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Dans le document OFFICE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIOUE (Page 144-147)

LES 27 CLANS PRIMORDIAUX DE DIOSSO

B. A Kakamoèka, le ngüga Nsasi sollicité par un individu pour dresser le Nkisi contre l'auteur d'un méfait, procède d'une manière différente, non dépourvue, cependant, d'analogies avec la méthode

1. Description

Chapitre X

LE LlKUNDU

1 44 F. HAGENBUCHER - SACRIPANT1

ce qu'il convient d'appeler la caste des sindotchi (sorciers). Le terme ndotchi désigne l'individu qui possède le likundu ainsi qu'une somme de pouvoirs et de connaissances lui permettant d'agir sur son prochain.

11 importe d'insister sur le fait que dans le langage courant, le ndotchi est davantage considéré comme tel et caractérisé par son utilisation maléfique du linkundu que par la présence en lui-même de cette force qui anim: tous ceux qui jouent dans la société un rôle d'importance politique, magique ou religieuse. L ' a f i - mation de Professeur TREVOR ROPER au sujet de l'attitude des autorités de la Rome antique s'applique aussi à notre propos : « la punition n'est applicable qu'aux actes délictueux commis à l'aide de la sorcellerie, le simple fait d'être un sorcier n'est pas répréhensible D.

En effet, le nthomi et le ngiga, auxquels l'appellation de ndotchi n'est pas appliquée, ne sauraient communiquer respectivement avec les Bakisi basi et les Bakisi, s'ils ne disposaient du likundu.

Un proverbe rappelle que certains sindotchi ne tuent que pour se défendre et que la plupart des sorciers n'agissent pas sans motifs :

« Tibefundisi muumbi i ndotchi, ndotchi wulebaka nun :dji D,

Si l'on jugeait le mort et le sorcier, on donnerait raison au sorcier D.

Une autre maxime souligne qu'il existe plusieurs niveaux de capacité en sorcellerie :

« Sindotchi siasio ti siza :ba kuu6 :da nkhagi tuke :li mphimba kuue )),

« Si tous les sorciers savaient tuer, alors beaucoup de gens n'existeraient plus ».

Le likundu est fréquemment dénommé au pluriel (mankundu), car il en existe plusieurs sortes, dont les noms et les caractéristiques dominantes ne sont plus guère connus de la masse de la popu.lation.

Le likundu est le plus souvent une petite boule de chair située dans l'abdomen dusorcier, «légère- ment plus petite que le poing )), de couleur grisâtre, munie de deux petits yeux, d'une bouche minuscule et charnue d'où émergent deux dents pointues. Le ngiga pratiquant une autopsie sur le corps d'un ndotchi exécuté pour ses méfaits, ouvre le cadavre de l'estomac au bas-ventre et a toujours beau jeu de trouver et de découper dans le fouillis des entrailles une protubérance ou un polype informe et sanglant qu'il saisit précautionneusement, avec deux baguettes de bois faisant usage de pincettes, et brandit devant la foule effarée. Séparé du corps qu'il habitait, le likundu vit encore quelques heures et donne les dernières marques de sa voracité : « il happe les mouches qui passent à sa portée )) nous ont affirmé plusieurs informateurs.

Le ngiga l'arrose d'une solution de nkhasa avant de l'asphyxier en le suspendant au-dessus d ' ~ l n feu. II sera ensuite pilé et jeté au loin

...

Visitant la côte d'Angola en 1893, Mary KINGSLEY découvrit plusieurs foies et pou.mons humains fichés sur des pieux, qui avaient été extirpés des cadavres de sorciers dont la culpabilité avait été confirmée par l'autopsie.

Il existe des représentations du likundu assez rarement citées, sous forme de crabe ou d'araignée.

