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Italie : pays d’émigration et d’immigration

Contrairement au contexte français, l’immigration est un phénomène récent pour l’Italie. Au cours des années 1990, l’Italie vit sa « grande mutation » (H. Rayner, 2009), déterminée par la présence massive d’étrangers « extracommunautaires » dans les grandes villes, mais aussi dans des petites communes et des zones rurales. En 1991, des dizaines de milliers d’Albanais accostent le long des Pouilles, à bord de bateaux de fortune30. Le taux des débarquements augmente et l’Italie devient un véritable pays

d’immigration que la diversité géographique d’origine des migrants rend fortement cosmopolite.

Les motivations qui ont transformé l’Italie en espace d’immigration sont multiples. Premièrement, la difficulté à gérer sa nature péninsulaire l’expose à la mer dans la plupart de ses territoires côtiers. Deuxièmement, sa position géographique au cœur de la mer Méditerranée fait de l’Italie le carrefour pour accéder à l’Europe. Troisièmement, les zones SAR (search and rescue) stipulées par la Convention Internationale d’Hambourg du 1979 pour identifier les espaces où opérer les sauvetages maritimes et les secours possibles. Après la chute de l’autorité libyenne, ces zones ont subi des fortes variations - déterminant des conséquences inévitables sur l’Italie, devenue le premier État du port de l’Europe.

Actuellement, selon les données du 2016-2017 de l’UNHCR31, il y aurait 65.6 millions de personnes déplacées ou migrantes dans le monde, dont 22.5 millions sont réfugiées et 10 millions apatrides.

30 Hervé RAYNER, « L'Italie, pays d'immigration. La grande mutation », Confluences Méditerranée, 2009/1 (N°68), p. 45-54. DOI : 10.3917/come.068.0045. URL : https://www.cairn.info/revue-confluences- mediterranee-2009-1-page-45.htm p. 45 et 47

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En Italie, la situation mise à jour par les données statistiques du rapport 2016-2017 de la fondation Caritas-Migrantes32 enregistre une phase particulièrement délicate des phénomènes migratoires. Les raisons de la migration ont changé depuis plusieurs années, passant de celles strictement liées aux questions de travail et de famille à celles liées à la recherche d’asile politique ou de protection internationale. La requête pour asile politique est arrivée au record historique suivant : 77.927, c’est-à-dire 34% de la totalité des nouveaux permis de séjour. Les principaux pays de provenance des personnes en demande d’asile politique sont le Nigéria, le Pakistan et la Gambie.

À côté de ces pays, il faut mentionner les ressortissants du Sénégal et du Bengladesh dont les raisons principales d’arrivée en Italie sont des motivations humanitaires33 et la demande d’asile politique. Quant aux personnes originaires du Maroc, d’Albanie, d’Inde et d’Egypte, la raison majeure de leur déplacement concerne le regroupement familial ; il s’agit en effet de citoyens installés en Italie depuis de nombreuses années.

L’Italie est amenée à gérer de nombreuses vagues d’immigration, pas toujours prévisibles, et en général concernant la recherche de protection de la part de personnes ayant subi des guerres et des conflits sur leurs territoires natifs. Il s’agit de flux consistants, plutôt difficiles à gouverner et qui ont mis sous pression le système d’accueil péninsulaire. Le pourcentage d’asile politique a augmenté de 15% par rapport à 2015 et à 2016 : 181.436 migrants seraient arrivés sur les côtes italiennes, selon les données du Ministère de l’Intérieur. En outre, les flux en entrée pour des raisons humanitaires présentent des caractéristiques particulières par rapport aux autres migrations, concernant leur composition de genre. En effet, le taux des hommes est le plus élevé (88,4%), suivi par les femmes - en particulier celles qui viennent du Nigéria (24%). Les mineurs et mineures représentent 3,2% de ces migrations. Les villes italiennes les plus concernées par le flux migratoire et requérant l’asile politique sont : Milan (3.499), Catane (3.234), Naples (2.564), Rome (2.359) et Bologne (1.813). A partir de la confrontation sur la distribution territoriale des flux migratoires en entrée, l’Italie se répartit de cette manière : au centre-nord, il est évident que le développement du modèle migratoire de la stabilité est dicté par des questions liées au regroupement familial, tandis qu’au sud la situation

32http://www.istat.it/it/files/2017/10/Cittadini_non_comunitari_Anno2016.pdf?title=Cittadini+non+comu nitari++-+10%2Fott%2F2017+-+Cittadini_non_comunitari_Anno2016.pdf

33 Toutes les formes de protection que l’Italie reconnait aux citoyens des pays tiers, au-delà de l’asile politique.

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d’urgence est persistante à cause des flux d’entrée, liés aux questions d’asile politique et humanitaire.

