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L’ Accord de Coopérat i on Canada-Chili dans le domaine du travail

L’Accord Canada-Chili, mis en place en 1997, est, avec l'ALENA, l'accord de libre- échange le plus ancien. Il traite de questions relatives à l'emploi et au travail.

1. Le traitement institutionnel des dispositions relatives à l'emploi et au travail Comme dans l'ALENA, les questions relatives au travail sont traitées dans un accord annexe. L’Accord de Coopération Canada-Chili dans le domaine du travail (ACCCT) prévoitla création d’un conseilministérielcomposé des ministres du Travaildes deux gouvernements ou de leurs représentants. Il a pour mandat de surveiller la mise en œuvre de l’Accord etde formuler des recommandations.

Selon l’Accord, les deux pays signataires s’engagent à appliquer leur législation respective, à coopérer en matière de travail pour favoriser l'innovation et relever les niveaux de productivité et de qualité mais aussi à procéder au règlement de différends relatifs à l’application de la législation du travail.Chacune des Parties doitdonc faire en sorte que ses lois et réglementations garantissent des normes de travail élevées, dans des lieux de travail à hauts coefficients de qualité et de productivité.

L’Accord Canada-Chili est parfois considéré comme un « système à deux étages »100car

le non-respect de l’Accord n'est soumis à des sanctions que pour trois principes seulement (travail des enfants, salaire minimum et santé/sécurité au travail), alors que concernantd’autres principes,l’Accord n’intervientqu’à titre consultatif.

Le mécanisme de règlement des différends suppose des consultations ministérielles en amont (Table 6). En cas de non-respectd’une norme de travailetdès lors qu’une relation entre cette norme et les aspects commerciaux est établie, la situation peut être étudiée par un comité d’experts qui en réfère à un organisme international de règlement des différends, en charge de démontrer la faute puis, le cas échéant, de sanctionner le pays ayant échoué à protéger les droits de ses travailleurs. Selon Tokman (2006), les trois étapes dans la procédure de sanction nécessitent environ 32 mois.

Dans les cas visés (voir supra), l'accord prévoit, en dernier recours, une amende dont le montant maximal est de 10 millions de $US versés sur un fonds spécial et utilisé pour améliorer les normes dans le pays visé. Ce montant maximum est le même pour les deux pays. Cette réciprocité est parfois contestée, notamment par les partisans d'un traitement différencié pour les pays en développement, puisqu'elle ne tient compte ni des différences de tailles entre les deux économies, ni des différences de pouvoir (voir

notamment Polaski 2004a)101. L’amende doit être payée par versements trimestriels et

investie dans l’amélioration des institutions du pays condamné. Si celui-ci refuse de payer l’amende, le pays plaignant peut décider d'augmenter ses droits de douane de façon à compenser le montant de l’amende non perçue. Si, contrairement à l’ALENA, l’Accord Canada-Chili élimine la possibilité de sanctions commerciales, elles peuvent néanmoins être réintroduites dans cet ultime recours.

Table 6 - Traitementdes principes etdroits du travaildans l’Accord Canada-Chili Consultations Comité d’experts Règlement des

différends

Liberté d’association X X

Droit de négociation collective X X

Droit de grève X X

Interdiction du travail forcé X X

Travail des enfants X X X

Normes minimales d'emploi X X

dont : Salaire minimum X X X

Discrimination au travail X X

Égalité de rémunération entre hommes et

femmes X X

Prévention des accidents du travail et des

maladies professionnelles X X X

Indemnisation en cas d’accidents du travailou

de maladies professionnelles X X

Protection des travailleurs migrants X X

Source : Tokman (2006)

Dans la mesure de leurs moyens humains et financiers, il revient aux autorités nationales de surveiller l'observation des lois et réglementations, d’enquêter sur les infractions présumées, y compris au moyen d'inspections sur place.

Trois ans après son entrée en vigueur, le Conseil Ministériel constatait que " a number of steps remain to be taken in order to fully implement the Agreement."102. Entre 1997 et 2002103,

le mécanisme de règlementdes différends n’a jamais abouti.

101Notons qu’il en serait deme si la pénalité prenait la forme d’une sanction commerciale. Un petit paysou un pays très ouvert à

l’internationalseraitplusaffectéqu’un grand paysen généralmoinsouvertetaux partenairesplusdiversifiés.

