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Jean Lemoine, originaire de la région de Rouen et qui a vécu cinquante ans dans la colonie, est le fils de Louis LeMoyne et de Jeanne Lambert3. Selon l’âge estimé dans des documents plus tardifs, il serait né entre 1634 et 16364 et serait décédé vers soixante-dix ans. Certains descendants des Lemoine Despins (branche issue de René Alexandre, fils puîné de Jean Lemoine) affirmaient au XIXe siècle avoir vu ou entendu parler de documents anciens

1 Pour faciliter la compréhension, après avoir indiqué la première orthographe recensée, nous avons suivi la

convention adoptée au Québec et uniformisé les patronymes des Le Moyne et Lemoine selon la famille à laquelle ils appartiennent.

2 Ce thème a été populaire dans les années 1990-2000. Gérard Bouchard, John A. Dickinson et Joseph Goy (dir.),

Les exclus de la terre en France et au Québec, XVIIe-XXe siècles. La reproduction familiale dans la différence, Québec, Septentrion, 1998; G. Béaur, C. Dessureault. J. Goy et A.-L. Head-König (dir.), Familles, terre, marchés : logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux (XVIIe-XXe siècles) : actes du colloque France- Québec-Suisse Paris, (novembre 2002, Rennes, PUR, 2004.

3 Il ne faut pas le confondre avec son neveu homonyme, maître de barque et fils de son frère Pierre Lemoine dit

Lavallée et de Catherine Migneault. On retrouve ce Jean Lemoine à Batiscan, voisin de Michel Lepellé, dans les années 1740. Le RPQA du PRDH perd sa trace, mais il existe un procès-verbal des biens de « défunt

Jean Lemoyne, capitaine de navire de la rue du quai du Cul-de-sac » déposé chez le notaire Saillant de Collégien le 10 mars 1751.

4 La paroisse Les Andelys d’où Jean Lemoine est originaire se trouve sur la route entre Vernon et Rouen. La

démontrant une parenté avec les LeMoyne de Longueuil5. Rien n’indique que l’ancêtre Louis LeMoyne6 était le frère ou le cousin du dieppois Pierre LeMoyne, père de la fratrie mieux connue7 (Charles LeMoyne de Longueuil, Jacques LeMoyne de Sainte-Hélène et leurs deux sœurs, Anne et Jeanne) et grand-père de Pierre Lemoyne d’Iberville8. D’autres descendants ont d’ailleurs émis des doutes sur ce cousinage9 et bien d’autres familles de la région ainsi que des missionnaires en Nouvelle-France portaient ce patronyme10.

Jean Lemoine, âgé de près de vingt ans, est venu au Canada à l’été de 165611. Jean aurait voyagé seul, mais son frère aîné Pierre est venu le rejoindre près de dix ans plus tard12, peut-être après le décès de leurs parents. Faute d’acte de naissance, il est difficile de connaître

5 Ce n’est pas entièrement faux puisqu’une petite-fille de Jean Lemoine, Marie Angélique Guillet, a épousé un

petit-fils de Lemoyne de Sainte-Hélène, Jacques Lemoyne de Martigny, le 8 janvier 1716. RPQA – 15253.

6 Nous remercions madame Josée Tétreault qui a travaillé activement à retracer les « fils de famille » envoyés au

Canada et qui nous a assistée dans la navigation sur l’océan des sites de généalogie pour retrouver les parents de Louis LeMoyne, sans succès. Malgré l’aide de cette généalogiste aguerrie, nous n’avons pas pu retrouver le nom des parents de Louis LeMoyne ni l’acte de naissance de Jean à Notre-Dame de Pîtres. Nous remercions aussi monsieur Éric Mardoc, chercheur sur les Hauts-Normands qui ont émigré au Canada, qui nous a fait part de la disparition des registres de Pîtres pour les années 1587 à 1667.

