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« J'ai deux enfants, âgés respectivement de 7 et 9 ans. Je ne peux pas encore juger le travail du second étant donné qu'il fréquente la première classe. »

Nous voyons ici deux garçons, l'aîné et le cadet. Or, dans une famille, tous les enfants grandissent dans des conditions différentes. Il est impossible de supposer qu'ils se développent dans une situation identique. L'aîné reste seul pendant deux ans;

étant enfant unique il est probablement le centre de l'attention et il est très gâté. Toute la maison est à sa disposition. Brusquement apparaît un deuxième enfant et la situation change du tout au tout. Il était habitué à pouvoir disposer de tout comme un monarque. Soudain l'attention de la mère se porte sur le second enfant et elle ne peut plus consacrer à son aîné autant de temps que par le passé. Comme il n'est pas facile de préparer ce dernier à l'arrivée du second, nous constaterons qu'effectivement cette préparation lui a manqué. Il se trouve en présence d'un test difficile. Beaucoup d'enfants se consument alors de jalousie, commencent une lutte farouche pour s'assurer l'attention des parents et pour rétablir la situation favorable qu'ils occupaient antérieurement. Le second enfant, lui, a une tout autre situation, il n'est jamais seul. Il a quelqu'un qu'il peut suivre, qu'il veut suivre, qu'il veut même rejoindre. Un enfant me disait : « Si je suis aussi triste, c'est que je ne serai jamais aussi âgé que mon frère » (cf. Esaü et Jacob).

L'aîné vit une véritable tragédie au moment de la naissance du cadet. Si nous entendons dire que ce garçon a toujours peur d'être suivi par le second, voire même d'être dépassé par lui, qu'il perd tout courage, nous comprendrons que cette attitude est la conséquence d'un automatisme. Un signe avertisseur apparaît dans son psychis-me et lui dit « ce nouveau venu va tout accaparer. »

L'attitude variera selon les enfants. Elle dépend, premièrement : du degré de déve-loppement qu'a atteint jusque-là le style de vie de l'enfant et de la facilité plus ou moins grande de le modifier; deuxièmement : du comportement du second enfant;

troisièmement : du comportement des parents, et enfin : de la préparation de l'aîné et du niveau de son sentiment social et de son intérêt pour les autres. Ce sont des faits significatifs dont il faut tenir compte.

Maintenant nous allons voir comment ce garçon se développe : « L'aîné par contre est, à mon avis, un fainéant. »

La fainéantise dénonce l'attitude hésitante; nous pouvons en déduire qu'il croit ne plus pouvoir avancer, il a perdu tout courage. Il sait que du côté utile cela n'ira plus.

Sa tendance à la valorisation se manifestera du côté inutile de la vie. Sa fainéantise signifie : « telle matière m'agace parce qu'elle me fait travailler et que je dois m'en occuper. » Cela paraîtra curieux, mais il a peut-être atteint ce à quoi il a toujours aspiré : attirer davantage l'attention sur sa personne, occuper davantage les autres de sa personne. La fainéantise représente la répugnance qu'il affecte devant la solution de ses problèmes, c'est une attitude hésitante. Lorsque vous considérez le style de vie automatique des enfants paresseux, vous constatez que leur conduite diffère de celle d'un enfant qui a confiance en lui-même. Ils vous diront souvent : « Je ne me consi-dère pas comme étant plus bête que les autres, mais cela ne m'intéresse pas. » S'il s'attendait à une réussite, le garçon ne serait pas fainéant. La paresse est l'indice d'une médiocre estime de soi-même. Dans la paresse se traduit sa tendance à se faire valoir.

Les enfants fainéants se trouvent généralement au centre de l'attention et de l'intérêt de leur entourage. lis se sont proposés un travail supplémentaire : amener l'entourage à s'occuper davantage de leur personne. Nous ne serions pas étonnés, en questionnant un tel garçon sur sa paresse, s'il nous répondait : « Voyez-vous, je suis le garçon le plus fainéant de la classe, mais on s'occupe constamment de moi et on est toujours gentil et aimable avec moi. Mon voisin est très travailleur et personne ne s'occupe de lui. » Il tire profit de sa paresse.

Le moindre rendement est immédiatement loué; s'il ne réussit pas. il s'entend dire : « Si tu n'étais pas paresseux, tu pourrais être le meilleur. » Il est étonnant d'ob-server à quel point un enfant fainéant peut se contenter du sentiment qu'il pourrait être le meilleur. Il ne veut même pas essayer. Là nous rencontrons, une fois de plus, la tendance à la valorisation, du côté inutile de la vie.

