommier (1993) qui valide lui-aussi cette hypothèse : « La création de l'écriture alphabétique dans sa formation définitive correspond à la suppression de l'interdit concernant les voyelles par la culture grecque dont le culte polythéiste, rappelle G. Pommier, augure d'une recrudescence de l'image. Parce qu'elles pourraient présentifier, comme images sonores, le non-barré de la vocalique, ces dernières auraient été proscrites par les écritures égyptiennes et sémites, systèmes consonantiques ». Les écritures sémitiques se sont contentées en réalité de représenter les consonnes pour construire des mots à partir d’un radical qui reste invariable. Les deux langues (phénicienne et ougaritique) nous poussent à poser la question des origines. Si nous observons de plus près les structures linguistiques de l’une et de l’autre, le système d’écriture de la première (langue phénicienne), couramment supposée être l’ancêtre de la

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Le système de romanisation du chinois le plus utilisé est le pinyin. Il a été adopté en Chine en 1958, au niveau international en 1979. Le système de romanisation du japonais le plus usité à l'étranger est le système Hepburn modifié. Cependant, les Japonais utilisent le système Kunrei qui diffère légèrement du système Hepburn. Le système Wâpuro, très proche des deux précédents, a été créé pour l'informatique. Le système de romanisation du coréen était jusqu'en juillet 2000 le système McCune-Reischauer (MR). Mais la "National Academy for the Korean Language" (NAKL) effectua de récents changements (très controversés mais officiels) afin d'éviter les apostrophes ainsi que des accents sur certaines voyelles.

Chapitre 2 : la galaxie de l’écriture

plupart des alphabets modernes, est formée de seulement 22 signes consonantiques qui s'écrivent de droite à gauche, rappelant les cas des systèmes d’écriture arabes et hébraïques176. Dans le système phénicien, la syllabe reste principalement l'unité linguistique minimale. En revanche, les syllabes font partie d'ensembles qui peuvent être constitués à partir d'un trait commun, comme par exemple, le bruit consonantique initial. Cela veut donc dire, selon Havelock (1981) que « les Phéniciens ont adopté le principe que « ba be bi bo bu » constitue un ensemble de syllabes en « b ». Les syllabaires précédents auraient utilisé cinq signes différents pour ces cinq sons. Les Phéniciens en utilisent un seul, [c’est] l’indice consonantique de l'ensemble ». Havelock rajoute que « dans un sens donc, les Phéniciens préparent la voie à la reconnaissance de la consonne comme un élément théoriquement distinct de la parole, et le système est capable de réduire le nombre de signes utilisés à plus d’une vingtaine environ ». Havelock cite des inconvénients évidents à ce système : « (i) il est moins flexible que le système grec, [puisqu’il est] conçu pour indexer seulement les syllabes commençant par une consonne ; (ii) il est beaucoup plus ambigu, puisqu’il a besoin que le lecteur déduise si la vocalisation doit être fournie et si oui combien de fois » (Havelock, 1981)177.

L'écriture ougaritique, encore plus ancienne que l'écriture phénicienne (première moitié du XIVe

siècle av. J.-C.), utilise, quant à elle, un ensemble de 30 signes cunéiformes classés en 27 consonnes et trois signes plutôt traités comme des syllabes qui transcrivent les sons « a », « i » et « ou » de gauche à droite. Selon Pierre Bordreuil, l’écriture ougaritique s'est également dotée d’un alphabet secondaire court, transcrit de droite à gauche, composé de 25 des 30 signes précités. Ces 25 signes servent à noter uniquement, 22 sont différents, rendant cet alphabet court pratiquement identique à l'alphabet phénicien (Bordreuil & Pardée, 2004). Les deux écritures finissent ainsi par se rencontrer dans leur appartenance à une famille de langues classées comme langues sémitiques.

