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Chapitre 1 Discours et législation entourant la prostitution au Québec durant la première moitié du XXe

1. Contexte idéologique entourant le contrôle, la répression et la suppression de la prostitution

1.2 L'approche abolitionniste : un combat contre l'impunité des hommes

féministe qui a vu le jour quelques décennies plus tôt. En fait, c'est une militante du nom de Josephine Butler qui, s'opposant à la mise en place des Contagious Diseases Acts, fonde ce qui fut d'abord appelé la Fédération Britannique contre la prostitution réglementée122. Puis la volonté de donner à ce mouvement une dimension universelle fait apparaître à peine quelques années plus tard la Fédération abolitionniste internationale (FAI), organisation ayant des ramifications en Europe, mais également aux États-Unis ainsi qu'au Canada123.

Dans sa campagne, Butler se voit rapidement soutenue par toute une variété de réformateurs124 qui, durant les deux premières décennies du XXe siècle, dénoncent avectoujours plus de véhémence les problèmes sociaux que crée un capitalisme aussi amoral qu'effréné. Au premier plan de ces dévoiements vient la prostitution. Au Québec comme dans le reste du Canada, le mouvement réformateur prend corps à travers différentes associations somme toute assez similaires125. Il y a aussi les pasteurs réformés dont les plus notoires sont issus des églises presbytériennes et méthodistes. En théorie, leur objectif ultime consiste en l'éradication complète de la prostitution, mais celle-ci étant jugée utopique par plusieurs d'entre eux, ils unissent plutôt leurs efforts afin d'abolir le vice commercialisé126. Ils refusent en bloc le premier argument réglementariste qui

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Luc Keunings, « L'affaire de la traite des blanches: Un aspect de la prostitution urbaine en Europe occidentale au XIXe siècle », Dans Jean-Michel Chaumont (dir.), Du sordide au mythe: l'affaire de la traite

des blanches (Bruxelles, 1880), Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2009. p. 24.

123 Ibid., 124

Nous faisons référence ici aux groupes religieux, aux associations féministes, aux mouvements de tempérance ou encore aux ligues de citoyens. Officiellement, ces différentes organisations ne firent pas toutes partie de la FAI, mais elles s'entendaient néanmoins sur le fait que l'approche abolitionniste constituait la meilleure réponse possible face à la prostitution. Du reste, certaines d'entre elles ne se consacraient pas uniquement à cette question sociale, comme par exemple la Women's Christian

Temperance Union (WCTU) qui s'occupa aussi d'enjeux liés par exemple à l'alcoolisme et à la pauvreté. Voir Cohen, « De parias à victimes », p. 2-3.

125 Au Canada anglais, les plus importantes sont le Young Women's Christian Association (YCWA), le

Woman's Christian Temperance Union (WCTU) et le National Council of Women of Canada (NCWC). Au Québec, il y a entre autres le Montreal Local Council of Women (MLCW), branche locale du NCWC, le Comité des Seize et la Fédération nationale Saint-Jean Baptiste (FNSJB). Bien que la FNSJB n'ait jamais abordé ouvertement la question de la prostitution, elle milita pour la mise en place de mesures visant à améliorer la protection des jeunes filles. Voir Cohen, « De parias à victimes », p. 12.

126 Lévesque, « Éteindre le Red Light », p. 194. Dans ce cas-ci, l'expression « vice commercialisé » fait

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repose sur le supposé caractère fataliste de la prostitution. À leurs yeux, ce phénomène devrait plutôt être abordé comme une maladie qu'il est possible de vaincre à l'aide d'une thérapie radicale127. Il en est de même pour la fornication et les besoins sexuels soi-disant incontrôlables des hommes. C'est ainsi que les réformateurs s'adressèrent directement à ces derniers pour les sommer de maîtriser leurs pulsions. Croyant à la supériorité morale des femmes, ceux-ci espéraient que les normes féminines traditionnelles telles que la chasteté et la retenue deviennent le standard universel guidant le comportement de tous128.

