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L'accord de libre-échange USA-Jordanie

L’accord de libre échange entre les États-Unis et la Jordanie a été signé en 2000 et appliqué en 2001. Il sert souvent de référence comme accord de la "deuxième" génération dans le domaine du travail qui proposerait une intégration efficace d’une clause sociale dans un accord commercial106. Il semble toutefois trop tôt pour en évaluer les effets réels. Beaucoup

d’auteurs mettenten avantles obstacles quiempêchentune pleine application de l’accord. 1. La procédure de règlement des différends.

La question du respect des normes du travail est directement intégrée à l’accord et fait l’objetd’un article spécifique (article 6). Chaque partie doits’assurer que les lois nationales sont en conformité avec les normes du travail internationalement reconnues et mentionne explicitement les conventions de l’OIT,et plus particulièrement, la Déclaration de 1998. Lorsqu’une partie considère que l’autre partie ne respecte pas ses engagements,elle peut faire une demande de consultation. Si les deux parties ne trouvent pas de solutions dans un délai de 60 jours, la question est transmise à un comité joint (joint committee) (voir chapitre 2). Un panel de trois personnalités est alors constitué : une est nommée par chacune des parties et la troisième, qui fait office de modérateur, par les deux parties. Le panel a alors 90 jours pour présenter un rapport montrant si l’une des parties a manqué à ses engagements et pour proposer un moyen de résoudre le conflit. Après la présentation du rapport, le comité joint a 30 jours pour trouver une solution. Si aucune solution n’est trouvée, la partie subissant un préjudice peut alors «prendre toute mesure appropriée et proportionnée ».

Le mécanisme de résolution des différends estcommun à toutes les dispositions de l’accord etinclutl’article 6portant sur les engagements des parties en termes de travail.

2. Les obstacles à une pleine application de l’accord

Selon Elliott (2003),l’article 6 sur le travail est utile en créant un précédent qui souligne l’importance des normes du travailmais son caractère très général rend peu probable l'imposition de sanctions.La plupartdes paragraphes de l’article 6 précise uniquement que chacune des parties devait « s’efforcer» de s’assurer que les lois nationales soienten adéquation avec les « normes du travail reconnues internationalement ». L’accord prévoit par ailleurs le respect de la souveraineté des États en matière de régulation sociale.

La difficulté d’imposer des sanctions estpar ailleurs confirmée par Howse & Trebilcock (2005, p. 578) qui affirment que les États-Unis etla Jordanie se seraientmis d’accord par lettre sur le fait que les différends ne conduiraientpas à des sanctions.L’AFL-CIO, le

106Bhagwati(2001)nonced’ailleursunetelleclauseen consirantqu’ellepourraitservir de « modèle » pourd’autresaccords,etin fine,à lever

syndicat américain qui fut l’un des principaux promoteurs de l’inclusion d'une clause sociale, regrette, par la voix de son président John J. Sweeney, que malgré « des centaines deviolationsdesdroitsdetravailleurs clairementdocumentées,aucun paysn’aitjamaistestéles mécanismesd’application contenusdansl’articlesurlesdispositionsliéesau travail,etqueles gouvernements se soient engagés à ne pas y avoir recours».(Solidarity Center, 2005)

Cependant, malgré le fait que les deux parties se soient engagées à ne pas avoir recours aux sanctions, l’accord autorise cette possibilité (Bolle 2001), et l’échange delettres n'engage pas les futures administrations américaines (Solidarity Center 2005).

3. L’exemple des conditions de travaildans les zones industrielles qualifiées La Jordanie a connu au cours des dernières années une augmentation significative de ses activités industrielles grâce, notamment, à l’établissement des zones industrielles qualifiées (« QIZs ») israélo-jordaniennes. Dans le contexte de la mise en place de l’accord de libre-échange,la condition des travailleurs dans ces zones a suscité l’intérêt des ONG et du mouvement syndical américain. En mai 2006, le National Labor Committee (NLC), une ONG américaine, publiait un rapport dénonçant le travail forcé et les mauvaises conditions de travail dans cette zone (NLC 2006).En Septembre,l’AFL-CIO et l’Association nationale du textile demandaient au gouvernement américain de lancer une procédure de règlement des différends en conformité avec l’accord de libre- échange. Cette plainte dénonçait le non-respect des normes internationales et l’incapacité de l’État à faire appliquer sa législation sociale.

Il est impossible de dire si l’augmentation des activités industrielles, favorisée par l’adoption du traité de libre-échange, a détérioré les conditions de travail, notamment dans les QIZs. D'une part, cinq ans après sa mise en place, la clause sociale n’a pas empêché les violations des droits fondamentaux. D'autre part, l’accord a permis une sensibilisation plus grande des ONG et des syndicats qui a pu provoquer une réaction des autorités. Suite au rapport du NLC, le Département du Commerce (DOL) a noté une baisse des importations jordaniennes de matériel (Elis 2008). En septembre 2006, le gouvernement de Jordanie signait avec l'USAID un programme de formation sur le droit du travail comportant un volet spécifique sur les conditions de travail dans les QIZs. Le gouvernement a procédé à des inspections etdes fermetures d’usines.Ilalancé un plan d’action comportantdes réformes légales : augmentation du salaire minimum au 1erjanvier 2007, réforme du code du travail (Ministère du Travail Jordanien, 2007).

Le NLC reconnaît ainsi les améliorations tout en restant vigilant sur l’application des nouvelles dispositions (NLC 2007). Le gouvernement américain a, pour sa part, refusé de lancer la procédure de résolution des différends dans cette affaire mais a choisi de financer le gouvernementjordanien pour luipermettre d’assurer une amélioration des conditions de travail (NLC 2007b). Si le mécanisme de résolution des différends n'a pas été activé, on peut néanmoins supposer que les réactions américaines et jordaniennes n’auraientpas été les mêmes en l’absence d’une telle clause.

Section 5 - Études d'impact et de suivi dans l'Union Européenne et aux États