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Jean Alexis Lemoine dit Monière (1680-1754)

TABLEAU DES OBLIGATIONS CONSENTIES PAR JEAN LEMOINE

10 CABAC_MIKAN 3065991, [1725].

2.1. Jean Alexis Lemoine dit Monière (1680-1754)

Jean Alexis Lemoine est né dans la maison seigneuriale de Sainte-Marie en 1680 et son baptême a été inscrit au registre de la paroisse de Sainte-Anne18 (aujourd’hui Sainte-Anne-de- la-Pérade). Membre d’une fratrie de neuf enfants, le petit garçon a pourtant souvent été seul chez ses parents avec Marie Anne, la petite dernière née en 168119. Lors de la naissance de Jean Alexis, son frère aîné Jacques était âgé de dix-sept ans, René Alexandre en avait douze et Louis avait déjà dix ans. Charlotte avait seize ans, Marguerite, neuf ans, Madeleine, six ans et Marie Jeanne, quatre ans. À l’exception de Jeanne qui vivra à Batiscan et à Sainte-Marie, les filles se sont installées près de Montréal.

La voie d’ascension sociale idéale était, dans la colonie canadienne comme ailleurs, la marchandise. La formation pour exercer un métier, celui de négociant comme les autres, s'insère dans un processus d'éducation plus global. Les choix de modèles éducatifs ne sont pas seulement des choix techniques, ce sont aussi des choix sociaux qui renvoient aux traditions culturelles d’un groupe et aux choix de carrière que les pères font pour leurs fils. Ces modèles rejoignent les stratégies sociales définies, plus ou moins consciemment, par les familles

17 Clifford Geertz, The Interpretation of Cultures, New York, Basic Books, 1973. Voir André Mary, « De

l’épaisseur de la description à la profondeur de l’interprétation », Enquête, n° 6, 1998.

18 Son parrain était le sieur Jacques Alexis Fleury Deschambault, deuxième époux de sa tante Marguerite de

Chavigny. Deschambault habitait alors sur l’île d’Orléans et n’était pas encore lieutenant général civil et criminel à Montréal. La marraine était Marie Anne Aubuchon, épouse de François Chorel Saint-Romain, marchand de Champlain.

19 Pour en savoir plus sur les rapports entre ces deux « presque jumeaux » qui ont grandi ensemble, voir Suzanne

marchandes, en fonction d'une vision de leur place dans la société et de leurs aspirations20. La formation et l’apprentissage des fils de marchands étaient généralement orientés en fonction des besoins de l’entreprise familiale, des vues du patriarche sur leur établissement futur et parfois des « inclinations » des individus. Les fils Lemoine ont été incités à se lancer dans la traite, mais le plus jeune (chez qui on avait peut-être décelé un talent particulier) a été préparé pour s’insérer dans le milieu compétitif de la marchandise.

Parmi les filières qui ont été clairement distinguées dans la formation des négociants, les deux premières ont été suivies par Jean Alexis Monière. Il a reçu une éducation de base, puis une formation commerciale21. La formation « sur le tas » se faisait généralement dans la maison paternelle. Le garçon y apprenait la pratique du commerce, il approfondissait la connaissance des produits et il s’initiait aux circuits de production, d’approvisionnement et de distribution. Pour Monière, elle s’est probablement faite, au moins en partie, ailleurs (chez un ami ?) car son père, bien qu’il ait brassé des affaires, ne tenait pas de magasin et il n’est pas identifié comme marchand. La formation commerciale de base pouvait être soutenue par deux formes complémentaires : les manuels de commerce et la mise en apprentissage hors de la maison familiale, peut-être même sous contrat22. L'acquisition d'une culture faiblement ou pas du tout liée à l'exercice professionnel, mais socialement légitimée, pouvait venir ensuite23. Pierre Alexis Monière, le fils de Jean Alexis envoyé pendant plus de deux ans au collège pour ses études, y a d’ailleurs acquis une culture générale de type humaniste.

20 Voir André Lespagnol, « Modèles éducatifs… » dans Franco Angiolini et Daniel Roche (dir.), Cultures et

formations négociantes dans l'Europe moderne, Paris, EHESS, 1995, p. 257-274. Les pratiques sociales sur lesquelles nous reviendrons font partie des préoccupations de Pierre Bourdieu : La Distinction. Critique sociale du jugement. Paris, Les Éditions de Minuit, 1979; Le sens pratique. Paris, Les Éditions de Minuit, 1980.

