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L'instituteur S. relate le cas d'un garçon de onze ans qui ne s'entend avec personne et gêne constamment l'enseignement. Il a dérobé à sa mère 50 centimes. La principale plainte porte sur le fait qu'il ne peut être en compagnie d'autres enfants sans se quereller avec eux et jouer toujours le premier rôle. C'est un enfant unique.

Son rendement scolaire est moyen, il semble être intelligent.

Aucun renseignement sur la situation familiale.

Enfant unique et gâté, du fait qu'on s'occupe trop de lui, il ne peut avoir de con-tacts avec d'autres enfants, ce qui a empêché à son sentiment social de se développer.

Je voudrais m'entretenir avec la mère.

La mère raconte que le garçon a de bons côtés mais qu'il se laisse trop influencer par les autres. Il y a des moments où il obéit très peu. Les garçons racontent à la mère qu'il leur aurait dit : « Je ne veux pas faire ce que ma mère me demande!» Il lui ment souvent et elle le punit pour ses mensonges. Parfois « elle a la main vive », d'autres fois elle le prive de tout ce qu'il aime. Pendant un certain temps il fut placé chez des parents nourriciers; il y fut bien traité. A la maison, il est encore mieux traité et ne

manque de rien. Auparavant, lorsqu'on le punissait, il demandait pardon; maintenant il boude ou répond d'une façon narquoise. Il aimerait jouer le rôle du maître de la maison et présente une tendance à la fanfaronnade. L'époux actuel de la mère n'est pas le père de l'enfant; mais il est très gentil pour lui; le garçon ignore du reste que ce n'est pas son père. Lorsque ce dernier est à la maison, le garçon se conduit encore moins bien car il est trop bon pour lui. Les instituteurs ont conseillé la sévérité.

L'enfant, par ailleurs, n'a pas d'amis; il ne pourrait s'entendre avec eux. Il est auto-ritaire, les autres ne l'aiment pas. Il fait ses devoirs tout seul.

La semaine dernière la mère constata qu'il lui manquait 50 centimes dans son portefeuille. Elle en rendit le garçon responsable. Ce dernier nia avoir pris l'argent, mais la mère le retrouva chez lui. Elle ne put pas savoir pourquoi il lui avait dérobé cet argent.

Il échange et collectionne volontiers différents objets tels que papiers, images, crayons, etc. Elle lui demanda de cesser ces échanges en lui promettant en compen-sation un peu d'argent de poche chaque semaine. Ceci lui a fait grand plaisir. A part cela il est gentil, J'aide volontiers sans avoir lui-même besoin qu'on l'aide.

En ce qui concerne ses rêves, la mère raconte qu'un jour, pendant un voyage en bateau sur le Danube, il fit un rêve angoissant et ce rêve prit une telle apparence de réalité qu'on finit par le retrouver sur le pont du bateau. Il avait rêvé qu'il était assis sur la cheminée et craignait de tomber : on l'y trouva cramponné et crispé. Il a exprimé le désir de devenir capitaine ou pilote de navire et fit remarquer une fois que commander tout le bateau lui ferait plaisir. »

Il est économe. Sa mère se plaint de ses mensonges et de son insociabilité; pour le punir, elle le bat souvent.»

Discussion avec la mère : Qu'il ait volé 50 centimes. n'est pas tellement grave, vous ne devriez pas lui en parler. Vous avez très bien fait de lui donner de l'argent de poche. S'il sait qu'il peut compter sur ce revenu, il se calmera. Personnellement, j'essayerais de ne plus le battre du tout. Ce garçon croit que, par ses mensonges et ses fanfaronnades, il arrivera à attirer l'attention des autres et à devenir ainsi le point de mire de tous. Il serait indiqué de changer et même d'abolir toutes les punitions, en les réduisant progressivement. Il faudrait aussi lui faire penser à son avenir et lui expliquer que la profession de capitaine qu'il a envisagée par vanité ne représente pas une occupation sérieuse. A votre place je ne l'entourerais plus de soins maternels. Il a l'habitude de vous voir toujours derrière lui. Si la gymnastique lui plaît, laissez-le pratiquer ce sport pour qu'il puisse se joindre ainsi à d'autres enfants. Je lui ferais sentir qu'il n'est plus un enfant, ce qui lui donnera plus de confiance en soi. Il a l'im-pression d'être gêné; le dernier incident vient de là. Il voudrait avoir le sentiment qu'il est quelqu'un et se convaincre qu'il joue un rôle.

