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1.2 Le cadre conceptuel

1.2.1 Le concept d’évaluation formative

1.2.1.2 L’évaluation formative et la régulation des apprentissages

Comme le relève Morrissette (2010a), la régulation des apprentissages est considérée comme étant une composante essentielle de l’évaluation formative à la suite des rapprochements réalisés par Allal entre les deux concepts à la fin des années 1970. Cependant, comme on le verra, il existe plusieurs conceptions de la régulation, selon la perspective théorique / épistémologique qui encadre son usage.

La conceptualisation la plus connue est celle d’Allal (1979), et s’appuie sur une conception cognitiviste.

§ La régulation proactive : elle a lieu au début de l’apprentissage. L’enseignant utilise cette forme de régulation pour ajuster son enseignement en vue de tenir compte des difficultés des élèves. § La régulation interactive : elle a lieu en cours d’apprentissage. L’enseignant met en œuvre des

adaptations continues de l’enseignement afin de mieux aider les élèves.

§ La régulation rétroactive : elle a lieu à la fin de la séquence d’apprentissage. L’enseignant y recourt pour améliorer la performance personnelle de l’élève ou favoriser la réussite de tous les élèves.

                                                                                                               

18 Pour plus d’informations sur l’évolution de la conception de l’évaluation formative, se référer à Morrissette

Cette conception de la régulation des processus d’apprentissage conduit à considérer que des interventions d’aide à l’apprentissage sont mises en œuvre à tout moment de la démarche didactique. Des chercheurs ont balisé cette démarche en identifiant des phases distinctes, qui correspondent aux trois types de régulation proposés par Allal. De fait, Lenoir et al. (2000, cité par Araujo-Oliveira, Lebrun & Lenoir, 2009, p.28) soutiennent que l’intervention éducative se composent de trois phases interreliées : préactive, interactive et postactive. La phase préactive se compose de l’ensemble des actions de planification exécutées par l’enseignant. C’est l’étape où l’enseignant définit les objectifs d’apprentissage, choisit les contenus à enseigner, prépare le matériel à utiliser et spécifie les tâches à soumettre aux élèves. La phase interactive représente l’étape de la mise en œuvre des éléments planifiés par l’enseignant. C’est le moment de l’intervention pédagogique. Elle se déroule en salle de classe avec les élèves. La phase postactive est celle de l’évaluation et de l’analyse de l’ensemble des procédures d’autoévaluation qui suivent l’action de l’enseignant en présence des élèves (évaluation de la mise en œuvre, réflexion sur les « gestes » posés, sur les tâches demandées aux élèves, etc.). De l’avis des auteurs (Araujo- Oliveira et al., 2009), cette dernière comprend deux opérations importantes, à savoir l’analyse critique et la régulation des étapes précédentes19. Par ailleurs, on trouve d’autres conceptions de la régulation selon les influences théoriques / épistémologiques retenues. Par exemple, selon une perspective béhavioriste, comme dans les travaux de Bloom en relation avec la pédagogie de la maîtrise, l’évaluation formative est orientée dans le sens d’une régulation « externe » de l’apprentissage, c’est-à-dire entièrement contrôlée par un enseignant vu comme acteur central (Bloom, 1998; Allal, 1988). Cette conception pose problème dans la mesure où elle amène à considérer que les processus d’apprentissage de l’élève peuvent être régulés indépendamment de sa volonté, de l’extérieur.

Les travaux d’inspiration (socio)constructivistes proposent une autre vision des choses : au travers des interactions en classe, l’élève se construit une référence (partagée avec l’enseignant) en vue de se représenter à la fois la performance à réaliser et les moyens d’y parvenir (Nunziati, 1990; Vial, 1995; Sensevy & Mercier, 2007). En ce sens, la régulation de l’apprentissage serait ici « interne » et donc liée à l’élève comme acteur principal de son apprentissage et de l’évaluation de celui-ci. La définition que propose Perrenoud (1997, 1998) de                                                                                                                

19 Les auteurs reconduisent ici une logique d’évaluation comme correction, après-coup, en ce sens que la régulation

la régulation se rapprocherait quelque peu de cette conception. Selon l’auteur, la régulation se définirait comme « l’ensemble des opérations métacognitives du sujet et de ses interactions avec l’environnement qui infléchissent ses processus d’apprentissage dans le sens d’un objectif défini de maîtrise » (p.102). Cette conception laisse entrevoir une forme de régulation qui se situerait au cœur même des interactions de l’élève avec son environnement et à l’intérieur duquel il déploie lui-même un processus d’autorégulation de ses propres apprentissages. Dans cette perspective, et tel que relevé par Perry et al. (2002), l’évaluation formative renvoie aux façons de faire préconisées par l’enseignant pour soutenir l’autorégulation des apprentissages opérée par l’élève.

En somme, la régulation des apprentissages est tantôt vue comme un processus orchestré par l’enseignant qui le contrôle entièrement, tantôt comme un processus orchestré par l’élève, soutenu par l’enseignant. Pour rappel, je conçois l’évaluation formative telle une pratique sociale, c’est-à-dire discursive et située, imbriquée aux activités quotidiennes par le biais de modalités plus ou moins formelles et se réalisant dans le cadre de deux processus qui s’exercent au cœur de la démarche didactique, soit un processus de « définition de la situation » et un d’intervention de soutien aux apprentissages (Morrissette, 2010a). En cohérence, pour cette recherche, je retiens une conception (socio)constructiviste de la régulation des apprentissages selon laquelle :

§ les interactions favorisent la construction de références partagées; § l’élève est le principal acteur de ses apprentissages;

§ l’élève régule sa démarche d’apprentissage;

§ l’action de l’enseignant soutient la régulation des apprentissages par l’élève.

Ainsi, la conception retenue souscrit à l’idée selon laquelle la régulation ne peut être opérée que par l’apprenant, l’enseignant pouvant favoriser par différents moyens cette régulation susceptible de contribuer au développement des compétences. Comme le notent Allal et Mottier Lopez (2007), c’est notamment par des rétroactions que l’enseignant peut agir sur la régulation des apprentissages par l’élève, en particulier lorsqu’elles portent sur sa façon de réorganiser ses actions. Ces rétroactions peuvent aussi se traduire en appréciations et interrogations et consister en des pistes données à l’élève afin de lui permettre de se guider dans ses réalisations. En ce sens,

la pratique de l’évaluation formative attire aussi l’attention sur le rôle de l’enseignant dans la régulation des apprentissages, un rôle qui peut se décliner selon certaines postures et centrations qu’il adopte, en cohérence avec la fonction de soutien aux apprentissages de l’évaluation formative.