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L’écoulement transitoire

7.3 L’écoulement incompressible

7.3.1 L’écoulement transitoire

Pour évaluer la pertinence de l’approximation stationnaire lorsque l’on s’intéresse aux applications géophysiques et astrophysiques, il est important de déterminer les échelles de temps qui régissent les caractéristiques de l’écoulement. Pour ce faire, nous mesurons le temps au bout duquel le moment cinétique total dans le référentiel tournant cesse d’évoluer. Notons que la variation du moment cinétique total résulte de la différence entre le couple exercé sur le fluide par la condition aux limites sur la coquille externe, et le couple que le fluide lui-même exerce sur la coquille interne. Par conséquent, un état stationnaire est atteint lorsque

∆Γ”Γp1q ´Γpηq “0 , (7.27) où Γp1q et Γpηq sont, respectivement, le couple exercé par la coquille externe sur le fluide et le couple exercé par le fluide sur la coquille interne, par rapport à l’axe ez. De manière générale, le couple exercé sur une couche de rayon r, par rapport à l’axe ez, s’écrit

Γprq “ ż

Br

σ¨ezdS , (7.28)

oùσ est la contrainte appliquée sur une coquille de rayon r. Nous projetons mainte-nantσ sur la base des harmoniques sphériques, et le couple devient

Γprq “ ´ ż

Br

rsinθρprqÿ

l

r2tlBYl

Bθ dΩ , (7.29)

tl “r B Br

˜wl r

¸

. (7.30)

En utilisant la relation (H.51), (7.29) devient

RADIATIF

Figure 7.2: Différence relative entre le couple appliqué sur la coquille externe et le couple exercé par le fluide sur la coquille interne stationnaire, en fonction du temps réduitEt. L’état stationnaire est atteint sur une échelle de tempsOpE´1q, c’est-à-dire sur une échelle de temps visqueuse, dans le régime asymptotique des petits nombres d’Ekman. Source : Gagnier & Rieutord (2020).

Γprq “4 cπ

3r3ρprqt1prq, (7.31) et en injectant les conditions aux limites (7.23), (7.27) s’écrit finalement

∆Γ“ ´4 cπ

3

˜

s3dw1 dr

ˇ ˇ ˇ ˇη

¸

, (7.32)

où, dans le cas incompressible, ρs“1. Nous représentons l’évolution temporelle de la différence relative entre les couples∆Γ{Γp1qpour divers nombres d’Ekman en Fig.7.2.

Nos résultats montrent que sur une échelle de temps d’ordreOpE´1q, la contrainte im-posée sur la coquille externe est complètement communiquée à l’écoulement intérieur, et un état stationnaire est atteint.

Bien sûr, dans le contexte astrophysique ou géophysique, il peut être nécessaire de permettre à la vitesse angulaire de la coquille interne d’avoir une dépendance temporelle. En effet, le couple exercé par le fluide sur cette paroi peut la faire ralentir ; en particulier, d’après le théorème du moment cinétique

Γ˚pηRq “ dLcorez dt˚

“Ic

dΩc

dt˚

, (7.33)

où Ic est le moment d’inertie du cœur que l’on suppose être en rotation solide, et

RADIATIF

Lcorez est son moment cinétique total. Puisque notre référentiel est attaché au cœur (c’est-à-dire à la coquille interne), sa dépendance temporelle engendre une force sup-plémentaire, la force fictive d’Euler Ω9cezˆr, introduite en Sect.6.1. Cette force peut cependant être négligée si l’échelle de temps associée au ralentissement du cœur est plus grande que l’échelle de temps visqueuse pendant laquelle le moment cinétique est redistribué. Dans ce cas, l’écoulement peut atteindre un état quasi-stationnaire. Dans ce manuscrit, et par souci de simplicité, nous ferons cette hypothèse (Ω9c “0). Nous la justifions par l’approximation de Roche, souvent utilisée pour les étoiles massives, où il est supposé que toute la masse de l’étoile est concentrée dans le cœur (voir aussi l’Annexe F).

Une autre échelle de temps importante est celle associée à la formation de la couche de Stewartson. Comme déjà mentionné en Sect. 6.4, cette couche apparaît en réponse à l’apparition d’une singularité équatoriale de la couche d’Ekman interne. Il est bien connu que dans une bande équatoriale de hauteur OpE1{5q, l’épaisseur de la couche limite d’Ekman estδE “OpE2{5q(voir Sect. 6.3.2, et Roberts & Stewartson, 1963). Par conséquent, cette couche limite équatoriale singulière devrait être entière-ment développée, et ainsi amorcer le développeentière-ment de la couche de Stewartson, sur l’échelle de temps OpδE2{Eq “ OpE´1{5q, qui est beaucoup plus courte que l’échelle de temps visqueuse OpE´1q. De même, la couche de Stewartson centrale d’épaisseur OpE1{3qest entièrement développée sur l’échelle de tempsOpE´1{3q1, là encore, beau-coup plus courte que l’échelle de temps visqueuse. Nous nous attendons donc à ce que la couche de Stewartson commence à se former au bout de quelques révolutions de la coquille interne, et qu’elle soit entièrement développée sur une échelle de temps beau-coup plus courte que l’échelle de temps visqueuse sur laquelle nous nous attendons à ce que l’écoulement cisaillé à l’intérieur de celle-ci évolue vers l’état stationnaire.

Nous vérifions que la dépendence de l’amplitude de la fonction de courant dans la couche de Stewartson vis-à-vis du nombre d’Ekman reste inchangée pendant l’essen-tiel du transient en figure7.3où l’on représente l’amplitude de la fonction de courant mesurée à s“η et z“1{2, normalisée par sa valeur à l’état stationnaire ψhh,st et définie comme suit

Br “rsinθuθ, Bψ

Bθ “ ´r2sinθur , (7.34)

et normalisée par sa valeur à l’état stationnaire, en fonction du temps réduit Etpour divers valeurs du nombre d’Ekman. La fonction de courant projetée sur la base des harmoniques sphériques s’écrit (voir H.1.3)

1. Ces échelles de temps ne seront pas vérifiées numériquement dans le manuscrit.

RADIATIF

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3

ψh/ψh,st

Et

E= 10-5 E= 10-6 E= 10-7 E= 10-8

Figure 7.3: Amplitude de la fonction de courant mesurée à s “ η et z “ 1{2 et normalisée par sa valeur à l’état stationnaireψhh,st, en fonction du temps réduitEt pour plusieurs valeurs du nombre d’Ekman. Nous constatons que la couche de Ste-wartson apparaît sur une échelle de temps courte devant l’échelle de temps visqueuse.

Source : Gagnier & Rieutord (2020).

ψpr, θq “

`8

ÿ

l“0

r2ulprq

Λ sinθBYlpθq

Bθ . (7.35)

L’analyse de la phase transitoire précédant l’établissement d’un état stationnaire montre ainsi que l’écoulement méridien, dans son ensemble, évolue sur une échelle de temps visqueuse d’ordre E´1. Dans le contexte astrophysique caractérisé par des nombres d’Ekman extrêmement petits (typiquementE ă10´10), une telle échelle de temps implique que l’enveloppe radiative des étoiles massives n’atteint jamais un état stationnaire au cours de leur vie.