• Aucun résultat trouvé

Les interactions entre les marchés du crédit et le marché de l’achat/vente, et leurs effets en

PARTIE I : CADRAGE THEORIQUE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

CHAPITRE 1 - LES INTERACTIONS ENTRE LES MARCHES DU CREDIT ET LES

3.3 Les interactions entre les marchés du crédit et le marché de l’achat/vente, et leurs effets en

l’achat/vente, et leurs effets en termes d’efficience et d’équité Les imperfections des marchés du crédit influencent le fonctionnement du marché foncier des achats/ventes de plusieurs manières selon que l’on se trouve du côté de l’offre ou de la demande.

44

3.3.1 Marché du crédit et achat de terre

La relation entre le marché du crédit et les achats de terre est une relation à double sens. Les achats de terre peuvent dans un premier temps permettre d’avoir accès au marché du crédit. Le caractère permanent des achats de terre est associé dans la littérature à plus d’incitations pour les ménages pour entreprendre des investissements sur les parcelles achetées par rapport au marché du faire-valoir indirect ; ces investissements peuvent être financés par la mise en garantie des terres achetées en présence de droits de propriété individualisés et sécurisés. Le fonctionnement du marché de l’achat/vente peut alors conduire dans ce contexte à l’essor d’un marché financier rural (Binswanger et Rosenzweig, 1986).

Les imperfections sur les marchés du crédit entraînent cependant un accès différencié des ménages au crédit, qui peut avoir des incidences sur leur accès à la terre par un achat. En l'absence de crédit, seuls les ménages capables d'autofinancement (qui ne sont pas nécessairement les plus efficients) pourront prétendre acheter de la terre

Les imperfections des marchés du crédit et de l’assurance peuvent aussi influencer les achats de terre à travers leurs effets sur les prix et les stratégies des ménages en matière de gestion du risque. Le niveau des prix sur le marché foncier de l’achat/vente en général est fonction de plusieurs paramètres (offre, demande, spéculation, inflation, démographie…) et peut être un frein à l’accès à la terre des ménages pauvres. D’après Deininger (2003: 94), « in a situation where financial

markets do not work well or where confidence in money as a repository of value is low, land may be an important store of wealth and may be acquired for speculative purpose ». Cet effet « valeur refuge » est aussi présent en période d’instabilité

macroéconomique où les ménages non agricoles peuvent acquérir la terre dans le but de se protéger contre l’inflation, ce qui tirerait à la hausse le prix de la terre et créerait une barrière à l’entrée pour les ménages qui n’ont pas d’autofinancement ou qui ont peu ou pas accès aux marchés du crédit (Feldstein, 1980). L’effet valeur refuge, cumulé au fait que la terre soit une garantie potentielle des emprunts ont pour incidence une augmentation de l’utilité de la possession foncière et une augmentation des prix qui tendrait à exclure du marché les ménages pauvres (Binswanger et al., 1995). Cela, comme le souligne Deininger (2003:18), « implies that (…) the value of

45

land in the sales market with the expectation of paying off the debt from agricultural profits alone without recourses to equity ».

L’absence ou les imperfections des marchés du crédit et de l’assurance peuvent aussi avoir une incidence sur les stratégies de gestion du risque des ménages. En effet, les ménages peuvent adopter des stratégies de minimisation du risque du type safety first qui peuvent avoir des incidences sur leur demande de terre, comme le soulignent Deininger et Feder (2001: 306), “in order to ensure satisfaction of a

minimum subsistence requirement during periods of distress, credit-constrained producers could hold a portfolio of less productive assets than unconstrained producers. In particular, small holders may demonstrate a lower demand for land than that which would seem to be justified by their potential productive advantage”.

3.3.2 Marché du crédit et vente de terre

La terre tient une place importante dans l’économie des ménages ruraux en tant que source de revenus et en tant que garantie potentielle sur les marchés du crédit. Il en découle que dans les périodes où la survenance des chocs agricoles est faible, les ménages sont réticents à se séparer de leur patrimoine foncier. En effet, durant ces périodes le niveau de l’épargne des ménages est élevé et les marchés fonciers se caractérisent par une demande potentielle supérieure à l’offre (Binswanger et al., 1995). Pour ces auteurs « landowners would be made better off by selling land if they could earn only a higher return from the sales proceeds than from cultivating or renting out the land » (Binswanger et al., 1995).

Dans les situations où le marché de l’assurance est inexistant ou imparfait, les imperfections sur les marchés du crédit peuvent conduire à des ventes de détresse. En effet, les ménages les plus contraints peuvent être obligés de liquider des actifs comme la terre à un prix souvent inférieur au prix du marché pour faire face aux chocs (Alderman et Paxson, 1992; Dercon, 2002; Deininger, 2003).

3.3.3 Interrelations entre les marchés du crédit et le marché de l’achat/vente de terre : implications en termes d’efficience et d’équité

Les coûts liés à la fourniture du crédit pour les institutions financières peuvent favoriser les prêts importants plutôt qu'une série de petits prêts. Cela peut entraîner un meilleur accès des grands propriétaires fonciers par rapport aux petits propriétaires fonciers. Il en est de même des imperfections sur les marchés du crédit

46 qui peuvent limiter l’accès des ménages pauvres au crédit. Ces deux situations peuvent induire un processus d’accumulation de la terre par des grands propriétaires fonciers et/ou des ménages riches qui ont accès au crédit (et de l’autofinancement s’ils sont riches) et qui peuvent ainsi financer leurs achats de terre (Binswanger et al., 1995). Les imperfections sur les marchés du crédit ont ainsi tendance à augmenter les inégalités dans l’accès à la terre des ménages pauvres, ces derniers étant exclus à la fois des marchés du crédit et de tout processus d’accumulation foncière via l’achat de terre (problème d’équité). Le fait que les propriétaires des grandes exploitations aient un meilleur accès au crédit peut aussi se matérialiser par une perte de l’avantage comparatif en termes d’efficience des petites exploitations. La relation inverse taille/productivité ne tient plus dans ce contexte (Feder, 1985; Otsuka, 2007).

Du côté des ventes de terre, l’absence des marchés de l’assurance et du crédit peut appauvrir les ménages qui subissent des chocs par le biais des ventes de détresse. Ces ventes de détresse posent ainsi des problèmes d’efficience et d’équité car les marchés fonciers ne transfèrent pas forcément la terre des moins productifs aux plus productifs. Le plus souvent, les ménages pauvres ne peuvent plus racheter les terres vendues à cause du prix du rachat (après le choc) qui est plus élevé que le prix de vente initial (Platteau, 1996; Manji, 2003; Ruben et Masset, 2003).