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Chapitre 2 État de la question Traductologie et formation du traducteur, outils d’aide à la

2.3 Considérations théoriques et pratiques concernant l’insertion des outils d’aide à la

2.3.1 L’étudiant au centre de la formation

Au fil du temps, les relations qu’entretiennent l’étudiant et l’enseignant se sont modifiées. Il importe de tenir compte du potentiel de l’étudiant, de ses connaissances et de sa capacité à s’engager dans sa formation. Il est essentiel que les étudiants soient mis au centre de leur formation (Echeverri, 2008 b, p. i). La formation des futurs traducteurs devrait leur permettre de planifier, de vérifier, de réguler et de mieux évaluer leur processus de formation professionnelle, ainsi que de développer leur habileté traductionnelle. À cet égard, Kiraly (2012) pense que les étudiants doivent être exposés à différents problèmes au cours de leur formation, afin de développer les bons réflexes face aux différents obstacles qu’ils rencontreront. Ils doivent, par exemple, développer la capacité de résoudre les différents problèmes de traduction sur lesquels ils tombent, sans être tentés d’abandonner aussitôt qu’une difficulté se présente. Ils doivent apprendre à chercher la réponse à leurs questions en essayant de faire intervenir leur enseignant le moins possible pendant les exercices et, à la rigueur, en apprenant à collaborer avec leurs pairs afin de résoudre un problème ou de faire des exercices de traduction. Selon ce chercheur, il est possible de développer ces réflexes chez l’étudiant en adoptant une approche socioconstructiviste dans la formation. En d’autres termes, il est souhaitable d’encourager les étudiants à travailler en équipe, car le savoir réside en chacun de nous. L’ensemble des connaissances que nous pouvons recevoir de l’autre nous aide à mieux nous former.

Fervent disciple de l’approche socioconstructiviste, Kiraly pense qu’une telle approche est transformative, car elle promeut la collaboration. L’étudiant, placé au centre de son apprentissage, sera appelé à collaborer et à trouver des réponses à ses questions de manière autonome. Cette méthode permet également de changer le rôle de l’enseignant, qui devient un facilitateur et non plus un transmetteur de savoir. Marchand (2013) voit le nouveau rôle de l’enseignant comme celui qui prépare ses étudiants à leur insertion dans la communauté

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professionnelle en leur apprenant le partage de compétences et l’esprit de collaboration en équipe. Dans sa méthode d’enseignement, elle promeut la création de liens interpersonnels entre les étudiants, qui pourront, par la suite, se renforcer au-delà du contexte universitaire. D’après cette chercheuse, l’enseignant intervient pour éclaircir une situation et donner une certaine orientation à l’apprentissage, afin que les objectifs du cours soient atteints. En d’autres termes, le traducteur n’est plus celui qui travaille de manière solitaire. Le fait de devoir collaborer avec ses pairs dans des projets de traduction et de négocier avec les clients fait de lui un être social. Par conséquent, il est important d’inculquer un esprit de collaboration et un esprit d’équipe assez tôt dans la formation du futur traducteur. Pour Kiraly, le but d’une formation n’est pas seulement de devenir traducteur :

The goal of learning is to contribute to the emergence of independent thinkers, competent heuristic problem-solvers and knowledgeable translators who emerge from studies as neo-professionals with a deep knowledge of the panoply of skills and competences they can expect to encounter in the world beyond the ivory tower. (Kiraly, 2012, p. 89)

L’introduction des outils technologiques dans la formation de l’étudiant demande effectivement qu’il soit au centre de celle-ci. À travers des exercices qui lui sont assignés et avec l’aide de ces outils, l’étudiant est exposé à différents types d’obstacles qui lui permettent de développer son aptitude à la résolution de problèmes et de participer activement à son apprentissage (Arrouart, 2003, p. 478).

D’après Arrouart, le choix des outils à utiliser pour faire ses exercices constitue un exemple d’engagement envers son apprentissage. Grâce aux travaux de traduction, il a l’occasion de découvrir les outils, de les évaluer et de connaître leurs fonctions, leurs forces et leurs faiblesses. Ce type d’exercice suscite la curiosité de l’étudiant et l’encourage à se familiariser avec les nouveaux outils dont il a besoin pour effectuer un travail, sans nécessairement devoir recourir à l’enseignant. De prime abord, cette approche pourrait sembler en contradiction avec l’approche socioconstructiviste de Kiraly, mais en réalité, ce n’est pas le cas. Elle incite plutôt l’étudiant à être moins dépendant de son enseignant et à apprendre à chercher des réponses à ses questions par d’autres moyens, comme la collaboration avec ses pairs.

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Dans une communication,9 Mayer (2019), estime qu’outre les exercices théoriques, les cours

devraient permettre d’appliquer davantage les connaissances relatives aux outils à des cas concrets lors d’exercices de traduction. Par ailleurs, l’étudiant développe son sens du jugement, par exemple lors de la sélection des outils à utiliser pour faire les exercices. Au moment de la traduction d’un texte, il peut faire face au choix du logiciel à utiliser, en fonction du type de texte à traduire ou de l’accessibilité de l’outil, notamment. À cette étape la question serait la suivante : doit-il utiliser Trados, Wordfast Pro, Omega-T ou tout autre logiciel, et pour quelle raison ? Quelle est la différence entre ceux-ci ? Pendant le processus de traduction, pourquoi devrait-il accepter ou rejeter un segment de traduction proposé par sa mémoire de traduction ? Lors d’un travail de groupe, l’étudiant doit pouvoir se poser la question de savoir quels seront les meilleurs outils de gestion de projets à sa disposition qui lui permettront non seulement de gérer le projet à son niveau, mais également de collaborer avec ses pairs et de voir leur niveau d’avancement. Dans ce cas, doit-il avoir recours à Trados, qui offre cette possibilité ? Le projet peut-il être géré d’une autre manière, au moyen d’un système de stockage en ligne, comme OneDrive ou Google Drive ? Toutes ces questions permettent à l’étudiant engagé dans sa formation de développer un jugement critique. La place qu’occupent les outils d’aide à la traduction dans la formation des traducteurs est également perceptible compte tenu des outils utilisés par l’enseignant. Par exemple, Somayeh (2014) suggère l’utilisation des blogues servant à créer une communauté de libre-échange entre les étudiants et leurs enseignants (un peu comme celle suggérée par le groupe EMT à l’égard des enseignants des universités-membres du réseau en vue d’une amélioration de l’enseignement); celle-ci crée un sentiment d’appartenance au cours. De plus, les enseignants peuvent amener les étudiants à traduire des nouvelles sur des réseaux sociaux comme Twitter ou sur d’autres sites Internet. L’auteur encourage l’utilisation de ces outils, car ils permettent à l’étudiant de prendre conscience de la nécessité de son engagement actif, de sa participation au sein du groupe; en analysant les questions posées par ses pairs l’étudiant comprend qu’il

9 Communication faite à l’occasion du Congrès de l’Association canadienne de traductologie (ACT) en mai

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n’est pas le seul à connaître une difficulté, ce qui peut créer un déblocage en lui et l’amener à mieux accepter le processus d’apprentissage et de prendre connaissance de l’importance de sa rétroaction pour le bon avancement des travaux de groupe. Tous ces facteurs permettent à l’étudiant de découvrir concrètement les réalités du terrain auxquelles il se heurtera une fois en milieu de travail10.