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Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)

Paragraphe 2 : La consolidation du droit à la santé Les droits sociaux de l’être humain sont reconnus par la

B- L’apport de la CIJ en matière de droit de la santé Il convient tout d’abord de rappeler que le 8 juillet 1996, la

1.15. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)

Le 28 décembre 1998, la Guinée a déposé une requête introductive d’instance contre la République démocratique du Congo au sujet d’un différend relatif à de « graves violations du droit international » qui auraient été commises sur la personne de M. Ahmadou Sadio Diallo, ressortissant guinéen. Dans sa requête, la Guinée soutenait que « Monsieur Ahmadou Sadio Diallo, homme d’affaires de nationalité gui- néenne, a[vait] été, après trente-deux (32) ans passés en République dé- mocratique du Congo, injustement incarcéré par les autorités de cet Etat, spolié de ses importants investissements, entreprises et avoirs mobiliers, immobiliers et bancaires puis expulsé. »

La Guinée y ajoutait que « [c]ette expulsion [était] intervenue à un moment où M. Ahmadou Sadio Diallo poursuivait le recouvrement d’importantes créances dé- tenues par ses entreprises [Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre] sur l’Etat [congolais]

et les sociétés pétrolières qu’il abrit[ait] et dont il [était] actionnaire ».

Dans sa requête, la Guinée invoquait, pour fonder la compétence de la Cour, les déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de celle-ci faites par les deux Etats au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour.

Le 3 octobre 2002, la République démocratique du Congo (RDC) a soulevé des exceptions préliminaires portant sur la recevabilité de la requête de la Guinée.

Dans son arrêt du 24 mai 2007 sur lesdites exceptions, la Cour a déclaré la requête

de la République de Guinée recevable, d’une part, « en ce qu’elle a[vait] trait à la protection des droits de M. Diallo en tant qu’individu » et, d’autre part, en ce qu’elle avait trait à la protection des « droits propres de [celui-ci] en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ». En revanche, la Cour a déclaré la requête de la République de Guinée irrecevable « en ce qu’elle a[vait] trait à la protection de M. Diallo pour les atteintes alléguées aux droits des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ».

Dans son arrêt sur le fond du 30 novembre 2010, la Cour a jugé que, eu égard aux conditions dans lesquelles M. Diallo avait été expulsé le 31 janvier 1996, la RDC avait violé l’article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que le paragraphe 4 de l’article 12 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle a également jugé que, eu égard aux conditions dans lesquelles M. Diallo avait été arrêté et détenu en 1995-1996 en vue de son expulsion, la RDC avait violé les paragraphes 1 et 2 de l’article 9 du Pacte et l’article 6 de la Charte africaine. La Cour a dit en outre que « la République démocratique du Congo a[vait]

l’obligation de fournir une réparation appropriée, sous la forme d’une indemnisation, à la République de Guinée pour les conséquences préjudiciables résultant des violations d’obligations internationales visées aux points 2 et 3 [du dispositif]», à savoir les arrestations, les détentions et l’expulsion illicites de M. Diallo. La Cour a de surcroît jugé que la RDC avait violé les droits que M. Diallo tenait de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires, sans toutefois prescrire le versement d’une indemnité à ce titre. Dans le même arrêt, la Cour a rejeté le surplus des conclu- sions de la Guinée relatives aux arrestations et aux détentions de M. Diallo, y compris l’allégation selon laquelle celui-ci avait été soumis, pendant ses déten- tions, à un traitement prohibé par le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. De plus, elle a jugé que la RDC n’avait pas violé les droits propres de M. Diallo en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. Enfin, la Cour a décidé, en ce qui concerne l’indemnisation due à la Guinée par la RDC, que, « au cas où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet dans les six mois à compter du[dit] arrêt, [cette] question … sera[it] réglée par la Cour

».

Le délai de six mois ainsi fixé par la Cour étant arrivé à échéance le 30 mai 2011 sans que les Parties aient pu se mettre d’accord sur la question de l’indem- nisation due à la Guinée, il revenait à la Cour de déterminer le montant de l’in- demnité à accorder à celle-ci, conformément aux conclusions formulées par la Cour dans son arrêt du 30 novembre 2010. Par ordonnance du 20 septembre 2011, la Cour a fixé au 6 décembre 2011 et au 21 février 2012, respectivement, les dates d’expiration

des délais pour le dépôt du mémoire de la Guinée et du contre- mémoire de la RDC sur la question de l’indemnisation due à la Guinée. Le mémoire et le contre-mémoire ont été dûment déposés dans les délais ainsi prescrits. La Cour a rendu son arrêt le 19 juin 2012.

