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L’écoulement géostrophique

Considérons maintenant un écoulement incompressible pour lequel le nombre d’Ekman est très petit. L’équation du mouvement (6.17) indique que dans ce cas, le terme de force visqueuse peut a priori être considéré comme négligeable. Gardons cependant à l’esprit que celui-ci est aussi le terme le plus différentié, nous verrons dans la section suivante que cela implique l’existence de fines couches limites appelées couches d’Ekman. Hors de ces couches limites, nous considérons donc que le fluide est non visqueux au premier ordre. Simplifions encore le problème en examinant l’écoulement stationnaire et lent dans le référentiel tournant avec la coquille interne, c’est à dire que nous prenonsRo“0, Bu{Bτ “0, etE “0. (6.17) est ainsi simplifiée comme suit

ez ˆu“ ´∇p , (6.20)

c’est-à-dire que l’écoulement hors couches limites, et à l’ordre le plus bas, résulte d’un équilibre entre la force de Coriolis et la force associée au gradient de pression.

C’est l’équilibre géostrophique. Le rotationnel de (6.20) résulte alors en une relation fondamentale pour l’étude des fluides non-visqueux en rotation, le théorème de Taylor-Proudman

pez¨∇qu“0. (6.21)

Cette relation implique que la vitesse de toute particule fluide est indépendante de la coordonnée parallèle à l’axe de rotation (ici z), c’est-à-dire

u“ups, φq , (6.22)

où s “rsinθ est la coordonnée radiale cylindrique, donc la mesure de la distance à l’axe de rotation. De plus, si l’écoulement est axisymétrique, alors u“upsq. L’écou-lement interne est alors fortement dépendant des conditions aux limites qui vont dicter le mouvement commun de chaque colonne de fluide. En effet, si l’on impose une condition de non-pénétration des parois, c’est-à-direu¨n“0oùnest un vecteur unité perpendiculaire aux parois du domaine et dirigé vers l’extérieur (dans le cas de coquilles sphériques concentriques, n“er pour la coquille externe et n“ ´er pour la coquille interne), alors au premier ordre u¨n“0 dans toute la colonne de fluide ayant pour extrémité une paroi imperméable, d’après (6.21).

Si l’on se concentre sur le cas d’un fluide emprisonné entre deux coquilles sphé-riques, et que l’on ajoute la condition limite uθ “0au niveau des deux parois, alors

Figure 6.3: Vue schématique du système considéré : la coquille interne de rayon ηR a pour vitesse angulaire Ωc tandis que la coquille externe de rayon R a pour vitesse angulaire Ωs.

l’écoulement intérieur est purement azimutal au premier ordre, et l’équation (6.20) a pour solution

u“ Bp

Bseφ . (6.23)

De manière analogue, si l’on impose une rotation différentielle en forçant la vitesse angulaire de la coquille externeΩpRq “ Ωs, alors toute particule fluide dans la région sąηR oùηR est le rayon de la coquille interne, aura pour vitesse angulaire Ωs, car la vitesse azimutale est invariante dans la direction z d’après le théorème de Taylor-Proudman. C’est moins évident lorsque s ď ηR car une contradiction apparaît. En effet, la coquille interne a pour vitesse angulaire Ωc ‰ Ωs, or chaque ligne verticale (dans le sens parallèle à l’axe de rotation) dans cette région intercepte les deux parois et la vitesse angulaire du fluide devrait avoir, à la fois, la vitesse angulaire de la coquille interne et celle de la coquille externe. En réalité, Proudman (1956) montre que la vitesse angulaire du fluide, dans le cylindre de rayon ηR, est la moyenne de celle des deux parois. Nous discutons cet écoulement de Taylor-Couette en détail dans l’Annexe D. La figure 6.3 illustre les implications du théorème de Taylor-Proudman sur la rotation différentielle dans un système d’une telle géométrie.

Si l’on considère maintenant le cas d’un conteneur quelconque, n’étant pas néces-sairement symétrique par rapport à z “ 0, alors les vecteurs unité perpendiculaires

à la paroi et dirigés vers l’extérieur dans l’hémisphère supérieur (z ą 0) et inférieur (z ă0), respectivement nsup etninf, ne sont plus nécessairement symétriques. Il faut alors définir la position de la surface inférieure z “ ´g et celle de la surface supé-rieure z “ f. Ainsi, chaque colonne verticale de fluide a pour hauteur hpsq “ f `g (voir Fig. 6.3). On peut alors facilement montrer que (6.20) a pour solution générale (Greenspan, 1968; Rieutord, 2015)

u“ 1

2pnsup´ninfq ˆ∇p

“ Bp

Bhninf ˆnsup .

(6.24)

On remarque alors que ∇p¨u “0, donc ∇pest une fonction de courant, et les isobares sont alors aussi des lignes de courant. Notons que nsup “ez´∇f etninf

´ez´∇g(Rieutord,2015), et que dans le cas sphérique,f “g “h{2“?

1´s2. Dans ce cas, injecter l’expression des vecteurs unité dans (6.24), nous permet de retrouver la solution (6.23). CommeGreenspan(1968) etRieutord(2015), nous remarquons que cet écoulement géostrophique possède une circulation non nulle autour d’un contour géostrophique C (c’est-à-dire h“Cte, voir Fig. 6.3). Cette circulation s’écrit

Γphq “

¿

C

u¨dl“ dp dh

¿

C

|ninf ˆnsup|dl ‰0 . (6.25)

Pour résumer, nous avons trouvé que pour un système à symétrie sphérique, l’écoulement axisymétrique est purement géostrophique à l’ordre le plus bas. Les conditions aux limites que nous imposons dictent alors l’amplitude et les variations du champ de vitesses avec la distance à l’axe de rotation. En particulier, pour les conditions aux limites de non glissement de la vitesse méridienne, et en imposant la vitesse angulaire de la coquille externe, l’écoulement géostrophique est purement azimutal, la vitesse angulaire est égale à la vitesse angulaire imposée au niveau de la coquille externe dans la régionsąηR, et est égale à la vitesse angulaire moyenne des deux parois lorsques ďηR. Il n’existe donc pas de circulation méridienne à l’ordre le plus bas (contrairement au cas d’un conteneur asymétrique par rapport àz “0), et si l’on veut étudier les effets visqueux sur l’écoulement géostrophique, il faut considérer les couches limites dans lesquelles la vitesse tangentielle s’ajuste à celle de la paroi.

L’importance des effets visqueux n’est cependant pas exclusive aux couches limites.

En effet, des couches visqueuses peuvent aussi apparaître pour lisser d’éventuelles discontinuités dans les profils de vitesse ou de vorticité. C’est par exemple le cas de la couche de Stewartson qui est une couche (limite en géométrie cylindrique) de cisaillement et qui sera discutée en section 6.4.

6.3 Couches limites horizontales et circulation