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L’ Accord t ext i l e USA-Cambodge

Cet accord, arrivé à échéance en 2005, est souvent présenté comme un modèle de l'inclusion incitative de dispositions sur le travail dans les accords commerciaux. Il s'agit néanmoins d'un accord limité à un secteur, par ailleurs très protégé, et la possibilité de la généraliser à l'ensemble des accords commerciaux est souvent mise en doute.

1. Un mécanisme original de "sanction positive"

L'accord propose de relever les quotas d'importations des États-Unis au fur et à mesure que les pratiques au travail s'améliorent. Le succès de cette démarche est attesté par le relèvement effectif des quotas : 9% par an au cours des trois premières années puis, au cours du 2ème accord tri-annuel, de 12% en 2002 et 2003 et de 18% en 2004 (Polaski,

2006)105. Les incitations positives présentent en effet trois caractéristiques originales :

- L’augmentation potentielle du quota est déterminée sur la base d’une année ; les firmes ayant respecté leurs engagements sont donc très vite récompensées. - Le secteur privé et les autorités cambodgiennes sont conjointement incités à l’effort. En effet, les firmes étant amenées à bénéficier individuellement d’une augmentation des quotas, elles sont incitées à respecter la législation du travail et à accorder davantage de droits à leurs salariés. Par ailleurs, comme le quota dépend de la performance du secteur textile dans son ensemble, une firme ne respectant pas les clauses sociales subira les pressions de ses pairs mais aussi du gouvernement et des travailleurs.

104Lenombredefonctionnairesn’ayantpassignificativementvarié.

105On notera toutefois que le processus de démantèlement des Accords Multifibres prévu dans les Accords de Marrakech prévoyait une baisse

- Enfin,la disponibilité de l’information sur le comportementdes firmes a joué un rôle essentiel. Elle a résulté de la mise en place d’un projetde surveillance des usines assuré par l’OIT.

2. Suividu respectde l'accord etcontribution de l’OIT

La capacité financière et institutionnelle du gouvernement cambodgien à contrôler les firmes et à renforcer la législation nationale du travail était très faible. Les fonctionnaires, y compris les inspecteurs du travail, étaient sous payés. Dans ces conditions, il était difficile d’attirer des inspecteurs compétents. De plus, la fonction publique cambodgienne était jugée insuffisamment crédible pour que les autorités américaines s’y réfèrent.Ilétaitpossible d’engager des agents privés pour contrôler les sites,mais aucun d’eux ne bénéficiaitd’une crédibilité internationale.Les deux pays se sontalors tournés vers l’OIT pour assurer le contrôle des lieux de travail et répercuter l’information. Doté d’un système de supervision élaboré mais jusqu’à présent orienté vers les gouvernements,l’OIT n’avaitjamais assuré une surveillance systématique des usines dans le cadre d'un accord commercial.

Un accord entre l’OIT, le gouvernement Cambodgien et les producteurs de textile est signé le 4 mai 2000. Initialement, le programme de surveillance reposait sur une participation volontaire des firmes. Or, les quotas récompensent la performance globale et le volontariat crée alors une incitation perverse de type « passager clandestin » (free- rider) : les firmes, qui restent en dehors du système, participeraient au partage du quota supplémentaire sans subir les coûts liés à l’amélioration du respectdes droits du travail. Reconnaissant rapidement ces distorsions, le gouvernement cambodgien a réorienté les quotas supplémentaires vers les firmes qui participaient au processus de contrôle établi par l’OIT.Les firmes se sontalors massivementportées volontaires.

Dans un premier temps, les rapports de synthèse de l’OIT recensaient les entorses au droit du travail sous une forme agrégée pour l’ensemble des firmes contrôlées. Ils s’accompagnaientde recommandations pour y remédier,mais sans nommer les firmes. Puis une deuxième inspection étaitmenée à l’issue de laquelle un nouveau rapportétait rendu public avec, cette fois, une identification des firmes visitées. Les actions mises en œuvre pour améliorer les conditions de travail étaient alors précisées ainsi que les violations non résolues de la législation nationale du travail ou des droits fondamentaux.

Lors de leur première visite, les inspecteurs de l’OIT ont vérifié que deux droits fondamentaux étaient bien respectés par les firmes cambodgiennes : le travail des enfants et la discrimination de genre. En revanche, des problèmes récurrents sont apparus sur le paiementdes salaires etle nombre excessifd’heures de travail(Blackett, 2007). Le principe de "santé et de sécurité au travail" semblait assez fréquemment violé.

La procédure instituée par l’OIT a fortementincité les producteurs de textile à respecter les droits du travail et à améliorer les conditions de travail de leurs salariés. La transparence de l’information a permis aux acheteurs de textile cambodgien, qui sont souvent des firmes multinationales très attachées à leur réputation, de savoir si leurs fournisseurs respectaient ou non les normes de travail. Les firmes ayant respecté les clauses sociales se sont alors souvent vues préférées à celles qui les avaient violées. Dans un pays en développement tel que le Cambodge, où les réglementations du travail sont mal définies et souvent très mal appliquées, le fait de combiner des incitations positives et la transparence de l’information sur lesconditions de travails’estdonc avéré efficace. Malgré la persistance de problèmes relatifs aux droits syndicaux, les travailleurs ont connu une sensible augmentation de leurs salaires et une amélioration de leurs conditions de travail (Maupain, 2004). L'accord n'a pas freiné la croissance du secteur : en 1998, avant qu'il ne prenne effet, les entreprises du secteur employaient 80 000 personnes ; fin 2004, elles étaient 220 000. Ces emplois ont permis au secteur formel de se développer et d'offrir de meilleures rémunérations aux travailleurs peu qualifiés (Polaski, 2006). Les exportations du secteur de l’habillementreprésentent36% du produit intérieur brut global du Cambodge (Polaski, 2004b).

3. Coopération technique, coût du programme et évolution

La convergence des intérêts publics et privés a incité les autorités et les firmes à fournir un effort financier qui s’est avéré relativement modeste. Le coût annuel moyen par travailleur cambodgien ne dépasserait pas 2,33 dollars par an (Polaski, 2004a). Le projet initial de 3 ans a coûté 1,4 millions de dollars. Les gouvernements américains et cambodgiens ont respectivement contribué à hauteur de 1,2 million, complété par les entreprises textiles.

Au vu de la réussite de l’accord,les autorités américaines etcambodgiennes ont décidé de poursuivre dans cette voie alors que le système des quotas sur le textile avait expiré. Pendantune période de transition allantde 2006 à 2008,l’OIT a été de nouveau chargée de superviser la gestion du projet. Il s'agissait de créer, pendant cette période, une agence de surveillance cambodgienne qui prendrait le relais de l'organisation à partir de 2009. Le financement sera assuré par le gouvernement cambodgien et l’industrie nationale du textile, la Banque Mondiale et l’Agence Française de Développement. Le plus gros acheteur de vêtements cambodgiens, Gap, a alors annoncé que dans ces conditions, il continuerait à se fournir auprès des usines locales.