Toutefois, la question des origines de l’alphabet resurgit plus tard pour animer cette fois le débat entre sémitisants et hellénistes qui se posent la question de savoir comment qualifier les écritures des langues sémitiques occidentales. Le courant sémitique les considère comme des écritures alphabétiques bien qu’exclusivement consonantiques. Les hellénistes mettent plutôt en avant l'écriture grecque comme seul véritable alphabet puisqu’il est le seul qui « rend compte de tous les phonèmes de la langue, sans exception » (Havelock, 1981). Partant des études de Gelb, les hellénistes ne voient dans les écritures sémitiques occidentales qu’un exemple de « syllabaire simplifié » (Irigoin, 1982) ou un « syllabaire sans voyelles » (Havelock, 1981), autrement dit, un syllabaire qui note par un signe graphique non une seule syllabe, mais toutes les syllabes qui ont la même attaque consonantique. Dans ces conditions, la lecture des textes devient tributaire de la dextérité du lecteur qui, selon Clarisse

176 En fait, la direction d’écriture est aussi fonction du respect ultérieur à la posture du scribe. Si on tourne la surface d’écriture pour que le scribe écrive du haut vers le bas ce qui sera lu horizontalement, on obtient « naturellement » une écriture de droite à gauche. En revanche, lorsque ultérieurement, le lecteur devient aussi scripteur, que l’écriture se sera démocratisée, qu’elle sera devenue plus « cursive (qui court sur la page) », ce lecteur-scripteur aura tendance à écrire sans faire subir à sa page une rotation d’un ¼ de tour ; ce qui induira, fatalement, des risques à tâcher la page s’il continue à écrire de droite à gauche. Ce qui fait que la quasi-totalité des écritures alphabétiques ont fait cette révolution (y compris les Touaregs en tifinagh) à l’exception des Hébreux et des Arabes pour lesquels l’écriture est sacrée et intangible.

177 Texte original : “Phoenician grasps the principle that "ba be bi bo bu" constitutes a set of "b" syllables. Previous syllabaries would have used five unrelated signs for these five sounds. Phoenician uses one, the consonantal "index" of the set. In a sense therefore Phoenician prepares the way for the recognition of the consonant as a theoretically separate element of speech, and the system is able to reduce the number of signs used to something over twenty ... But it’s obvious drawbacks are: (i) it is less flexible than the Greek system, being designed to index onlysyllables beginning with a consonant; (ii) it is much more ambiguous, since it requires the reader to infer whether vocalisation has to be supplied and if so how much”. In, Havelock, Origins of Western Literacy, pp. 31-32.

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Herrenschmidt, « supplée à l'absence de voyelles par sa connaissance de la grammaire et du contexte qui lui permettent de lire, c'est-à-dire de placer mentalement les bonnes voyelles. Dans le processus de lecture, il passe par la formation mentale des syllabes du mot : il reconstitue les syllabes. […] Les alphabets consonantiques sont des écritures dont l'unité d'analyse du son est la syllabe, mais dont les unités d'écriture sont à la fois le mot et le phonème consonantique » (Herrenchmidt, 1998). Herrenschmidt soulève ainsi le lien de similitude entre écriture consonantique et écriture syllabique dans le sens où la lecture correcte d’un texte se construit essentiellement à partir de la signification supposée de l'ensemble. La différence est que cet ensemble signifiant dans une écriture consonantique est le mot, alors que dans les écritures strictement syllabiques, il couvre l’énoncé général du texte, même si l'écriture syllabique supprime des phonèmes ou qu'elle fait parfois appel à plus de voyelles qu'il n'en est prononcé. Selon l'interprétation de Gelb (1973), ce type d’écriture correspond à un troisième type d'écriture souvent qualifié d’écriture « syllabo-consonantique ». Mais qu’est-ce qu’une langue syllabo-consonantique ?

