• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 UN PREMIER REGISTRE D’ANALYSE

3.3 Le travail de gestion de l’effectif

3.3.1 Une gestion de classe axée sur le groupe et le climat de classe

Les enseignants ont expliqué une gestion de classe qui, pour mettre l’effectif au service du soutien des apprentissages en contexte de classes pléthoriques, promeut un mode de regroupement (3.3.1.1) favorisant la coopération et la négociation entre élèves d’une part, et un climat de classe (3.3.1.2) suscitant la participation de l’ensemble des élèves, d’autre part.

3.3.1.1 Les modes de regroupement des élèves

Les enseignants ont relaté des modes de regroupement des élèves, soit les façons de réorganiser l’effectif qu’ils privilégient en vue de la mise en œuvre d’une évaluation formative. En outre, ils disent rompre la configuration habituelle de la classe selon laquelle tous les élèves font face à l’enseignant et concentrait de ce point de vue leur attention sur ce que celui-ci devait dire ou faire. Jugeant cette configuration peu pertinente pour la pratique de l’évaluation formative dans des exercices littéraires comme la dissertation et le commentaire de texte ou encore l’exposé

oral, les enseignants disent privilégier le travail collaboratif coopératif (PFS2, eg4) et la

négociation entre élèves (PFS6, eg3) en divisant la classe en groupes, ce que PFS4 appelle créer un désordre organisé (eg2). Dans les contributions individuelles, on remarque diverses variations

dans le nombre d’élèves qui constituent les groupes, variations qui sont souvent fonction des caractéristiques des tâches. Par exemple, PFS4 (eg2) dit faire travailler les élèves par rangées lors d’une étude de texte du poème « Prières de paix » de Senghor dans une classe de Terminale, chaque rangée devant apprécier les élèves des autres rangées; PFS2 (eg4) dit faire travailler les

élèves à deux puis en grand groupe de sept élèves pour rédiger l’introduction d’un sujet de

dissertation, dans une classe de Terminale qui comptait 56 élèves ; PFS6 (eg3) déclare faire

travailler les élèves individuellement avant de les regrouper à sept ou huit dans une classe de 1re qui comptait 58 élèves, le nombre d’élèves par groupe variant en fonction du travail à faire et du temps disponible pour le faire; PFS3 (eg5) dit privilégier des groupes de 11 dans une classe de seconde qui comptait 66 élèves pour exploiter différents thèmes de la pièce théâtrale Phèdre de

Jean Racine.

Précisant l’organisation interne des groupes lors des débats ou exposés oraux, PFS2 (eg5) met en relief que dans ses classes, chaque groupe comprend un président qui coordonne le travail, un secrétaire qui synthétise les idées retenues en vue rédiger le travail du groupe, un rapporteur qui présente le travail du groupe en plénière et quatre recherchistes qui se chargent de trouver les bonnes informations dans des sources variées. Ces rôles, précise-t-il, sont occupés tour à tour par chacun des élèves et favorisent la participation de tous, chacun apportant sa contribution dans le groupe. D’autres enseignants disent aussi utiliser des configurations similaires en responsabilisant chaque élève membre d’un groupe. Par exemple, PFS10 (eg5) dit travailler avec les groupes, mais trouve une pertinence à favoriser aussi la communication intergroupes. Pour ce faire, des élèves peuvent jouer les rôles d’élève personne ressource, c’est-à-dire responsables d’apporter des informations complémentaires aux membres d’un autre groupe, en fonction de leurs connaissances de l’aspect du thème exploité par le groupe en question. PFS1 (eg4) déclare que pour pousser les élèves à davantage coopérer dans les groupes, il leur fait souvent savoir qu’ils doivent partager les informations et pouvoir apporter une réponse argumentée en cas de sollicitation lors des plénières.

En résumé, comme on peut le constater, les enseignants font preuve de créativité pour mettre l’effectif au service de l’apprentissage. Leurs façons de faire manifesteraient une volonté de favoriser la réussite de tous les élèves. Aussi ces modes de regroupement des élèves, que les enseignants jugent très importants pour la mise en œuvre de l’évaluation formative, rendent-ils compte d’un savoir-faire contextuel lié à l’intérêt qu’ils trouvent dans l’idée d’amener les élèves à discuter entre eux (classe apprenante) et dans l’idée de les responsabiliser en leur attribuant des rôles.

