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Pourquoi la Campanie ? Genèse de notre sujet de thèse

Étrangers vivant en Campanie en

1.3.3. Pourquoi la Campanie ? Genèse de notre sujet de thèse

Même si la Campanie n’est pas une région présentant un taux de présences étrangères élevé par rapport à la Lombardie ou à la Vénétie46 (elle figure néanmoins parmi les 10 premières régions de la dernière statistique vue plus haut), plusieurs actions et tentatives d’intégration culturelle et sociale ont été menées pour l’accueil des immigrés. C’est dans ce contexte et à l’échelle de la Campanie – nous le connaissons bien car il s’agit de notre région d’origine – que nous avons vu évoluer et surtout devenir de plus en plus visible le phénomène migratoire italien.

Plusieurs facteurs ont déclenché notre intérêt pour cette thématique. Tout d’abord, la préparation d’une communication lors d’une journée d’études à laquelle nous avons participé, organisée en 2015 en collaboration avec la Chaire de Littérature Italienne du professeur Ugo Maria Olivieri, à l’Université de Naples Federico II. Il s’agissait d’une journée organisée pour des étudiants japonais de l’Université de Kobe. Nous y avons exposé plusieurs thèmes autour de la migration en Italie et en Campanie. En faisant des recherches sur ce thème, nous avons découvert le travail constant des associations qui s’occupent du soutien et de l’aide aux migrants en Campanie.

On compte 73 associations dédiées à l’immigration en Campanie, selon une étude de la Direction Générale de l’immigration et des politiques d’intégration du Ministère du Travail et des Politiques Sociales, réalisée en 2014 au Centre d’étude et de recherche IDOS (et mise à jour en 201647). Leurs sièges sont situés aussi bien au centre de Naples qu’en banlieue. En lien avec le travail des associations, il faut mentionner le travail de la CARITAS et du Service de Protection Civile Italien, dont certaines données font partie du projet « Immigrati in Campania ».48

46 Les communautés les plus nombreuses sont celles venant d’Ukraine (10), en lien avec la présence considérable des migrants venant de cette région, selon le rapport du 2016-2017 de la Fondation Caritas- Migrantes (analysé dans le paragraphe 1.4 de ce chapitre), celles du Sénégal (4), du Maroc et du Sri Lanka (3) ; elles sont suivies par les autres (Chine, Philippines, Pakistan, Burkina Faso, Somalie, Mali, Albanie, Guinée, Pérou, Côte d’Ivoire, Erythrée, Argentine etc.).

47http://www.integrazionemigranti.gov.it/Areetematiche/PaesiComunitari-e- associazioniMigranti/Pagine/mappatura-associazioni.aspx

48http://www.caritasitaliana.it/materiali/temi/serviziocivile/progetti_bando_2016/PROG_Immigrati%20in %20Campania.pdf

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Soulignons que, depuis des décennies, le tissu associatif et les associations religieuses jouent un rôle déterminant en Italie pour l’intégration des migrants. Nous avons par exemple eu la possibilité de mieux connaitre les activités de l’Association « Scuola di Pace » de Naples49, toujours à l’occasion du séminaire organisé pour des étudiants japonais. Dépourvue de toute forme d’idéologie politique ou religieuse, l’Association Scuola di Pace50 nait en tant qu’initiative laïque. Il s’agit d’une association qui a aussi pour but de dispenser des cours d’italien pour les migrants. Ce projet est soutenu par un grand nombre de volontaires : il est né de l’enthousiasme du directeur Corrado Maffia et de ses filles, afin de promouvoir une société interculturelle respectueuse de chacun. C’est aussi à l’occasion de cette conférence avec les étudiants japonais que nous découvrons les activités mises en œuvre par l’Association Cidis Onlus, la coopérative Dedalus, le consortium Gesco et le 13 Centres de Services territoriales Yalla. L’Association vise à sensibiliser l’opinion publique italienne sur la culture de l’accueil, pour garantir les mêmes droits à la population immigrée et créer les bases d’un projet de cohésion sociale, dans le pays désormais multiethnique et multiculturel qu’est l’Italie. Le dernier exemple associatif que nous mentionnerons est celui de la librairie « Iocisto »51, dont nous avons pris connaissance en 2014. C’est une expérience sociale issue d’une petite révolution des habitants du Vomero, à Naples, contre la clôture de plusieurs librairies du quartier. Il s’agit d’une initiative extraordinaire, à laquelle moi- même j’ai eu le plaisir de participer. L’idée se développe sur les réseaux sociaux à travers une provocation qui annonce « Si on ferme toutes les librairies, ouvrons-en une ! » ; Un chiffre d’adhésions important épouse ce projet, en répondant « io ci sto », un jeu de mot en italien qui veut dire à la fois, « je suis d’accord » en italien standard, et « Je suis là » en italien régional méridional- réponse qui deviendra le nom de la librairie, actuellement au numéro 20 de Piazza Fuga, au Vomero.

