• Aucun résultat trouvé

Accéder aux postes : le défi fondamental

CHAPITRE IV Profession : équipeur

4.1 Accéder aux postes : le défi fondamental

Nous avons constaté, au chapitre précédent, une augmentation probable des

investissements par les Monière. Une des manières d’augmenter les retours de la traite des fourrures était d’étendre, comme dans les pêcheries, le territoire couvert par les activités. En effet, puisque les cargaisons de poissons pouvaient passer du simple au double d’une année à l’autre, « l’armateur diluait ses morutiers à des endroits différents2 ». Il armait plusieurs navires et / ou il s’associait à d’autres armateurs et négociants pour envoyer des marchandises à plusieurs destinations3. Le marchand de Montréal recourait aussi à cette pratique en équipant

1 Gratien Allaire, « Officiers et marchands : les sociétés de commerce des fourrures, 1715-1760 », RHAF, vol. 40,

no 3 (hiver 1987), p. 409-428 ; Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle. Essai, Montréal, Boréal, 1988 [1974] ; Michel Filion, Les marchands de fourrures canadiens au XVIIIe siècle à travers les congés de traite, les licences de commerce et les engagements pour l’Ouest, mémoire de M. A. (histoire), Université d’Ottawa, 1985 ; François Gagnon, Marchands voyageurs et équipeurs de Montréal, 1715-1750, mémoire de M. A. (histoire), Université de Montréal, 1995 ; José E. Igartua, The Merchants and Negociants of Montreal, 1750-1775 : a Study in Socio-economic History, thèse de Ph. D. (histoire sociale), Michigan State University, 1974. ; S. Dale Standen, « ‘Personnes sans caractères’ : Private Merchants, Post Commanders and the Regulation of the Western Fur Trade, 1720-1745 » dans Hubert Watelet (dir.), De France en Nouvelle -France. Société fondatrice et société nouvelle, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1994, p. 267-295.

2 Laurier Turgeon, « Pour une histoire de la pêche : le marché de la morue à Marseille au XVIIIe siècle », Histoire

sociale/Social History, vol. 14, no 28 (1981), p. 306.

3 Quelques travaux : Brice Martinetti, Les Négociants de La Rochelle…; Édouard Delobette, Ces « Messieurs du

plusieurs sociétés et / ou en investissant dans plusieurs « voyages ». Examinons l’expansion physique de l’aire commerciale approvisionnée par Monière.

Entre 1701 et 1709, Jean Alexis Lemoine a été engagé et voyageur à Détroit (où il a acheté un lot et une terre en 1708) et à Michillimackinac, deux centres de distribution pour les régions plus éloignées. En 1710, Monière est passé au rôle de « marchand voyageur » en faisant ses premiers engagements et en devenant créancier de voyageurs à qui il vendait des marchandises dans ces deux plaques tournantes de la traite. Ses efforts se sont concentrés dans ces deux postes jusqu’en 1715, année où il s’est installé à Montréal et où il a commencé à commercer en ville pendant la saison morte. Entre 1715 et 1723, Monière se déplaçait encore lui-même à Détroit et à Michilimackinac, pour rencontrer quelques Autochtones, mais surtout pour approvisionner les « Français4 ». Par la suite, l’aire de distribution des marchandises que Jean Alexis se procurait à Québec va s’étendre en suivant les expéditions de plusieurs

officiers, les explorations de Paul Marin de Lamalgue et de Pierre Gaultier de La Vérendrye et l’établissement de nouveaux postes par ce dernier au-delà du Lac de la Pluie.

À compter de 1725, Jean Alexis a commencé à équiper Paul Marin « chez les Fols Avoines près de la baie des Puants », le fort ayant été détruit. Monière a tout de même conservé à Détroit quelques clients qu’il approvisionnait dans les années 1730 par des

voyageurs se rendant aux Illinois où il enverra régulièrement des marchandises jusqu’en 1745. En 1735, Monière a délaissé temporairement la Baie des Puants et il a équipé des voyageurs indépendants à Michipicoton sur la rive nord du lac Supérieur. Il a ensuite régulièrement envoyé des marchandises à La Baie, à divers titres dont celui de fermier, au moins jusqu’en 1749. Il a aussi eu des intérêts au Lac de la Pluie à la fin des années 1740. Monière s’est associé en 1752 avec le chevalier Le Mercier pour l’exploitation des Illinois qui deviendra le lieu principal de ses activités à la fin de sa vie.

