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L’évolution des politiques de financement agricole et rural à Madagascar

PARTIE I : CADRAGE THEORIQUE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

CHAPITRE 2 - LE CONTEXTE MALGACHE

3.2 La question de l’accès aux ressources financières

3.2.1 L’évolution des politiques de financement agricole et rural à Madagascar

comme une des contraintes à la production (Rasoloarison et al., 2001). Malgré l’existence d’une forte demande, l’offre est principalement assurée par le secteur informel (plus du tiers des ménages ont recours à ce secteur) en dépit du développement du secteur formel (microfinance essentiellement).

Le taux de pénétration des services financiers ruraux est passé de 5% en 2005 (Ruralstruc, 2007) à 19,5%20 en 2011. Cette évolution du taux de pénétration peut être due à la définition d’une politique nationale de microfinance qui a été mise en place en 2004 et révisée en 2007, avec l’appui des bailleurs de fonds (Banque mondiale, Agence française de développement, l’Union européenne etc ), et qui veut organiser le secteur et offrir des produits et services financiers diversifiés et innovants à la population rurale et urbaine (République De Madagascar, 2003, 2007).

3.2.1 L’évolution des politiques de financement agricole et rural à Madagascar

3.2.1.1 Avant 1990 : une politique de financement hérité de la colonisation et tournée vers le crédit agricole.

L’histoire du crédit formel à Madagascar débute pendant la colonisation en 1931 avec la création de la Caisse Centrale de Crédit Agricole (CCCA) qui s’inspire du système agricole de la métropole, à savoir un système mutualiste et privé (Droy, 1993). Selon Droy (1993), ce système de crédit ne profitait qu’aux colons (de 1931 à 1950, les paysans malgaches n’ont bénéficié que de 3% du montant total des crédits) du fait de la lourdeur des procédures et de l’inadéquation des garanties demandées (garanties foncières).

En 1950, la CCCA est remplacée par le Crédit de Madagascar qui essaye de s’implanter dans le milieu rural à travers les « sociétés de crédit agricole mutuel » ou SCAM. Le fonctionnement de ces sociétés peut être comparé à celui des groupes à caution solidaire puisque chaque SCAM regroupe 10 personnes, les prêts sont fonction du capital et la caution solidaire est appliquée. Pour Droy (1993) cette forme de crédit a été une réussite surtout au Lac Alaotra (bon encadrement et SCAM bien suivie) mais les tentatives de généralisation ont échoué du fait d’une extension rapide,

20 Site de la coordination nationale de la microfinance (Direction Générale du Trésor : Madagascar) http://www.madamicrofinance.mg/index.php/chiffres-cles/statistiques.html: consultation le 15 Avril 2012.

71 incontrôlée, avec des groupes hétérogènes et mis sous tutelle des autorités politico-administratives.

Après l’indépendance en 1960, plusieurs systèmes ont été adoptés en matière de financement rural à Madagascar et l’État va créer plusieurs banques spécialisées dans le crédit agricole (Droy, 1993 ; Lapenu, 2001). Le Crédit de Madagascar a fait place à la Société Malgache d’Investissement et de Crédit (SMIC), qui elle-même fera place à la Banque Nationale Malgache pour le Développement (BNM) jusqu’en 1976. Parmi les produits de la BNM, le « petit crédit agricole individuel » ou PCAI a occupé une place centrale avec plus de 40 000 dossiers traités en 1976 et un effort de décentralisation au niveau local avec une collaboration avec les communes (Droy, 1993). « Un comité consultatif local, réunissant des représentants des communes, de

la banque et des services spécialisés, analyse les demandes de crédit et les décisions d’octrois. En réalité ce système est lourd pour la banque et une expérience de décentralisation a été tentée en confiant toute la responsabilité de l’octroi et du recouvrement à la commune » (Droy, 1993 :304). Ce système fut un échec quand il a

fallu le généraliser à toute l’île et ce fut la fin du crédit agricole (Droy, 1993).

En 1977, la BTM (Bankin’ny Tantsaha Mpamokatra ou Banque des Paysans Producteurs) est créée suite à la fusion entre la BNM et la Banque Malgache d’Escompte - portefeuille agriculture ou BAMES. L’orientation politique et économique était à cette période tournée vers le socialisme et de fait l’approche « individuelle stricte » a été petit à petit abandonnée au profit de la « collectivité décentralisée » (Lapenu, 2001). La BTM lance alors le « financement du monde rural » ou FMR, qui est un véritable crédit de masse où le crédit est octroyé sous la caution des Fokontany (Droy, 1993). Les élus des communautés villageoises étaient chargés de tout le processus d’octroi du crédit : instruction des demandes, déblocage des crédits et recouvrement (en cas d’impayé, c’est tout le village qui était exclu du système). Parallèlement à ce crédit, la BTM lance l’« opération de développement rural intégré » (ODRI) qui accorde des prêts à des paysans ‘pilotes’ encadrés par des organismes de développement rural qui rappellent les « petits crédits agricoles individuels » fournis par la BNM quelques années plus tôt (Droy, 1993).. « Étant la

seule banque d’État à se spécialiser dans le développement du monde rural, en 22 ans d’expériences, la BTM a testé plusieurs méthodes d’approche pour essayer d’atteindre son objectif en matière de micro-finance et faire face aux contraintes