Le discours produit par les réformateurs incorpore parfois une forte dimension féministe, réalité qui s'explique par la présence d'un nombre considérable d'associations féminines au sein du mouvement. Pour ces dernières, la prostitution devint effectivement la métaphore parfaite de l'oppression des femmes par un système patriarcal. En effet, elles affirment que derrière les activités prostitutionnelles se cache une organisation hiérarchisée au profit des proxénètes qui aménagent l'exploitation des femmes pour le seul plaisir masculin129.En outre, elles s'insurgent contre ce double-standard de moralité qui, lors d'arrestations impliquant prostituées et clients, réclame tolérance vis-à-vis le comportement des hommes130. C'est dans cette optique que certaines de leurs attaques furent dirigées contre les gouvernements qui optaient pour une tolérance officieuse des Red light. Une honte plus grande encore plane sur ceux qui comme le juge Langelier, défendent l'approche réglementariste car pour ces groupes de femmes, s'il y a pire que le vice et la double morale qui l'accompagne, c'est bien le vice commercialisé légitimé puisque sanctionné par les autorités en place131. Comme c'est généralement entendu à l'époque, celles-ci sont d'accord pour dire que la prostitution représente le principal foyer des maladies vénériennes, mais jugent que l'inscription et la visite sanitaire imposées uniquement aux femmes constituent un dispositif discriminatoire132. Du reste, elles

127 McLaren, « Recalculating the Wages », p. 528. 128

Micheline Dumont et al, (Collectif Clio), L'histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Quinze, 1982. p. 326.

129 Richard Poulin, « Prostitution », Dans Joseph I. Lévy et André Dupras (dir.), Questions de sexualité au

Québec, Montréal, Liber, 2008. p. 402; Aranguiz, « Cours de justice », p. 69.

130 Lévesque, « Le mouvement », p. 90. 131 Cohen, « De parias à victimes », p. 2

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considèrent que la réglementation de la prostitution permet liberté d'action et impunité aux hommes tandis qu'elle signifie pour les prostituées un renforcement de l'ostracisme et de la stigmatisation133. Par conséquent, entre 1900 et 1920, les différents groupes qui formaient le mouvement réformateur unirent leurs efforts et condamnèrent l'existence de ces maisons de débauche qui, selon leurs dires, proliféraient non seulement dans les grandes villes, mais aussi en région rurale134.

À première vue, on constate que le discours mis de l'avant par les réformateurs semble se distancer de celui tenu par les adeptes de l'encadrement réglementaire. Effectivement, ils n'hésitent pas à dénoncer la responsabilité des hommes dans la prostitution. Non seulement ils réfutent le postulat comme quoi la prostitution - et de surcroît les transgressions sexuelles masculines - sont inévitables, ils s'élèvent contre la prophylaxie réglementariste dirigée à l'endroit des femmes exclusivement. Pourtant, en analysant la façon dont ils abordèrent la question de la « traite des blanches », on remarque qu'à l'instar des leurs adversaires, leur discours ne faisait en fin compte que traduire les angoisses d'une bourgeoisie face aux comportements sexuels des classes populaires. Il est important de préciser que malgré que le débat entourant la « traite des blanches » fut brièvement abordé par le Comité des Seize et le MLCW, celui-ci eut un écho beaucoup moins grand au Québec que dans le reste du Canada. Cette question fut surtout l'affaire des réformateurs protestants et des associations féministes comme le NCWC et WCTU, dont la représentation était plus forte au Canada anglais. Néanmoins, ce débat eut un impact important sur la législation canadienne et par le fait même, influença également le milieu prostitutionnel au Québec. Voilà pourquoi il est pertinent d'en parler ici.

1.2.1 Le thème de la « traite des blanches »: femmes en danger ou femmes dangereuses?

En ce qui a trait au thème de la « traite des blanches », il faut savoir que plus que la question de la véracité des évènements, celle qui se révèle être véritablement pertinente

133 Peplinski, Nature, culture, p. 159.

134 John McLaren, « White Slavers: The Reform of Canada's Prostitution Laws and Patterns of

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pour l'historien est plutôt celle-ci: quels objectifs ce thème a-t-il servis pour ceux qui l'organisèrent comme pour ceux qui y crurent ? D'ailleurs, c'était exactement ce que Alain Corbin soutenait lorsqu'il affirma qu'au-delà des évènements réels, ce furent d'abord les représentations et récits dépeignant les acteurs de cette « traite » qui fournirent des informations sur les croyances et les valeurs qu'entretenaient les contemporains face à la sexualité et les immigrants135.