« Toutes les exhortations aimables ou sévères n'ont donné aucun résultat jusqu'à présent. »

Le garçon ignore ce qui se passe en lui et agit d'après son propre style de vie. Il se trouve comme dans une souricière. Le fait qu'il se laisse exhorter montre qu'effecti-vement il veut se trouver au centre de l'attention. Certains enfants aiment volontiers recevoir des coups, ils ressentent alors le triomphe d'avoir agacé leur père. Certains trouvent même dans ces coups une jouissance, une joie qui peut parfois impliquer un contenu sexuel.

« Il promet de s'appliquer à devenir plus travailleur. » Vous voyez qu'il sait dire : « je veux! »

« mais ne fait rien pour y arriver. Pendant la rédaction il se laisse détourner de son travail par n'importe qui ou n'importe quoi. »

Il pense ne pas pouvoir se faire apprécier par son travail. Il suit un autre chemin.

« Tout l'intéresse, sauf ses devoirs. Pour lui faciliter son travail je lui ai ordonné de me rendre compte de ce qu'il avait appris pendant la journée à l'école. »

Nous le voyons là se trouver de nouveau au premier plan. Tous les soirs il parle avec le Père, le bon dieu!

« Lorsque je rentre le soir à la maison, il n'apparaît pas pour tenir sa promesse. » Il faut que le père s'en souvienne lui-même.

« Ce n'est que lorsque je l'ai interpellé directement qu'il me répond : je ne sais pas. »

Nous le savons, il croit qu'il ne pourra pas se faire apprécier. Il faut l'encourager et lui montrer qu'il peut, même en ce qui concerne ses devoirs, se placer au premier plan s'il s'en donne la peine.

« Les matières qui sont les plus difficiles pour lui sont la grammaire, le calcul et l'écriture et ce sont celles qu'il déteste le plus. Un élément supplémentaire de son lourd sentiment d'infériorité est peut-être le fait qu'il est gaucher. Il serait important de diagnostiquer cette particularité, Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, parmi les enfants présentant des difficultés en calcul, se trouvent des enfants gâtés qui cherchent un appui. Toutes les matières comportent des clés qui faciliteront leur assi-milation. En calcul il n'y en a pas. Là, chacun doit travailler d'une façon indépendante et réfléchie. Les enfants gâtés se montrent particulièrement mal préparés en matière de calcul.

« Le dégoût avec lequel il se met au travail prouve son aversion à l'égard de ces matières. Il semble avoir plus d'entrain pour l'histoire naturelle. Il aimerait aussi le dessin, mais il ne produit que des caricatures horribles, il manque sans doute de talent. »

C'est probablement un enfant gaucher!

« Il peut rester parfois pendant des heures assis ou couché à regarder dans le vide. »

Le plus grand ennemi de ces enfants qui ont une aussi faible estime d'eux-mêmes est le temps. Le garçon a trouvé un moyen pour faire passer le temps : « Il regarde dans le vide. »

« Bien qu'il dispose de beaucoup de livres et en ait déjà commencé quelques-uns, il n'en a terminé aucun. »

Pas de patience, pas de persévérance! Personne ne s'occupe de lui, il ne peut s'attendre à rien de la part des autres.

« Il cherche des jouets qu'il délaisse peu de temps après sans en éprouver de plaisir. »

Le côté social de cet enfant ou plutôt de ces enfants n'est pas brillant, bien qu'ils ne souffrent pas de la faim.

« Ce qu'il y a de plus triste dans leur vie est probablement le fait qu'ils se trouvent pendant la journée dans un home pour enfants. »

C'est une supposition osée, car nous espérons que c'est précisément là que le garçon sera bien compris et encourage.

« La directrice de ce home a une animosité particulière contre mon aîné car elle est elle-même catholique ardente et nous sans confession. Elle me disait qu'il mentait, qu'il était sournois et lâche et cela parce qu'il avait été élevé sans religion. »

Nous ne doutons pas que ces particularités ressortent du fait de son manque de courage, Je dois avouer que ce garçon sans confession ne pourra s'améliorer dans un home clérical que s'il y est encouragé. Si la directrice dit qu'il présente ces difficultés parce qu'il a été élevé sans religion, il est probable qu'elle n'a pas la compétence nécessaire pour chercher le point faible de cet enfant.

Le père ajoute :

« A vrai dire, j'ai constaté moi-même tous ces vilains traits de caractère. Alors que le petit n'a pas de défauts et qu'on ne parle de lui qu'en bons termes, on n'a que des critiques à adresser à J'aîné. »

Tout cela démontre que l'aîné a été repoussé à l’arrière-plan par le cadet.

Est-ce par hasard que l'aîné s'est développé dans le mauvais sens et le second dans le bon? Certainement pas. L'aîné croit avoir été chassé par le cadet de sa situation antérieure qui était agréable, et plus il perd d'amitié et d'amour, plus il se décourage.

Le cadet, qui est actuellement le vainqueur, se sent, lui, dans une situation agréable et il n'a pas besoin de se faire remarquer d'une façon pénible.

Chapitre XIII

Le mensonge,