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Quels sont les incidences des contraintes de financement des ménages sur leur participation

PARTIE I : CADRAGE THEORIQUE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

CHAPITRE 3 – QUESTIONS DE RECHERCHE ET METHODOLOGIE

1.2 Quels sont les incidences des contraintes de financement des ménages sur leur participation

leur participation aux marchés fonciers ?

Les contraintes de financement sont souvent abordées dans littérature uniquement à travers les refus de crédit aux ménages (voir par exemple Bellemare, 2009). Nous appréhendons dans le cadre de cette recherche les contraintes de financement à travers trois variables : les revenus des ménages à travers les quintiles de revenu auxquels ils appartiennent, l’accès au crédit formel et le rationnement.

La notion de rationnement recouvre ici plusieurs cas de figure pour les ménages. Dans nos analyses, le rationnement est défini comme se manifestant dans les situations ci-dessous, que le ménage ait participé aux marchés du crédit ou non entre juin 2008 et juin 2009 (période de collecte de nos données). Nous reprenons la méthodologie de mise en évidence du rationnement dans les contrats de crédit et dans le comportement des ménages développée par Boucher et al. (2009) en rajoutant les notions de rationnement ex post (lié à une participation

106 au marché du crédit) et de rationnement ex ante ou auto rationnement (lié à une non-participation aux marchés du crédit). La méthodologie est décrite par la figure ci-dessous.

Les ménages qui sont rationnées sont ainsi définis par les situations suivantes :  Cas de figure 1 : le ménage n’a pas de crédit en cours

Dans ce premier cas de figure, deux situations peuvent se présenter :

a. le ménage n’a fait aucune demande de crédit alors qu’il estime avoir des besoins de crédit. Le fait qu’il n’en fasse pas la demande est motivé parce qu’il estime qu’il n’a pas les garanties nécessaires, parce qu’il a peur de prendre du crédit ou à cause de son expérience antérieure en matière de crédit (vente d'un actif, défaut de paiement etc.). Nous utiliserons le terme d’auto exclusion ou auto rationnement pour caractériser ces ménages qui renoncent à solliciter le secteur formel malgré un besoin exprimé.

b. Le ménage a fait une ou plusieurs demandes mais elles ont été refusées.

 Cas de figure 2 : le ménage a au moins un crédit en cours Dans ce second cas de figure, deux situations peuvent se présenter:

a. au moins un membre du ménage reçoit un montant inférieur à ce qu’il avait demandé

b. au moins un des membres du ménage a essuyé un refus de crédit et les autres ont reçu ou non le montant qu’ils demandaient.

107 Figure 5 : Mise en évidence du rationnement dans les contrats de crédit et dans le comportement des ménages.

Le ménage a-t-il au moins un crédit en cours?

Oui

Le ménage a-t-il obtenu le montant demandé sur l'ensemble de ses demandes ?

Oui

Non

Non

Pourquoi ?

La demande a été refusée

Le ménage n'a pas fait de demande

Pourquoi ?

Le ménage n'a pas besoin de crédit

Le ménage a besoin de crédit mais: *a peur que sa demande soit rejetée *estime que le risque de perte de l'actif qui sera mis en garantie est trop élevé

* a une mauvaise expérience en matière de crédit (vente d'un actif, défaut de paiement...)

Non rationné Rationné Rationné Non rationné

108 A partir de ces trois variables (revenus, quintile de revenus et accès au crédit), nous allons analyser les incidences des contraintes de financement sur la participation des ménages aux marchés fonciers.

1.2.1 Les contraintes de financement sont-elles un obstacle à la participation des ménages aux marchés fonciers ?

Les imperfections sur les marchés du crédit créent du rationnement qui peut avoir des incidences sur leur participation aux marchés achat/vente et faire-valoir indirect. L’autofinancement et l’accès au crédit peuvent servir à financer l’achat de la terre, les coûts de production (à la fois dans le cas de la prise en location et du métayage) ainsi que la rente locative dans le cas de la location (si celui-ci doit être réglé en numéraire). Pour les ménages qui n’ont pas d’autofinancement et qui n’ont pas de contraintes d’accès au crédit, l’accès au crédit peut devenir un levier pour la prise de terre en faire-valoir indirect ou pour les achats de terre. Par contre, ceux qui ont des contraintes d’accès au crédit peuvent être exclus de l’accès au foncier via la prise en faire-valoir indirect ou les achats car ils ne peuvent pas assumer le prix d’achat, les coûts de production et le coût de la rente (Jaynes, 1982; Eswaran et Kotwal, 1986; Kochar, 1997a).

