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Chapitre 6 : Discussion

6.2 Phase principale : les interventions infirmières et l’anxiété de la mort

6.2.2 Interventions infirmières

Deux questions de recherche ont été formulées en lien avec la phase principale de l’étude. La première question cherchait à déterminer quelles sont les interventions utilisées par les infirmières en oncologie pour accompagner les patients atteints de cancer qui éprouvent l’anxiété de la mort. Cette première question de recherche visait donc à décrire les interventions mises de l’avant par les infirmières, mais selon la perspective des patients. Dans ce projet, l’EIIP-70P, développé par Cossette et al. (2005), a été utilisée pour mesurer les perceptions des participants à l’étude quant à la fréquence des attitudes et comportements de caring démontrés par les infirmières en oncologie lorsqu’elles interviennent auprès d’eux. Cet outil est spécifiquement basé sur la théorie du Human Caring de Watson (1979) et comprend 10 dimensions en lien étroit avec les dix facteurs caratifs de cette dernière.

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En se basant sur les perceptions des patients, les attitudes et comportements de caring les plus fréquemment démontrés par les infirmières en oncologie lorsqu’elles interviennent auprès de ces derniers sont les suivants : la création d’un environnement favorable à l’établissement d’une relation d’aide et de confiance (m = 4,58; é.t. = .41), le développement d’un système de valeurs humanistes-altruistes (m = 4,43; é.t. = .44) et l’assistance dans la satisfaction des besoins humains (m = 4,09; é.t. = .42). Il semble ainsi que les participants de l’étude perçoivent plus fréquemment les infirmières en oncologie à partir de leur approche relationnelle et humaine. La dimension d’assistance dans la réponse aux besoins, qui inclue les soins de base et les soins techniques, est aussi perçue par les patients comme une composante fréquente de l’approche infirmière.

Selon la perspective de l’échantillon de l’étude, les attitudes et comportements de caring les plus fréquemment démontrés par les infirmières en oncologie concernent d’abord le développement d’un climat favorable à l’établissement d’une relation d’aide et de confiance. En Écosse, dans une étude qualitative de Johnston et Smith (2006), un échantillon de 22 infirmières autorisées travaillant en soins palliatifs et de 22 patients atteints de cancer ou d’une maladie dégénérative a été recruté. L’étude avait pour but d’explorer les perceptions des patients et des infirmières en soins palliatifs quant au concept de l’infirmière experte en soins palliatifs. Selon les résultats de l’étude, les patients et les infirmières considéraient que les deux caractéristiques les plus importantes de l’infirmière experte en soins palliatifs étaient ses compétences interpersonnelles et certaines qualités, telles que la gentillesse, la chaleur humaine, la compassion et l'authenticité. En Egypte, dans leur étude quantitative descriptive, Ahmed, Aida, Nagwa, et Sayed (2013) ont recruté 40 patients atteints de cancer et 40 infirmières liés à une unité d’oncologie pour identifier les comportements de caring perçus par les patients et les infirmières en oncologie comme les plus importants. Les résultats de l’étude ont montré que le comportement de caring le plus important tant pour les infirmières que pour les patients était le développement d’une relation de confiance (M = 44,15; é.t. = 1,75 et M = 44,95; é.t. = 3,05, respectivement). De manière cohérente avec les résultats de l’étude précédente, la création d’un environnement propice à l’établissement d’une relation d’aide et de confiance semble constituer une composante importante de la pratique quotidienne des infirmières en oncologie. De plus, il est intéressant que la dimension de la relation d’aide et de confiance soit perçue plus fréquemment par les patients atteints de cancer du poumon, tout en sachant les contraintes associées à l’environnement de soins en clinique ambulatoire d’oncologie (manque de temps, manque d’intimité, charge de travail élevée et manque de personnel).

Selon les perceptions des participants à l’étude, les attitudes et comportements de caring en lien avec le développement d’un système de valeurs humanistes-altruistes sont aussi fréquemment démontrés par les infirmières en oncologie. De manière générale, la dimension 1 (l’humanisme) de l’EIIP-70P insiste sur l’importance d’une approche centrée sur la personne, en tenant compte de l’individualité, de la diversité ainsi que la spécificité de l’autre. En Ontario, l’étude qualitative de Perry (1998) avait pour but d’évaluer les perceptions des infirmières en oncologie sur la pratique exemplaire des soins infirmiers. Huit infirmières en

