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Les interrogations concernant l’adoption des mesures conservatoires dans le cadre d’une demande d’interprétation

C HAPITRE II De l’opposabilité des droits

A) Les interrogations concernant l’adoption des mesures conservatoires dans le cadre d’une demande d’interprétation

relation avec les limites de l’utilisation d’une procédure interprétative comme moyen de garantie des droits individuels (B).

A) Les interrogations concernant l’adoption des mesures conservatoires dans le cadre d’une demande d’interprétation La démarche suivie par la Cour dans l’ordonnance en indication de mesures conservatoires de la Demande d’interprétation de l’affaire Avena, va être à l’origine de vives contestations. Elle va générer, non seulement une défiance en relation à l’existence même d’une divergence sur le fond, mais aussi au regard de la stratégie de la Cour face à des nouvelles condamnations à mort (1). Au même titre, l’absence d’un véritable lien direct entre les mesures conservatoires et la demande d’interprétation laisse penser à l’émergence

500 Ibid.

501 A ce propos voir notamment M.J.CERVELL HORTAL,« Desarrollos recientes a propósito del asunto Avena (TIJ, 2004): La difícil relación entre el derecho internacional y el derecho interno”, R.E.D.I., 2007, p. 685.

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d’une nouvelle tendance visant à l’autonomie des mesures conservatoires en cas d’atteinte aux droits individuels (2).

1) Une défiance quant à l’existence même d’une divergence sur le fond : des questionnements sur la stratégie de la Cour face à des nouvelles condamnations à mort

L’adoption de mesures conservatoires dans le cadre d’une demande d’interprétation a été l’occasion par la Cour de se prononcer pour la première fois, sur la viabilité des mesures d’urgence dans le cadre d’une procédure interprétative. Cependant, l’admissibilité desdites mesures a généré un vif débat en lien avec leur véritable intérêt et a dépassé en quelque sorte la logique juridique du raisonnement procédural de la Cour.

En effet, face à l’exécution imminente de Jose Medellin et de quatre autres ressortissants mexicains, la Cour va considérer que la demande en interprétation du Mexique semblait remplir les conditions posées à l’article 60 de son Statut502. C’est notamment sur cette base qu’elle va considérer qu’il était urgent de procéder à l’adoption de mesures conservatoires afin d’éviter cette situation. Le 16 juillet 2008, la Cour va adopter une ordonnance portant indication de mesures conservatoires à l’encontre des E tats-Unis afin que cet E tat prenne : «toutes les mesures nécessaires pour que MM. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés tant que n’aura pas été rendu l’arrêt sur la demande en interprétation présentée par les E tats-Unis du Mexique, à moins et jusqu’à ce que ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la révision prévus aux paragraphes 138 à 141 de l’arrêt rendu par la Cour le 31 mars 2004 dans l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains»503. Bien qu’au stade des mesures conservatoires, il suffit simplement d’établir « l’apparence »504 d’un accomplissement des conditions de recevabilité visées à l’article 60 du Statut de la Cour, il semblerait toutefois que les conditions d’exercice dans le cas d’espèce n’aient pas été pleinement identifiées.

Considérant le fait que les versions française et anglaise de l’article 60 du Statut de la Cour n’étaient pas en totale harmonie, du fait que le texte français employait le terme «contestation», alors que le texte anglais utilisait le mot

502 L’article 60 du Statut de la our est libellé comme suit : « L’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la our de l’interpréter, à la demande de toute partie».

503 C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.331, §80, II, a).

504 La Cour précise lors de son Ordonnance que : « lorsqu’elle est saisie d’une demande en indication de mesures conservatoires dans le cadre d’une demande en interprétation présentée en vertu de l’article 60 du Statut, la our doit déterminer si les conditions auxquelles elle peut, aux termes de cet article, connaître une demande en interprétation paraissent être remplies ». Ibid., p.323, §45.

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«dispute», la Cour tout en rappelant sa jurisprudence précédente505, va se tourner pour une utilisation de la version française en précisant que : « le terme

‘contestation’, utilisé dans la version française, a un sens plus large que le terme employé dans la version anglaise [et] (…) que si, selon leur sens ordinaire, tous deux dénotent de manière générale une opposition de vues, le mot ‘contestation’ a une portée plus large que le mot ‘différend’ et n’implique pas nécessairement le même degré d’opposition; que, par rapport à la notion de ‘différend’, celle de ‘contestation’ s’entend, dans son application à une situation donnée, de manière plus souple »506. L’article 60 du Statut de la Cour précise en effet que : « (…) En cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie ». A ce titre, dans le cadre d’une demande d’indication de mesures conservatoires lors d’une demande d’interprétation, la Cour se doit de démontrer simplement l’existence d’une « apparente contestation interprétative»507.

