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L’intervention de la Cour en matière d’ingérence La Cour internationale de justice est intervenue de manière

Section I : la CIJ, juge de la paix

Paragraphe 2 : Le problème de l’ingérence

B- L’intervention de la Cour en matière d’ingérence La Cour internationale de justice est intervenue de manière

rigoureuse en matière d’ingérence, dans l’affaire du Nicaragua ; en l’espèce, les Etats-Unis pour fonder leur intervention au Nicara-gua, accusait celui-ci d’avoir violé des engagements concernant la protection des droits de l’homme. Mais la Cour déclare que « de toute manière, si les Etats Unis peuvent certes porter leur propre appréciation sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua, l’emploi de la force ne saurait être la méthode appropriée pour véri-fier et assurer le respect de ce droit. Quant aux mesures qui ont été prises en fait, la protection des droits de l’homme, vu son caractère strictement humanitaire, n’est en aucune façon compatible avec l’entraînement, l’armement et l’équipement des « contras ». La Cour conclue que le motif tiré de la préservation des droits de l’homme au Nicaragua ne peut justifier juridiquement la conduite des Etats-Unis »301.

La Cour internationale de justice, estime dans l’affaire du Détroit de Corfou qu’entre « Etats indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des rapports internationaux »302. Selon la Cour « le prétendu droit d’interven-tion ne peut être envisagé par la Cour que comme une manifesta-

300 P. CHRESTIA : « L’influence des droits de l’homme sur l’évolution du droit international contemporain », RTDH n° 40, 1999, p. 723.

301 CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27 juin 1986, CIJ, Rec., 1986, pp. 134-135.

302 C.I.J., Rec., 1949, p.35, V. également, Moncef KDHIR, Dictionnaire juridique de la C.I.J., 2e éd, Bruylant, Bruxelles, 2000.

tion d’une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l’organisation internationale, trouver au-cune place dans le droit international...; réservée par la nature des choses aux Etats les plus puissants, elle pourrait aisément conduire à fausser l’administration de la justice internationale elle-même

»303. Dans l’affaire du lotus, la Cour permanente de justice inter-nationale affirme que « la limitation primordiale qu’impose le droit international à l’Etat est celle d’exclure, sauf l’existence d’une règle permissive contraire, tout exercice de sa puissance sur le territoire d’un autre Etat ». Un Etat ne peut accomplir un acte de coercition physique sur le territoire d’un autre Etat, sauf consentement de ce dernier. Dans son arrêt du 27 juin 1986, la Cour de justice in-ternationale a admis que « la fourniture d’une aide strictement hu-manitaire à des personnes ou à des forces se trouvant dans un autre pays ne saurait être considérée comme une intervention illicite, si elle a un caractère strictement humanitaire et est prodiguée sans discrimination »304.

Dans l’Affaire des plates-formes pétrolières du 6 novembre 2003305, La Cour commencera donc par examiner l’application de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité de 1955, ce qui, dans les circonstances de l’espèce, et ainsi qu’il a été expliqué plus haut, fait intervenir le principe de l’interdiction en droit interna-tional de l’emploi de la force et sa limitation constituée par le droit de légitime défense. Compte tenu de cette disposition, une par-tie au traité peut être fondée à prendre certaines mesures qu’elle considère « nécessaires » à la protection de ses intérêts vitaux sur le plan de la sécurité. Ainsi que la Cour l’a souligné en l’affaire des

303 C.I.J. arrêt du 9 avril 1949, Rec., p. 35.

304 Rec., 1986, § 242, pp. 124-125.

305 CIJ, Arrêt du 6 novembre 2003, République Islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique.

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci à l’égard de la disposition équivalente du traité de 1956 entre les Etats-Unis d’Amérique et le Nicaragua, « les mesures ne doivent pas simplement tendre à protéger les intérêts vitaux de sécurité de la partie qui les adopte; elles doivent être “nécessaires” à cette fin

» ; en outre, la question de savoir si une mesure donnée est « né-cessaire » ne « relève pas de l’appréciation subjective de la partie intéressée »306 et peut donc être évaluée par la Cour. En l’espèce, la question de savoir si les mesures adoptées étaient « nécessaires », recoupe en partie celle de leur validité en tant qu’actes de légitime défense. Ainsi que la Cour l’a relevé dans sa décision de 1986, les critères de nécessité et de proportionnalité doivent être respectés pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’acte de légitime dé-fense. Même pris conjointement, et réserve faite, comme il a déjà été dit, de la question de la responsabilité de l’Iran, ces incidents ne semblent pas à la Cour constituer une agression armée contre les Etats-Unis comparable à ce qu’elle a qualifié, en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, de forme d’emploi de la force parmi « les plus graves ».

Le 8 octobre 2007, la CIJ a rendu un autre arrêt307 sur les différentes catégories d’effectivités présentées par les Parties. Le Honduras prétend avoir exercé un contrôle législatif et adminis-tratif sur les îles et fournit un certain nombre d’arguments à l’ap-pui de sa thèse. Le Nicaragua, quant à lui, ne cherche pas à prou-ver qu’il aurait exercé un contrôle législatif et administratif sur les îles, mais soutient que les éléments de preuve du Honduras sont insuffisants. La Cour, ayant examiné le matériau cartographique soumis par le Nicaragua et le Honduras, procédera maintenant à l’évaluation de celui-ci pour déterminer la mesure dans laquelle

306 C. I. J. Recueil 1986, p. 141, par. 282.

307 CIJ, Arrêt du 8 octobre 2007, Affaire du différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes, Nicaragua c. Honduras.

il peut être considéré comme étayant leur revendication respec-tive de souveraineté sur les îles situées au nord du 15e parallèle.