21 Si elle était jugée nécessaire, la formation professionnelle pouvait être complétée par une éventuelle formation

de niveau supérieur, en droit par exemple. Celle-ci pouvait s’avérer utile en France à ceux qui voulaient acheter une charge.

22 Willem Frijhoff, « La formation des négociants de la République hollandaise » dans F. Angiolini et D. Roche

(1995), p. 175-198. L’historien suggère de chercher l'information sur l’apprentissage dans les actes de tutelle car les ententes notariées sont rares.

23 Willem Frijhoff, « La formation des négociants… » dans F. Angiolini et D. Roche (1995), p. 177 et p. 190. En

Hollande, les écoles françaises (avec leur enseignement de type non latin) étaient fréquentées par les fils de négociants et de boutiquiers. La formation par des maîtres tenant une école, les écoles de commerce et le voyage, autre que celui nécessaire pour se rendre en apprentissage, ne nous paraissent pas avoir existé dans la colonie.

Si un futur équipeur de Montréal ne pouvait pas faire le « Grand Tour » européen, il se formait au commerce et au contact avec « l’Autre » autochtone par les voyages de traite qu’il effectuait en début de carrière à titre de voyageur ou à titre de commis qui accompagnait ces derniers24. Il pouvait aussi, selon les périodes et de manière plus ou moins légale, faire la rencontre de marchands hollandais ou anglo-américains25. On ne saurait dire si les Monière ont rencontré en personne les marchands d’Albany avec lesquels ils ont correspondu (Sanders et Ten Broeck) ou ceux que Monière mentionne (Hansen et « Blequer »). Il est toutefois certain que Monière a côtoyé des gens d’Albany établis pendant plus ou moins longtemps à Montréal : John Lydius, lorsque ce dernier habitait la ville, ainsi que le fils du couple Schuyler/Livingston qui logeait chez le marchand Francheville pour apprendre le français. Voyons de quelle manière Jean Alexis a été préparé pour exercer son métier.

Éducation et formation d’un marchand canadien (1685-1701)

Alors qu’il y avait déjà une maison des Filles de la Congrégation de Notre-Dame à Champlain, il n’y avait aucune petite école pour les garçons dans la région trifluvienne. Nous ignorons auprès de qui Monière a reçu sa formation primaire et son éducation secondaire, mais on retrouve sa présence à Batiscan durant son adolescence. Il signe à plusieurs reprises le registre de la paroisse dont son père était marguillier26. Plusieurs candidats auraient pu lui servir de maître dans la région : le curé Foucault, des notaires27, des soldats lettrés et des marchands28. Bien entendu, sa mère Madeleine de Chavigny, qui avait étudié chez les

24 Les fils de marchands hollandais faisaient le « Grand Tour » en Europe au XVIIIe siècle alors que pour

l’Angleterre et en Allemagne, c’était des fils de nobles et de rentiers. Willem Frijhoff, « La formation des négociants … », p. 198.

25 Les Flamands surtout venaient à Montréal pour différentes affaires : rachat de prisonniers, apprentissage du

français, règlement de différends, quittances… Des marchands canadiens accompagnaient aussi les officiers qui étaient envoyés comme ambassadeurs du gouverneur à Albany et à New York.

26 Il a signé le registre de la paroisse à compter de l’âge de onze ans à titre de témoin de baptêmes ou de

sépultures. En juin 1697, Jean Alexis a été parrain substitut pour son frère aîné Jacques. RPQA – 7641.

27 Jean Lemoine avait pour amis les notaires Michel Roy dit Châtellerault, Jean Cusson, Guillaume Larue

Deplaine et Antoine Adhémar auprès desquels les fils Lemoine ont pu apprendre des rudiments d’écriture. Pierre Alexis Monière se perfectionnera auprès du notaire Porlier et son cousin Antoine Despins avec le notaire Simonnet.

