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PARTIE I : CADRAGE THEORIQUE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

CHAPITRE 1 - LES INTERACTIONS ENTRE LES MARCHES DU CREDIT ET LES

2.4 Le foncier dans la littérature sur les marchés du crédit

Parmi les différents dispositifs mis en place par les institutions financières pour réduire les effets des asymétries d’information, la terre joue un rôle particulier. En effet, elle peut servir de garantie des emprunts et de signal de solvabilité pour les institutions de crédit (Binswanger et Rosenzweig, 1986; Feder et al., 1988; Dower et Potamitesz, 2010).

2.4.1 Le foncier en tant que garantie des emprunts

Binswanger et Rosenzweig (1986: 510) utilisent trois critères pour évaluer le potentiel d’un actif en tant que garantie d’un emprunt: «we define collateral as an

asset which satisfies the following three conditions: appropriability, absence of collateral-specific risk, and accrual of the returns to the borrowers during the loan period ». Au regard de cette définition, ils montrent que la terre est une garantie idéale

du fait de son immobilité et de son indestructibilité. Cependant, pour ces auteurs, la garantie foncière peut ne pas être effective s’il existe des incertitudes et des asymétries d’information sur le faisceau de droits que possèdent les individus sur les parcelles mises en garantie.

34 L’effectivité de la garantie foncière est aussi tributaire du cadre légal et/ou social qui doit permettre un transfert de la terre, à moindres coûts, à travers les marchés fonciers (Feder et al., 1988). « The utility of land collateral in rural areas

depends on the extent to which the legal system as well as the socio-political environment enables actual foreclosure of agricultural land. Fore-closure usually entails a considerable transaction cost (legal fees, auctioner fees; etc.), but these may in fact reinforce repayment discipline and enhance the utility of collaterals if the cost is borne by the borrower » (Feder et al., 1988: 233). L’existence de droits

individualisés et transférables à faible coût est ainsi une condition sine qua non à l’utilisation efficiente de la terre comme garantie des emprunts, et partant au développement des marchés du crédit (Binswanger et al., 1995; Deininger, 2003).

2.4.2 Le foncier en tant que signal de solvabilité

En présence d’imperfections sur les marchés du crédit, les institutions de crédit n’arrivent pas à distinguer les bons des mauvais emprunteurs et cela peut conduire au rationnement (Stiglitz et Weiss, 1981; Binswanger et al., 1995). Dans cette perspective, les institutions financières mettent en place des mécanismes ou des indicateurs qui les aident à mettre en évidence la solvabilité des ménages. Parmi ces indicateurs, ceux liés à la richesse du ménage jouent un rôle important dans la décision des institutions financières d’octroyer ou non un crédit, indépendamment de la mise en garantie d’un actif donné (Hatch et Frederick, 1998).

Parmi les indicateurs utilisés pour évaluer la solvabilité des ménages, les différentes caractéristiques des dotations foncières en possession (type de terre, taille des parcelles et types de justificatifs de propriété existants) par un ménage peuvent jouer un rôle important (Hatch et Frederick, 1998; Dower et Potamites, 2012). En effet, les activités agricoles sont la principale source de revenus des ménages ruraux et la possession de terre étant généralement un indicateur de richesse en milieu rural, sa possession au niveau des ménages peut être un signal de capacité de remboursement et donc de solvabilité aux yeux des institutions de crédit. Les terres mises en garantie sont aussi un signal de solvabilité pour les institutions financières. Cet effet de la possession foncière s’accentue si l’on considère de plus que la terre pourrait être vendue ou cédée en faire-valoir indirect par les ménages ou les institutions financières (cas des ventes) s’ils rencontrent des problèmes de remboursement.

35 Cependant, pour certains auteurs (Chaudhary et Ishfaq, 2003; Dower et Potamites, 2012) la solvabilité d’un ménage ne pourrait être basée uniquement sur la possession d’actifs comme la terre ou sa mise en garantie. Dans certains contextes en effet, il peut s’avérer impossible pour différentes raisons (politiques, sociale ou légale) pour les ménages de vendre leurs terres pour faire face à leurs problèmes de remboursement. Par contre, la possession de terre ou d’un titre foncier peut être corrélée avec des caractéristiques inobservables du ménage qui peuvent influencer sa probabilité de remboursement (Dower et Potamites, 2012). Pour ces auteurs, l’obtention d’un titre dans les pays en développement est généralement un processus long, difficile et coûteux pour les ménages. La possession d’un titre peut alors être un révélateur des caractéristiques inobservables du ménage comme sa capacité à interagir avec l’administration, son degré d’intégration au marché ou son sens des affaires. Ainsi, comme le suggère Dower et Potamites (2012), le fait qu’une institution de crédit accorde un crédit à un ménage donné, peut ne pas être lié au fait que la disposition d'un titre ou la possession de terre fasse baisser le risque de l’institution en cas de défaut de paiement du ménage, mais au fait que ce titre ou la terre lui fournit des informations ex ante sur la probabilité que le ménage respecte les termes des contrats de crédit.

Conclusion

Dans le milieu rural, l’accès au crédit est important car il finance les activités de production et peut servir de substitut en cas d’absence ou d’imperfection du marché de l’assurance (Binswanger et Rosenzweig, 1986; Udry, 1990). Les imperfections sur les marchés du crédit limitant l’accès au crédit des ménages, et la terre, en présence de droits de propriété clairement définis, s’avère être un actif important qui peut réduire les asymétries d’information et améliorer l’accès au crédit des ménages soit sous la forme de garantie des emprunts, soit comme signal de solvabilité.

Les contraintes d’accès au crédit peuvent avoir plusieurs types de conséquence sur les comportements économique des ménages : orienter les pratiques de gestion du risque, conduire à la vente d’un actif du ménage pour faire face aux contraintes de financement, réduire le niveau des activités des ménages ou enfin influencer la manière dont ils participent aux marchés fonciers (Bardhan, 1980; Eswaran et Kotwal, 1986; Laffont et Matoussi, 1995; Colin et Bouquet, 2001).