C’est une langue dans laquelle on note surtout les consonnes. Ceci est dû au fait que l’écriture, quand elle a émergé, a eu de la peine à inventer les signes car elle a rebondi en Mésopotamie sur un espace particulier, celui des langues sémites pauvres en voyelles. En revanche, quand elle a été adoptée par des pays comme la Grèce et la Crète, les mêmes systèmes ont évolué pour donner quelque chose que les grecs considéraient comme un grand exploit, celui de permettre d’articulation avec des voyelles178. Sur la source de ce système, Hérodote raconte ceci : « Pendant le séjour que firent en ce pays les Phéniciens qui avaient accompagné Cadmos, et au nombre desquels étaient les Géphyriens, ils introduisirent en Grèce plusieurs connaissances et entre autres des lettres, qui étaient, à mon avis, inconnues auparavant dans ce pays. Ils les employèrent d'abord de la même manière que tous les Phéniciens. Mais dans la suite des temps, ces lettres changèrent avec la langue et prirent une autre forme. Les pays circonvoisins étant alors occupés par les Ioniens, ceux-ci adoptèrent ces lettres, dont les Phéniciens les avaient instruits, mais ils firent quelques légers changements. Ils convenaient de bonne foi et comme le voulait la justice, qu'on leur avait donné le nom de lettres phéniciennes, parce que les Phéniciens les avaient introduites en Grèce » (Hérodote, II, 59).

Grâce à la perfection véritablement phonographique de l’alphabet grec, il suffisait de transcrire179 pour pouvoir ultérieurement comprendre grâce à un interprète ce qui avait été dit lors d’un voyage dans un pays « barbare180 ». Ce système permettait ainsi à la Grèce (c’est véritablement un des piliers du « Miracle grec ») de gérer plus rationnellement des ambassades, de mettre en place des communications commerciales lointaines sans qu’il soit besoin d’embarquer des interprètes dans chaque caravane ou bateau de commerce. Aujourd’hui cette approche est rendue plus facile grâce à l’Alphabet Phonétique International (API) (cf. note 184), amélioré avec le système de tonalité. Avec l’API, plus le système de

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Le mythe d’Europe, princesse phénicienne enlevée à Tyr par le Taureau «Zeus » pour être amenée en Crète, est considéré comme le mythe fondateur de l’écriture alphabétique grecque offerte par Cadmos à la recherche de sa sœur Europe.

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Grâce à l’alphabet, on pouvait phonétiquement écrire ce que les gens disaient.

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À l’origine, le terme barbare, emprunté en 1308 au latin barbarus, lui-même issu du grec ancien βάρϐαρος bárbaros (« étranger »), était un mot utilisé par les anciens Grecs pour désigner d’autres peuples n’appartenant pas à leur civilisation, dont ils ne parvenaient pas à comprendre la langue. Bárbaros n’a, à l’origine, aucune nuance péjorative, il signifie « non grec » ou plus largement toute personne dont les Grecs ne comprennent pas la langue, quelqu’un qui s’exprime par onomatopées : « bar-bar ».

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tonalité, on peut noter toutes les langues du monde181. Les Grecs l’avaient constaté avec leur écriture, alors qu’avec un alphabet consonantique, il est impossible de le faire. Ce qui prouve que les langues qui sont restées consonantiques ne sont pas parfaitement phonétiques. Nous en analyserons plus en avant quelques symptômes à travers l’exemple de la langue arabe. Historiquement, les langues sémitiques occidentales (particulièrement le phénicien) se sont propagées sur la côte phénicienne, et c’est de là qu’elles sont parvenues aux Grecs. Ces derniers, après avoir perdu l'usage de l'écriture suite à la disparition du monde mycénien (XIIe

siècle av. J.-C.), avaient adopté l'alphabet phénicien182. Mais, ils avaient dû l’adapter aux exigences de la langue grecque en y introduisant des signes adéquats par rapport à leurs propres phonèmes. Ils ont surtout ajouté des signes pour représenter les voyelles (sept voyelles exactement) et donner lieu ainsi à une représentation écrite entièrement phonétique de la langue parlée. La prouesse d'invention de l'alphabet grec tient dans le déplacement de l'unité sonore constitutive des énoncés de la langue depuis la syllabe vers le phonème. Par cette solution, les grecs sont parvenus en réalité à concilier trois conditions jusqu'alors incompatibles (Bousquet, 1987) :

