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L’apprentissage en double boucle dans la relation avec les clients

SECTION II- L’ADAPTATION A L’EVOLUTION DES BESOINS DES CLIENTS DE L’ENTREPRISE

A- L’apprentissage organisationnel comme moyen d’adaptation dans les relations avec les clients

3- L’apprentissage en double boucle dans la relation avec les clients

L’apprentissage en double boucle ou l’apprentissage du pourquoi, est un processus cognitif de remise en cause des modèles mentaux, qui conduit à l’adoption et la production de nouveaux schémas de connaissance, de pensée et d’action (Argyris et Schon, 1978). Plus précisément, pour qu’il y ait apprentissage de deuxième niveau, il faut que le système puisse arriver à apprendre à apprendre. A cette fin, il doit être en mesure de procéder à des changements dans son programme traditionnel de réponses. Notamment, il doit être en mesure de peaufiner sa lecture et son interprétation de l’environnement et, surtout, il doit procéder à une remise en question des normes et des paramètres conventionnels de fonctionnement (Pelletier et Solar, 1999). Ainsi, dans certaines situations, poser un diagnostic ou évaluer des opportunités de changement sera essentiel pour le succès de l’organisation ; il s’agira alors de comprendre le pourquoi afin de mieux analyser un besoin nouveau du client, d’identifier des barrières comportementales au changement, de diagnostiquer un problème au sein de l’équipe de management ou encore d’élaborer une stratégie d’entreprise novatrice (Edmondson et Moingeon, 1996). Compte tenu de ces éléments, comment ce type d’apprentissage peut être élaboré et mis en œuvre au sein de l’entreprise ?

3.1- L’élaboration du processus d’apprentissage organisationnel en double boucle dans la relation avec les clients

Cette forme d’apprentissage organisationnel permet de développer des relations de long terme avec les clients98. Chaston et al, (2000)99 estiment que les firmes orientées transaction tendent à adopter l’apprentissage organisationnel en simple boucle alors que les entreprises orientées relation adoptent l’apprentissage organisationnel en double boucle. L’élaboration de cette

98 Webster (1992) estime que l’établissement de ces relations est souvent recommandé comme moyen permettant d’assurer la survie de l’entreprise dans un marché hautement compétitif.

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deuxième forme d’apprentissage nécessite la réunion d’un certain nombre de conditions dont on peut retenir :

- Les salariés doivent partager activement leurs connaissances et leurs ressources avec les autres membres de l’organisation.

- Les salariés qui ont des expériences dans l’apprentissage100 doivent être encouragés à les partager avec leurs collègues ;

- Créer un système d’information qui permet d’assurer que les stratégies et les objectifs de l’organisation sont clairement communiqués à tous les salariés ;

- La mise en place d’un système qui permet d’identifier rapidement les nouvelles idées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation et qui offrent un potentiel permettant d’améliorer les pratiques actuelles.

- Les salariés ne doivent pas être réticents à montrer la divergence de leurs opinions par rapport à ceux des autres membres de l’organisation.

Ces mesures visent à soutenir le processus d’apprentissage organisationnel en double boucle et ainsi le développement des relations de long terme avec les clients. Certains auteurs considèrent ce type d’apprentissage dans la relation comme apprentissage relationnel101. Les

entreprises y recourent pour s’adapter à l’environnement complexe (compétition externe, chocs externes, la complexité de la transaction, la complexité de la relation avec le client). Sa mise en œuvre nécessite la réunion de trois conditions (Selnes et Sallis, 1999) :

a) L’acquisition de l’information clients : la littérature sur l’apprentissage relationnel identifie deux sources fondamentales pour l’acquisition de l’information. La première est interne, à titre d’exemple, Argyris et Schon (1978) affirment que la principale information dans l’apprentissage concerne la détection des erreurs. La seconde est externe, elle peut avoir la forme de changement de l’environnement qui peut surgir et avoir d’éventuels impacts sur l’organisation.