Cela dit, au Canada, les associations féministes et les réformateurs jouèrent - par le biais d'organisation nationales telles que le National Committee for the Suppression of the White Slave Traffic (NCSWST) et le Moral and Social Reform Council of Canada (MSRCC) qui devint en 1912 le Social Service Council of Canada (SSCC) - un rôle clé dans cette campagne contre « la traite des blanches », terme qui désignait toute commercialisation locale, nationale ou internationale menée par les proxénètes afin de mettre la main sur une main-d'œuvre féminine destinée à alimenter les bordels136. Il est vrai qu'au début du XXe siècle, les églises protestantes s’efforcent, à travers une sorte d'introspection, de réinterpréter le message chrétien. De cette réflexion sort la volonté de mettre l'accent sur l'évangélisme social et la prostitution devient l'une des questions morales et sociales sur laquelle elles décident de travailler137. Puis fait nouveau, les réformateurs sentent désormais le besoin d'asseoir leur argumentaire sur les opinions d'experts. En effet, avec la professionnalisation des sciences médicales, maints experts jugeaient qu'en raison de leur approche scientifique, ils étaient maintenant les mieux placés pour traiter des questions sociales138. Du coup, il est logique que les réformateurs aient cherché à s'associer avec eux afin de gagner en crédibilité139. C'est ainsi qu'inspirés

135 Corbin, Les filles de noce, p. 405. 136 Ibid., p. 406.

137 McLaren, « White Slavers », p. 78.

138 Carolyn Strange, Toronto's Girls Problem: The Perils and Pleasures of the City, 1880-1930, Toronto,

University of Toronto Press, 1995. p. 104.

139 Cette initiative des réformateurs canadiens de faire appel à des chercheurs scientifiques afin de rendre

compte de l'ampleur du vice dans une ville donnée est un phénomène associé au mouvement progressiste américain. Voir Mark Thomas Connelly, The response to prostitution in the progressive era, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1980. p. 153. ou Marcel Martel, Canada the Good: A Short History of

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par les enquêtes menées dans les grandes villes américaines140, ils mirent en place des méthodes d'investigation afin de faire connaitre l'étendue véritable du vice. Entre 1911 et 1924, des enquêtes de ce genre furent menées dans plusieurs grandes villes canadiennes.

Dans la plupart des cas, les réformateurs concluent en indiquant qu'ils ne peuvent infirmer ou confirmer l'existence d'une « traite des blanches » au Canada. Cependant, leur incapacité à trouver des preuves tangibles de la présence d'une traite ne les empêche pas de reprendre ces récits141 mettant en scène une jeune fille qui, en quête de travail ou de divertissement, arrive seule en ville et tombe sous la coupe d'un proxénète étranger. La spécificité de ces histoires vient du fait que les considérations morales et xénophobes y sont très présentes. Par exemple, dans les mises en scène que les réformateurs utilisent, si le prédateur est presque toujours un homme étranger, celui qui au bout du compte sauve la malheureuse est également un homme. Considérant que les raisons qui la poussent à choisir la prostitution viennent d'abord de sa faiblesse morale, ceux-ci mentionnent qu'elle ne saurait posséder les capacités pour se sortir elle-même de cette fâcheuse position142.En outre, ils ne cessent de dénoncer cette supposée dégradation des vertus morales qui gangrène la société et rappellent qu'au final, la meilleure façon de protéger les jeunes filles, c'est de les garder à la maison143.

À partir des enquêtes qu'ils mènent, les réformateurs établissent une liste de facteurs sociaux, économiques et personnels qui selon eux, conduisent les femmes à gagner leur vie en vendant des « services sexuels ». Pour certains, cela vient d'abord de leur vanité,

140 En 1902 paraît à New York le rapport du Comité des Quinze sur The Social Evil « le Mal social » tandis

qu'en 1911, c'est au tour de la Commission du vice de Chicago de déposer un rapport sur l'état des mœurs dans la ville des vents. C'est d'ailleurs à cette dernière organisation que le Comité des Seize fit appel en 1924 afin de produire un rapport sur la situation du vice dans la métropole montréalaise. Voir Lévesque, « Le Bordel », p. 132.