3.3.1.2 Le climat de classe

Les enseignants ont par moment insisté sur l’importance du climat de classe dans la mise en œuvre de l’évaluation formative. Par climat de classe, il faut comprendre l’atmosphère dans laquelle se déroule le cours, du début jusqu’à la fin. Pour les enseignants, il est important de mettre les élèves dans des conditions de travail qui favorisent leur plein épanouissement et le climat de classe en relève. Ainsi, pour créer un climat de classe favorable aux apprentissages, les enseignants disent recourir à diverses stratégies allant de la promotion d’une ambiance joviale (PFS4, eg2) à la mise en œuvre d’une émulation saine entre filles et garçons, entre groupes ou

entre rangées (eg2), toutes sortes de façons de faire permettant de motiver les élèves. Par

exemple pour décontracter une atmosphère qu’ils trouvent peu intéressante pour les apprentissages parce qu’ils sentent les élèves crispés ou fatigués, PFS4 dit privilégier l’humour et

la flatterie ainsi que les compliments (eg2); PFS5 dit s’appuyer sur le cousinage de plaisanterie41

(eg5); PFS3 dit utiliser l’ironie ou l’antiphrase (eg3); bref toutes sortes de stratégies leur permettant de rendre l’école plus agréable, de la dévêtir de son caractère trop formel et sérieux pour mieux les intéresser, comme en atteste PFS4 :

[…] j’essaie dans ma lecture d’intéresser les élèves. Avec les rimes par exemple, je donne un exemple : « Une bonne année n’est pas un pagne de beaux discours ». Pour intéresser les élèves, je leur demande à chaque fois de répéter le dernier mot du vers. Ils disent

                                                                                                               

41 Le cousinage de plaisanterie est une pratique sociale ouest africaine qui autorise une personne à taquiner une autre

– et vice versa – sans conséquence, dans le but de décrisper une atmosphère sociale. Selon Etienne Smith (2004), cette pratique sociale existe aussi en Amérique du nord où elle est appelée « joking relationships ».

« discours ». « Tissé savamment pour séduire une cour ». Ils disent « cour ». Et tu vois donc que dans la classe il y a une ambiance extraordinaire. Et donc, ceci réussi, je pense bien que c’est un cours réussi. Ceci réussi dès l’entrée, la motivation est là! (eg2)

Cet extrait met en évidence l’importance accordée à l’imprégnation du texte comme source de motivation pour les élèves. En donnant le ton, PFS4 dit créer une ambiance de travail dynamique qui induit une meilleure participation des élèves. Aussi, les enseignants ont trouvé très pertinente cette façon de faire de PFS4 (eg2) qui initie les élèves à l’ambiance du texte en leur faisant répéter le dernier mot de chaque vers. Selon PFS3, « cet aspect jovial comme le dit PFS4, convivial et familial qu’il a su instituer dans sa classe; ça c’est fondamental surtout dans le cadre d’une évaluation formative » (eg2). Du point de vue du groupe, les pratiques visant à motiver les élèves ont l’avantage de les libérer, de les mettre en confiance pour favoriser le plein épanouissement de leur potentiel intellectuel (PFS3, eg3). PFS14 justifie la pertinence des stratégies de PFS4 en disant « si vous lui [l’élève] faites confiance, vous lui donnez des armes; vous lui donnez des possibilités d’exploitation de ce potentiel qui dort en lui. Ça c’est très important dans l’évaluation formative » (eg2).

En résumé, comme on peut le constater, les enseignants accordent une importance de premier plan au climat de classe dans la mise en œuvre de l’évaluation formative. C’est peut-être ce qui justifie qu’ils rivalisent d’inventivité dans leurs classes pour maintenir un climat qui motive les élèves et les incite à participer au cours. Leurs façons de faire l’évaluation formative rendraient d’ailleurs visibles des stratégies de gestion de classe très imprégnées de l’idée d’un climat plus décontracté, qui permette de rire tout en apprenant. Il y aurait donc là une dimension plus « affective » à l’évaluation formative, selon les enseignants.