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PARTIE II : LES MENAGES ET LES PRATIQUES CONTRACTUELLES FONCIERES ET

CHAPITRE 6 - LES MARCHES FONCIERS : PRINCIPALES CARACTERISTIQUES

1.1 Les caractéristiques des achats de terre

Notre base de données compte 524 achats de terre qui s’étalent de la période d’avant les années 8081 à l’année 2009. Ce nombre d’achat est le nombre minimal d’achat de terre enregistré puisque le questionnaire n’a permis de renseigner que les 3 achats les plus récents. En effet, parmi les 274 ménages ayant acheté au moins une parcelle, 30% ont mentionné avoir acheté trois parcelles au minimum ; le nombre total des achats de ces ménages est cependant indéterminé. La superficie moyenne achetée par transaction est de un hectare, que ce soit en considérant toutes les transactions ensembles (tous types de terre confondus) ou en décomposant par type de terre (Tableau 34).

La Figure 10 ci-dessous situe dans le temps les achats et les ventes de terre des ménages de notre échantillon. Elle montre que les achats et les ventes de terre sont présents de longue date dans les pratiques des ménages et permet de relativiser comme mentionné dans le chapitre 2 pour ce qui est du lac Alaotra, le discours sur la marchandisation croissante de la terre à Madagascar.

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163 Figure 10 : Répartition des achats de terre selon la période d’achat82

Source : projet ANR – RUME

Ces achats sont des transactions complètes en ce sens qu’ils libèrent définitivement l’acquéreur de toute obligation vis-à-vis du vendeur (cf. chapitre 2). Les données quantitatives ne précisent pas la relation (famille, amis, autres) entre l’acheteur et le vendeur. L’analyse des enquêtes qualitatives sur un sous-échantillon de 41 ménages de cette base quantitative montre cependant que la majorité des parcelles ont été achetées à des membres de la famille proche du ménage (père, mère, frère, sœur, grands-parents).

1.1.1 Les rizières : principale moteur des transactions

Le marché à l’achat-vente est tiré par les rizières. Elles représentent 48% des transactions et 47% des superficies échangées (Tableau 34) alors que leur part dans le patrimoine foncier global des ménages est de 34% (Tableau 14). Les tanety font relativement moins l’objet de transactions que les rizières. Ils représentent 40% du patrimoine foncier des ménages alors qu’ils ne concernent que 28% des superficies achetées.

Tableau 34 : Les types de terres concernés par les déclarations d’achat

Type de terre Part dans le patrimoine total des ménages Nombre de transactions Pourcentage Superficies totales achetées par type de

terre (ha) Part dans la superficie totale achetée Rizières 0,34 249 48 % 257 47% Tanety 0,40 114 22 % 156 28% Tanboly 0,10 44 8 % 34 6% Baiboho 0,11 99 19 % 88 16% Forêt 0,05 18 3 % 17 3% Total 1 524 100 % 552 100%

Source : projet ANR – RUME

1.1.2 Les prix des différents types de terre

Les données de prix sur la période 2008-2009 montrent que parmi les différents types de terre, les rizières à bonne maîtrise d’eau sont les plus chères. Les prix moyens par hectare

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Les baiboho sont les terres situées en bas de pente ; les tanety sont des terres de collines et les tanimbolo sont des agroforêts traditionnelles; la forêt fait référence aux terres boisées.

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Avant 1980 Entre 1980 et 1990 Entre 1990 et 2000 Après 2000

Rizière Tanety Tanimboly Baiboho Forêt

164 déclarés pour ce type de terre sont de l’ordre de 900 euros soit l’équivalent de 6 tonnes de riz. Le rendement moyen de la production rizicole se situant à 2,5 tonnes/hectare (EPM, 2010), les prix moyens des rizières correspondent en moyenne à la valeur de 2 à 3 années de production.

Tableau 35 : Prix/hectare selon le type de terre en 2008-2009

Type de terre Nombre de transactions en 2008-2009 Prix par ha : moyenne et écart-type (en euros)

Rizières à bonne maîtrise d’eau 30 897 (618)

Rizière à mauvaise maîtrise d’eau 5 778 (662)

Tanety 16 202 (233)

Tanboly 5 339 (266)

Baiboho 12 210 (206)

Total 68 ---

Source : projet ANR – RUME

Comme on pouvait s’y attendre, il existe une relation entre le potentiel agronomique de chaque type de parcelle et son prix moyen (Tableau 35). Il existe cependant plusieurs autres facteurs qui peuvent influencer le prix de la terre sur le marché de l’achat/vente. Des analyses qualitatives, deux principaux facteurs se dégagent :

la nature du lien de parenté qui lie l’acheteur et le vendeur : dans les entretiens qualitatifs, les données montrent qu’il existe une différence de prix entre les contrats où il y a une relation de parenté proche (père, mère, frère et sœurs) entre l’acheteur et le vendeur et les contrats où cette relation n’existe pas ou n’est pas directe (amis, autre personne du fokontany) : les prix sont généralement moins élevés quand il y a une relation de parenté.

la période à laquelle la parcelle est vendue : la soudure est une période délicate pour les ménages, et pour ceux qui sont du côté de l’offre de terre, la vente peut être un signe de contraintes fortes de liquidité qui les contraignent à « brader leur parcelle » s’il n’existe pas d’autres alternatives. L’achat de M. R. A. dans le village d’Ambongabe est un exemple: « on a acheté notre parcelle de tanety (0,5 ha) couvert d’eucalyptus à

30 000 Ar. C’était pendant la soudure et le propriétaire a accepté ce que j’avais sous la main. La parcelle devrait coûter 100 000 Ar en temps normal».

