• Aucun résultat trouvé

L’intervention de la CIJ en matière environnementale Le droit et la justice ont fait d’immenses progrès au cours du

siècle qui vient de s’achever. De nouvelles branches du droit interna-tional sont apparues et les juridictions internainterna-tionales spécialisées se sont multipliées. Cette évolution correspond à celle de la société et des relations internationales. Dans cette nouvelle configuration,

320 Discours de Son Excellence M. Gilbert GUILLAUME, Président de la Cour in-ternationale de justice, prononcé devant la sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 30 octobre 2002, p. 7.

321 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, C.I.J. Recueil 1996, pp. 241-242, par. 29.

la Cour internationale de Justice, organe judiciaire principal des Nations Unies, conserve un rôle essentiel. Elle seule peut aborder tous les domaines du droit et les replacer dans une perspective d’en-semble. Sa jurisprudence dans les domaines des droits de l’homme et du droit de l’environnement paraît montrer qu’elle y est jusqu’à présent parvenue322.

La Cour en effet, tient à relever que de nouvelles normes du droit de l’environnement, récemment apparues sont pertinentes pour l’exécution du traité liant les parties au litige. Ces normes im-posent aux parties, en s’acquittant de leurs obligations de veiller à ce que la qualité des eaux du Danube ne soit pas compromise à ce que la protection de la nature soit assurée. La Cour estime qu’en insérant dans le traité ces dispositions évolutives, les parties ont reconnu la nécessité d’adapter éventuellement le projet.

La Cour eut l’occasion de se référer à ce prononcé dans le cadre d’une affaire contentieuse entre la Hongrie et la Slovaquie, réitérant alors « l’importance que le respect de l’environnement re-vêt à son avis, non seulement pour les Etats, mais aussi pour l’en-semble du genre humain»323. Elle signalait en outre l’émergence de nouvelles normes du droit de l’environnement dont les parties pouvaient, d’un commun accord, tenir compte pour l’application du traité relatif au Projet Gabcíkovo-Nagymaros. Et la Cour d’af-firmer, en termes généraux : « Dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environ-nement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages ».

322 Discours de Son Excellence M. Gilbert GUILLAUME, Président de la Cour in-ternationale de justice, prononcé devant la sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 30 octobre 2002, p. 8.

323 Projet Gabcíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), Arrêt du 25 septembre 1997, C.I.J. Recueil 1997, p. 41, par. 53.

« Au cours des âges, l’homme n’a cessé d’intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l’a souvent fait sans tenir compte des effets de l’environnement. Grâce aux nouvelles perspectives qu’offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité – qu’il s’agisse des générations actuelles ou futures - de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seule-ment lorsque des Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé.

Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l’environne-ment »324.

Dans l’Affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros325, aucune des parties n’a prétendu que des normes impératives du droit de l’environnement soient nées depuis la conclusion du traité de 1977 et la Cour n’aura par suite pas à s’interroger sur la portée de l’article 64 de la convention de Vienne sur le droit des traités. En revanche, la Cour tient à relever que de nouvelles normes du droit de l’environnement, récemment apparues, sont pertinentes pour l’exécution du traité et que les parties pouvaient, d’un commun accord, en tenir compte en appliquant les articles 15, 19 et 20 du traité. Ces articles ne contiennent pas d’obligations spécifiques de faire, mais ils imposent aux parties, en s’acquittant de leurs obligations de veiller à ce que la qualité des eaux du Da-nube ne soit pas compromise et à ce que la protection de la nature

324 Discours de Son Excellence M. Gilbert GUILLAUME, Président de la Cour in-ternationale de justice, prononcé devant la sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 30 octobre 2002, p. 8.

325 CIJ, Arrêt du 25 septembre 1997, Hongrie c. Slovaquie.

soit assurée, de tenir compte des nouvelles normes en matière d’en-vironnement lorsque ces parties conviennent des moyens à préci-ser dans le plan contractuel conjoint. En insérant dans le traité ces dispositions évolutives, les parties ont reconnu la nécessité d’adap-ter éventuellement le projet. En conséquence, le traité n’est pas un instrument figé et est susceptible de s’adapter à de nouvelles normes du droit international. Au moyen des articles 15 et 19, de nouvelles normes en matière d’environnement peuvent être incor-porées dans le plan contractuel conjoint. La responsabilité d’agir de la sorte était une responsabilité conjointe. Les obligations énon-cées aux articles 15, 19 et 20 sont, par définition, d’ordre général, et doivent être transformées en obligations spécifiques de faire, à l’issue d’un processus de consultation et de négociation. De ce fait, leur mise en œuvre exige une disposition réciproque à discuter de bonne foi des risques réels et potentiels pour l’environnement. Agir de la sorte est d’autant plus important que la Cour, dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nu-cléaires, a rappelé que « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à ve-nir »326. La conscience que l’environnement est vulnérable et la re-connaissance de ce qu’il faut continuellement évaluer les risques écologiques se sont affirmées de plus en plus dans les années qui ont suivi la conclusion du traité. Ces nouvelles préoccupations ont rendu les articles 15, 19 et 20 du traité d’autant plus pertinents.

En conséquence, le traité n’est pas un instrument figé et est susceptible de s’adapter à de nouvelles normes du droit internatio-nal de l’environnement. La conscience que l’environnement est vul-nérable et la reconnaissance de ce qu’il faut continuellement éva-luer les risques écologiques se sont affirmées de plus en plus dans les années qui ont suivi la conclusion du traité. La reconnaissance que les parties s’accordent sur la nécessité de se soucier sérieuse-ment de l’environnesérieuse-ment et de prendre les mesures qui s’imposent.

326 C.I.J. Recueil 1996, p. 241, par. 29.

En ce qui concerne les conséquences juridiques de l’arrêt, la Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irrésistible des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages. De nouvelles normes et exi-gences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux dernières décennies, il s’agit du principe pollueur payeur du principe de prévention, du principe de précaution ou encore celui de participation.

La Cour estime que ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement ap-préciées, non seulement lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils ont engagé dans le passé. Aux fins de la présente espèce, cela signifie que les parties devraient en-semble, examiner à nouveau les effets sur l’environnement de l’ex-ploitation de la centrale de Gabcikovo. En particulier, elles doivent trouver une solution satisfaisante en ce qui concerne le volume d’eau à verser dans le lit du Danube et dans les bras situés de part et d’autre du fleuve.

L’opinion individuelle du juge Weeramantry est très perti-nente quant à l’émergence du droit de l’environnement. En effet, celui-ci aborde dans son opinion trois questions concernant cer-tains aspects du droit de l’environnement : le principe du déve-loppement qui concilie les exigences rivales du dévedéve-loppement et de la protection de l’environnement, et l’opportunité de se servir d’un principe juridique applicable inter partes comme l’estoppel pour résoudre des problèmes qui présentent un caractère erga omnes, comme le dommage causé à l’environnement.

Paragraphe 2 : La consolidation du droit à la santé