Cependant, lors de l’indication de mesures conservatoires, la Cour a dû faire face au refus des E tats-Unis de voir une contestation entre les parties au regard de la nature de l’obligation de résultat qui visait notamment le réexamen et la révision des verdicts et des peines. Afin de surmonter cette opposition, la Cour a dû réaménager la position mexicaine tout en faisant une adaptation très orientée508 lui permettant d’accréditer ainsi l’existence d’une contestation quant au sens et à la portée de l’obligation de résultat. En l’espèce, la Cour a considéré que : « s’il semble que les deux Parties voient dans le point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena une obligation internationale de résultat, elles n’en paraissent pas moins diverger d’opinion quant au sens et à la portée de cette obligation de résultat — plus précisément quant à la question de savoir si cette communauté de vues est partagée par toutes les autorités des E tats-Unis, à l’échelon

505 En ce sens, la Cour rappelle que : « la our permanente pouvait être saisie aussitôt que les tats concernés avaient en fait manifesté des opinions opposées quant au sens et à la portée d’un arrêt de la Cour (Interprétation des arrêts nos 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt no 11, 1927, C.P.J.I. série A no 13, p. 10-11 ; et que la our internationale de Justice a confirmé cette lecture de l’article 60 en l’affaire de la Demande en révision et en interprétation de l’arrêt du 2 février 1 82 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne) (arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 217- 218, par. 46) ».Ibid., p.326, §54. mais aussi celui de s’abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées» (Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1 50 en l’affaire du droit d’asile (Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402; Demande en révision et en interprétation de l’arrêt du 2 février 1 82 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 217, par. 44) ». Voir, son opinion dissidente, dans C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.350, §8.

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fédéral et à celui des E tats, et si cette obligation s’impose à ces autorités »509 . En effet au titre du point 9 du dispositif de l’arrêt Avena, la Cour précise que : « pour fournir la réparation appropriée en l’espèce, les E tats-Unis d'Amérique sont tenus d'assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la révision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre les ressortissants mexicains visés aux points 41, 51, 6) et 7) ci-dessus, en tenant compte à la fois de la violation des droits prévus par l'article 36 de la convention et des paragraphes 138 et 141 du présent arrêt » 510.

Par ce biais, la Cour essaye de donner une certaine logique et légitimité à sa décision qui chercherait essentiellement à éviter l’exécution de nouveaux ressortissants mexicains. En réalité, la construction quelque peu forcée de son raisonnement, laisse penser que la Cour viserait d’une façon implicite à attirer l’attention sur le non-accomplissement par les autorités gouvernementales américaines de leurs obligations internationales, notamment au regard du respect des droits individuels des ressortissants mexicains. De même, par sa logique, elle essaierait de faire valoir l’absence d’efficacité et d’exécution desdites obligations au niveau de l’ordre juridique interne des E tats Unis.

Le procédé de la Cour en l’espèce s’est heurté à la réaction de plusieurs juges qui, à travers leurs opinions dissidentes, se sont déclarés opposés au raisonnement majoritaire511. Selon le Juge BURGUENTHAL, il existe plusieurs raisons qui prouveraient que le Mexique n’a pas su mettre en valeur correctement les conditions nécessaires à l’établissement d’une contestation au sens de l’article 60 du Statut et qu’en agissant de la sorte, la Cour crée « un précédent dangereux »512. Il se fonde notamment sur le fait que le Mexique n’aurait pas su démontrer efficacement la contestation à l’obligation de résultat à la charge des E tats-Unis513. Il précise entre autres, que du fait que les tribunaux fédéraux américains affirmaient ne pas être liés par l’obligation en question ; celle-ci ne pouvait pas être transposée à la position du Gouvernement exécutif des E tats Unis qui avait confirmé cette obligation de résultat514.

509 C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.326, §55.

510 C.I.J., Avena (fond), op.cit., p.72, §153, 9).

511 Voir en ce sens, les opinions dissidentes du Juge BURGUENTHAL,des Juges OWADA, TOMKA etKEITH ainsi que du Juge SKOTNIKOV,. dans C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., pp.333-351.

512 Voir, l’opinion dissidente du Juge BURGUENTHAL,ibid., p.334, §5.

513 Il souligne que tant les tats-Unis que le Mexique sont d’accord sur le fait que l’arrêt Avena impose une obligation de résultat. Il se réfère également au fait que les tats-Unis déclarent admettre que leur incombe, en vertu de cette décision, l’obligation de faire en sorte que les personnes visées bénéficient du «réexamen et de la révision» des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées. Ibid., p.335, §10.