7 Françoise Deroy-Pineau, Jeanne Leber, la recluse au cœur des combats, Bellarmin, p. 176. Pierre I LeMoyne

(1588-1656), fils de Jean et de Guillemette Hérault, était aubergiste ou hôtelier à Dieppe. Il. Il s'est marié à deux reprises. En premières noces avec Catherine Mullot dont il a eu un enfant : Pierre II LeMoyne (Dieppe 1616 - Rouen 1667). Celui-ci, maître chirurgien, a épousé en 1652 Marie Briant dont il a au moins un fils : Étienne LeMoyne, juge consul des marchands de Rouen, qui est mort le 29 mars 1732. Pierre I LeMoyne a épousé en secondes noces, le 24 janvier 1619 à Dieppe, Judith Duchesne qui lui a donné sept enfants dont cinq ont émigré au Canada. Charles LeMoyne (Dieppe 1626 – Montréal 1685) a été anobli par lettres patentes de Louis XIV en mars 1668. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille Le_Moyne>

8 Charles a épousé l’orpheline Catherine Thierry dit Primeau, Jacques a convolé avec Marguerite Gaudé, veuve

de Jean Saint-Père (sœur de la deuxième belle-mère de Monière). Anne est devenue l’épouse du petit seigneur, Michel Messier de Saint-Michel, et Jeanne, celle du marchand Jacques Leber avec lequel Charles s’est associé.

9 Le blason de la famille Despins est fort probablement une création du XIXe siècle. Denyse Légaré, Sillery au

temps de James MacPherson Le Moine. La Villa Bagatelle, Québec, Division de la culture, du loisir et de la vie communautaire, p. 6 (blason) et Roger Le Moine, « En conjuguant mon plus-que-passé », Mémoires de la SGCF, vol. 41, no 1 (printemps 1990), p. 5-28. Ce dernier avait constaté que « Jean Le Moine et Charles Le Moyne ne semblent pas avoir frayé dans le même milieu ». L’auteur n’a pas relevé que la demoiselle de Chavigny était noble et que, à l’opposé, Catherine, était la fille adoptive d’un habitant.

10 Les familles Lemoine et Lemoyne, catholiques et protestantes, sont nombreuses à Rouen et à La Rochelle :

peintres de la cour, parlementaires, marchands et négociants...

11 On ignore sur quel navire. Le site suivant a été consulté à plusieurs reprises entre 2011 et 2019.

<http://www.naviresnouvellefrance.net>. Lemoine a été témoin avec son patron Pierre Deschamps au mariage du futur notaire Jean Cusson avec Marie Foubert, arrivée en 1656. Les deux époux venaient des environs de Rouen. RPQA – 89033 : 1656-09-16.

12 Pierre Lemoine est connu comme le « sieur de Lavallée ». Il était à Trois-Rivières en 1666 et il s’est marié à

Québec en octobre 1673 avec Catherine Migneault, une immigrante originaire de Tours née vers 1653. RPQA – 96203.

le milieu d’origine de cet engagé, mais on peut supposer qu’il était modeste. L’immigrant savait cependant lire et écrire. Peut-on supposer que, n’étant pas l’héritier principal de ses parents, il ait pu profiter d’une aide pour son éducation13 ? Même si on ne peut pas comparer la réussite de Jean Lemoine avec l’ascension sociale de protégés des jésuites au Canada comme Charles LeMoyne et Pierre Boucher, on ne peut que constater que lui et son frère ont été appréciés par ceux de la région du Cap-de-la-Madeleine14. Entre 1659 et 1697, Jean a reçu plusieurs concessions dans deux seigneuries des jésuites, ce qui semble assez rare.

Nous ignorons ce qui a pu amener Jean Lemoine à s’engager comme « trente-six mois ». Dans une requête du 19 décembre 165615, nous apprenons qu’il a été l’engagé de Pierre Deschamps, un habitant qui avait lui-même été laboureur des missionnaires dix ans plus tôt. Après avoir terminé ses trois années d’engagement, Jean semble avoir loué ses bras à d’autres personnes16. Comme le montrent les histoires locales de la région, Jean peut aussi avoir fait de la traite pour/avec son maître durant la saison hivernale. De plus, comme nous le verrons plus loin, il semble avoir eu le sens du commerce, un moyen rapide de faire fortune. Lorsqu’il eut terminé son engagement en 1659, Jean pouvait choisir entre rentrer en France ou

s’habituer au pays. On sait que la plupart des engagés sont rentrés en France, immédiatement

après la fin de leur contrat ou après avoir tenté d’amasser un petit pécule17. Jean Lemoine fait donc partie d’une minorité puisqu’il est resté.

13 Entre 1648 et 1724, le diocèse de La Rochelle a mené des efforts constants pour convertir les huguenots, mais

aussi pour discipliner les catholiques, entre autres avec la création de communautés d’enseignants des deux sexes et l’implantation de « petites écoles » dans les villages et de séminaires dans les villes. Robert Forster,

Merchants, Landlords, Magistrates : the Depont Family in Eighteenth-century France, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1980, p. 19.