L’innovation du projet consiste dans le type d’association qui s’occupe de la réalisation de la librairie : c’est de l’actionnariat populaire. Personne n’en est titulaire, tout le monde 49 http://portale.scuoladipacenapoli.it/

50 Les initiatives en faveur de l’accueil des migrants se multiplient en Campanie. On peut citer par exemple la Fondation Erri De Luca, un écrivain, poète et traducteur italien contemporain, né à Naples en 1950. Sur le web, la fondation est ainsi présentée : La Fondation a pour but de participer aux grands changements

de notre époque, à ses puissants flux migratoires, au moment historique de la Méditerranée et à la fonction de l’Europe : la Fondation s’engage à récolter et partager des témoignages de narration, de découvertes scientifiques, de cinéma, de théâtre, de musique, d’art. La Fondation s’engage à la contribution de la connaissance des phénomènes et des expériences concrètes avec ses activités et sections50. Le projet nait à

Rome le 1er juillet 2011 par volonté du même Erri De Luca et de la productrice Paola Porrini Bisson. 51Cf. site de la librairie Iocisto : https://www.iocistolibreria.it/

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en est le propriétaire. Les frais sont payés par les associés qui, en même temps, sont fondateurs, associés, vendeurs et ressource principale de la librairie. Alberto Della Sala en est le directeur, à la suite de sa longue expérience dans ce domaine. C’est ici que le projet « Aiutami a leggere » a vu le jour en 2017. Il s’agit d’une initiative conçue pour aider les citoyens de l’espace métropolitain ayant des besoins littéraciques ; parmi eux, des personnes issues de l’immigration, des enfants à besoins éducatifs particuliers, des détenus et leurs familles. Il s’agit d’un projet d’inclusion, dédié au droit de la lecture, parce c’est une compétence indispensable pour être partie intégrante d’une société. « Aiutami a leggere » est à la fois un projet et un cri d’espoir : « aide-moi à lire ». Cette brève contextualisation des activités en faveur du soutien aux migrants dans notre région donne à notre sens quelques pistes pour comprendre l’émergence de notre intérêt pour le sujet de la migration. Notre sujet de thèse a été élaboré et nourri aussi grâce à la formation universitaire en Italie mais aussi à ces expériences de vie. Actuellement, en tant qu’enseignante de français dans un lycée privé d’abord et puis dans un collège public, l’accueil des élèves étrangers dans nos classes ne cesse pas de nous interroger, phénomène que nous considérons comme un enjeu majeur de notre société et de notre avenir. Ainsi nous en sommes venue à poser la question de la littérature qui traite du phénomène de la migration, de l’intérieur, et à interroger les littératures de migration, en France et en Italie.

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2. LA LITTERATURE DE MIGRATION EN FRANCE ET EN ITALIE

Une fois la situation démographique des résidents étrangers en France et en Italie mise en évidence, nous pouvons introduire le cœur de notre recherche : la littérature de migration, mieux connue sous le nom d’écriture migrante52.

2.1. En France

En exposant l’évolution du mouvement « beur », nous avons dit que peu à peu cette génération éradiquée de son origine culturelle avait développé des formes artistiques particulières pour garder son appartenance identitaire et territoriale. On pense à la réalisation de Radio Beur, par exemple, où se sont exprimés de nombreux chanteurs et musiciens. Mais c’est aussi dans le domaine de la littérature que les « Beurs » ont fait entendre leur voix. En même temps, les étrangers qui peuplent les régions italiennes à partir des années 80-90 ont commencé à définir leur personnalité artistique en termes de littérature de migration ; c’est ce type d’écriture que nous allons exploiter dans ce qui suit, tant en France qu’en Italie.