Dans son mémoire, la Guinée évaluait à 250 000 dollars le dommage psychologique et moral subi par M. Diallo. La Cour a pris en considération différents fac- teurs aux fins d’évaluer ce préjudice, notamment le caractère arbitraire des arrestations et détentions dont l’intéressé avait fait l’objet, la durée exagérément longue de sa période de détention, les accusations sans preuve dont il avait été victime, le caractère illicite de son expulsion d’un pays dans lequel il résidait depuis trente-deux ans et où il exerçait des activités commerciales importantes, et le lien entre son expulsion et le fait qu’il avait tenté d’obtenir le recouvrement des créances qu’il estimait être dues à ses sociétés par l’Etat zaïrois ou des entreprises dans lesquelles ce dernier détenait une part importante du capital. Elle a également pris en considération le fait qu’il n’avait pas été démontré que l’intéressé avait été soumis à des mauvais traitements. Se basant sur des considérations d’équité, la Cour a considéré que la somme de 85 000 dollars constituait une indemnité appropriée au titre du préjudice immatériel subi par M. Diallo.

Dans son mémoire, la Guinée évaluait par ailleurs à 550 000 dollars la perte de biens personnels. La Cour a estimé que la Guinée n’était pas parvenue à établir l’étendue de la perte de biens personnels qu’aurait subie l’intéressé ni la mesure dans laquelle cette perte aurait été causée par le comportement illicite de la RDC. Tenant malgré tout compte du fait que M. Diallo avait vécu et travaillé sur le territoire congolais pendant une trentaine d’années, au cours desquelles il n’avait pu manquer d’accumuler des biens personnels, et se basant sur des considérations d’équité, la Cour a estimé que la somme de 10 000 dollars constituait une indemnité appropriée au titre dudit préjudice matériel subi par M. Diallo.

Dans son mémoire, la Guinée évaluait enfin à près de 6,5 millions de dollars correspondant à la perte de rémunération et la privation de gains potentiels qu’aurait subies M. Diallo au cours de ses détentions et à la suite de son expulsion illicites.

La Cour a estimé que la Guinée n’avait pu prouver l’existence d’un tel préjudice.

En conséquence, elle n’a accordé aucune indemnité à ce titre.

La Cour a conclu que l’indemnité à verser à la Guinée s’élevait donc à un total de 95 000 dollars, payable le 31 août 2012 au plus tard. Elle a décidé que, en cas de paiement tardif, des intérêts moratoires sur la somme principale courraient, à compter du 1er septembre 2012, au taux annuel de 6 pour cent. La Cour a décidé que chaque Partie supporterait ses frais de procédure.

1.16. LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique)

Le 2 mars 1999, la République fédérale d’Allemagne a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre les Etats-Unis d’Amérique dans un différend concernant des violations alléguées de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. L’Allemagne a déclaré qu’en 1982 les autorités de l’Etat d’Arizona avaient arrêté deux ressortissants allemands, Karl et Walter LaGrand, qui avaient été jugés et condamnés à la peine capitale sans avoir été informés de leurs droits aux termes de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’arti- cle 36 de la convention de Vienne. L’Allemagne a également soutenu que, compte tenu de l’absence de la notification normalement requise, elle s’est trouvée dans l’impossibilité de protéger, comme le prévoient les articles 5 et 36 de la convention de Vienne, les intérêts de ses ressortissants devant les juges américains tant en première instance qu’en appel. L’Allemagne a fait valoir que, si ses ressortissants, finalement assistés par des agents consulaires allemands, ont effectivement allégué des violations de la convention de Vienne, devant les juridictions fédérales, ces dernières néanmoins, appliquant la doctrine de droit interne dite de la « carence procédurale », ont considéré qu’étant donné que les intéressés n’avaient pas fait valoir leurs droits lors de la procédure judiciaire au niveau de l’Etat fédéré ils ne pouvaient plus les invoquer dans la procédure fédérale. Dans sa requête, l’Allemagne, pour fonder la compétence de la Cour, s’est référée au paragraphe 1 de l’article 36 du Statut et à l’article premier du protocole de signature facultative de la convention de Vienne sur les relations consulaires.

L’Allemagne a accompagné sa requête d’une demande urgente en indication de mesures conservatoires, priant la Cour d’indiquer aux Etats-Unis de prendre « toutes les mesures en leur pouvoir pour que [l’un de leurs ressortissants dont la date d’exécution avait été fixée au 3 mars 1999] ne soit pas exécuté en attendant la décision finale en la présente instance… ». La Cour a rendu le 3 mars 1999 une ordonnance en indication de mesures conservatoires par laquelle elle imposait aux Etats-Unis entre autres de « prendre toutes les mesures dont ils dispos[aient]

pour que [le ressortissant allemand] ne [fût] pas exécuté tant que la décision en la présente instance n’aura[it] pas été rendue ». Les deux ressortissants allemands ont, cependant, été exécutés par les Etats-Unis.

Les audiences publiques en l’affaire ont été tenues du 13 au 17 novembre 2000.

Dans son arrêt du 27 juin 2001, la Cour a d’abord retracé l’historique du différend et a ensuite examiné certaines objections formulées par les Etats-Unis d’Amérique à la compétence de la Cour et à la recevabilité des conclusions de l’Allemagne. Elle a dit qu’elle avait compétence pour connaître de l’ensemble des conclusions de l’Allemagne et que celles-ci étaient recevables.