Caen, 2005; Madeleine Dupuy, Les Lamaignère de Bayonne : essor et déclin d'une famille de négociants du XVIIe au XIXe siècle, Anglet [France], Atlantica, 2003; Olivier Le Gouic, Lyon et la mer au XVIIIe siècle. Connexions atlantiques et commerce colonial, Rennes, PUR, 2011.

Multiplier les investissements simultanés permettait à l’équipeur d’étaler le risque, comme il permettait aux armateurs de le faire dans des participations sur différents navires. À bien y réfléchir cependant même maintenir ses investissements, était un exploit. L’accès aux postes de traite n’était pas automatique. Du point de vue organisationnel, l’équipeur devait pouvoir se procurer des permis. Nous allons examiner les règles d’attribution des congés et des fermes qui ont changé de manière importante en 1742.

Les congés

Pour avoir accès aux lieux de traite et progresser dans le milieu, le marchand voyageur Monière a d’abord racheté les congés attribués à d’autres. Devenu marchand, il va équiper des officiers dotés de permissions, des marchands voyageurs et des voyageurs ayant obtenu des congés. Monière va ensuite racheter de certains officiers la ferme de postes qui leur avait été accordée, puis obtenir directement du gouverneur d’autres fermes. Monière exploitera ainsi, à titre de sous-fermier puis de fermier, le poste de la Baie des Puants avec divers partenaires, ceux du Lac de la Pluie et du Lac des Bois établis par La Vérendrye avec d’autres, ainsi que la ferme des Illinois avec le chevalier Le Mercier.

On a dit qu’au cours de la première période de congés comme au cours de la suivante (1696-1715), les expéditions dans l'Ouest se seraient multipliées « plus que de raison », plusieurs gouverneurs ayant été impliqués dans la traite5. Frontenac aurait aussi, dit-on, plus souvent réservé les congés à de riches marchands de son réseau, plutôt qu'aux familles pauvres de la colonie à qui ils étaient destinés6. On parle ici des familles d'officiers pauvres qui ne payaient pas pour obtenir leurs congés. Si le gouverneur les leur accordait, les veuves vendaient, partageaient ou sous-louaient leurs congés car, quelle que soit la période, si elles

5 Frontenac en accordait, dit-on, un nombre excédant largement les vingt-cinq prévus officiellement. Ce

gouverneur est celui dont on a le plus parlé, mais Callière et Vaudreuil auraient fait de même.

étaient véritablement sans ressources, elles ne pouvaient pas « armer » seules un canot de trois hommes7.

Si, au départ, les congés devaient être vendus pour deux cent cinquante livres chacun8, entre 1726 et 1746, Beauharnois aurait vendu les congés, en général pour cinq cents livres. On lui a reproché d’en avoir délivré certaines années jusqu’à cinquante, augmentant ainsi le nombre d’exploitants autour de chaque poste9. Il faut considérer qu’un congé était souvent accordé pour un seul canot et pas nécessairement à un marchand pour l’ensemble des canots qu’il équipait. Si le gouverneur accordait plus de congés, cela signifie que la demande et les retours augmentaient. À la fin du Régime français, le coût des permis a varié selon la conjoncture et la rentabilité estimée des postes10. Par exemple, le congé d’un canot pour Détroit coûtait cinq cents livres avant la guerre de Succession d’Autriche 11. En 1744, le prix a baissé de moitié12 pour remonter à quatre cents livres en 1748 et 174913. En 1750, les congés ont été vendus cinq cents livres par La Jonquière pour Détroit, et six cents livres l’année

7 Les résumés de la correspondance officielle mentionnent souvent – mais pas toujours – la vente ou le transfert

d’un congé à un marchand ou à une société. Tout ce qui s’est fait sous seing privé demeure inconnu. Voir Suzanne Gousse, « Les femmes en affaires » dans Les couturières…, p. 194-199.

8 En plus des congés, le gouverneur pouvait accorder des permissions pour se rendre dans l’Ouest ou dans les

colonies anglaises pour tout autre chose que le commerce : pour aller régler des affaires personnelles, pour des missions diplomatiques ou pour assurer le ravitaillement des garnisons, celui du personnel des missions, mais aussi celui des missionnaires. C’est ce qu’une lecture minutieuse des congés et permissions du fonds de BAnQ, TL4-S34 et de BAC série C11a nous a permis de distinguer.