Les ménages à Madagascar et au Lac Alaotra ont des contraintes de financement qui sont causées par une faiblesse des revenus et des difficultés d’accès au marché du crédit formel (rationnement, problème de garanties, foncières ou non) qui peuvent avoir des incidences sur leur participation aux marchés fonciers. Plusieurs auteurs (Minten et Razafindraibe, 2003 ; Dabat et Razafindraibe ; 2008) relèvent le fait que les ventes de terre sont motivées par des contraintes de liquidités et que la cession en faire-valoir indirect est le fait des ménages pauvres. Du côté de la demande, les ménages sont principalement des ménages sans terre qui ont souvent un excédent de main d’œuvre. Du côté de l’offre comme du côté de la demande, il existe cependant une diversité des acteurs (pauvres versus riches).

Il s’agira, dans notre analyse de la participation des ménages aux marchés fonciers au lac Alaotra, de faire ressortir les déterminants relatifs aux contraintes de financement des ménages sur les achats/ventes et la prise/cession en faire-valoir indirect.

Les hypothèses qui fondent cette partie sont les suivantes : Du côté de la demande de terre :

109  Les ménages qui ont des contraintes de financement (faibles revenus, rationnement)

sont moins susceptibles d’acheter des terres que les ménages qui n’ont pas de contraintes de financement.

 Les ménages qui ont du crédit formel sont plus susceptibles d’acheter de la terre que

les ménages qui n’ont pas de crédit.

Le niveau des prix étant une contrainte, l’accès au crédit peut être un levier pour avoir accès aux achats de terre.

 Les ménages qui ont des contraintes de financement (faibles revenus, rationnement)

sont moins susceptibles de prendre des terres en faire-valoir indirect que les ménages qui n’ont pas de contraintes de financement.

La paupérisation des ménages et le rationnement peut réduire les capacités de financement des ménages. L’incapacité de financer les coûts de production et la rente locative peut être un frein à l’accès au marché du faire-valoir indirect.

 Les ménages qui ont du crédit formel sont plus susceptibles de prendre de la terre en

faire-valoir indirect que les ménages qui n’ont pas de crédit formel.

Relativement au paragraphe précédent, l’accès au crédit formel peut permettre aux ménages de financer leurs coûts de production.

Du côté de l’offre :

 Sur le marché de l’achat/vente : les ménages qui ont des contraintes de financement ont

une plus forte probabilité de vendre leur terre que ceux n’ont pas de contraintes de financement.

Les contraintes de financement énoncées dans les paragraphes précédents peuvent conduire à des ventes de détresse.

 Sur le marché du faire-valoir indirect : les ménages qui ont des contraintes de

financement ont une plus forte probabilité de céder leurs terres en faire-valoir indirect que les ménages qui n’ont pas de contraintes de financement.

Le rôle des contraintes de financement sera analysé à travers les enquêtes qualitatives et une analyse économétrique des déterminants de la participation des ménages aux marchés

110 fonciers. Nous analyserons les motivations des ménages relativement aux ventes et à la cession de terre en faire-valoir indirect. L’analyse économétrique se focalisera sur les déterminants de la demande de terre à cause de la sous déclaration des ménages du côté de l’offre de terre. Nous reviendrons sur les causes et les incidences de la sous déclaration.

1.2.2 La forme de la participation des ménages au marché du faire-valoir indirect est-elle un moyen de faire face à leurs contraintes de financement ?

Cette question fait écho à la précédente en ce sens que la participation n’est pas généralement dissociée du choix contractuel ou du choix des termes des contrats. Les analyses vont ici porter sur les relations entre les contraintes de financement des ménages et le choix des types et termes des contrats sur le marché du faire-valoir indirect. En effet, la nature des contraintes de liquidité des ménages n’est pas la même pour tous les ménages. Certains ont des contraintes de financement qui sont liées à des besoins urgents de liquidité, et pour d’autres, ces contraintes sont plus liées au financement du cycle de production. La contrainte de financement du ménage peut aussi résulter d’un choix raisonné du ménage (auto rationnement) ou être liée à un rationnement par les institutions financières. On distingue dans la littérature quatre principales formes de location et de métayage en relation avec le paiement de la rente et le partage des coûts. Ce sont :

la location avec paiement ex ante de la rente

Ce sont des contrats de location où le paiement de la rente (principalement en argent) est exigé par le propriétaire avant la mise en culture de la parcelle. Dans ces contrats les tenanciers assument tous les coûts de production et toute la production leur revient.