14 Pierre a été parrain ou témoin de mariages autochtones célébrés par le père Crespieul à Tadoussac en 1691, en

1692, en 1694 et en 1696. En 1699 et en 1700, il était aux côtés du père Bonaventure Favre. Bien que Pierre ait eu une terre à Batiscan, sa femme a tenu une auberge à Québec où elle s’est installée avec les enfants. Il y aura une dispute entre la veuve et les jésuites au sujet d’un legs du défunt. BAnQ, E1,S1,P211 - 1707-04-03.

15 BAnQ, TL3,S11,P69 - 1656-12-19.

16 BAnQ, TL3,S11,P124 - 1659-07-14 : réclamation du paiement de six pieux de cèdre et de cinq journées. Le

sieur Crevier La Meslée ne veut payer que trois pieux et trois journées.

17 Mario Boleda, « Les migrations au Canada sous le régime français (1608-1760) », Cahiers québécois de

démographie, Volume 13, numéro 1, avril 1984. <https://id.erudit.org/iderudit/600519ar> Hubert Charbonneau, Vie et mort de nos ancêtres. Étude démographique, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 1977.

Nous ignorons ses motifs, mais les migrants préfèrent généralement s’établir dans un endroit réunissant des conditions gagnantes : stabilité économique et politique, emploi ou partenaires potentiels, marché matrimonial favorable à l’intégration. On peut s’interroger sur le choix de Jean Lemoine de rester. En effet, cette période correspond à une reprise des attaques iroquoises dans la colonie, à des changements rapides au gouvernement et à des modifications successives des règles du commerce et de la traite. On peut aussi questionner le choix de se fixer près de Trois-Rivières, vingt-cinq ans après la fondation du poste de traite, alors que les seigneuries de Chavigny et de l’Arbre-à-la-Croix du sieur Hertel avaient été désertées en 165218. Rappelons que la colonie canadienne était à ce moment sous la gouverne de la Compagie des Cent-Associés qui était aussi la seigneuresse du territoire depuis 1627. La population de souche française de la colonie était d’environ 2 000 âmes19. Si, avant 1645, les colons faisaient figure de dommages collatéraux d’une guerre intermittente opposant les

Haudenosaunee ou Iroquois aux alliés autochtones des Français, il en va autrement entre 1647

et 1653, puis de 1660 à 1662. Selon les témoins contemporains, toute la population coloniale se serait alors sentie en danger, du Cap Tourmente à Montréal20. Durant une période de trève très incertaine (1654-1659)21, le nouveau gouverneur écrivait même que les jeunes engagés qui choisissaient auparavant de rester pour faire un coup d’argent, lui demandaient de rentrer en France à la fin de leur engagement, ce qui occasionnait une pénurie de main-d’œuvre22.

Alors que beaucoup de ses compagnons sont en effet rentrés, Jean Lemoine, arrivé en 1656 et homme libre dès 1659, est resté. Y aurait-il un facteur « jésuite » ? Un premier lopin

18 Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France. Vol. III : La seigneurie des Cent-Associés, 1627-1663; t. 1. Les

événements, p. 203.

19 Évaluation du capucin Ignace de Paris. Marcel Trudel, Les événements…, p. 247, note 13. On recense 455

individus – dont Jean Lemoine et sa famille - dans le gouvernement de Trois-Rivières en 1666. Hubert

Charbonneau, Vie et mort de nos ancêtres. Étude démographique, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1975, page 40.

20 Les pertes humaines n’ont pas été si nombreuses, mais le sentiment d’insécurité était réel. John A. Dickinson,

« La guerre iroquoise et la mortalité en Nouvelle-France 1602-1666 », RHAF, vol. 36, no 1 (juin 1982), p. 31-54.