Les citoyens non communautaires, régulièrement présents au 1er janvier 2017 en Italie, sont au nombre de 3.714.137. En particulier, ils viennent du Maroc (454.817), d’Albanie (441.838), de Chine (318.975), d’Ukraine (234.066) et des Philippines (162.469). La plus haute présence d’immigrés se trouve dans les régions centrales et septentrionales de l’Italie : la Lombardie (25,5%), l’Émilie-Romagne (11,5%) et le Latium (11,0%). Grâce à l’intégration dans les archives des permis de séjour et aux fichiers municipaux34, il a été possible de générer des statistiques relatives à la situation familiale des citoyens non communautaires, régulièrement inscrits en Italie. Les familles avec au moins un citoyen non communautaire sont plus de 1.300.000 ; en revanche, les familles « mixtes », avec au moins un Italien sont plus de 328.000. La plupart des familles est unipersonnelle, sauf les Albanais et les Marocains, pour lesquels on enregistre une prévalence de couples avec enfants. Les familles unipersonnelles habitent surtout les îles, tandis que les familles avec enfants vivent surtout au nord, où le processus de stabilisation a transformé les parcours d’intégration des individus en parcours familiaux.

Le nombre de citoyens non communautaires qui décident de devenir Italiens a beaucoup augmenté ces dernières années : on est passé de 1,7% en 2011 à 5,3% en 2016. En particulier, on notera que le taux d’obtention de la nationalité italienne - pour ceux qui la reçoivent par transmission parentale et pour ceux qui, nés en Italie, choisissent la citoyenneté italienne à l’âge de 18 ans - est passé de 10.000 en 2011 à 76.000 en 2016. En effet, en 2016, ceux qui acquièrent la nationalité italienne ont moins de 30 ans et représentent 51,3% de la totalité et presque 61.000 nouveaux citoyens italiens sont nés en Italie. Cela signifie que le nombre de jeunes qui passent de la citoyenneté étrangère à la citoyenneté italienne croît sans arrêt ; dans les dernières statistiques, la plupart d’entre eux sont nés sur le sol italien (ils appartiennent donc à la deuxième génération).

Entre hommes et femmes, les modalités d’accès à la citoyenneté sont différentes : les hommes l’obtiennent par droit du sol35 où on habite depuis au moins 10 ans, tandis que,

34 Dès les premières années du 1990 jusqu’en 2007, l’Istat a élaboré et divulgué des données sur les permis de séjour, sur la base des données fournies par le Ministère de l’intérieur. Depuis 2008, l’Istat élabore des nouvelles données sans mentionner les citoyens communautaires et ceux de l’Union Européenne pour lesquels n’est plus prévu le permis de séjour du 27 mars 2007 (comme pour les Roumains et les Bulgares). 35 Art. 9 L. 91/1992) - en italien « acquisizione di cittadinanza per residenza » - s’obtient si « on réside légalement sur le territoire depuis au moins dix ans ».

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pour les femmes, elle peut être obtenue par transmission36, par choix37 ou à la suite d’un mariage38. Toutefois, en 2015, le pourcentage de la citoyenneté par droit du sol a augmenté aussi pour les femmes : cela fait de l’Italie une terre d’installation stable, y compris pour les femmes migrantes.

En bref, si on se base sur l’obtention de la citoyenneté italienne, les pays d’origine des nouveaux Italiens sont : l’Albanie, le Maroc, l’Inde, le Bengladesh, le Pakistan, la Macédoine, le Brésil, le Pérou, la Moldavie et le Sénégal. Pourtant, la plupart des immigrés ne restent pas sur le territoire italien. Entre 2012 et 2016, les citoyens non communautaires devenus italiens sont plus de 541.000, et plus de 24.000 d’entre eux ont déménagé à l’étranger dans la même période. Les deux collectivités qui présentent une propension majeure à l’émigration sont la communauté indienne et les Brésiliens. Par contre, les Marocains et les Albanais émigrent beaucoup moins après l’acquisition de la citoyenneté.