Dr A (s'adressant à l'auditoire après le départ de la mère) : Ce garçon est un enfant qui aime jouer son rôle mais qui est gêné par sa mère.

Dr A (s'adressant au garçon) : Tu es un bon mathématicien! que voudrais-tu deve-nir plus tard?

L'enfant : Capitaine sur un transatlantique. Je, voudrais partir pour Hambourg.

Dr A : Il faut commencer par être mousse. Quel âge dois-tu avoir pour pouvoir partir à Hambourg?

L'enfant : 20 ans.

Dr A : Tu peux déjà le faire à 15 ou 16 ans. D'ici là, et avant de devenir capitaine, il faut apprendre beaucoup de choses.

Pourquoi aimes-tu tellement cette profession? Es-tu déjà allé sur un bateau?

Qu'est-ce qui te plaît tellement ?

L'enfant : C'est que l'on peut y commander.

Dr A : Et que fais-tu en ce moment? Pourquoi ne fais-tu rien chez ta mère ou à l'école?

L'enfant : Je commande les autres.

Dr A : Si tu veux être capitaine, il faut aussi commander intelligemment pour que chacun dise que ce que tu fais est bien. Mais au milieu des enfants, à l'école, tu n'es pas capitaine, il n'est pas bon que tu les commandes. Je ne comprends pas pourquoi tu veux commander à l'école, C'est à cause de cela que tu n'auras certainement pas d'amis. Les enfants ont raison, ils ne sont pas là pour qu'on les commande. Tu commenceras plus tard, pour le moment, sois aimable, essaie de te faire des amis. Le capitaine est aimable avec les passagers. Il faut aussi qu'il sache faire autre chose que de commander. Il faut aussi qu'il ait des amis. Si les autres ne l'aiment pas ou le détestent, ils ne lui obéiront pas. Il faut que tu apprennes à te comporter d'une façon aimable avec les autres enfants. Commander c'est de la fanfaronnade. Tu aimes bien échanger tes affaires et acheter. Tu aimes bien jouer un rôle. Tu veux toujours arriver à ce qu'on te regarde comme un capitaine. Te souviens-tu encore de quelque chose qui t'aurait frappé étant tout petit?

L'enfant : J'ai vu une fois comment on hissait une cloche au sommet d'une tour.

J'avais environ trois ou quatre ans.

Dr A : Cela t'a intéressé?

L'enfant : La façon dont les gens s'y sont pris m'a plu.

Dr A : Cela t'a plu de voir comment on arrive à hisser quelque chose? Je voudrais que tu aies des amis. Ne voudrais-tu pas fréquenter un patronage? Ta mère te laissera peut-être aussi apprendre la gymnastique. On peut tout apprendre. Tu pourrais faire tes devoirs au patronage, ça serait assez amusant. Que veux-tu faire de l'argent que tu économises?

L'enfant : Si un jour je suis dans la gêne, j'aurai quelque chose.

Dr A : As-tu peur de te trouver dans la gêne? de tout perdre et de tomber? Si tu es travailleur, c'est le meilleur moyen de ne pas tomber dans la misère. Tu sais, avoir de l'argent n'est pas la plus grande sécurité. Aimes-tu aussi fanfaronner?

L'enfant : Oui.

Dr A : « - Il faudrait que tu en perdes l'habitude. Si on veut être capitaine, il ne faut pas mentir. Ta mère et l'instituteur t'aiment bien; si tu travailles comme il faut et que tu deviennes un homme honnête, tu peux tout espérer. Et pour devenir capitaine il faut établir une bonne base de départ.

« Reviens dans un mois et raconte-moi si tu as déjà des amis, si tu ne gênes plus l'enseignement et si tu commandes encore. »

Chapitre XII