21 John A. Dickinson, « La guerre iroquoise… », p. 34.

22 La Grande Recrue de 1659 était composée de civils et d’une soldatesque privée destinée à Montréal, et non pas

pour le reste de la colonie. De plus, le navire Saint-André avait apporté la maladie à Québec. Le gouverneur se plaignait par conséquent du manque d’hommes pour les travaux. Marcel Trudel, Les événements…, p. 259.

de terre lui fut concédé dans la seigneurie du Cap-de-la-Madeleine23 dont les missionnaires désiraient faire « un poste-clef de leur apostolat, à la fois dans les domaines religieux et colonisateur24 » ? Le lot de Jean Lemoine à l’intérieur du fort Saint-François se trouvait en effet dans un territoire bien protégé. La milice du Cap-de-la-Madeleine, dont Jean a

certainement fait partie25, disposait de trois réduits palissadés26. Le fort Saint-François de la rivière Faverel était entouré d'un enclos de pieux de huit pieds de haut. Il y avait un autre fort à un quart de lieue en aval de la même rivière où Pierre Boucher, titulaire de l'arrière-fief de Sainte-Marie27, avait érigé un bastion. Enfin le fort dit du moulin à vent se trouvait à une quinzaine d'arpents en amont et il y avait là une redoute protégeant le moulin. Six ans plus tard, en 1665, Jean obtiendra un lot dans le bourg du Cap ainsi qu’une première concession à Batiscan28. C’est l’époque où les habitations changeaient souvent de mains dans le

gouvernement de Trois-Rivières. Les uns délaissaient leurs concessions ou n’y revenaient que par intermittence. D’autres hésitaient entre plusieurs sites potentiels, de Champlain à Saint- Charles-des-Roches (Grondines), avant de se fixer29. Les jésuites ont rapidement constaté que, contrairement à beaucoup, Jean Lemoine s’appliquait réellement à mettre en valeur sa terre, même si c’était en la confiant à d’autres. En plus de la petite seigneurie qui lui sera accordée par le gouverneur de Courcelles et de la terre concédée par l’Hôtel-Dieu de Québec, Jean recevra au total un lot et six terres de la part des jésuites. Ce sont là des terres qu’il a acquises sans faire aucun déboursé.

23 Greffe Séverin Ameau, 1659-05-13 : concession des jésuites à Jean Lemoine. (No 56).

24 Raymond Douville, « De Nicolas Gastineau sieur Du Plessis à Maurice Le Noblet Duplessis », Les Cahiers des

dix, no 39 (1974), p. 91.

25 Nicolas Rivard dit Lavigne a été capitaine de la milice du Cap de 1651 à, au moins, 1666. Les Rivard font

partie des réseaux des Lemoine. Ancien soldat et grand ami de Jean, Nicolas Gatineau fut aussi officier de milice au Cap. Marcel Trudel, Les événements…, p. 267.

26 Le fort Saint-François ne disparaîtra pas après la paix avec les Iroquois (contrairement aux autres fortins des

environs) car un moulin lui avait été adjoint en 1664-1665. Le fort a cependant été détruit avant 1671. Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France. Vol. III : La seigneurie des Cent-Associés, 1627-1663; t. 2 : La société, p. 178, note 47; vol. IV : La seigneurie de la Compagnie des Indes occidentales, 1663-1674, p. 378-379, note 90 ; Les événements, p. 267.

27 Il ne s’agit pas du fief portant le même nom qui sera concédé plus tard à Jean Lemoine.

28 Greffe J. de Latouche, 1665-07-09. On ne peut pas dire s’il avait déjà commencé à défricher à Batiscan sans

contrat de concession, comme plusieurs de ses voisins.

29 Tout comme le livre du Collectif sur les Filles du Roy de Batiscan, Champlain et Sainte-Anne dirigé par Jean-

Pierre Chartier, les travaux de Raymond Douville sur la région sont une mine d’information sur ces transferts de propriété.

Jean Lemoine avait-il un rêve agricole dont les circonstances vont le détourner

partiellement ? Nous en doutons car, à l’instar de Nicolas Gatineau30 qui l’a emmené avec lui dans ses expéditions hivernales sur la rivière Puante (Bécancour31), Jean Lemoine considérait probablement que, malgré ses dangers, cette région encore peu exploitée « offrait des

avantages attrayants32 ». Il va certes se donner des assises terriennes, condition sine qua non pour faire la traite des fourrures, mais il va aussi pousser ses fils et même ses filles, grâce aux alliances, vers le commerce. Lui-même sera associé aussi tôt que 1660 avec un dénommé Laurent Lefebvre, arrivé comme lui en 165633.