Plus courants sont les mankundu ayant les apparences d'un crapaud (likundu litchiu:la), d'une chauve- souris (likundu lindjembo), ou d'un python (likundu limboma : ainsi qualifiés lorsque le ngiga, examinant les entrailles d'un sorcier exécuté, y découvre un gros intestin qu'il juge anormalement volumineux et long et en conséquence habité par le python). Le likundu lisatchi (en grappe) est un ensemble de protu- bérances développées sur la paroi externe de l'intestin.

« C'est ce que vous appelez chez vous un vampire )) nous déclara un informateur lettré (1) en quête de la meilleure traduction du mot ndotchi pour qualifier un villageois de Loango récemment accusé de sorcellerie. Le likundu, principe spirituel, mais aussi être vivant qui se nourrit de sang, exclusivement armé pour la morsure et la succion, ne peut manquer d'évoquer le vampirisme, et constitue bien, selon la formule par laquelle l'Abbé WALKER définit 1'« evur )) des Fang (2), un « monstre spirituel D.

(1) Cet individu occupait à l'époque un poste de moniteur d'enseignement à Diosso.

(2) Rites et croyances des peuples du Gabon. Présence Africaine, Paris, 1962.

LES F O N D E M E N T S SPIRITUELS DU P O U V O I R AU R O Y4 U M E D E L O A N G O 145

Aucune relation directe n'a pu être discernée entre les différentes formes du likundu, que seuls les sindotchi parvenus à un degré de connaissance suffisamment élevé peuvent différencier, et les aspects très variables de la puissance qu'il confère.

- 11 est tout d'abord cette force obtenue à la naissance, transmise par la mère si celle-ci la possède, et immédiatement reconnue par les .sitlrlotc~hi assistant à l'événement. Cette forme première et essentielle du likiindu, qui permet la pénétration et l'action dans le gi:nihi est appelée par les Bavili : likundu litchi- hirta nguli (likundr~ né de la mère) et par les Bayombe : likun(lu 1iligu:X.u. Lorsq~ie la mère ne le possède pas. ce pouvoir peut être attribué ii l'enfant, dès sa naissance. par les Bakisi hasi, et se révèle alors par les conditions de I'accoiichement OLI la conformation du bébé : les n~izinga. enfants apparaissant emmêlés dans le cordon ombilical, les rni.su/i~ qui naissent avec une dent déjà apparente, les jumeaux ainsi que les nouveau-nés présentant Line inlirmité, voient le ~ O L L ~ munis du likiinhl. Cette force peut être également acqiiise à l'issue d'une nialadie : le lépreux est réputé très puissant et appelé F~rniu pi:mbi (prince de I'in- visible).

- I I existe une forme secondaire de likunr111. acquise huit à dix ans après la naissance et transmise par le père à son enfant : elle est appelée par les Bayombe : likunrli~ 1 i . r ~ ~ - i , ou likut~rlu litchiduka, et par les Bavili : l i k ~ l r ( 1 ~ 1 linlp110l)i ( 1 ) . O L I likii11rli1 t < ~ l ~ i ~ . i i l u , termes traduisibles par : l i k i i n h i ignorant : (celui qui le possède ne peut en effet aller dans l'invisible, niais seulement voir ce q ~ i i s'y passe. Les opérations de cette transmission doivent être effectiiées seci'ètenient. particulièreiiient vis-à-vis de la mère. Les raisons de cette nécessaire ignorance de la mère ont trait à I'insecurité et à la méfiance mutuelle qui séparent souvent les êtres liés par alliance O L L consang~iinité, niais dont 1'~in possède le l i k u l ~ r l ~ i , et aggravent en l'occurrence la rivalité traditionnelle entre les clans donneurs et preneurs de femmes.

L i h i i ~ I ~ i , sorcier réputé de lit région de Kakanioèka, ne reconnut posséder, au cours d'une conver- sation nocturne entrecoupée de fréquentes libations de vin de palme et se déroulant en un lieu très retiré, que le likunthr l i s u ~ i . à l'aide duqiiel i l regardait fréq~iemment dans le monde invisible, selon ses dires, sans pouvoir y agir directement, mais en y envoyant intervenir ses nlati.