1. Que chaque son de la langue puisse être transcriptible en une visualisation graphique, 2. Qu’aucun caractère ne conserve sa valeur phonétique stricte et qu’il fasse objet de double

emploi,

3. Que le nombre total de caractères soit réduit pour être facilement exploitable et mémorisable.

Ces trois conditions n’étaient pas réalisables sans la mise en évidence concrète du phonème comme unité de base de la parole. Dans son principe, le système alphabétique « réalise l'adéquation la plus étroite possible entre l'œil et l'oreille, expression orale et expression graphique d'une langue, de n'importe quelle langue. [...] En théorie, l'oreille guide la plume qui n'écrit que les lettres correspondant aux sons successifs de l'énoncé » (Bousquet, 1987). Ce bond considérable au regard des possibilités entièrement inédites qu'apportait l'alphabet grec a été à l’origine de l’expression emblématique du « Miracle grec »183.

Avec la vocalisation, les grecs ont fini par apporter un grand élan à l’économie du signe. « L'invention de l'alphabet grec, [...] a représenté un événement dans l'histoire de la culture humaine [...]. Sur cette base ont été bâties les fondations de ces deux formes jumelles de la connaissance : la littérature et la science » (Havelock, 1981). Le « Miracle grec », selon Havelock, s’est produit dès l’instant où tout citoyen a pu apprendre facilement un code alphabétique court, ce qui entraîne une démocratisation du savoir et de l’écriture. On peut dès lors écrire la chronique historique, le récit littéraire, la lettre personnelle ou commerciale, le traité politique, philosophique ou scientifique, la comédie ou la tragédie. Bref, l’écriture déborde la chancellerie, la religion et le très grand commerce pour s’étendre à toute la société et bien évidemment aussi au petit commerce. Cette révolution ou « Miracle grec » peut être perçue du seul point de vue de l’évolution des outils de communication, mais en réalité elle se

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Au regard de ce que nous avons dit plus haut sur les langues tonales (comme la chinois) il est clair bien sûr que la perfection phonographique supposée de l’alphabet grec achoppe évidemment sur la notation des langues tonale, sauf à mettre en place (ce qui est fait en API (ou en pidgin) un système de notation des tons.

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Avant l’alphabet, les grecs utilisaient trois écritures différentes, l'une est hiéroglyphique, on l'appelle l'écriture hiéroglyphique crétoise, et les deux autres sont linéaires, on les appelle linéaire A et linéaire B.

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L’expression est attribuée à Ernest Renan (1823-1892) mais elle est largement reprise après lui, par Havelock entre autres, pour exprimer l’idée que la Grèce, et elle seule, aurait inventé la raison, la pensée scientifique, la philosophie et toutes les grandes valeurs universelles. L'opposition à cette idéologie voit le jour avec le titre de Gernet Les Grecs sans

miracle (2001), qui prend le contre-pied de l’expression de Renan. Mais Marcel Detienne, par exemple, tient pour

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produit une véritable démocratisation de l’apprentissage de l’écriture et de la lecture (Havelock, 1981).

