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Intronisation du roi

Dans le document OFFICE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIOUE (Page 79-83)

7 8 F. HAGENBUCHER - SACRIPANT1

nistre des affaires étrangères » (cf. GLENISSON) que les commerçants et les marins occidentaux virent en lui (1).

- Les Makimba contrôlaient les eaux et forêts, inspectaient les piroguiers, pêcheurs et chasseurs cf. GLENISSON).

- Découvrant l'autorité du Mümboma tchilwü:gu, et la prépondérance du rôle joué par ce dernier tant sur le plan judiciaire que politique, les premiers arrivants européens identifièrent ses fonctions à celles d'un premier ministre » et soulignèrent sa puissance en le désignant sous le nom de (( capitaine mort » c'est-à-dire celui qui a le droit de prononcer des sentences de mort, bizarrerie syntaxique issue des premiers contacts entre blancs et noirs. La signification du titre de Mümboma est double ; elle implique :

.l'acquisition par ce personnage du ntchia:ma (arc en ciel) dont l'incarnation animale est le python (mboma), et qui étend sa protection magique sur tout ce qu'il entoure.

.la comparaison de la puissance de ce dignitaire à celle d'un python défenseur du pouvoir (1wÜ:gu).

Le Mimboma tchi1wi:gu n'est jamais choisi parmi les clans de Diosso, mais à l'intérieur du royaume, en un lieu éloigné des intrigues et des rivalités de la capitale, le plus souvent en pays Kugni. Intermédiaire politique entre le roi, dont le rayon de déplacement est limité par la somme des interdits qui pèsent sur lui, et les Fumu si, revendicatifs et jaloux des prérogatives que leur octroient leurs origines, il assure I'interrègne entre la mort du souverain et l'élection de son successeur. « Dans l'intérieur du royaume, tout tremble à son nom, et souvent il substitue ses ordres à ceux de son maître sur lequel il est rare qu'il n'ait pas beaucoup d'empire

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II est cependant amovible et l'autorité du roi n'est pas moindre à son égard que vis-à-vis du dernier de ses sujets; son maître peut le vendre et le faire mettre à mort, sans être tenu de donner d'autres raisons que sa volonté ». Les principaux notables de Diosso se sont cependant récriés à l'énoncé de cette marque d'absolutisme royal citée par DEGRANDPRÉ.

LES FONDEMENTS SPIRITUELS DU POUVOIR AU ROYAUME DE LOA NGO 79 son attitude : l'attente et le déplacement destinés à montrer à tous qu'il n'intervenait en rien dans les trac- tations qui s'amorçaient. Il-partit donc s'établir au village de Tchibangabanga

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Le Mfundu tchibokuta (1) (nom de l'assemblée des clans Nk6:go) réunit les chefs des vingt-sept clans primordiaux de Diosso, qui arrêtèrent leur choix sur Mwe Loemba et vinrent se réunir devant la case de l'intéressé pour lui faire part de leur décision. Celui-ci leur offrit le simbwa simb~la (« chiens pourris »), offrande rituelle de vin de palme et de divers aliments

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Il partit dès le lendemain pour le Mayombe, escorté de son fils Makoso et de quelques esclaves. Il séjourna un mois dans la région de Tchissèka, absorbé par de nombreuses et mystérieuses occupation? dont le but et la nature n'échappaient cependant à aucun de ceux qui connaissaient les raisons de son absence ; il ne revint que quelques jours après avoir reçu un messager de Diosso ou s'impatientait le Nthomi Bun:zi, qui l'enjoignit de se hâter

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Une première cérémonie a lieu à lubialulu, ou se sont réunis les Fumu si de Diosso et des principaux villages de la province de Mampili, de nombreux devins et les trois masques de rois défunts :

- Mavala i Ngüga - ' Nvuduka Sa :la

- Tchitomi i mbata

Les têtes sont couronnées de feuilles de manzbumbulu (plante non identifiée), des sidembademba (feuilles de palmier disséquées longitudinalement en guirlandes de fibres) sont attachées autour du cou et du tronc de chaque personne. Entouré des siens, Mwe Loemba apparaît, installé dans une 1wÜ:du (chaise à porteur en bois de palétuvier) dont il descend pour s'asseoir devant l'assistance, sur une natte (nkwalla) appelée pour la circonstance ngü:da yü:gu, à l'intérieur d'un cercle tracé au kaolin. Le Mümboma tchil- wü:gu, Mafuka Pwati, se lève et présente, au cours d'un long discours, les raisons et les circonstances qui ont déterminé les vingt-sept clans Nk6:go à choisir Mwe Loemba pour souverain ; retraçant, dans un style dilatoire et conciliant, les oppositions d'intérêt et d'opinion qui avaient animé le Mfundu tchibokuta, il invite tous les notables à s'unir autour du nouveau Ngüga Mvumba. Le prêtre de Bun:zi prend la parole pour exprimer sa satisfaction de voir s'achever un interrègne dont la longueur excessive irritait les Bakisi basi, et annonce qu'il partira dès le lendemain pour Moanda, afin de consulter la divinité sur l'opportunité de ce choix