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oncologie reconnues comme ayant une pratique exemplaire ont participé à l’étude. Selon les résultats, les infirmières en oncologie insistaient sur la valorisation de chaque individu, ce qui rejoint Jean Watson (1985) dans sa conception de la nature humaine. Selon cette théoricienne, chaque personne possède sa valeur intrinsèque et doit être accompagnée, respectée, comprise et accompagnée. Selon les participants de l’étude de Perry (1998), chaque personne mérite d’être valorisée et doit recevoir les meilleurs soins. De plus, pour ces derniers, chaque personne atteinte de cancer possède des besoins et des perspectives uniques dont il faut tenir compte. En démontrant fréquemment des attitudes et comportements de caring en lien avec l’humanisme, les participants ont le sentiment que les infirmières de cette étude les considèrent comme une personne à part entière, digne de respect, pouvant avoir des besoins différents et ayant son propre système de perception spécifique. Tout comme pour la dimension précédente (la relation d’aide et de confiance), on constate que les participants à l’étude semblent percevoir plus fréquemment des attitudes et comportements de caring en lien avec l’humanisme chez les infirmières, malgré le contexte peu propice de la clinique ambulatoire d’oncologie dans lequel elles interviennent. Il faut cependant souligner qu’il s’agit ici uniquement de résultats descriptifs de l’échantillon, selon la perception des patients.

Finalement, toujours selon la perspective des participants à l’étude, les attitudes et comportements de caring qui relèvent de l’assistance dans la satisfaction des besoins humains sont aussi fréquemment démontrés par les infirmières en oncologie. Ces soins, selon la dimension 9 de (l’assistance) l’EIIP-70P, réfèrent plus spécifiquement aux soins de bases (ex. sommeil, élimination, hygiène, etc) et aux soins techniques. Les soins techniques sont, de manière générale, en lien avec les compétences et les habilités requises par les infirmières pour administrer les traitements oncologiques et leur capacité d’agir rapidement dans certaines situations. Il faut préciser que l’administration de la chimiothérapie est le principal rôle de l’infirmière en clinique d’oncologie ambulatoire. Il n’est donc pas surprenant que les participants à l’étude perçoivent plus fréquemment ce comportement de l’infirmière, mais il est tout de même intéressant de noter qu’ils le perçoivent moins fréquemment encore que les comportements de l’infirmière associés à la relation d’aide et de confiance et à une approche humaniste.

Il serait intéressant de mieux comprendre pourquoi les patients atteints de cancer semblent percevoir plus fréquemment des attitudes et comportements de caring en lien avec la relation d’aide et de confiance, l’humanisme et l’assistance chez les infirmières en oncologie. Une étude qualitative exploratoire pourrait permettre d’aller plus en profondeur.

Tels que perçus par les participants à l’étude, les attitudes et comportements de caring les moins mis de l’avant par les infirmières en oncologie, selon la perception des participants, concernent la prise en compte de facteurs existentiels-phénoménologiques. Au Royaume-Uni, une étude qualitative a été effectuée auprès de sept infirmières en oncologie dans le but d’explorer leurs perceptions concernant la spiritualité (Noble & Jones, 2010). Les résultats de cette étude ont montré que les infirmières en oncologie ne se sentaient pas capables de prendre en compte les besoins spirituels des patients atteints de cancer. Dans le même ordre

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d’idée, Desbiens et Fillion (2011) ont effectué une étude quantitative visant à décrire la compétence perçue des infirmières à prodiguer des soins palliatifs. Un échantillon composé de 751 infirmières de la province de Québec, travaillant en soins palliatifs et dans trois autres domaines de soins, à savoir les soins à domicile, les soins critiques et les soins oncologiques, a été recruté. Les résultats de l’étude ont montré que les soins spirituels constituaient la dimension où les infirmières percevaient le moins de compétence (M = 2,87; é.t. = 1,13). Il est donc possible que l’accompagnement spirituel ne soit pas perçu par les patients de cette étude comme le plus fréquent, parce que les infirmières en oncologie ne se sentent pas suffisamment habilités pour les accompagner dans cette dimension. Mais il se peut aussi que l’environnement de soins constitue une barrière à cet accompagnement. En effet, on peut se demander si l’infirmière aurait eu l’intimité, le climat et le temps nécessaire pour aborder avec un patient la dimension spirituelle lors de ses soins techniques. Le contexte de soins dans cette étude fait que tous les patients en clinique ambulatoire se retrouvent dans une même salle de traitement, les uns près des autres, simplement séparés par des rideaux. De plus, la charge de travail de l’infirmière lui laisse peu de temps à consacrer à de tels soins spirituels.