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Diffusion sur les raies spectrales

3.2 L’accélération radiative

3.2.2 Diffusion sur les raies spectrales

Les vents stellaires sont caractérisés par un nombre d’électrons libres environ104 fois plus élevé que le nombre d’électrons liés aux ions métalliques (Gayley, 1995).

Ces électrons sont liés à des niveaux d’énergie discrets tels que l’énergie des photons incidents leur permettant de changer de niveau d’énergie, et donc d’émettre un pho-ton secondaire, est bien spécifique. Ces raies apparaissent donc très étroites sur les spectres en énergie des étoiles. Nous pourrions ainsi raisonnablement affirmer que la contribution des raies spectrales à l’accélération du vent radiatif est négligeable de-vant celle des électrons libres, les atomes n’interagissant qu’avec une petite fraction du flux radiatif. Cependant, deux processus physiques conduisent à l’importance et même la domination de la contribution des raies spectrales à la diffusion des photons.

Le premier est la nature résonante de la diffusion par les raies spectrales. En effet, les niveaux d’énergie discrets des atomes entrainent une section efficace d’inter-action avec les photons incidents ayant une énergie très proche de celles nécessaires aux transitions entre ces niveaux d’énergie, bien plus grande que celle associée à l’in-teraction avec les électrons libres (Stratton, 1941; Heitler, 1954; Gayley, 1995). Une manière simple de le comprendre est de se concentrer sur le cas classique (au sens où l’on néglige les effets quantiques).

Prenons un photon incident dont ν est la fréquence de l’onde électromagnétique associée, et E “ E0cospωtq est le champ électrique correspondant, où ω “ 2πν.

L’équation du mouvement d’un électron libre subissant la force électrique associée au photon incident s’écrit simplement (en négligeant les effets relativistes, le champ magnétique, ainsi que la force de rétroaction de la radiation émise par l’électron sur

lui-même)

mex:“eE0cospωtq , (3.9) où e est la charge de l’électron et me sa masse. La solution de cette équation s’écrit alors simplement

x“ ´ eE0

meω2 cospωtq. (3.10)

Ainsi, sous l’effet du champ électrique, l’électron vibre à la même fréquence que le photon incident, puis réémet un photon secondaire, toujours à la même fréquence.

La puissance du rayonnement diffusé par l’oscillateur, par unité d’angle solide et moyennée temporellement s’écrit (e.g., Heitler, 1954)

dP

dΩ “ e2|:x|2 4πc3 sin2θ

“ e4E02 m2e

1

4πc3 sin2θxcos2pωtqy

“ e4sin2θE02 8πm2ec3 ,

(3.11)

où x¨yindique une moyenne temporelle, P est la puissance rayonnée, et θ est l’angle entre la direction d’observation r et celle de la polarisation du champ électrique E0. L’intensité du rayonnement incident s’écrit

I0 “ xSy “ cE02

8π , (3.12)

oùxSy est le vecteur de Poynting moyenné temporellement, caractérisant la puissance véhiculée par l’onde plane par unité d’angle solide. La section efficace différentielle d’interaction entre photon incident et électron libre φTpθq s’écrit comme le rapport entre la puissance par unité d’angle solide diffusée et l’intensité énergétique incidente, c’est-à-dire

φTpθq “ dP{dΩ I0

˜ e2 mec2

¸2

sin2θ , (3.13)

où r0 “ e2{pmec2q est le rayon classique de l’électron. Considérons maintenant que le rayonnement incident n’est pas polarisé, on intègre alors (3.13) sur l’angle solide pour obtenir la section efficace totale d’interaction

φT “ 8π

3 r20 »6.65ˆ10´25cm2 . (3.14) La section efficace de diffusion Thomson d’un photon sur un électron libre est donc une constante universelle indépendante de la fréquence du photon incident.

Comparons maintenant cette section efficace à celle associée à la diffusion d’un photon sur un électron lié à la fréquence de résonance ν0. Dans ce cas, il est important de prendre en compte l’amortissement de l’oscillateur, c’est-à-dire la force de rétroaction résultant de la perte d’énergie du sytème lors de la diffusion du photon. L’équation de l’oscillateur harmonique s’écrit alors

x:`γx9 `ω20x“ eE0

me

eiωt , (3.15)

et sa solution

x“ eE0{me

ω02´ω2`iωγeiωt , (3.16) où

γ “ 2 3r0

ω20

c , (3.17)

est le coefficient d’amortissement de l’oscillateur. La puissance du rayonnement diffusé par l’oscillateur, par unité d’angle solide et moyennée sur une période

dP

dΩ “ e2|:x|2 4πc3 sin2θ

“ e4E02 8πc3m2e

ω4sin2θ

20´ω2q2 ` pωγq2 .

(3.18)

En injectant (3.18) dans (3.13), nous obtenons la section efficace différentielle

φpθq “ r20 ω4sin2θ

20´ω2q22γ2 , (3.19) que nous intégrons sur l’angle solide pour obtenir la section efficace totale d’intéraction

φ“φT

ω4

02´ω2q22γ2 . (3.20) Nous remarquons que pour ω0 Ñ0 etγ !ω, nous retrouvons la section efficace de la diffusion Thomson. En revanche, lorsque la fréquence du photon incident ν

approche la fréquence de résonance ν0, la section efficace d’intéraction d’un photon sur un électron lié est beaucoup plus grande que celle sur un électron libre. Notons aussi que siω „ω0, alors (3.20) peut être réécrite

φ “ φT

4

ω2

0´ωq22{4 , (3.21)

et le coefficient d’amortissementγ correspond alors à la largeur à mi-hauteur du profil d’intensité de la raie considérée.

Le rapport entre la force exercée par tout le continuum sur un électron lié et celle sur un électron libre est souvent quantifié par le paramètre de qualité de résonance Q„ν0{γ et est typiquement de l’ordre de107 (Gayley,1995). Bien que la population d’électrons liés dans l’atmosphère chaude des étoiles massives soit faible comparée à celle des électrons libres, leur contribution totale est bien supérieure (typiquement d’un facteur 2ˆ103, Gayley, 1995). Ainsi, en théorie, une étoile avec Γe“0.5peut être sujette à une accélération radiative localement 1000 fois supérieure à la gravité.

Cependant, si l’on considère une atmosphère statique, les raies spectrales dans sa partie basse saturent et bloquent les fréquences pertinentes pour l’accélération radia-tive dans les parties plus superficielles. C’est ici qu’intervient le second processus : l’effet Doppler de l’atmosphère en expansion. Nous avons vu que la vitesse du vent augmente vers l’extérieur, les couches les plus externes de l’enveloppe stellaire sont donc en expansion induisant ainsi un décalage vers le rouge de la fréquence de réso-nance des raies spectrales locales. Ces dernières pourront ainsi intercepter les photons du continu à une fréquence différente de ν0. Ainsi, par conservation de la masse, les couches les plus internes sont aussi accélérées, en accord avec un écoulement trans-sonique, ce qui entraîne la dé-saturation des raies spectrales dans toute l’atmosphère stellaire.