9 Notre analyse des permissions et des congés conservés dans les archives judiciaires de Montréal qui ont été

accordés entre 1718 et 1752 nous a invitée à réviser ces chiffres en distinguant bien les « congés » des

« permissions » de voyager qui ont été enregistrées. Alors que Gratien Allaire et François Gagnon ont parlé de l’absence de congés entre 1723 et 1728, nous avons constaté qu’il y a eu des permis émis à ce moment. Par exemple, pour l’année 1724, on a enregistré 63 canots menés par 456 hommes pour divers postes. BAnQ, série 34 du fonds TL4.

10 Au printemps 1744, les congés pour Détroit et Michillimackinac ne coûtaient toujours que 250 livres chacun.

En juillet 1747, un congé pour un canot et six hommes se rendant à Michillimackinac se montait à 400 livres. De 1748 et 1752, le coût est passé à 600 livres par canot.

11 BAnQ, TL4,S34,P523, 1743-05-24 : congé pour Héry.

12 BAnQ, TL4,S34,P585, 1744-05-13 : congé pour Dominique Gaudé. Nous n’avons pas le prix des congés pour

tous les postes pour lesquels des permis ont été émis en 1744 et aucun pour les années 1745 et 1746, années pour lesquelles l’intendant Hocquart n’a fait aucun rapport. Pour la terrible année de 1747, nous n’avons le coût que de ceux pour Michillimackinac qui était de quatre cents livres.

13 BAnQ, TL4,S34,P746, 1748-05-00 : congé pour Carignan. D’autres ont obtenu un rabais pour avoir accepté de

suivante14. En 1752, les prix demandés par Le Moyne de Longueuil, gouverneur par intérim, redescendirent à cinq cents livres15. En tout temps, le prix des congés pouvait être réduit, à la discrétion du gouverneur, si les voyageurs acceptaient de transporter des marchandises, des provisions ou des munitions pour le compte du Roi.

Comme Beauharnois le fit avec La Vérendrye et de Noyelles, le général La

Galissonnière semble avoir trouvé moyen de compenser les officiers dont la solde n’avait été augmentée que de trois milles livres lorsqu’ils avaient perdu le monopole autour des postes en 1742. Le « commandant général16 » accorda aussi la distribution de quelques congés à certains officiers, à leur discrétion. Par exemple, en 1749, les nouveaux habitants de Détroit durent obtenir du commandant du poste, Sabrevois de Bleury, les congés pour les Ouatanons car ils n’avaient pas été vendus à Montréal17. Le gouverneur accorda aussi à Legardeur de Saint- Pierre la permission de délivrer des congés pour les Illinois. Saint-Pierre pouvait aussi, s’il le voulait, interdire aux voyageurs d’hiverner à Michillimackinac avant de continuer, ce qui était pourtant une pratique courante18. Le gouverneur ne comprenait pas que les voyageurs, ayant acheté des congés à bas prix et ayant été avertis avant leur départ, aient protesté auprès du commandant. Le général omet cependant de dire que, comme en 1748, pour obtenir le rabais, les voyageurs avaient consenti à emporter chacun trois cents livres pesant de provisions pour le Roi, réduisant d’autant la quantité de marchandises qu’ils pouvaient traiter19.

Le poste de La Baie, qui devait officiellement être affermé, fut vendu par congés sous La Jonquière qui aurait exploité, en sous-main entre 1750 et 1752, le poste de La Baie et celui

14 BAnQ, TL4,S34,P877, 1750-06-08 : congé pour deux canots pour Pierre Vallée, client de Monière.

TL4,S34,P838, 1751-06-05 : congé pour Louis Gouin, futur client de Pierre Alexis Monière.

15 BAnQ, TL4,S34,P939 et TL4,S34,P959, 1752-05-30 : congés pour Pierre Vallée et Louis Gouin. 16 C’est le titre officiel de La Galissonnière qui était gouverneur intérimaire.