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Cette stratégie qui consiste à mettre en scène des récits rappelant les dangers qui guettent les jeunes filles fut utilisée aussi bien par les réformateurs anglais qu'américains. Leur objectif était de conscientiser l'opinion publique quant à l'existence et les ravages que causait selon eux le trafic international de femmes. D'ailleurs, entre la fin du XIXe siècle et le début des années 1920, les réformateurs américains créèrent une quantité considérable de pamphlets et de livres mettant en scène ces histoires, littérature qui du reste, fut également utilisée au Canada. Voir Mary-Ann Irwin, « ''White Slavery'' As Metaphor Anatomy of a Moral Panic », The History Journal, vol. 5, 1996; Timothy J. Gilfoyle, City of Eros: New York City, Prostitution,

and the Commercialization of Sex, 1820-1920, New York, Norton, 1992. p. 270-275. et McLaren, « White

Slavers », p. 66.

142 Strange, Toronto's Girls, p. 100. 143 Ibid.,

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leur paresse ou encore de leur penchant naturel pour les objets de luxe.144. D'autres pointent du doigt le manque d'encadrement familial durant la jeunesse145. Influencés par le discours médical et eugéniste qui prétend expliquer et surtout résoudre les problèmes sociaux, plusieurs d'entre eux voient un lien évident entre maladies vénériennes, déficience intellectuelle et prostitution146. La morale se trouve ici appuyée par la science. Le manque d'opportunité professionnelle ainsi que les raisons économiques sont parfois soulevées, mais elles sont toujours vues comme secondaires. En réalité, ces propos tenus par les réformateurs sont fortement modelés par les notions de genre et de classes. Ces jeunes filles sont considérées comme dangereuses d'abord parce qu'elles sont des femmes, mais aussi parce qu'elles sont issues des classes populaires et de surcroît, célibataires147. De plus, en s'aventurant seules dans l'univers anonyme de la ville et ce, dans l'espoir d'y trouver du travail, elles adoptent un comportement qui, en tout point, contrevient aux normes alors en vigueur. L'historienne Tamara Myers a d'ailleurs montré que leurs velléités d'indépendance étaient souvent perçues - notamment par les autorités judiciaires et médicales - comme une preuve de leur délinquance148. De la même manière, il semble qu'aux yeux des réformateurs, toute insubordination féminine soit de facto associée à la promiscuité sexuelle et du coup, cela donne l'impression que le vice est partout. Du reste, en insistant sur ces comportements dits déviants, ceux-ci ne font que rappeler les caractéristiques du modèle féminin socialement acceptable, basé sur la chasteté, la docilité et la retenue ainsi que sur le respect du rôle de mère-épouse149.

144 À l'image des théories criminologiques - comme celle développée par le médecin italien Cesare

Lombroso dans son ouvrage intitulé La Femme criminelle et la prostituée - qui, au tournant du XXe siècle, véhiculent des conceptions sur la nature des femmes et de leur criminalité qui reposent sur le déterminisme biologique, plusieurs réformateurs canadiens mentionnent que les causes principales de la prostitution résident dans l'immoralité et le tempérament lubrique des prostituées. Cependant, cette vision est aussi partagée par les réglementaristes tels qu'Amédée Geoffrion, Recorder à la ville de Montréal de 1912 à 1927. Voir Aranguiz, « Cours de justice », p. 55.

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McLaren, « Recalculating the Wages », p. 546-548; Lévesque, « Éteindre le Red Light », p. 199.

146 Strange, Toronto's Girls, p. 114; Lévesque, « Le mouvement », p. 89-90. 147 McLaren, « Recalculating the Wages », p. 538.