1.1.3 La formalisation des achats de terre

1.1.3.1 Les justificatifs de propriété présents sur les terres achetées

Près de 44% des transactions concernent des parcelles qui disposent d’un justificatif formel (titre ou certificat). Les 56% restants concernent des parcelles qui peuvent disposer de petits papiers, mais pas nécessairement.

165 L’analyse de la décomposition par type de terres montre qu’il n’y a pas de différence majeure de formalisation entre les types de terre. Les rizières restent cependant le type de terre où les titres et certificats sont les plus nombreux.

Tableau 36 : Les justificatifs de propriété fourni par les vendeurs lors des achats

Part du patrimoine total des ménages

possédant des justificatifs

formels

Nombre de transactions où il n’y a pas de justificatifs formels (petit papiers ou rien)

Nombre de transactions où il y a un justificatif formel (titre ou certificat)

Part (en superficie) des achats de terre

possédant des justificatifs formels (titre ou certificat) Total Rizière 4% 126 (51%) 123 (49%) 22% 249 (100%) Tanety 4% 64 (56%) 50 (44%) 11% 114 (100%) Tanimboly 0,4% 32 (73%) 12 (27%) 2% 44 (100%) Baiboho 0,6% 62 (63%) 37 (37%) 7% 99 (100%) Forêt 0,2% 10 (56%) 8 (44%) 2% 18 (100%) Total 9% 294 (56%) 230 (44%) 44% 524 (100%)

Source : projet ANR – RUME

En faisant une analyse sur les superficies, nous notons aussi que les ménages disposent de peu de terres titrées ou certifiées (9% de la superficie totale des ménages) alors que près de la moitié des transactions s’effectuent sur ces terres (44 % des transactions en superficie). La décomposition par type de terre confirme l’importance des rizières dans les transactions par rapport aux autres types de terre. Tandis que les rizières avec des titres ou des certificats représentent 4 % des superficies en possession83, leur part (en superficie) dans les transactions s’établit à 22%.

1.1.3.2 La formalisation des transactions

La formalisation des transactions se matérialise à deux niveaux : au niveau de l’existence ou non d’un acte de vente et au niveau de l’enregistrement des transactions pour les parcelles ayant un titre ou un certificat.

Les actes de vente concernent 91% des achats de terre. Ce sont des taratasy ou «petits papiers» visés sur lesquels il peut être apposé le tampon du fokontany ou de la commune. Dans le cas contraire, ce sont les signatures des acteurs (acheteurs et vendeurs) ainsi que de témoins qui matérialisent les transactions. Comme pour les justificatifs de propriété, ce sont dans les achats de rizière que les ménages demandent le plus des actes de vente. L’objectif premier étant la sécurisation de la transaction.

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Les rizières avec des titres ou des certificats fonciers représentent 14% des superficies de rizière en possession alors que leur superficie représente 48% de la superficie des rizières concernées par les transactions.

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Tableau 37 : Les actes de ventes dans les déclarations d’achats

Type de terre Pas d’acte de vente Existence d’un acte de vente Total

N % N % N % Rizière 13 5% 235 95% 248 100% Tanety 12 11% 102 89% 114 100% Tanimboly 5 11% 39 89% 44 100% Baiboho 11 11% 87 89% 98 100% Forêt 4 22% 14 78% 18 100%

Nombre de contrats total 45 9% 477 91% 522 100%

Source : projet ANR – RUME

L’enregistrement formel des mutations est différent de la formalisation par les actes de vente. Il concerne l’enregistrement auprès des services du domaine pour les terres titrées et l’enregistrement auprès du guichet foncier pour les terres certifiées, avec émission d’un nouveau document au nom de l’acheteur. Les coûts d’enregistrement et la durée de la procédure diffèrent entre les certificats et les titres fonciers. Ils sont inférieurs au niveau des guichets fonciers par rapport aux services des domaines. L’enregistrement formel concerne 45% (104 des 230 contrats) des terres titrées ou certifiées (enregistrement déjà effectuées ou en cours) de notre échantillon. Pour les 55% restant, les enquêtes qualitatives font ressortir principalement la contrainte de financement des coûts de mutation pour justifier le non recours à l’administration foncière en générale (services de domaines et guichet foncier).

1.1.4 Les sources de financement des achats de terre : un recours faible au crédit

Les revenus des activités productives sont la principale source de financement (87% des transactions) des achats de terre, suivie par la vente d’actifs (13%). Les ménages ont très peu recours au crédit pour le financement de leurs achats de terre (2% des achats). Les achats de terre sont par conséquent réservés aux ménages capables d’autofinancer.

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Tableau 38 : Les sources de financement des achats de terre

Mode de financement Nombre de transactions Pourcentage

Revenus activités productives 455 87%

Ventes de biens ou d’actifs 69 13%

Epargne spécifique 15 3%

Utilisation d’un crédit ou achat à crédit 7 2%

Appui familial 3 1%

Autres 4 1%

Total 52484

Source : projet ANR – RUME

Les contraintes de financement peuvent cependant être intégrées dans le mode de règlement. En effet, dans les enquêtes qualitatives, les acheteurs ont parfois mentionné le règlement de leurs achats en plusieurs fois. Ce mode de règlement se matérialise le plus souvent dans le cadre des contrats d’achat/vente entre membres de la même famille. Il est bien entendu exclu dans le cadre de ventes de détresse, lorsque l’enjeu pour le vendeur est au contraire d’accéder rapidement à des liquidités.