28 Il y avait le voisin à Batiscan, Antoine Trottier Desruisseaux qui a fait partie des premiers voyages vers l’Ouest

en 1660-1663. Alexis Marchand et Henri Arnaud y vivaient aussi. François Chorel Saint-Romain. Jacques Baby et Jean Baptiste Crevier Duvernay étaient établis à Champlain. Il y avait Jacques Grignon à Grondines où Jean

Ursulines, a pu lui montrer des rudiments de lecture, d’écriture et même de calcul. Jean Lemoine lui-même savait écrire et tenir des comptes. Jean Alexis ne semble pas avoir

fréquenté le collège du Séminaire de Québec où il enverra pourtant ses deux fils. Pierre Alexis y a séjourné trois ans, et son demi-frère est décédé avant de commencer l’année. Nous perdons la trace de Jean Alexis vers dix-sept ans. Selon les métiers, cet âge correspond à la fin d’un premier apprentissage. C’est celui de l’envoi des fils de marchands chez des membres de la famille ou du réseau de leur père pour apprendre d’autres manières de faire et se créer un réseau. C’est aussi celui où un jeune garçon pouvait s’engager comme soldat en France et où les jeunes officiers suivaient leur père dans les postes de l’Ouest. Comme le montre la tenue de ses livres de comptes, Monière a fort probablement bénéficié d’un apprentissage à Québec29.

À la fin du XVIIe siècle, l’apprentissage minimal du calcul se faisait très tôt, car il était nécessaire chaque jour, quel que soit le niveau social. Il fallait savoir compter (sur ses doigts ou avec l’aide de jetons) pour acheter, pour vendre, pour échanger et même pour jouer aux billes, aux dés ou aux cartes30. Venait ensuite l’apprentissage de la lecture et, en dernier lieu, celui de l’écriture. Rejoignant sans le savoir le constat de Donna Merwick et de Simon

Schama sur la culture des marchands hollandais, Dale Miquelon avait écrit au sujet du Canada français, « the merchant was always a writer and a traveller, a specialist of communication31 ». À moins de pouvoir se déplacer sur les lieux où il souhaitait faire ses affaires, le marchand avait recours à l’envoi de lettres32. Il y insérait des mémoires de commande à l’intention de ses fournisseurs. Le marchand avait régulièrement recours au notaire pour toutes sortes de

Lemoine avait une terre. On rencontre tous ces individus dans les engagements pour le Pays d’en haut et certains d’entre eux ou leurs fils feront partie du réseau de Monière à Montréal.

29 Par exemple, chez son futur beau-père, Nicolas Pinaud, un des directeurs de la Compagnie de la Colonie qui

avait épousé la cousine Louise Douaire. Jean Lemoine et Nicolas Pinaud ont aussi pu servir d’intermédiaire avec un des nombreux marchands de Québec. Nous retrouverons sur le chemin de Monière, les Pascaud, Perthuis, et les « parents » Fleury, Landron, Douaire…

30 On ne jouait jamais uniquement pour le plaisir : on perdait ses billes, un gage, un baiser, un pot de vin … 31 Dale Miquelon, « Havy and Lefebvre of Quebec: A Case Study of Metropolitan Participation in Canadian

Trade, 1730-60 », CHR, vol. 56, no 1 (1975), p. 4. Voir aussi Donna Merwick, « A Genre of Their Own… », p. 669-712.

32 La correspondance de Monière n’a pas été conservée, mais il y a de nombreuses notes dans ses livres de

documents (société, obligation, engagement, arbitrage…), mais pour garder le « secret des affaires », il pouvait rédiger lui-même des ententes à l’amiable et sous seing privé. Il faisait aussi usage de divers livres et de carnets où il notait quantité d’informations sur ses affaires et sur sa maison. L’orthographe et la grammaire n’étaient pas encore fixés au XVIIe siècle33. Monière écrit comme nombre de ses contemporains, marchands, greffiers et notaires, ce qui, compte tenu des habitudes de l’époque, ne permet pas de conclure sur une éducation plus ou moins poussée.

Apprentissage sur le terrain (1701-1710)

La signature de Jean Alexis (Alexis le Moyne) sur son engagement de 1701 peut nous paraître « enfantine » pour un jeune homme de vingt-et-un ans, mais elle est bien ferme et sans doute gage d’autres compétences34. Situons d’abord dans quel contexte commence cet

apprentissage sur le terrain du futur Monière, en compagnie de son aîné de dix-sept ans, Jacques Lemoine, qui pourrait être intervenu pour faire engager son jeune frère.