102 Ministerial Council Report on the Three-Year Review of the Canada-Chile Agreement on Labour Cooperation, December 2002;

www1.servicecanada.gc.ca/en/lp/spila/ialc/2003_2004/02canada_chili_agreement.shtml

2. Mécanismes de coopération en matière de travail

Le Canada et le Chili ont ainsi organisé des colloques, des ateliers à l'intention des représentants gouvernementaux et des conférences publiques sur ces thèmes. Par ailleurs,des arrangements de coopération avec l’OIT sontprévus afin de tirer profitdes compétences de cette organisation concernant les questions liées au travail.

L’objectif premier de ces activités de coopération consiste à favoriser l’échange d’informations mais aussi une meilleure connaissance de la législation du travail, des questions stratégiques et des pratiques exemplaires pour que les deux pays puissent administrer et appliquer efficacement les lois du travail. Mais, en pratique, cette coopération semble encore peu développée (Polaski, 2004a).

3. Où en sont les normes de travail au Chili ?

L'ACCCT prévoyait un rapport triennal qui n'a été publié qu'une fois, en décembre 2002, ce qui pourrait révéler un certain désintérêt des Parties. Au Chili, comme dans la plupart des pays d’Amérique Latine, le secteur informel est prédominant. Les travailleurs jugés vulnérables par l’OIT représentent 42,7% de la main d’œuvre. 81% d’entre eux ne possèdent pas de contrats de travail ; ils ne sont pas couverts par les réglementations du travail et ne sont donc pas protégés par des normes de travail (García Hurtado, 2006). Selon García Hurtado (2006), une meilleure application de la législation existante n'est pas suffisante pour améliorer la situation des travailleurs. Elle doit être accompagnée par une augmentation de la productivité dans les petites entreprises ce qui suppose des investissements en capital physique et humain.

D'après García Hurtado (2006), 80 600 plaintes ont été déposées et 60 586 infractions ont été enregistrées en 2003. En considérant que plus de deux millions de travailleurs chiliens ont un contrat de travail,l’incidence des plaintes etdes infractions serait, pour l'auteur, peu significative. Parmi les plaintes, la plus récurrente (29% du total) concerne les paiements liés à la sécurité sociale,question quin’estpas explicitementcouverte par l’Accord.Les autres plaintes concernent les heures de travail, les salaires et les contrats de travail. De fait, 31,5% des travailleurs formels et 39,6% des travailleurs informels travaillentplus que ne l’autorise le droitdu travail(García Hurtado, 2006). Par ailleurs, le pourcentage de travailleurs syndiqués a décru de manière très significative. Au début des années 1990,20,8% de la main d’œuvre chilienne appartenaità un syndicatcontre 13,1% dans la seconde moitié des années 90. Toutefois, la voix des syndicats existants est respectée au cours des processus de négociation collective (García Hurtado, 2006).

Concernant le travail des enfants, 4,16% des enfants travaillent au Chili contre 15% en moyenne en Amérique Latine ;la plupartd’entre eux ontentre 12 et14 ans et 66% sont des travailleurs occasionnels. Le travail des enfants ne semble donc pas être un problème crucial au Chili. Il en va de même pour le salaire minimum qui semble

respecté : les travailleurs recevant moins de 75% du salaire minimum légal sont moins de 6% (García Hurtado, 2006).

Au sein du secteur formel et particulièrement dans les firmes de grande taille, le non- respect des normes de travail est donc relativement faible. Il varie toutefois en fonction des normes et des secteurs. Selon les statistiques du Ministère chilien du travail, la signature de l’accord avec le Canada a induit une augmentation significative de l’efficacité des fonctionnaires chargés du contrôle des firmes. En 2003, le nombre d’entreprises surveillées a augmenté de 99%104 et le nombre d’entre elles ayant

démontré leur respect des normes de travail a augmenté de 66% (Garcia Hutardo, 2006). L'accord semble donc avoir eu un effet positif sur le comportement des entrepreneurs et sur leur volonté de respecter ces normes. En conséquence, les activités de surveillance du Ministère du Travail ont été facilitées, améliorant ainsi l’efficacité de l’Accord.