Cette observation ne peut être faite que de jour, précise L i k ~ i d u ; c'est pourquoi les rnati délégués dans le -i:nlbi, sont rappelés dans le monde visible par le propriétaire du lik~in(lu lisqi~i, et réincarnés dans I'« objet talisman )) qui les renferme.

Les premiers regards dans le gi:lnhisont très épro~ivants, ajoiite Liktirlrl : les yeux cillent et larmoient constamment ; frissons, tics, contractions animent le corps du ntlotr.hi qui se sent progressivement envahi par une peur intense ...

Les détails fournis par Likud~i. relatifs à I'acq~iisition de cette forme secondaire de likundu, diffèrent peu des renseignements recueillis iiltérieiirement auprès de certains sorciers Bavili, mais comportent l'avantage d'en ordonner chronologiq~lement les diverses étapes :

(a) le père, qui est obligatoirement un rîrlotc-111, écrase des pulpes de noix de palme dont il tire une huile épaisse dans laquelle i l mélange des ingrédients végétaux (dont il n'a pas été possible de con- naître la nature) soigneusement pilés. Cette mixt~ire est bile par I'enfant, q ~ i i n'est encore qu'un nourrisson;

(b) quelques années plus tard, I'enfant ayant grandi et fait ses premiers pas, boira le t~tchincia qui signifie, représente le likun(lu, et lui permettra d'ores et déjà d'acquérir sans danger des niati;

( c ) une période indéterminée de temps s'écoule avant la dernière étape qui est constituée par I'appli- cation du rnic:mo, solution composée d'eau. de vin de palme et des feuilles de trois plantes (Iwi:sa, lili- 1em:ba et rnpho:zi), versée sur les paupières, dans le nez et les oreilles de I'enfant qui reçoit ainsi défini-

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(1) mphopi : ignorant, individu ne possédant pas le likundu.

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tivement le pouvoir d'entendre à grande distance les voix et le vacarme des sindotchi s'activant dans le gi:mbi ainsi que de voir ce qui se passe dans l'invisible.

Les trois étapes de ce processus d'acquisition du likundu illustrent l'une des plus importantes possibilités humaines d'intervention dails la ré2artition naturelle des pouvoirs entre les hommes ainsi que le principal moyen dont dispoûent 1:; si;nphopi (persorine ne possédant pas ce pouvoir) de réduire la marge d'inefficience et d'impu.issar,ce qui les sépare des sorciers. Le terme ndotchi est d'ailleurs égale- ment appliqué au possesseur du likun~lu lisayi acquis par manipulation.

- II existe une troisième sorte de likundu : le likilndu liwolo (1) dont l'acquisition exige la posses- sion préalable du likundu transmis par la mère ; i l dispense la richesse à son propriétaire dont toutes les entreprises visant l'accroissenient de ses biens seront couronnées de succe:, sans qu'il ait besoin pour cela d'utiliser d'autres pouvoirs.

On peut voir de temps à autre, voler un likundu dans les airs, très rapidement, lors des déplacements de son propriétaire dans le ci:mbi ou lorsqile ce dernier l'envoie se nourrir du sang d'une personne en- dormie. II s'alimente du sang (men:ga) du double invisible (mbisi mu:tu), comme du sang du corps physi- que @:tu). Les interférences sensorielles sont en effet fréquentes entre les deux dimensions visibles et invisibles du monde. Nombreux sont les individus, dépourvus de tout pouvoir particulier, affirmant avoir entendu la nuit, des rumeurs de l'invisible, ou les sorciers s'animent dans les chants et les danses de festi- vités infernales.

La possession fondamentale du likundu transmis à la naissance par la mère ou par les Bakisi basi, ainsi que la variété des techniques destinées à l'acquérir sous une autre forme, illustrent la distinction effectuée par J. MIDDLETON et E.H. WINTER (2) entre la sorcellerie (( technique )) (sorcery) située à la portée de tous, et la sorcellerie (( par essence )) (witchcraft).

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