Statuant sur le fond, la Cour a noté que les Etats-Unis ne niaient pas avoir violé, à l’encontre de l’Allemagne, l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne, qui imposait aux autorités compétentes des Etats-Unis d’informer les LaGrand de leur droit de faire avertir le consulat d’Allemagne de leur arrestation.

Elle a ajouté qu’en l’espèce cette violation avait entraîné la violation des alinéas a) et c) du paragraphe 1 du même article, qui portent respectivement sur le droit de communication entre les fonctionnaires consulaires et leurs ressortissants, et le droit des fonctionnaires consulaires de rendre visite à leurs ressortissants incarcérés et de pourvoir à leur représentation en justice. La Cour a encore indiqué que les Etats-Unis avaient non seulement violé leurs obligations envers l’Allemagne en tant qu’Etat partie à la convention, mais qu’ils avaient commis une violation des droits individuels des LaGrand en vertu du paragraphe 1 de l’article 36, droits qui pouvaient être invoqués devant la Cour par l’Etat dont ces derniers détenaient la nationalité.

La Cour s’est ensuite penchée sur la conclusion de l’Allemagne selon laquelle les Etats-Unis avaient violé le paragraphe 2 de l’article 36 de la convention en ap- pliquant des règles de leur droit interne, en particulier celle de la « carence procédurale ». Selon cette disposition, le droit des Etats-Unis doit « permettre la pleine réalisation des fins pour lesquelles les droits sont accordés en vertu de [l’article 36] ». La Cour a indiqué qu’en elle-même la règle de la « carence procédurale » ne viole pas l’article 36. Le problème, a constaté la Cour, se pose lorsque la règle en question empêche une personne détenue de remettre en cause sa condamnation et sa peine en se prévalant du manquement des autorités nationales compétentes à leurs obligations en vertu du paragraphe 1 de l’article 36. La Cour a conclu qu’en l’espèce la règle de la carence procédurale avait eu pour effet d’empêcher l’Allemagne d’assister en temps opportun les LaGrand dans leur défense, comme le prévoit la convention. Dans ces conditions, la Cour a dit que la règle susmentionnée avait violé en l’espèce le paragraphe 2 de l’article 36.

S’agissant de la violation alléguée, par les Etats-Unis, de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires du 3 mars 1999, la Cour a fait remarquer que c’était la première fois qu’elle était appelée à se prononcer sur les effets juridiques de telles ordonnances rendues en vertu de l’article 41 de son Statut — dont l’interprétation a fait l’objet d’abondantes controverses doctrinales. Après avoir interprété l’article 41, la Cour a dit que ces ordonnances ont force obligatoire.

En l’espèce, a indiqué la Cour, l’ordonnance du 3 mars 1999 « ne constituait pas une simple exhortation », mais « mettait une obligation juridique à la charge des Etats-Unis ». La Cour a ensuite examiné les mesures prises par les Etats-Unis pour se conformer à ladite ordonnance et en a conclu que ces derniers ne l’avaient pas respectée.

Quant à la demande de l’Allemagne visant à obtenir l’assurance que les Etats-Unis ne répéteront pas leurs actes illicites, la Cour a pris acte du fait que ces derniers avaient rappelé à tous les stades de la procédure qu’ils mettaient en œuvre un programme vaste et détaillé pour assurer le respect par les autorités compétentes de l’article 36 de la convention et a conclu que cet engagement devait être considéré comme satisfaisant à la demande ainsi présentée par l’Allemagne.

Néanmoins, la Cour a ajouté que, si les Etats-Unis, en dépit de cet engagement, manquaient à nouveau à leur obligation de notification consulaire au détriment de ressortissants allemands, des excuses ne suffiraient pas dans les cas où les intéressés auraient fait l’objet d’une détention prolongée ou été condamnés à des peines sévères. Dans le cas d’une telle condamnation, les Etats-Unis devraient, en mettant en œuvre les moyens de leur choix, permettre le réexamen et la revision du verdict de culpabilité et de la peine en tenant compte de la violation des droits prévus par la convention.

1.17. Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Allemagne) (Serbie-et-Monténégro c. Belgique) (Serbie-et-Monténégro c. Canada) (Yougoslavie c. Espagne) (Yougoslavie c. Etats-Unis d’Amérique) (Serbie-et-Monténégro c. France) (Serbie-et-Monténégro c. Italie) (Serbie-et-Monténégro c. Pays-Bas)

(Serbie-et-Monténégro c. Portugal) (Serbie-et-Monténégro c. Royaume-Uni)

Le 29 avril 1999, la République fédérale de Yougoslavie a déposé auprès du Greffe de la Cour des requêtes introductives d’instance contre la Belgique, le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Amérique en raison de violations alléguées de leur obligation de ne pas recourir à l’emploi de la force contre un autre Etat.

Comme fondement de la compétence de la Cour, la Yougoslavie a invoqué, dans ses requêtes contre la Belgique, le Canada, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni, le paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour et l’article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948. La Yougoslavie s’est également fondée sur l’article IX de ladite convention dans ses requêtes contre la France, l’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis, mais a invoqué en outre le paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement de la Cour.