148 Myers, Caught, p. 61. André Cellard a également montré que le non-respect des rôles sociaux de genre -

notamment au plan sexuel - était presque toujours vu par les juges et les médecins comme indicateur de la déviance ou encore de la criminalité d'un individu. Du reste, ces transgressions étaient généralement jugées plus sévèrement lorsqu'elles étaient commises par des femmes. Voir André Cellard, « Folie, norme et rôles sexuels au Québec durant la seconde moitié du XIXe siècle : quelques observations tirées des archives de la curatelle », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 47, no. 2 (1993). p. 246-265.

149 Andrée Lévesque, La norme et les déviantes : des femmes au Québec pendant l'entre-deux-guerres,

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Les associations féministes...

De leur côté, les associations féministes s'appuyèrent aussi sur ces récits mélodramatiques dépeignant les mésaventures sexuelles de jeunes filles ayant bravé l'anonymat de la ville. Toutefois, l'interprétation qu'elles firent de ces histoires fut fort différente. Ces militantes vont en effet raffoler de cette littérature sensationnelle puisqu'à leurs yeux, elle fournit un exemple parfait de cet esclavage sexuel de la femme au service de l'homme150. Pour elles, ce ne sont pas les filles qui représentent un danger pour les hommes, mais bien l'inverse. En fait, cette image de la « jeune vierge innocente » victime de la « traite des blanches » qu'elles vont construire à travers leur discours tranche radicalement avec le postulat du déterminisme biologique défendu aussi bien - nous venons de le voir - par une partie des réformateurs que par les tenants du discours réglementarisme. Il n'est plus question ici d'une femme perverse qui exerce la prostitution par tempérament ou hérédité, mais bien d'une jeune innocente en proie au vice des hommes151. Des groupes tels que le NCWC affirment que la cause principale de la prostitution vient d'abord de l'ignorance et de la naïveté des jeunes filles qui n'ayant plus la sécurité que confère la famille, se voient la main forcée par des ravisseurs152. Elles ajoutent que la faiblesse du corps et la crédulité sont des caractéristiques qui font de ces malheureuses, des victimes toujours innocentes153.

Il est intéressant de constater à quel point les associations féministes font preuve à la fois de progressisme et de conservatisme. En effet, ces dernières remettent en question le genre du vice en même temps qu'elles y ont recours. Elles s'élèvent par exemple contre cette société patriarcale qui jette l'opprobre sur les prostituées en oubliant du même coup les hommes qui « se retrouvent derrière ». Plus encore, elles dénoncent aussi la législation qui vient entériner ce double-standard de moralité154. En contrepartie, le type de réhabilitation que ces militantes suggèrent pour ces jeunes victimes repose plus

150 McLaren, « Recalculating the Wages », p. 538. 151 Cohen, « De parias à victimes », p. 5.

152

Ibid., p. 10.

153 McLaren, « Recalculating the Wages », p. 540.

154 Elles protestèrent notamment contre la loi qui fixait à seize ans l'âge de consentement pour les filles,

mais qui ne permettait pas de poursuivre les souteneurs de moins de 21 ans. Non seulement ces dispositions venaient confirmer le double-standard entre les hommes et les femmes, elles créèrent une situation

paradoxale où des filles mineures aux yeux de la loi étaient pourtant considérées responsables au plan sexuel. Voir Cohen, « De parias à victimes », p. 5.

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souvent qu'autrement sur une forte œuvre de moralisation. Préférant l'explication de jeunes filles victimes de conditions économiques et sociales difficiles, celles-ci semblent avoir de la misère à concevoir qu'on puisse ne pas se repentir d'être tombé dans la prostitution. C'est ainsi que pour les « remettre dans le droit chemin », elles préconisent - par le biais de l'incarcération ou encore de l'institutionnalisation - un programme basé sur l'instruction religieuse et l'apprentissage du travail domestique, objectifs conformes aux rôles sociaux qui, à cette époque, sont attendus des femmes155.

Tout compte fait, on constate que si le thème de la « traite des blanches » fut élaboré comme un symbole de tout ce qui est danger pour les femmes en ville, il servit aussi à illustrer ce qu'elles-mêmes représentaient comme source de danger. En effet, la rhétorique que les associations féministes développèrent autour de la figure de la jeune fille « moderne » est considérablement différente de celle qui fut mise de l'avant par les réformateurs. Ces derniers dénoncent avec ardeur le vice commercialisé, mais force est