17 La veuve Bégon semble être intervenue dans cette affaire.

18 Joseph L. Peyser, Jacques Legardeur de Saint-Pierre, Officer, Gentleman, Entrepreneur, East

Lansing/Mackinac Island, Michigan State University Press, 1996, p. 108. Saint-Pierre avait exigé cette interdiction à cause de l’instabilité de la région. Cela créait une compétition que les voyageurs considéraient « déloyale ».

19 Chaque canot de six hommes pouvait transporter deux milles livres de marchandises et provisions en ballots de

de la Mer de l’Ouest dont les fermes lui avaient été refusées par la Cour. Les congés pour La Baie, au coût de six cents livres par canot, ont rapporté à l’administration 4 800 livres en 1750, puis 5 400 livres en 1751 et en 1752, ce qui est semblable à la ferme de 5 000 livres payée par Monière et ses associés en 1749. Comme son prédécesseur, La Jonquière a « récompensé » les officiers. En 1751, Lamaletie, négociant à Québec, a enregistré le congé du capitaine

d'infanterie De Bonne et de l’enseigne en pied Legardeur de Repentigny, « concessionnaires du Sault Sainte Marie20 ». Il est difficile sinon impossible de savoir si les commandants ont vendu leurs congés à un prix plus élevé que ce qu’ils ont payé à l’administration et gardé une partie du produit de la vente21.

Les fermes

Rappelons que, dans les débuts, les appointements des officiers étaient minces et que leurs dépenses étaient élevées. Il leur fallait tout faire venir à grands frais, avec une

permission, du cœur de la colonie. La tentation était très forte de s’immiscer, d’une manière ou d’une autre, dans le lucratif commerce de la fourrure. La prise et le partage de butin étant impossibles dans ces contrées, pour compenser leurs maigres revenus sans augmenter les dépenses de la colonie, la traite fut un moment accordée par le gouverneur aux officiers sur un territoire entourant le fort dont ils avaient le commandement. Les commandants devaient voir à l’entretien du poste, mais aussi payer les interprètes et les chirurgiens. Ils cédaient parfois à ces derniers des parts de l’exploitation plutôt que de leur verser un salaire. Les officiers pouvaient aussi accepter et disposer des « présents » des Autochtones (castor, peaux, pelleteries, esclaves…).

Après 1715, et surtout entre 1722 et 1734, les commandants et les officiers ont participé directement au commerce. On les retrouve alors officiellement partenaires dans des sociétés qui ont été de tailles et de durées variées. Incapables de financer seuls leur privilège, les commandants s’associaient en effet pour l’exploiter avec des marchands, des officiers

20 BAnQ, TL4,S34,P832, 1751-05-25 : congé pour deux canots et douze hommes; aucun coût n’est mentionné. 21 Selon La Galissonnière, les congés vendus à l’automne 1748 ont rapporté de 200 à 300 livres chacun. Rapports

servant au même endroit ou des membres de leur famille, souvent des écuyers qui demeuraient dans la colonie. Le nombre de postes et de forts où les traiteurs pouvaient se rendre a

augmenté avec les explorations de La Vérendrye vers le nord-ouest. Après le milieu des années 1730, plusieurs commandants auraient, dit-on, préférer bailler leur poste à des

marchands contre une « rente » plutôt que d’investir eux-mêmes22. Comme nous le verrons, il ne s’agissait pas d’une rente dans le sens de paiement « d’intérêts », mais bien du règlement

complet de la ferme au détenteur par un ou plusieurs sous-fermiers avant ou à la fin de la

saison. Il existait donc, en même temps, des fermes relevant de l’administration coloniale et d’autres, des sous-fermes « privées », résultant de la vente des premières. Souvent faites sous seing privé, ces ententes sont plus difficiles à documenter.

Après une période difficile (conflits avec les Renards, avec les Chicachas et avec les Sioux) pendant laquelle certains marchands ont tout de même bien réussi23, la traite reprit de plus belle dans le Pays d’en haut au début des années 1740. Le ministre Maurepas voulut alors que l’exploitation des postes soit accordée directement aux négociants et aux voyageurs plutôt que d’être partagée avec les commandants. Les appointements des officiers devaient être augmentés de trois mille livres et les dépenses des postes devaient être couvertes par le produit de ces fermes24. Le ministre avait-il estimé la perte des revenus provenant des profits sur la traite à un minimum de trois mille livres25 ? Le ministre informait aussi le gouverneur que les forts Frontenac et Niagara avaient été affermés en 1742, pour six ans, au sieur Chalet, nommé

22 Gilles Havard, Empire et métissages…, p. 341. Gratien Allaire, « Les engagements pour la traite des fourrures

– évaluation de la documentation », RHAF, vol. 34, no 1 (1980), p. 3-26, et « Officiers et marchands : les sociétés de commerce des fourrures, 1715-1760 », RHAF, vol. 40, no 3 (hiver 1987), p. 409-428.