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Au soir de ce jour, Mwe Loemba et ses proches s'installèrent à TchingZga Mvumba, sous un abri provisoire. Dans les jours qui suivirent, les représentants des clans Nk6:go se succédèrent dans l'ordre exigé par la tradition, pour désherber un emplacement et construire la demeure royale

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Le temps passa. Dès son retour à Diosso, le Nthomi Bun :zi énonça devant les notables et les chefs de clan, réunis sur son ordre par le Mümboma tchilwü:gu, la nature et le montant des exigences formulées par Bun :zi pour la constitution du ntheti Bun :zi :

- deux mabodo, escabeaux à un pied, taillés dans des racines de palétuviers ; - une défense d'éléphant : tchidoyi tchimpundji ;

- un rouleau de tissu « guinée » (bleu foncé) : tchimbundi tchimabundi ; - un rouleau de tissu blanc : tchimbundi tchimakendi ;

- neuf peaux de tchinküda (petit lémurien : Potto de Bosman, cf. annexe IV) ; - plumes de ndjelendji (hirondelle hérissée à queue courte) ;

- neuf peaux de bisimu (animal non identifié) ;

- deux mphengo (cannes), taillées et sculptées dans une racine de palétuvier (2) et nommées buta matali ;

- un enfant pygmée, sachant déjà marcher et capable d'effectuer le trajet à pied jusqu'à Moanda.

(1) Kubokura : chuchoter.

(2) Le dernier artisan sachant faire ces cannes est mort à Diosso il y a quelques années ; il portait le surnom de « kura- :ga : admirez! ».

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SACRIPA NT1

Le Nthomi Bun :zi s'en retourna vers le sanctuaire de Moanda, escorté par deux esclaves qui por- taient le nthcti Bun :zi. II revint peu de temps avant la cérémonie d'intronisation, à laquelie assistaient les chefs de province, des délégations de Fumu si (mbinduku 1wZ:gu : clef, verrou du pouvoir) porteuses d'of- frandes rituelles (noix de kola, gingembre, piment, flambeaux de résine, etc.) enveloppées dans des peaux de fchinkü:da, ainsi qu'une foule de curieux ...

Assis sur le lib6do 1inthü:dji (escabeau du pouvoir), habillé de tissu bleu foncé (libundi), Mwe Loemba est coiffé d'un chapeau (ngundu) de raphia fourni par le prêtre de Bun :zi, auquel sont accrochés des fragments des peaux d'animaux envoyées à Moanda. Une peau de panthère est nouée autour de ses reins. Ses épaules sont recouvertes d'un surplis de raphia. Entouré par la foule silencieuse, il se maquille à l'aide d'ocre (ngun :zi) et de kaolin (mpheso) contenus dans un petit récipient de raphia. Les motifs dont il se couvre le corps sont dessinés en une double ligne blanche et rouge tracCe avec ces deux produits ; un trait joint le milieu du front au bas du nez. Le dessin des fentes palpébralesestaccentuéet prolongé jusqu'au milieu des tempes. Commençant sur les deux majeurs, deux bandes de couleur remontent le long des bras, des épaules, et redescendent entre les deux pectoraux pour se rejoindre sur le sternum et former une ligne verticale terminée par un cercle entourant le nombril. La nuque et les épaules sont également

LES FONDEMENTS SPIRITUELS DU POUVOIR AU ROYAUME DE LOANGO 8 1 jointes par un tracé bicolore, de même que genoux, tibias et orteils

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Puis il entoure sa taille d'une ceinture de tissu bleu, à laquelle sont accrochés dix-huit grelots de cuivre. Tenant dans sa main droite la buta matali (canne sculptée), le Mümboma tchi1wÜ:gu en touche alternativement chaque épaule de Mwe Loemba;

reculant d'un pas après chacun de ces gestes, il avance de la même distance en accomplissant le suivant

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Maintenant sur sa tête une marmite d'argile dans laquelle se consument des excréments séchés et des morceaux de tissu, le chef du clan Tchimpwatujî longe le cercle formé par la foule et tourne autour de Mwe Loemba, tandis qu'une fumée épaisse et âcre se répand sur l'assistance ; questionnés sur la signifi- cation de ce rite, quelques informateurs ont affirmé qu'il s'agissait d'un rappel à la modestie destiné à intimider le roi, l'aider à se souvenir, à l'heure de sa consécration, que personne n'est à l'abri de la déchéance. Certains ajoutèrent que la fumée « portait au loin la nouvelle de l'événement n.