Ce dossier témoigne du poids massif du phénomène de l’immigration en Italie aujourd’hui. Cependant, il ne faut pas oublier qu’avant d’être une nation d’immigration, l’Italie a été un pays d’émigration. À la suite de l’Union d’Italie (1861), et pendant environ un siècle, l’histoire enregistre un taux d’émigration très élevé. 24 millions d’italiens partent pour améliorer leur vie, pour échapper à la dictature et aux contraintes de la politique et de la guerre. C’est un phénomène qui caractérise la totalité de la péninsule, du Nord au Sud. Cet exode persiste fortement aujourd’hui encore, même si c’est pour d’autres motivations.

1.3.1. Les chiffres de l’immigration en Italie

Selon un communiqué de presse daté du 3 juillet 2019 publié sur le site de l’ISTAT39, la population résidente est en baisse depuis 2015. Au 31 décembre 2018, la population

36 L’acquisition par transmission – en italien « acquisizione per trasmissione dai genitori » - concerne les mineurs qui habitent avec leurs parents de manière stable et attestée et qui peuvent refuser la citoyenneté à l’âge de 18 ans s’ils sont en possession d’une autre selon l’art. 14 L.91/92.

37 L’acquisition par choix – en italien « elezione di cittadinanza » - concerne l’étranger né en Italie et qui a vécu dans ce pays légalement et sans interruption jusqu’à l’âge de la majorité. A l’âge de 18 ans, il peut déclarer choisir la citoyenneté italienne à l’Officiel de l’Etat Civil de la Commune de Résidence. 38 L’acquisition par le mariage – en italien « acquisizione per matrimonio » - selon l’article 5 de la loi 91 du 1992, désigne la citoyenneté qui peut être consacrée par le biais du mariage selon certaines conditions, par exemple : celui ou celle qui fait cette requête - étranger(ère) ou apatride - doit être marié(e) avec un citoyen(ne) italien(ne) et résider en Italie légalement pendant au moins deux ans après la célébration du mariage.

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s’élève à 60.359.546 résidents, plus de 124 000 de moins par rapport à l’année précédente (- 0,2%) et plus de 400 000 de moins par rapport à 4 ans auparavant. Ce déclin démographique est entièrement imputable à la population italienne. C’est la présence des citoyens étrangers qui a permis de contenir cette perte dans le plan quadriennal 2014- 2018. Au 31 décembre 2018, les citoyens étrangers inscrits au registre de l’état civil italien sont 5.255.503. Ils ont augmenté de 111 000 (+ 2,2%) par rapport à 2017 et constituent environ 8,7% de la population résidente40.

Tableau 4 : composition de la population en Italie en 2018 et principaux pays d’origine des étrangers

Tableau 5 : bilan démographique du 2018 – Istat, 24 août 2019

Donc, au 1er janvier 2019 la tendance de la population étrangère qui réside en Italie se présente ainsi41 :

40 https://www.tuttitalia.it/statistiche/cittadini-stranieri-2019/ 41 https://www.tuttitalia.it/statistiche/cittadini-stranieri-2019/

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Tableau 6 : principales tendances de la population étrangère en Italie au 1er janvier 2019

La communauté la plus nombreuse vient de Roumanie (23,0%), suivie de l’Albanie (8,4%) et du Maroc (8,0%)42 :

Tableau 7 : origine des migrants en Italie

En 2018 la composition de la population vivant en Italie par répartition territoriale reste stable par rapport aux années précédentes. Les zones les plus peuplées du pays sont le Nord-Ouest (26,7% de la population totale) et le Sud (23,1%), le Nord-Est (19,3%), la zone de l’Italie centrale (19,9%) et finalement les îles (11,0%)43.

42 https://www.tuttitalia.it/statistiche/cittadini-stranieri-2019/ 43 https://www.istat.it/it/archivio/231884

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Tableau 8 : composition de la population migrante en Italie, par région

Le bilan de 2018 indique que l’Italie a perdu sa capacité de croissance démographique en raison de la dynamique naturelle vie-mort. Le solde naturel italien entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours du 2018 est négatif partout, sauf dans la province autonome de Bolzano. Ainsi, la situation régionale italienne concernant la composition de la population étrangère vivant en Italie est la suivante44 :

Tableau 9 : différentiel de la population étrangère en Italie, par régions, entre 2019 et 2018

44 https://www.tuttitalia.it/statistiche/cittadini-stranieri-2019/ 27% 23% 19% 20% 11%

Composition de la population vivant en