la location avec paiement ex post de la rente

Ce sont des contrats de location où le paiement de la rente (principalement en nature) intervient au moment de la récolte. Cependant, même si elle est payée au moment de la récolte, cette rente est fixe et n’est pas proportionnelle à la récolte. Dans ces contrats les tenanciers assument tous les coûts de production.

le métayage avec partage des coûts

Ce sont des contrats de métayage où le propriétaire et le tenancier se partagent les coûts de production. La rente est proportionnelle à une partie de la production avec un taux de partage qui est généralement fonction des apports de chaque partenaire.

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le métayage sans partage des coûts

Ce sont des contrats de métayage où le propriétaire de la parcelle ne fait pas d’apport sur les coûts de production ; le tenancier assume tous les coûts de production. La rente est équivalente à une partie de la production mais la part qui revient au propriétaire est généralement inférieure à celle du métayage où il y a partage des coûts.

En présence de contraintes de financement, la location avec paiement ex ante peut ne pas être accessible aux ménages preneurs. Dans ce contexte, le métayage et à plus forte raison le métayage avec partage des coûts se présente comme un palliatif des imperfections des marchés du crédit car il permet de réduire les coûts monétaires ou les apports de chaque partenaire.

Relativement au lac Alaotra, le choix contractuel entre la location et le métayage a été principalement abordé sous l’ange de la sécurisation des droits du propriétaire (Bellemare, 2009 ; 2010). Parallèlement, le métayage est présenté par Dabat et Razafindraibe (2008) comme un mode faire-valoir qui permet de pallier différentes contraintes (supervision des manœuvres, manque d'équipement de production) dont les contraintes de financement (financement des intrants et de la main-d’œuvre salariée). Nous proposons dans cette partie une analyse du choix contractuel en relation avec les contraintes de financement des ménages. Cette analyse se focalise sur le sous échantillon des ménages qui prennent ou cèdent en faire-valoir indirect. Les hypothèses de travail sont les suivantes :

Parmi les ménages qui prennent en faire-valoir indirect :

 Les ménages qui ont des contraintes de financement (faibles revenus, rationnement)

sont plus susceptibles de prendre un contrat de métayage avec partage des coûts que les ménages qui n’ont pas de contraintes de financement.

 Les ménages qui ont du crédit formel sont plus susceptibles de prendre un contrat de

location avec paiement ex ante de la rente que les ménages qui n’ont pas de crédit formel.

Parmi les ménages qui cèdent en faire-valoir indirect :

 Les ménages qui ont des contraintes de financement des coûts du cycle de production

cèdent plus en métayage avec partage des coûts que les ménages qui n’ont pas de telles contraintes.

112  Les ménages qui ont des contraintes de financement liées à des besoins urgents de

liquidité cèdent plus en location avec paiement ex ante de la rente que les ménages qui n’ont pas de telles contraintes.

Nous analyserons les choix effectués sur les contrats à travers une analyse statistique et qualitative des motivations dans les modes de cession et de prise en faire-valoir indirect (location versus métayage). Dans un second temps, une analyse économétrique étudiera les déterminants du choix contractuel et testera les hypothèses de travail qui viennent d'être présentées ci-dessus. Comme pour la question précédente, l’analyse économétrique se focalisera sur le choix des tenanciers, du fait de la sous déclaration du côté de l’offre (cf. section 2 ci-dessous).

2 Sources et méthodes de collecte des données

Pour répondre à nos questions, nous utiliserons deux bases de données : la première provient des enquêtes quantitatives réalisées dans le cadre du projet de l’Agence nationale de la recherche (ANR) « Rural microfinance and employment: do processes matter ? » (RUME), qui ont porté sur 448 ménages autour du lac Alaotra. La deuxième base de données est un ensemble d’enquêtes qualitatives réalisées par différents chercheurs participants au projet RUME et dont une partie a porté sur un sous-échantillon des ménages des enquêtes quantitatives. Nos unités d’analyse seront le contrat et le ménage. En analysant les contrats, nous ferons ressortir les termes qui peuvent être rattachés à des questions de contraintes de financement. Les différentes approches utilisées dans la démarche de collecte des données et le détail du contenu de chaque base sont décrits dans les sections qui suivent.