De l’avis de la Cour, les cartes susvisées n’étayent les revendica-tions ni de l’une ni de l’autre des Parties. En la présente affaire, aucune des cartes soumises par les Parties et sur lesquelles sont représentées certaines des îles en litige n’indique clairement quel Etat exerce la souveraineté sur ces îles. Dans l’affaire de l’Ile de Palmas, la sentence arbitrale relevait que « ce n’est qu’avec une extrême circonspection que l’on peut tenir compte des cartes pour trancher une question de souveraineté… Toute carte qui n’indique pas de façon précise la répartition politique des territoires … claire-ment marquée comme telle, doit être écartée… La première condi-tion que l’on exige des cartes, pour qu’elles puissent servir de preuve sur des points de droit, est leur exactitude géographique. On doit noter ici que non seulement des cartes d’une date ancienne, mais aussi des cartes d’une date moderne, même officielles ou semi offi-cielles, paraissent manquer d’exactitude »308. La Cour réaffirme la position qu’elle a adoptée auparavant au sujet de la portée extrê-mement limitée des cartes en tant que source d’un titre souverain : « Les cartes ne constituent jamais ! à elles seules et du seul fait de leur existence ! Un titre territorial, c’est-à-dire un document auquel le droit international confère une valeur juridique intrinsèque aux fins de l’établissement des droits territoriaux »309.

L’ingérence en réalité ne constitue pas un droit, et cela s’ap-plique pour tous les sujets de droit international. Dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations Unies, l’ingérence dans les affaires d’un Etat ne peut avoir lieu que partant de l’article 2 paragraphe 7 de la Charte, mais il faut ajouter que l’action doit se placer dans

308 Ile de Palmas (Pays-Bas/Etats-Unis), 4 avril 1928, traduction française : Revue générale de droit international public, T. XLIII, pp. 179-180.

309 Différend frontalier Burkina Faso/République du Mali, Arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 582, par. 54.

le cadre du chapitre VII, c’est-à- dire dans le cadre de ses compé-tences en matière de maintien de la paix. C’est dans ce droit fil que la violation massive des droits de l’homme fonde désormais la compétence de ce Conseil.

Ainsi, plusieurs actions coercitives ont été entreprises pour des situations constituant des menaces pour la paix, en vertu de l’article 39 de la Charte.

En effet, le principe de non ingérence dans les affaires inté-rieures n’est plus opposable en cas de violation de « grande en-vergure » des droits fondamentaux de l’homme, pour reprendre des expressions utilisées par de nombreux Etats avant la résolu-tion 688 du 5 avril 1991 concernant les minorités en Irak (kurdes, chiites…). Ce sont des considérations de cette sorte qui inspirent les résolutions du Conseil de Sécurité concernant l’ex-Yougoslavie et la Somalie. Très instructive nous paraît être la résolution 929 du 22 juin 1994 autorisant la France (et les autres pays désirant participer à l’opération humanitaire au Rwanda) à « employer » tous les moyens nécessaires pendant deux mois afin de protéger les civils et d’arrêter un massacre dramatique. Très significative également nous paraît être la résolution 1556 (2004) autorisant une intervention militaire au Soudan afin de rétablir la paix au Darfour.

La problématique de la notion d’ingérence se pose aussi dans le cadre de l’assistance humanitaire. La Cour internationale de jus-tice a jugé que « la fourniture d’une aide strictement humanitaire…

ne saurait être considérée comme une intervention illicite »310. Le Conseil de Sécurité a confirmé cette jurisprudence dans sa réso-lution 733 (1992), en demandant à toutes les parties de faciliter l’acheminement par l’ONU de l’assistance humanitaire vers tous

310 CIJ, Op. Cit., P.125. §242.

ceux qui en ont besoin311. Il a fait de même en Bosnie-Herzégovine dans sa résolution 758(1992) en exigeant que « toutes les parties et autres intéressées créent immédiatement les conditions néces-saires à la distribution sans obstacle de fourniture humanitaire à Sarajevo »312.

La Cour internationale de Justice aura bientôt la chance de trancher d’un différend entre l’Allemagne et l’Italie en matière d’immunité de juridiction, puisqu’elle fut saisie, à la fin du mois de décembre 2008. Dans cette affaire, on prétend qu’il y a eu at-teinte systématique et répétée à la souveraineté allemande en rai-son d’une série de décisions judiciaires italiennes refusant d’ho-norer l’immunité des États dans des affaires de violations graves du droit international des droits humains et du droit humanitaire datant de l’époque de la Seconde Guerre mondiale313.

L’assistance humanitaire est cependant la source de regret-tables confusions (en réalité des intérêts politiques et écono-miques sous-jacents) en raison de la pratique tant des Etats que des organisations internationales314.

311 S/res./733 (1992) du 23 janvier 1992, K. WELLENS, Résolutions et déclarations du Conseil de Sécurité (recueil thématique), Bruyant, Bruxelles, 1993, p. 343.

312 S/res./758(1992) du 8 juin 1992, RGDIP, 1992/4, p.1047.

313 Affaire concernantl’immunité de juridiction (Allemagne c. Italie), requête de l’Allemagne du 22 décembre 2008 (CIJ), en ligne: http://www.icj-cij.org/docket/

files/143/14923.pdf.

314 J.D. BOUKONGOU, « La coordination des politiques humanitaires : quelles le-çons à partir des expériences de l’Afrique centrale ? » Enjeux n° 8, juillet-sep-tembre 2001, pp. 9-12.

Section II : la contribution à l’émergence de nouveaux