514 Ibid., p.336, §13.

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135 En effet, au regard du Mémorandum du Président du 28 février 2005, il découle qu’il y avait une volonté de vouloir attribuer un effet direct à l’obligation contenue dans l’arrêt Avena515. Néanmoins, bien que la volonté du Gouvernement exécutif constitue l’expression de l’E tat, lorsqu’il existe une opposition des tribunaux internes, cette dernière aurait dû se matérialiser normalement par une législation votée par le Congrès des E tats-Unis. C’est notamment sur ce point que le Mexique fondait son raisonnement, car il considérait que l’exécutif n’avait pas demandé au Congrès des E tats-Unis d’adopter un texte de loi donnant effet à l’arrêt Avena516. Cependant et malgré cette divergence, comme le relève la Cour, il résulte qu’au regard du droit interne et du droit international, seul le pouvoir exécutif est autorisé à s’exprimer au nom des E tats Unis sur le plan international517.

A cet égard, la position du Juge BUERGENTHAL n’est pas hérétique, car en considérant comme centre de divergence le comportement des organes internes, qui par ailleurs différait de la position du pouvoir exécutif, la Cour va introduire un précédent jurisprudentiel pour lequel son intention principale serait de mettre en lumière le non accomplissement par les autorités internes des obligations internationales contenues dans l’arrêt Avena518. En effet, le raisonnement de la Cour visant à déterminer à tout prix un objet de controverse, chercherait en réalité à préserver les droits individuels des ressortissants mexicains contenus dans l’obligation de résultat. Ainsi, son comportement laisse afficher une claire volonté destinée à faire prévaloir l’urgence et le caractère irréparable du préjudice souffert par les individus, sur les exigences rigides établies à l’article 60 de son Statut. De ce fait, la notion de

« contestation entre les parties » va être envisagée d’une manière plus souple,

515 Le texte du mémorandum du Président des tats Unis se lit comme suit : “I have determined, pursuant to the authority vested in me as President by the Constitution and laws of the United States, that the United States will discharge its international obligations under the decision of the International Court of Justice in [Avena], by having State courts give effect to the decision in accordance with general principles of comity in cases filed by the 51 Mexican nationals addressed in that decision”. Voir, C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.312, §3.

516 Selon le Mexique, le fait que : «[n]i le pouvoir exécutif ni la législature du Texas, ni le pouvoir exécutif fédéral ni le ongrès n’ont, à ce stade, pris une quelconque mesure de nature juridique qui empêcherait l’exécution de M. Medellín ... reflète l’existence d’une contestation quant au sens et à la portée de l’arrêt Avena», Ibid., p.324 §48.

517 Ibid., p.326, §55.

518 F. J. QUEL LOPEZ,relève en ce sens que: « el empeño de la Corte por encontrar un asidero en el que basar su competencia en el proceso de medidas provisionales tiene que ver [mas … con la anunciada ejecución deMedellín Rojas, Moreno Ramos, Fierro Reyna, Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García. [Ya que] Mas allá de la argucia procesal que supone el juego combinado de los procesos de interpretación y medidas provisionales [esta conducta tenía como fin ] ganar tiempo para que Estados Unidos aplicara finalmente la sentencia Avena”. Voir de cet auteur La función de los procedimientos de interpretación medidas provisonales como instrumentos auxiliares al servicio de la eficacia de las sentencias de la .I.J. que reconocen derechos individuales: a propósito de las decisiones 16 de julio de 2008 y 19 de enero de 2009 en relación al sunto Avena otros ciudadanos mejicanos”, in:Guerra pa : 1 5-200 : obra homenaje al Dr. Santiago orres ernárde , Bilbao: Universidad del Pais Vasco Servicio Editorial, 2010, p.386.

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permettant l’adoption de mesures conservatoires dans le cadre d’une demande interprétative sur la base des simples apparences et ce, malgré de fortes controverses quant à l’absence de lien direct entre les mesures conservatoires et la demande d’interprétation sur le fond.

2) Une absence de lien véritable entre les mesures conservatoires et la demande d’interprétation : vers une autonomie des mesures conservatoires en cas d’atteinte aux droits individuels ?

Bien qu’il suffise à la Cour au stade des mesures conservatoires d’établir simplement que les conditions de recevabilité contenues dans l’article 60 de son Statut « paraissent être remplies »519, des questionnements resurgissent à la lumière de l’arrêt sur le fond du 16 janvier 2009520. Ces questions sont liées notamment au fait de savoir si les mesures conservatoires ordonnées en l’espèce étaient vraiment nécessaires et si elles visaient réellement à remplir la fonction ordinaire des mesures d’urgence.