100 De Geus (1988) suggère que dans les situations ou les produits et les processus pourraient être copiés ou imités, la seule source réelle d’avantage compétitif est la stimulation et l’encouragement de l’apprentissage des salariés. Ceci leur permet d’identifier de nouvelles pistes de travail avec les clients et de se différencier des concurrents.

101 Dans une étude sur les relations de long terme entre les clients et les fournisseurs, Kalwani et Narayandas (1995) attribuent l’amélioration de la performance des entreprises principalement à l’apprentissage relationnel. Il constitue le principal facteur de différenciation entre les entreprises qui ont des relations de long terme avec leurs clients et celles qui ne l’ont pas.

b) L’interprétation de l’information clients : l’interprétation de l’information génère la connaissance, cette dernière par opposition à la notion d’information, représente un ensemble ouvert, subjectif, résultant de l’interprétation de l’information par les individus conformément à leurs modèles cognitifs. Autrement dit, un élément de connaissance est une information interprétée au moyen d’un modèle cognitif.

Comme les individus, les organisations ont besoin d’interpréter les informations afin de leur donner un sens (Daft et Weik, 1984). Certains chercheurs considèrent l’interprétation comme la dimension la plus importante de l’apprentissage organisationnel. A titre d’exemple, (Fiol, 1985) relie l’interprétation à l’apprentissage organisationnel lorsqu’elle le définit comme : « le développement de la perspicacité et de la connaissance d’une part, et l’association entre les actions passées, l’efficacité de ces actions et les actions futures d’autre part ». Ainsi, les organisations diffèrent dans la manière avec laquelle elles interprètent la même information, ceci pourrait être du à la différence dans les mécanismes impliqués dans son analyse (Selnes et Sallis, 1999)102.

Aussi, une différence évidente est que les organisations, comme les individus, éprouvent des différences au niveau de la capacité de la mémoire (Walsh et Ungson, 1991). En conséquences, certaines informations acquises pourraient être rejetées non parce qu’elles ne sont pas pertinentes, mais parce que l’organisation n’a pas les aptitudes nécessaires pour leur donner un sens.

c) L’intégration de l’information clients dans la mémoire de l’entreprise : en étendant l’apprentissage individuel à l’apprentissage organisationnel, le besoin d’un concept de la mémoire organisationnelle s’est fait sentir. Comme noté par Walsh et Ungson (1991)103, à la différence de la mémoire individuelle, la mémoire organisationnelle n’est pas centralisée, mais éparpillée dans les différents fichiers de stockage. Ils estiment aussi que cette dernière se construit à la fois au niveau individuel et organisationnel. Au niveau individuel, les individus acquièrent les informations sur la base de leurs expériences et leurs observations. Ces informations sont stockées dans les mémoires individuelles sous forme de connaissances, croyances et valeurs. Au niveau organisationnel, la mémoire se manifeste dans les croyances de

102 Op.Cit.

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l’organisation104, les routines de comportement105 et les artefacts physiques106 (Moorman et Miner, 1997).

Après avoir interprété et intégré les informations dans les mémoires individuelles et organisationnelles et pour accomplir le processus d’apprentissage organisationnel en double boucle dans la relation avec les clients, l’entreprise doit engager des investissements spécifiques permettant la mise en œuvre des orientations contenues dans ces informations.

3.2- La mise en œuvre de l’apprentissage à double boucle à travers les investissements spécifiques dans la relation avec les clients

En se référant à Wilson et Mummalaneni (1988)107, Rexha et Tadayuki (1998)108 conceptualisent les investissements spécifiques du fournisseur dans la relation comme les ressources, les efforts, et l’attention consacrée à cette relation, qui n’ont pas de valeur extérieure et qui ne peuvent pas être récupérés si la relation est terminée. Ces investissements constituent le moyen le plus important pour le développement des relations coopératives réussies avec les clients.