On a écrit que les marchands débutaient leur carrière dans la traite des fourrures (moyen facile et rapide de faire de l’argent), qu’ils diversifiaient ensuite leurs activités en investissant dans le commerce des produits agricoles et d’autres marchandises et, en dernier lieu, dans le domaine foncier34. Comme plusieurs hommes de sa génération, Jean Lemoine a cependant mené ces activités en parallèle à compter de 166035. Alors qu’il s’était engagé auprès d’un défricheur à ses débuts dans la colonie, Jean Lemoine va finalement consacrer personnellement peu de temps à l’agriculture36. La colonie offrait des occasions à l’individu

30 Beau-frère de Pierre Boucher et de Michel Gamelin, Nicolas Gatineau fut nommé commis du magasin de

Trois-Rivières par la Compagnie des Cent-Associés en 1650. Raymond Douville, « De Nicolas Gastineau… », p. 90. Le magasin, d’abord situé à l’intérieur du fort, se trouvait en 1649 en amont du Platon, sur le bord du fleuve. Marcel Trudel, La société…, p. 284-285.

31 Voir les déclarations de Lemoine, de Gatineau et de Cachelièvre lors de l’enquête sur la traite de l’eau-de-vie.

BAnQ, TL3,S11,P47 - 1667-03-12. Gatineau qui s’est marié en 1663 n’a à ce moment aucun fils en âge de le suivre.

32 Raymond Douville. « De Nicolas Gastineau … », p. 91.

33 BAnQ, TL3,S11,P486 - 1660-08-21 : réclamation de 34 livres par Jean Lemoine à Nault dit Crespin pour deux

barils d’anguilles et un minot de sel. Lefebvre y est mentionné comme associé de Lemoine. L’habitant Laurent Lefebvre (1628-1696) a été parrain avec Catherine Migneault, belle-sœur de Jean, à Batiscan. Il est décédé célibataire.

34 Voir entre autres Dale Miquelon, The Baby Family in The trade of Canada, 1750-1820, mémoire de M. A.

(histoire), Carleton University, 1966; Jacques Mathieu, « Un négociant de Québec à l’époque de la Conquête : Jacques Perreault l’aîné », Rapport des Archives nationales du Québec (1970), tome 48, 1971, p. 29-81; Jeannette Larouche. Joseph Fleury de la Gorgendière, 1676-1755, négociant de Québec, mémoire de M. A. (histoire), Université Laval, 1983; Ginette Joannette et Claire Joron, Pierre Guy. Marchand-négociant de Montréal : les multiples activités d'un bourgeois canadien-français dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. mémoire de M. A. (histoire), Université de Montréal, 1985.

35 Ce qu’a fait aussi un de ses fournisseurs, le grand marchand Charles Aubert de Lachesnaye, arrivé dans la

colonie en 1655. Yves F. Zoltvany, « Aubert de La Chesnaye, Charles », notice dans le DBC.

36 Il fera le commerce de la production de ses voisins et de celle de ses terres qu’il confiait à des fermiers. À la fin

qui savait les saisir et commercer avec les Français ou traiter avec les Autochtones était bien moins pénible que de défricher. Tout en faisant du commerce d’anguilles, de pois, de blé et de vin37, Jean va profiter des années avant son mariage en 1662 pour faire exploiter sa terre du Cap38. Une terre défrichée pouvait aussi se révéler un argument de poids pour convaincre une future épouse de s’y établir. De plus, nous l’avons dit, afin de pouvoir faire la traite, il fallait être un « habitant » et non pas être engagé, soldat ou domestique39.

Les règles concernant le commerce et la traite avaient été modifiées à plusieurs reprises au cours des années précédant l’arrivée de Jean40. Ayant obtenu le monopole du castor, la

Communauté des Habitants régissait la traite des fourrures. Depuis 1647, tous les habitants et

les habitués au pays pouvaient cependant, selon les années, faire la traite à petite échelle afin de payer en castor ou en peaux d’orignal les biens et les denrées qu’ils ne pouvaient pas produire et qu’ils devaient se procurer auprès des marchands et / ou des magasins de la

compagnie41. En mars 1657, le Conseil de traite avait imposé une refonte complète du système d’où le gouverneur de Trois-Rivières avait été exclus42. Les marchands de France demeuraient libres de débiter directement aux habitants les « marchandises de subsistance43 », mais toutes les marchandises dites « de traite » devaient être déposées à leur arrivée entre les mains des commis de la Communauté44. Les commis pouvaient ensuite vendre aux habitants jusqu’à la

37 Entre 1659 et 1662, on retrouve Jean Lemoine, devant la justice à au moins huit reprises pour réclamer le

paiement de marchandises et de services ou pour faire effectuer des saisies : BAnQ, TL3,S11,P486;