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spécifiques du financement du monde rural (risques sur la production agricole, contraintes de commercialisation, faible encadrement technique). Avec un réseau bancaire important (72 agences contre moins d’une vingtaine pour certaines banques commerciales, BFV et BNI) mais inégalement actif, la BTM entretient le seul dispositif de services financiers formels, complets et opérationnels en milieu rural »

(Lapenu, 2001 : 15). La BTM va pourtant faire l’objet d’un constat d’échec Les principales critiques à l’encontre de la BTM résident dans le fait qu’elle ne remplissait plus sa fonction de développement : en 1989, seulement 2,6% des encours de crédit étaient affectés à l’activité de production et moins de 2% des exploitations avaient accès au crédit. La plupart des crédits était des crédits de commercialisation. Cela lui a valu des critiques de la part du gouvernement et des bailleurs de fonds auprès desquels elle avait des lignes de crédit. La BTM était aussi caractérisée par des procédures de distribution du crédit lourdes et compliquées et par des relations de méfiance avec les paysans, exacerbées par une distance physique et sociale (Droy, 1993). Elle est rachetée en 1999 par la Bank of Africa (BOA) qui gardera un volet "financement des associations paysannes et des organisations du secteur rural".

3.2.1.2 Depuis 1990 : émergence de la microfinance et définition d’une politique nationale de la microfinance.

Les années 1990 ont vu l’émergence des institutions de microfinance à Madagascar qui ont comme caractéristique principale le fait d’avoir été d’abord rurales. Cette émergence fait suite aux défaillances du système bancaire classique et à la conjonction des efforts de trois groupes d’acteurs (Adéchoubou et Woodfin, 2003) :

 le gouvernement malgache pour sa politique en faveur de la promotion d'un secteur financier au service du développement agricole,

 les bailleurs de fonds (Agence Française de Développement, Banque

Mondiale, Coopération Allemande, PNUD/FENU, Union Européenne) qui ont mis en œuvre plusieurs programmes de crédit à partir de 1990,

les agences d'implantation et de développement ou opérateurs techniques spécialisés : Développement International Desjardins (DID), Formation pour l'Epanouissement et le Renouveau de la Terre (FERT), Institut de Recherches et d’Applications des Méthodes de développement (IRAM), Centre International de Développement et de Recherche (http://www.madamicrofinance.mg).

73 Le développement de ce secteur (création d’une dizaine d’institutions entre 1990 et 1996) a conduit à l’élaboration d’une stratégie nationale de microfinance qui définit le cadre règlementaire et légal des activités des différentes formes d’institutions de microcrédit et les principaux objectifs à atteindre (Encadré 1).

Encadré 1 : La stratégie nationale en matière de microfinance

La stratégie nationale de microfinance a été élaborée en 2004 et réactualisée en 2007. Sa vision globale est la suivante : « disposer d’un secteur de microfinance

professionnel, viable et pérenne, intégré au secteur financier malagasy, offrant des produits et services financiers diversifiés et innovants à la population rurale et urbaine, tout en assurant une couverture satisfaisante de la demande sur l’ensemble du territoire, et opérant dans un cadre légal, réglementaire, fiscal, et institutionnel adapté et favorable » (République de Madagascar, 2008 : 8). Les principaux objectifs

à termes de cette stratégie sont :

 L’amélioration du cadre légal, réglementaire et institutionnel afin de permettre un développement harmonieux des institutions ainsi qu’une surveillance destinée à protéger contre des risques de déséquilibre,

 La professionnalisation des institutions IMF qui devront assurer une offre de services adaptés, innovants, diversifiés et en augmentations notamment dans les zones non couvertes,

 L’organisation du cadre institutionnel de manière à permettre une bonne structuration du secteur et une conduite concertée et efficiente de la SNMF ainsi que son articulation avec les autres politiques de développement notamment le Madagascar Action Plan (République De Madagascar, 2007). La mise en œuvre de ce plan au niveau national a nécessité un budget de 60 millions de dollars. L’évaluation de cette stratégie est en cours et devrait aboutir à l’établissement d’une nouvelle stratégie pour la période 2013-2017.

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