Une autre définition plus proche de celle-ci considère que les investissements dans la relation désignent les investissements faits par l’entreprise dans les actifs spécifiques de la transaction109. Plus ils sont importants, plus le changement du partenaire devient coûteux et plus le maintien la relation devient important (Ganesan, 1994).

Les investissements spécifiques du fournisseur dans la relation peuvent avoir différentes formes tels que110 : la personnalisation du produit, les arrangements de logistique et l’établissement des échanges de données électroniques entre deux firmes. Ces formes ont été envisagées différemment par Williamson (1985) qui distingue :

104 Les croyances organisationnelles sont reliées aux connaissances partagées relatives aux références, aux modèles, aux valeurs, aux normes et aux symboles.

105 Les routines de comportement sont les procédures formelles et informelles codées concernant la manière avec laquelle l’organisation apprend à faire des choses.

106 Les artefacts physiques contiennent les résultats des apprentissages précédents comme par exemple : les documents, la mémoire de l’ordinateur, les programmes, les structures.

107 Cité par Rexha et Tadayuki (1998, Op.Cit).

108

Op.Cit.

109 La théorie des coûts de transaction retient la transaction comme unité d’analyse et la spécificité des actifs, comme concept central, un actif est d’autant plus spécifique que son redéploiement vers un autre usage entraîne une perte de valeur importante (Williamson, 1985).

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- La spécificité de site : par exemple un producteur de gaz industriel comme l’Air Liquide installant un Oxytonne ou un réseau de gazoducs pour la fourniture de certains clients qui ne pourront être réutilisés ou transportés sans un accroissement substantiel des coûts de transaction et de production (transport et modification des équipements).

- La spécificité des actifs physique : correspond à la fabrication d’un moule pour un type de bouteille d’eau minérale ou de bière qui ne pourra pas être réalloué à un autre client sans transformation.

- La spécificité des actifs humains : tient à la formation de base et à l’apprentissage réciproque des préoccupations des managers, ingénieurs et employés pour les fournisseurs et les clients. - La spécificité des actifs dédiés : tient à la fois de la spécificité de site et de la spécificité physique, comme par exemple une installation de presse pour des carrosseries d’automobiles faites en plastique ou en acier qui ne sont pas réutilisables d’un constructeur à l’autre ou même d’un modèle à l’autre chez le même constructeur.

Ces investissements peuvent avoir plusieurs implications sur la relation client fournisseur, il peut s’agir par exemple111 :

- de l’engagement du fournisseur : les investissements spécifiques du fournisseur dans la relation avec son client peuvent exprimer sa bonne volonté. Ils constituent des engagements crédibles et signalent l’engagement du fournisseur dans l’échange (Rexha et Tadayuki, 1998). - du renforcement des relations de long terme avec les clients : pour satisfaire un client en milieu business to business, le fournisseur doit toujours faire des investissements, tangibles et intangibles, significatifs définies comme des investissements spécifiques à la relation, ils constituent des moyens puissants pour la poursuite des relations de coopération de long terme avec les clients et ils sont conçus pour accroître la confiance et renforcer l’engagement dans la relation. Cependant lorsqu’ils ne conviennent pas à la relation dans laquelle ils sont intégrés, le fournisseur encourt un coût d’opportunité significatif et ainsi il pourrait perdre sa position dans le marché. Pour optimiser leur potentiel opérationnel et stratégique dans la relation, le fournisseur doit être en mesure de comprendre les préférences spécifiques de ses clients et leurs problèmes afin de lancer effectivement le développement des relations coopératives de long terme avec ces clients.

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- ou de l’amélioration du niveau de satisfaction des clients : Les investissements spécifiques du fournisseur dans la relation ont un effet positif sur la satisfaction des clients.

A l’instar de l’apprentissage organisationnel dans la relation avec les clients, les coopérations et les réseaux constituent aussi des moyens qui permettent à l’entreprise de s’adapter aux besoins de ses clients.

B- Les coopérations et les réseaux d’entreprises comme moyens d’adaptation dans les