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Chapitre 3 Cadre conceptuel – L’approche par acquisition des compétences de traduction

3.2 L’acquisition des compétences en traduction (ACT)

En réalité, le concept de compétence en traduction n’est pas nouveau. Depuis le début des années 1960, comme le rappelle Hurtado (2015 a, p. 258), plusieurs chercheurs et théoriciens de la traduction ont démontré l’importance d’avoir des compétences pour pouvoir exercer comme traducteur. Ces démonstrations ont été faites sous formes variées et en s’attaquant à différents angles. À titre d’exemple, Kiraly (1995) a longtemps prôné le côté social du traducteur et l’attitude à adopter avec ses pairs et les donneurs d’ouvrage et il insiste aussi

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sur la nécessité de mettre l’accent sur cette approche pendant la formation des traducteurs. Nous avons également Hurtado (1996a et 1996 b), qui met de l’avant l’importance de développer les connaissances et les capacités du traducteur. Son analyse décrit minutieusement le développement de la technique en traduction. En 2015, et à la suite de recherches menées sur les compétences en traduction (CT), comme elles se nommaient auparavant, Hurtado est parvenue à la conclusion que la notion de CT implique tout un processus d’acquisition, d’où la raison d’être de sa reformulation du concept CT par l’expression « acquisition des compétences en traduction (ACT) ».

3.2.1 La raison d’être de l’approche ACT

Cette approche vise à contribuer à l’amélioration des points suivants :

• La conception des programmes de formation au moyen d’éléments comme

l’identification précise des objectifs d’apprentissage d’un programme de formation, d’un cours ou des contenus de cours;

• La méthodologie à appliquer dans l’enseignement;

• Le système d’évaluation et

• Le développement des compétences spécifiques en traduction.

Cette approche prévoit aussi qu’un moyen d’améliorer la formation des traducteurs est de l’offrir en assignant des tâches et des projets bien définis visant un ou plusieurs objectifs à atteindre. Comme nous l’avons évoqué au chapitre 2, ce type de tâches devrait permettre de placer les étudiants au centre de leur formation. Ces projets ou tâches, souvent administrés en unités d’enseignement ou séquences d’apprentissage, peuvent être entrepris de façon individuelle ou en groupe; ils devraient non seulement aider l’étudiant à développer différentes sous-compétences en traduction (CT), mais aussi à comprendre la dynamique en traduction. Selon Lasnier (2000, p. 211), une séquence d’apprentissage renvoie à « un regroupement cohérent de tâches intégratrices et d’activités d’apprentissage visant l’intégration d’un ensemble de compétences et l’appropriation de contenu disciplinaire ayant un caractère commun ». Par conséquent, il serait pertinent de préciser ici que la nature de ces tâches devrait dépendre de l’objectif d’apprentissage que l’enseignant envisage d’atteindre

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ou de la compétence qu’il souhaite développer chez l’étudiant, ainsi que des capacités et de la vitesse d’apprentissage de ses étudiants.

Pour pouvoir bien planifier son cours, Hurtado (2015 a, p. 267) propose quelques éléments à prendre en compte lors de la conception d’une unité ou séquence d’enseignement, à savoir : • La fonction de l’unité de cours dans l’atteinte des objectifs du cours. En d’autres termes, l’enseignant doit pouvoir déterminer l’importance de l’unité d’enseignement et sa valeur dans le processus d’apprentissage de son étudiant.

• Les objectifs spécifiques et généraux d’apprentissage. L’enseignant doit évaluer la faisabilité des objectifs d’apprentissage dans cette unité d’enseignement et la manière dont ceux-ci s’accordent avec les objectifs globaux du cours.

Les compétences générales et spécifiques que cette unité de cours va permettre de développer. L’enseignant doit pouvoir détecter à l’aide d’indicateurs la progression d’apprentissage de ses étudiants dans son cours.

• Le lien à établir entre le contenu de cours et les compétences à acquérir ou à développer chez l’étudiant.

Les unités de tâches à enseigner doivent être précisées ainsi que les consignes à suivre pour pouvoir faire les exercices et les instruments à utiliser. Les instruments devraient dépendre de la nature de l’exercice et du but à atteindre. Ce but (généralement l’un des objectifs du cours) est atteint au moyen de l’ensemble des différentes tâches assignées aux étudiants. Dans le processus de réalisation des tâches, l’utilisation des outils vient jouer un grand rôle. Le texte à traduire ne devrait plus être la seule façon de former le traducteur. L’approche ACT propose des outils comme les logiciels de traduction, l’analyse des textes déjà traduits, des questionnaires auxquels les étudiants peuvent répondre pour évaluer leur niveau de compréhension du texte traduit, ce qui détermine le rendu dans la langue cible, l’utilisation des cours magistraux durant desquels les étudiants font des exposés qui enrichissent leurs connaissances en traduction. Ils peuvent aussi rédiger des comptes rendus sur des difficultés souvent rencontrées ou alors expliquer les moyens à employer pour les contourner. Les étudiants peuvent aussi faire l’analyse d’un texte source ou sa traduction afin de détecter les zones de difficultés, pour ne citer que ceux-ci.

Comme nous l’avons mentionné au chapitre 2, l’évaluation dans la formation en traduction reste un aspect subjectif et très peu exploré. Cependant, Hurtado pense qu’au cours de l’évaluation, l’accent ne devrait plus être mis en grande partie sur la correction du texte

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traduit, sur la recherche des faux sens, des non-sens, des contresens ou des problèmes grammaticaux, morphosyntaxiques ou linguistiques. Selon cette chercheuse, le processus d’apprentissage est tout aussi important. Par processus, elle fait allusion à des facteurs comme le niveau de connaissance de l’étudiant, ses capacités d’apprentissage avant, pendant et après l’exercice de traduction, ou au début de la formation, l’interaction avec les pairs, le sens de l’analyse critique, le sens de l’organisation, le processus de gestion de projet, le cas échéant, et la capacité à résoudre des problèmes. Tous ces facteurs permettent de développer des compétences chez l’étudiant et devraient par conséquent être pris en compte, tant dans la formation que dans l’évaluation. Ainsi, dans son approche ACT, Hurtado propose d’adopter une méthode d’évaluation globale qui, à chaque étape, peut varier entre les évaluations sommatives et formatives. Tandis que les premières se chargent d’attribuer à l’étudiant une note ou un grade, la deuxième méthode d’évaluation lui explique la raison de l’attribution d’une note ou d’un grade. Celle-ci tient compte du processus d’apprentissage et montre l’évolution de l’étudiant à chaque étape évaluée à l’aide d’exemples précis ou encore explique les raisons pour lesquelles l’enseignant pense que l’étudiant régresse, stagne ou évolue.

Dans l’un comme dans l’autre type d’évaluation, le facteur temps est essentiel. Il aide l’enseignant à définir quand administrer une évaluation (au début, en cours d’enseignement, à la fin d’une unité d’enseignement ou à la fin du cours). Les détails obtenus en sondant les étudiants afin de déterminer leurs capacités ou leurs niveaux de compétence à développer, ou encore ceux déjà acquis, permettent de définir l’urgence d’une évaluation.

Il serait intéressant de varier le mode d’évaluation dans une formation. En effet, l’enseignant peut procéder par l’évaluation des pairs, l’auto-évaluation par l’étudiant, en invitant un expert à évaluer ou encore il peut décider d’être l’évaluateur, ce qui permet de varier et d’avoir différents points de vue sur la performance d’un étudiant.

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3.3 Pertinence du cadre conceptuel retenu pour notre étude