Le commerce du castor était alors en plein marasme en France, la compagnie qui détenait le monopole du marché du castor ayant un surplus de ces peaux d’une valeur d’un million cinq cent mille livres. Pour désengorger le marché, en 1696, l’administration coloniale avait mis en place la politique de retrait imposée par la Cour. L’abandon du système des congés en vigueur depuis 1681, le rappel des militaires et la fermeture (partielle) de l’Ouest vont inciter la prolifération des coureurs de bois (considérés perdus pour la colonie) et intensifier la traite illégale dans les lieux qu’ils fréquentaient auparavant. Une assemblée de marchands tenue en septembre 1699 avait proposé de former une compagnie « dans laquelle toutes sortes de personnes habitants du pays et autres de France seront reçues pour y mettre ce que bon leur semblera35 ». La Compagnie de la Colonie a été créée en réaction à la réduction

33 On consultera avec profit les articles de madame Sophie Piron, en particulier ceux sur le XVIIe et sur le XVIIIe

siècle (parties I et II). <http://correspo.ccdmd.qc.ca/index.php/category/histoire-de-la-grammaire/>.

34 Son frère Jacques signe simplement « Le Moyne » et l’écriture est plus hésitante. 35 Cité dans France Beauregard, Les actionnaires…, p. 18.

du prix du castor proposée par les Fermiers du Domaine d'Occident36. On a vu que des Lemoine y ont participé. En acceptant la création de la Compagnie de la Colonie, le but de l'administration royale avait été que la compagnie se chargerait, comme les précédentes, de toutes les dépenses administratives et de tous les frais pour la défense de la colonie37. L’établissement du nouveau poste de Détroit se fit cependant dans l’ambiguïté car il

« remettait en cause la politique du retrait sans y mettre fin38 ». Il s’agissait pour les Français de faire obstacle à l’expansion des Anglais et de rallier le plus grand nombre possible de nations autochtones dont certaines étaient en conflit depuis des générations39. La compagnie ne put remplir ses engagements et elle fut dissoute en 170640. Au cours de la période de flottement qui suit, une nouvelle structure émerge dans la traite, de plus en plus visible vers 1715, alors que Monière s’installe à Montréal. Au cours des années suivantes, on assiste à l’émergence de la profession de marchand équipeur, consolidée par un cadre réglementaire qui réduit de beaucoup les risques : lorsqu’une activité est légale, on peut notamment poursuivre ses débiteurs.

36 Elle a vu le jour suite à la dissolution de la Compagnie du Nord qui ne traitait pas dans le Pays d’en haut. Voir

France Beauregard, Les actionnaires de la Compagnie de la Colonie (1700-1706), mémoire de M. A. (histoire), Université Laval, 1985. À l’exception peut-être de celle du munitionnaire Cadet à la fin du régime français, la compagnie aurait été l'entreprise privée la plus considérable à cause du nombre d’engagements et de l'importance des capitaux théoriquement engagés.

37 Le roi avait fait construire le fort « au détroit » et l’administration coloniale avait participé à la logistique de

l’expédition du printemps 1701. La Compagnie de la Colonie avait été chargée de tous les autres frais (transport du matériel, des vivres et des hardes, appointements des officiers etc). En contrepartie, elle s’était vue accorder le privilège exclusif du commerce à Détroit. L’exploitation du poste s’est révèle déficitaire à compter des retours de 1702. « Compte de la dépense faite pour l'établissement et commerce du fort Pontchartrain du Détroit »,

Collections Canada en ligne - No Mikan – 3050331.

38 La fondation du poste militaire au détroit des lacs Érié et Sainte Claire par Lamothe Cadillac en 1701 faisait

partie de la stratégie expansionniste de Louis XIV après le décès du roi d'Espagne. Gilles Havard, Empire et métissages…, p. 72. La compagnie a accordé la ferme au commandant du fort en 1704. Voir Gilles Havard, Empire et métissages. Indiens et Français dans le Pays d'en Haut, 1660-1715, Sillery et Paris, Éditions du Septentrion et PUPS, 2003. p. 282-283; Timothy Kent, Fort Pontchartrain at Detroit : a Guide to the Daily Lives of Fur Trade and Military Personnel, Settlers, and Missionaries at French Posts, Ossineke, Mich., Silver Fox Enterprises, 2001, vol.1, p. 45.