Le Nthomi Bun :zi rappelle d'une voix forte les obligations et les interdits qui pèseront sur le nou- veau souverain :

- le roi ne doit jamais porter de tissu blanc. Tous ses vêtements de factureeuropéennedoivent être de couleur noire ou bleue ;

- il ne doit coiffer aucun autre chapeau que le ngundu ;

- interdiction lui est faite de se promener le jour, de manger o u boire en public et d'absorber quelque chose offert par une personne dont l'attachement ne soit très anciennement attesté. 11 ne peut non plus manger en compagnie un poulet (susu), et certains poissons comme le tchia :la (tilapia sp.) et le mphuli (siluridae) ; ceux-ci ne doivent pas être préparés sur le foyer habituel, non plus que le 1ingÜ:za (poisson non identifié).

A la demande du Mümboma tchilwü:gu, Mwe Loemba révèle le surnom de circonstance qu'il a choisi ; il déclare ne plus s'appeler, à partir de ce jour, « kusunguila bwi:si mu mwendo ikeli », mais « 'nuni tchilogo » : « le meilleur remède » (1). Aussitôt, le Mümboma tchi1wÜ:gu et les chefs des vingt sept clans Nko:go enlèvent les rameaux de palmiers qui leur recouvrent le visage et la poitrine, pour les attacher successivement sur le corps du Ngüga Muumba (2), à l'adresse duquel le « capitaine mort » crie soudain :

« sügobo ! », « bondis ! montre ton énergie ! » (le verbe kusüga qualifie l'action de bondir, se livrer à des contorsions et des entrechats par lesquels un accusé, publiquement innocenté, démontre sa joie, son dy- namisme, et décharge une énergie longtemps contenue par la peur et les contraintes gestuelles et verbales du procès). Tandis que le ndun :gu, le ngodji (gong de fer en forme de clochette double dont les deux parties sont reliées par une tige recourbée) et le mbudi (trompe d'ivoire taillée et sculptée dans le Mayombe) résonnent, le roi se lève et se livre à une longue série de bonds et de culbutes, rythmés par le tintement des grelots et l'ample mouvement des palmes qui le recouvrent.

Une liste chronologiquement incertaine des souverains qui régnèrent depuis N6bo Sinda a été élaborée à Diosso, avec l'aide des principaux notables. La plupart des noms sont accompagnés du surnom adopté le jour du sacre :

- Ma1wÜ:gu Mwe Pwati le', qui régna sous le nom de Kamügu.

- Nguli Nkama Loemba.

- Ngüga Mvumba Niü:bi.

(1) La notion de masculinité contenue dans le terme 'nuni (mari), marque la supériorité de ce remède sur tous les autres.

(2) Ce rkcit du sacre de Mwe Loemba, retransmis ici tel qu'il nous fut livré, ne tient pas compte des différences impor- tantes intervenant entre les descriptions du cérémonial d'intronisation recueillies auprès de plusieurs autres informateurs, selon un certain nombre desquels l'allégeance du chef de chaque clan Nk6:go est marquée non pas A l'aide de branches de palmiers nouées sur le corps du roi mais par trois coups légers frappés sous les aisselles de ce dernier qui se tient debout, les bras en croix.

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operation au terme de laquelle un coup de fusil est tiré.

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Ngüga Mvumba N6bo.

- Ngüga Mvumba Makoso, qui adopta le surnom de Tuti li nuula : nuage, nuée de pluie.

- Ngüga Mvumba Makoso Mansügu (1 879-1 885).

- Mwe Pratta.

- Ngüga Mvumba Loemba lu Nkümbisi également Nvuduku sa:la ; Nvuduku était le nom de sa mère ; le mot sa:la (plumes) rappelle l'existence du masque dont il était possesseur et dans lequel s'incarna son esprit après sa mort.

- Mwe Loemba, dit Nkhasu Manthatta.

-- Ngüga Muumba Tchibukili (Mwe Pwati II), qui régna sous le nom de Mwe Katamatu de 1923 à 1926 et fut destitué par l'administration coloniale pour avoir rétabli le poison d'épreuve dans la justice coutumière.

- Mwe Pwati III, qui porte le nom de Ngüga Mvumba Usügama et fut intronisé en 1932, habite encore à Tchingaga Mvumba, sans détenir cependant la moindre parcelle de pouvoir politique. II ne rend plus la justice depuis plusieurs années.

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