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Chapitre 3 Cadre conceptuel – L’approche par acquisition des compétences de traduction

3.1 L’approche socioconstructiviste

Cette approche voit le jour dans la formation des traducteurs grâce au chercheur Kiraly (2000). Son but est de sortir des sentiers battus de la pédagogie de la traduction qui, selon lui, manquent d’efficacité. Ainsi, en publiant son ouvrage A Social Constructivist Approach to Translator Education, ce chercheur propose aux formateurs de nouvelles méthodes d’enseignement, leur permettant de se libérer de l’emprise de la méthode d’enseignement dite « traditionnelle ». En outre, elles ont la particularité de proposer des moyens d’intégration des outils technologiques, notamment les outils d’aide à la traduction, dans la formation des traducteurs.

Kiraly s’inspire du concept d’apprentissage en tant que pratique sociale de Vygotsky, dans le domaine d’études des langues, pour critiquer ceux qui pensent, pour reprendre l’image connue, que l’apprenant est un contenant vide et doit être rempli de savoir par son enseignant. Pour Kiraly, et comme tous les précurseurs de la théorie socioconstructiviste, le savoir se construit, il n’est pas isolé. La construction du savoir émane d’un processus complexe qui implique ce que connaît l’apprenant, ses valeurs, sa culture, ce qu’il a appris au fil du temps et son interaction avec l’autre. Compte tenu de tout ce qui est pris en compte lors du processus d’apprentissage, selon Kiraly, il serait réducteur de dire qu’un étudiant doit apprendre par l’acquisition d’un savoir transmis par son formateur (Kiraly, 2000, p. 247). Cette affirmation est encore plus vraie lorsqu’il est question de la formation du traducteur en général. La méthode d’enseignement traditionnelle comprend la lecture, les exercices remis en classe et les cours magistraux. Il est difficile de bien former un étudiant en traduction suivant ces méthodes, parce que le mot d’ordre de l’apprentissage est la pratique. Il ne suffit pas de lire un ouvrage théorique sur la traduction pour être bon traducteur, il faut aussi comprendre ce qui mène au produit fini et être capable de justifier ses choix de traduction.

Kiraly dément la perception selon laquelle le traducteur est un être qui travaille en s’isolant des autres, entouré de documents qui lui servent d’outils de travail. Il met en avant le fait que

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le traducteur est appelé à travailler avec d’autres traducteurs ou à échanger avec son donneur d’ouvrage tout au long de l’exécution du projet de traduction. Afin de mieux préparer les étudiants à ces échanges, le chercheur propose d’intégrer la technique de collaboration dans la formation des traducteurs. Une bonne entrée en matière pour la formation serait donc d’instaurer la collaboration en classe. Il propose par exemple aux formateurs de demander aux étudiants de se présenter individuellement devant la classe. Par la suite, les étudiants lui remettent un texte où chacun raconte une expérience personnelle qui l’a marqué et qui pourrait être lue devant toute la classe. Cette technique permet aux uns et aux autres de se connaître et d’établir un climat de confiance, de convivialité et un esprit d’appartenance dans une salle de classe. De cette technique naîtra par la suite l’esprit d’équipe, l’ouverture à l’opinion de l’autre, car les étudiants seront amenés à toujours travailler ensemble. Pour Kiraly, le rôle de l’enseignement ou du formateur n’est pas de transmettre les connaissances et c’est la raison pour laquelle la méthode d’enseignement classique n’est pas aussi efficace dans un programme de formation de traducteurs. Le formateur est présenté comme un facilitateur, celui qui aide l’étudiant à acquérir son savoir. L’enseignant est un guide qui sert au développement des compétences.

3.1.1 La raison d’être et la limite de l’approche socioconstructiviste dans ce travail

L’un des avantages de l’approche socioconstructiviste est qu’elle promeut l’autonomie de l’étudiant dans son apprentissage. L’introduction des outils technologiques, particulièrement les outils d’aide à la traduction comme l’appellation l’indique, vient appuyer cette facilitation de travail et d’apprentissage pour rendre l’étudiant plus autonome. L’approche socioconstructiviste de Kiraly invite l’enseignant à intervenir très peu et à laisser l’étudiant se débrouiller dans son apprentissage. Une fois qu’on lui a présenté les outils technologiques, il revient à l’étudiant de les explorer et de découvrir, de façon autonome, les avantages et limites de ces derniers afin de mieux les maîtriser.

Un autre avantage, c’est le fait de reconnaître la nécessité d’ajouter les outils technologiques dans la pédagogie de la traduction et de promouvoir le travail autonome et d’équipe.

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Cependant, une limite souvent attribuée à cette approche est le fait qu’elle ne tienne pas compte de tous les types d’apprenants que l’on peut retrouver dans une classe. Étant donné qu’une salle de classe est souvent constituée d’apprenants autonomes et d’apprenants moins autonomes, dont il faut tenir compte, l’approche de Kiraly semble servir les intérêts du groupe d’apprenants ayant des dispositions à apprendre seuls et dont l’intervention restreinte de l’enseignant ne nuirait aucunement au processus d’apprentissage. En contrepartie, l’apprenant qui apprend plus lentement et qui a besoin de voir son apprentissage segmenté et plus orienté aura tendance à moins s’épanouir dans le cadre de l’application d’une telle approche pédagogique. Heureusement, un des points forts de l’approche ACT, ci-après décrits, tient compte de cet aspect. La proposition d’intégration des outils à la formation est telle que celle-ci se fait suivant un processus d’apprentissage graduel, surtout si les étudiants sont novices ou lents dans leur utilisation. Un exemple d’intégration des OAT de manière graduelle serait de postuler que tous les étudiants ont des notions de base en informatique et de consacrer une période dans le module pour enseigner une nouvelle fonctionnalité d’un des outils que l’enseignant souhaite utiliser au cours de la session. Au terme de quelques unités d’enseignement dispensées, les étudiants connaîtraient les principes de base d’utilisation du logiciel et le reste de la découverte se ferait au fur et à mesure qu’ils en feraient l’utilisation en classe. Un processus d’acquisition de compétences bien élaboré permet non seulement d’atteindre les objectifs d’apprentissage, mais aussi d’asseoir la compétence en traduction du traducteur. Il apprend à livrer un travail de qualité, à avoir un bon niveau de productivité et ce, dans des délais acceptables grâce à l’inclusion des variables comme les outils d’aide à la traduction.