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4. DES OUTILS THÉORIQUES

4.3 A l’écoute des philosophes grecs

Quand on lit les textes d’anciens philosophes Grecs, on est frappé de voir le nombre d’éléments archéologiques de premier ordre qui sont fournis pour la compréhension de la

« richesse-pauvreté ». Voyons donc ce qu’ils nous apprennent à ce sujet.

Du maître à son disciple : Socrate et Platon

Selon Socrate, la richesse concerne l’accumulation de biens qui sont désirés par tous. D’où cette définition, celui qui accumule des biens que personne ne désire ne devient pas riche.

Socrate ne condamne a priori pas la richesse comme moyen de vivre, mais la richesse prise comme fin.

Pour illustrer ces propos, Socrate explique notamment que

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« Toute mon occupation est de vous persuader, jeunes et vieux, qu'avant le soin du corps et des richesses, avant tout autre soin, est celui de l’âme et de son perfectionnement. Je ne cesse de vous dire que ce n’est pas la richesse qui fait la vertu ; mais, au contraire, que c’est la vertu qui fait la richesse, et que c’est de là que naissent tous les autres biens publics et particuliers. » (Brooks, mars 2010)

Parce que Socrate estimait que tout être humain est capable de vertu, il identifie en chacun une force intérieure nécessaire à la maîtrise de ses désirs. Selon Socrate donc, croire à l’accès à la plénitude par l’ « avoir » conduit à aggraver les pauvretés. Il faudrait donc plutôt miser sur cette force, l’entretenir afin d’accéder à de multiples richesses. Il s’adresse à ce propos à Critobule, l’un des citoyens les plus riches d’Athènes, en ces termes :

« (…) je suis suffisamment riche. Mais toi, Critobule, tu me parais d’une extrême pauvreté, et par Zeus, il m’arrive quelquefois de te plaindre de tout mon cœur. » (Xénophon, 1995, p. 32)

Son message explique que contrairement à Critobule, Socrate n’a besoin d’aucun supplément de fortune pour accéder aux richesses. Ainsi, le choix de la pauvreté apparaît pour Socrate comme un signe de grande richesse car la pauvreté permet à l’individu de cerner les « nécessités » à son bien-être moral et physique des « surplus » qui corrompent l’âme et le corps. De Socrate, on retiendra donc ici que tout être humain se doit avant tout de développer ses qualités de discernement pour identifier et gérer ses besoins lui permettant de vivre pleinement.

Quant à Platon, il évoque le malheur de ces riches « contraints tout au long de leur vie, de porter la faim au dedans même de leur âme. » (Rahnema, 2003, p. 73). Par cette allusion, on en déduit qu’il suit les enseignements énoncés par Socrate.

Une dimension complémentaire s’est toutefois ajoutée à ce qui précède. Platon aborde également le fait que lorsqu’il n’y a ni richesse, ni pauvreté, un espace est accordé pour des circonstances favorables à l’établissement d’une société politique. Platon redoute en fait les circonstances fâcheuses qu’entrainent la richesse et la pauvreté. Ces conséquences fâcheuses peuvent être identifiées par la jalousie, les rivalités et l’injustice. En quelques mots, Platon pense que là où n’habite ni la richesse, ni la pauvreté peuvent s’installer les caractères

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plus nobles. A l’heure actuelle, on retrouve des influences de la pensée de Platon dans la philosophie. Une fable, dans un livre de philosophie de jeunesse de Michel Piquemal (2003, p.83) renvoie, à mon sens, à la pensée de Platon sur le sujet :

« Il était une fois un pays où il n’y avait pas de gens riches. On n’y voyait pas de princesses vêtues d’hermine et de brocart. On n’y voyait pas de princesses vêtues d’hermine et de brocart. On n’y voyait pas non plus d’opulents marchands conduisant des attelages somptueux.

Ni même de jeunes désœuvrés cherchant comment dépenser un argent qui brûle les doigts.

Non, rien de tout cela. C’était un triste pays, allez-vous me dire. Je ne sais pas. Car dans ce pays il n’y avait pas non plus de gens pauvres. »

Ce texte éveille les esprits sur le lien existant entre la richesse et la pauvreté et vient entériner les propos de Platon qui voit dans un lieu sans riches, ni pauvres, plus de partage et plus d’égalité.

De Platon à Aristote

De son côté, Aristote développe sa pensée autour des désirs. Ces désirs qu’il faut contrôler, plutôt que de s’acharner sur le contrôle des richesses car, dit-il, « la nature du désir est d’être sans bornes. » (Rahnema, 2003, p.74)

En lien avec la thématique de la « richesse-pauvreté », Aristote définit le bien suprême comme étant au-delà des biens particuliers qui ne sont que des moyens par lesquels le bonheur peut se réaliser. Aristote dresse ainsi l’inventaire des biens grâce auxquels les hommes doivent trouver le bonheur : richesse, plaisir, honneur, vertu, voir le « bien-en-soi » de Platon mais il les rejette aussitôt car selon lui le bonheur n’est pas encore à la portée de l’homme à ce stade là.

Aristote développe le concept d’autarcie et d’autosuffisance afin d’acquérir le bonheur, tel un pays dont toutes les ressources nécessaires se trouveraient en son sol et ne dépendrait donc d’aucun autre pays. Il en est, d’après Aristote, de même pour l’homme. Il faut qu’il parvienne à trouver en lui-même « les produits de son terroir » qui sont nécessaires à son bonheur.

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Sur la chrématistique (de « khréma », la richesse, la possession), qui concerne l'art de s'enrichir et d’acquérir des richesses, Aristote se positionne en disant que l'accumulation de la monnaie pour la monnaie est une activité contre nature et qui déshumanise ceux qui s'y livrent. Dans le sillage de Platon, il condamne ainsi le goût du profit et l'accumulation de richesses.

Pour conclure, on dira finalement que selon Aristote la richesse matérielle ou la pauvreté en esprit n’est pas la condition sine qua non pour atteindre le bonheur, il faudrait plutôt accéder à une harmonie et à une plénitude qui serait à l’homme et en l’homme.

Hypothèses de travail