39 Voir Brett Rushforth, Bonds of Alliance. Indigenous and Atlantic Slaveries in New France, Omohundro

Institute of Early American History and Culture and the University of North Carolina Press, 2013. Pour le contexte, voir aussi Dale Miquelon, New France 1701-1744. A Supplement to Europe, Toronto, McClelland & Stewart, 1987.

40 Les actionnaires ont eux-mêmes voté la dissolution de la compagnie en assemblée. France Beauregard, Les

L’apprentissage de Monière commence avec l’expédition pour la fondation de Détroit en 1701. Ayant franchi le cap de la vingtaine, Jean Alexis venait de s’engager pour la première fois officiellement pour le Pays d’en haut. Puisqu’il semble avoir peu d’expérience à cette date, comment a-t-il pu se faire engager ? Après avoir analysé le parcours des frères Lemoine, nous croyons que c’est son aîné qui, ayant côtoyé Cadillac à Michillimackinac [Mackinac Island, Michigan41], l’avait recommandé. Né en 1663, Jacques Lemoine avait été engagé par des amis de son père pour le Témiscamingue en 168442. Il s’est installé deux ans plus tard à Montréal où ses beaux-frères sont venus le rejoindre43. Ses contrats pour la traite, la location de sa maison et l’espacement entre les présences de Jacques à Montréal montrent qu’il séjournait régulièrement dans le Pays d’en haut. Selon l’intendant Duchesneau qui craignait que les ordres concernant l’amnistie générale des illégaux en 1681 ne puissent les rejoindre à temps, il y avait deux sortes de « coureurs de bois » :

Les premiers allaient à la source du castor dans les nations sauvages des Assinibouels, Nadoussieux, Miamis, Illinois, et autres, et ceux là ne peuvent faire leurs voiages qu'en deux ou trois ans. Les seconds qui ne sont pas en si grand nombre vont seullement au devant des Sauvages et des François qui descendent jusques au long Sault, la Petite Nation [sur

l'Outaouais] et quelques fois jusques à Michillimackinac afin de profiter seuls de leurs pelletries pour lesquelles ils leur portent des marchandises [...] ceux là peuvent faire leurs voyages à peu pres dans les temps qui vous a esté marqué [cinq ou six mois] et mesme dans un temps beaucoup plus court44.

Alors que Monière fera partie de la deuxième catégorie, Jacques Lemoine a fait partie, selon les années, de l’une ou l’autre de celles-ci. Il se rendait aussi bien à Michillimackinac qu’à la Baie des Puants [Green Bay, Wisconsin], faisant l’aller-retour en une saison ou

41 Après avoir signalé une première fois la correspondance actuelle des lieux mentionnés, nous éviterons la

répétition.

42 Greffe Antoine Adhémar, 1684-08-10.

43 Jacques a acheté en 1686 une maison de la rue Saint-Paul qu’il a louée à la veuve de l’ancien fermier de Jean

Lemoine au Cap, même après son remariage avec le chirurgien René Gaschet. Greffe Maugue, 1686-07-19 et 1689-12-04. Greffe Adhémar, 1699-05-11. Jacques a loué ses boutiques au boucher Nicolas Lecomte à qui Jean Lemoine envoyait des bêtes, puis au forgeron Paul Bouchard. Greffe Maugue, 1695-11-03 et greffe Antoine Adhémar, 1699-06-15. Jean Lemoine et Lecomte se connaissaient depuis au moins vingt ans ayant eu des procès avec Pierre Renaud à compter de 1675. C’est avec l’épouse de Paul Bouchard, Louise Leblanc, que Monière a signé son premier bail en 1714.

hivernant parmi les Autochtones. Engagé en 1688 par Claude Greysolon sieur de la Tourette45, l’aîné des Lemoine s’était associé avec le marchand Jean Peré [ou Peiré] et quatre

voyageurs46. Deux ans plus tard, Jacques s’est engagé avec trois compagnons envers le marchand montréalais Charles de Couagne pour aller « aux Outaouais47 ». En 1693, quelques jours après avoir signé un « engagement en forme de société48 » avec Pierre LeSueur, Jacques Lemoine embauchait à son tour pour « les Outaouais49 ». LeSueur allait fonder un fort à la