23 Il y aurait eu moins de quinze marchands voyageurs actifs en 1730, mais plus de vingt équipeurs. François

Gagnon, Marchands voyageurs et équipeurs de Montréal, 1715-1750, mémoire de M. A. (histoire), Université de Montréal, 1995, p. 52 et p. 56. Une diminution des marchands voyageurs est-elle compatible avec une

augmentation du nombre d’équipeurs ? Peut-être, si ces derniers envoient eux-mêmes des voyageurs dans les zones de conflit, prenant des risques comme les armateurs avec la course en mer, risques que ne peuvent pas se permettre des marchands voyageurs.

24 Tel que promis en 1742, Saint-Pierre reçut en 1747 des appointements supplémentaires de 3 000 livres sur les

5 400 livres des congés vendus. Joseph L. Peyser, Jacques Legardeur de Saint-Pierre…, p. 98-99.

25 Marin et La Vérendrye ont été insatisfaits. La Vérendrye, par exemple, pouvait recevoir plus de 9 000 livres

par an des fermes des postes de la Mer de l’Ouest, simplement en revendant « en pièces détachées » le monopole qui lui avait été accordé en 1741. La Vérendrye a réussi à rembourser tous ses créanciers en 1742. Antoine Champagne, Les La Vérendrye…, p. 253. Nous y reviendrons plus loin.

de plus inspecteur par la Compagnie des Indes. À compter de 1743, l’intendant devait de son côté affermer les postes de l’Ouest26 au plus offrant, alors que Beauharnois venait d’en accorder le monopole à La Vérendrye. Dale Standen a fait remarquer que « for posts other than Frontenac, Niagara, Michillimackinac, and Detroit, the significant effect of the new policy [of 1742] was to replace a group of monopolists, including the post commander, with another group of monopolists excluding him ». Nous allons constater que ce fut le cas, en effet, des commandants du réseau de Monière, et même de ceux à l’extérieur de son cercle après 1750. Les officiers n’avaient plus le privilège d’exploiter autour des postes où ils commandaient. Ils reçurent ou purent cependant acheter des fermes pour des postes où ils ne servaient pas. Les équipeurs et les officiers qui avaient des contacts réguliers avec le

gouverneur général avaient-ils eu vent des changements qui sont survenus en 1742 et 174327 ? Plusieurs qui connaissaient le potentiel des postes où ils avaient servi choisirent de les

exploiter eux-mêmes avec des associés.

Pour tenter de comprendre pourquoi Monière a été écarté de l’exploitation de la Mer de l’Ouest, il faut voir que la ferme de ce poste a aussi subi plusieurs modifications. Avant

l’établissement de nouveaux postes pour l’exploration de La Vérendrye, Kaministiquia et les Népigons étaient déjà exploités par des officiers. Avec celui de Michipicoton, ils formaient ce qu’on désignait alors comme « le poste du Nord28 ». En 1729, le poste des Népigons fut détaché une première fois de l’autorité de Kaministiquia où Jarret de Verchères (associé de Pierre Hubert dit Lacroix) était désormais commandant alors que La Vérendrye remplaçait son frère – dont il était le second – pour la dernière année de son mandat29. Le poste de l’Ouest fut

26 Il s’agit de Saint-Joseph des Illinois, la Baie des Puants, le lac Alepimigon, Kaministiquia, Michipicoton,

Témiscamingue, les Miamis et les Ouatanons, des lieux où Monière envoyait des marchandises.

27 Il faut aussi tenir compte que les années 1741 à 1743 ont été des années de pénurie de blé et cela affecte les

équipements pour la traite ainsi que l’approvisionnement des troupes. Jean A. Lunn, Economic Development…, p. 100 et Louise Dechêne, Le partage des subsistances au Canada sous le régime français, Montréal, Boréal,