L’idée du « miracle » continue encore aujourd’hui à retentir dans la littérature occidentale comme un moment de gloire inégalé. À l’instar de Gelb ou de Havelock qui ont considéré l’alphabet comme une étape achevée de l’histoire de l’écriture, plusieurs auteurs ont entretenu cette croyance « auto-célébratoire » et égocentriste occidentale que nous mettrons plus loin à l’épreuve de la remontée en puissance des écritures idéographiques dans le monde numérique. Mais avant d’y arriver, revenons brièvement à l’alphabet grec pour le situer par rapport aux autres systèmes d’écriture dans son environnement géographique et historique. Jean Irigoin, philosophe, codicologue et paléographe français, dépeint ainsi l’expérience grecque : « L'alphabet phénicien auquel les Grecs firent appel comptait vingt-deux signes notant chacun une consonne. L'innovation capitale des Grecs va être d'y introduire la notation des voyelles : ils transformeront ainsi en un véritable alphabet ce qui n'était en fait qu'un syllabaire simplifié. Par eux, et pour la première fois, se trouve noté avec précision ce qu'A. Martinet a appelé la deuxième articulation du langage » (Irigoin, 1982). Par cette transformation, l'alphabet grec est considéré comme le premier alphabet entièrement transcrit à la fois en consonnes et en voyelles. Avec les Romains, auxquels les Étrusques avaient transmis l’alphabet grec, cette écriture a connu ultérieurement d’autres transformations qui donneront naissance à l'actuel alphabet latin que les Européens continuent à répandre dans le monde entier depuis la période des Grandes découvertes. Or, dans la famille des langues alphabétiques, plusieurs autres types d’alphabets coexistent en plus de l’alphabet grec (dont l’alphabet phonétique184 est une extension très récente). N’oublions pas ici la nuance que Havelock a précisément signalée à ce sujet : « On ne saurait trop insister sur le fossé qui sépare du point de vue technique tous ces systèmes [dits sémitiques occidentaux] du système grec. Il nous faut donc un terme qui désigne spécifiquement la découverte grecque ; et puisque le terme « alphabet » n'est tout compte fait qu'un composé grec des noms des premières lettres de ce système, il semble tout à fait justifié de n'utiliser ce terme grec que pour désigner ce même système et ceux qui en sont issus en Europe occidentale, en Russie et en Amérique » (Havelock, 1981). Cette affirmation de Havelock se justifie à notre regard par la différence que Jean François Champollion a définie entre l’alphabet latin et l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques « que l'on pourrait nommer semi-alphabétiques, parce qu'elles n'offrent, en quelque sorte à l'œil, que le squelette des mots, les consonnes et les voyelles longues, laissant à la science du lecteur le soin de suppléer les voyelles brèves » (Champollion, 1822). Cela s’applique d’ailleurs à la majorité des écritures consonantiques comme l’arabe ou l’hébreu, plus souvent classées dans la catégorie des écritures « Abjad ». Nous profitons de notre connaissance de l’une d’elles (l’arabe) pour en parler brièvement.

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Les alphabets phonétiques sont utilisés spécifiquement pour la transcription précise des sons des langues. Le plus connu de ces alphabets est sans doute l'Alphabet Phonétique International (API), une adaptation et une extension de l'alphabet latin par l'ajout de nouvelles lettres et de marques pour les sons spécifiques et les modifications des sons. Contrairement aux alphabets consonantiques, l'intention des alphabets phonétiques est que leurs lettres représentent exactement les sons. L'Alphabet Phonétique International (API) a été élaboré en 1888 par le phonéticien français Paul Passy. Son but est de fournir un répertoire de signes graphiques correspondant aux principaux phonèmes réalisés dans les principales langues du monde, particulièrement le latin, le grec, les langues germaniques. Il renferme parfois même des symboles créés. Le principe sous-jacent de l'API est : un seul signe pour un seul son, un seul son pour un seul signe. Sa dernière mise à jour remonte à 2005. Les alphabets phonétiques ne sont pas utilisés comme systèmes d'écriture à usage commun, mais il n'est pas rare pour une langue orale d'avoir un système d’écriture développé en un alphabet phonétique.

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Les systèmes d’écriture « Abjad » sont des systèmes consonantiques qu’on qualifie aussi de semi-alphabétiques dans lesquels seules les consonnes sont souvent transcrites. Le terme « Abjad » est dérivé des quatre premières lettres de l'ordre traditionnel de ces écritures (Figure 9)185. Les lettres principales sont toutes des consonnes (ou voyelles longues). Les voyelles courtes sont soit délaissées entièrement ou indiquées optionnellement comme marques secondaires sur les consonnes. L'écriture phénicienne est le prototype classique d’un système d’écriture « Abjad ». La langue arabe est un autre prototype contemporain.

Figure 9 : Phénicien, grec, hébreu et arabe, quatre écritures ABJAD avec un même ordre alphabétique de début L'arabe et l’hébreu sont généralement écrits sans aucune voyelle. Les voyelles, quand elles se produisent par écrit, sont considérées comme des « Harakat » (articulation) et sont indiquées