En ce sens, la Cour a souligné à plusieurs reprises que l’objet principal des mesures conservatoires est celle de « sauvegarder les droits de chacune des parties en attendant qu’elle rende sa décision, afin qu’un préjudice irréparable ne soit pas causé aux droits en litige »521. Elle entend mettre l’accent sur le fait qu’: « un lien doit donc être établi entre les droits allégués que les mesures conservatoires sollicitées visent à protéger et l’objet de l’instance pendante devant la Cour sur le fond de l’affaire»522. Elle précise également, qu’en cas de divergences sur les droits ou obligations visés dans une norme internationale qui protège des individus, il doit exister « un rapport de corrélation entre le respect des droits des individus, les obligations incombant aux E tats parties en vertu de la [convention] et le droit des E tats parties à demander l’exécution de ces obligations»523.

Toutefois, dans le cas d’espèce, la Cour n’est pas parvenue à établir véritablement l’existence d’un lien de corrélation entre l’adoption de mesures conservatoires et la demande d’interprétation de l’arrêt sur le fond. Au contraire, la manière dont la Cour a agi dans le cadre de l’adoption desdites

519 C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.323, §45.

520 C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena (fond), op.cit.

521 C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.89, §48.

Voir aussi, C.I.J., Anglo-Iranian Oil Company (mesures conservatoires), op.cit., pp.89-94 ; C.I.J., Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, (mesures conservatoires),op.cit., p.22, §35 ; C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c. Serbie et Monténégro) mesures conservatoires, op.cit., p.19, §34;

C.I.J., Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (mesures conservatoires), op.cit., p.388-389, §118.

522 C.I.J., Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (mesures conservatoires), op.cit., p.388-389, §118.

523 Ibid., pp.391-392. §126.

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137 mesures laisse à penser que l’ordonnance visait a priori à sauvegarder les droits que l’arrêt Avena avait déjà reconnus dans sa décision sur le fond, notamment les droits de réexamen et de révision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre les ressortissants mexicains, ainsi qu’à éviter une nouvelle violation des droits contenus dans l’article 36 de la Convention sur les relations consulaires. En effet, dans son ordonnance portant indication de mesures conservatoires, la Cour précise que ces mesures sont destinées à protéger les droits que le Mexique tenait du dispositif de l’arrêt Avena. Elle affirme en ce sens: « que c’est l’interprétation du sens et de la portée de cette obligation et, partant, des droits que le Mexique ou ses ressortissants tiennent du point 9) du paragraphe 153 [de l’arrêt Avena] qui constitue l’objet de l’instance pendante devant la Cour sur la demande en interprétation »524.

En outre, il s’avère important de souligner qu’il découle tant de l’article 60 du Statut de la Cour que de l’article 98 §1 de son Règlement, que la procédure interprétative a comme seul objectif de clarifier « le sens ou la portée d’un arrêt en cas de contestation ». De ce fait, la procédure interprétative ne constitue pas un recours en révision ni une procédure d’exécution, elle se déroule en revanche dans un cadre pré-établi par la décision sur le fond dont les droits et obligations ont été déjà fixés. C’est notamment afin de clarifier le sens et la portée de ces obligations que cette procédure doit être employée, sans pour autant porter une quelconque altération ou modification au jugement initial.

Ainsi, le raisonnement de la Cour ne semble pas tout à fait cohérent quand elle Cour affirme que: « l’exécution d’un ressortissant détenteur de droits dont le sens et la portée sont en cause (…) rendrait impossible l’adoption de la solution demandée par [son E tat national] et porterait ainsi un préjudice irréparable aux droits revendiqués par celui-ci»525. En effet, dans le cas d’espèce, les droits des ressortissants mexicains avaient déjà été définis dans la procédure de fond de l’arrêt Avena, au moment de la demande d’interprétation, ils n’étaient plus en cause, il s’agissait simplement de clarifier le sens et la portée des obligations incombant aux E tats-Unis et non de se prononcer à nouveau sur l’accomplissement de la décision précédente.

Par son comportement, il semblerait que la Cour essaye de trouver un artifice juridique lui permettant de sauvegarder les droits individuels contenus dans l’obligation à interpréter. Ainsi, bien que le rapport entre les droits protégés à travers les mesures conservatoires et la demande d’interprétation s’avérait peu plausible, la Cour centre son raisonnement sur le sens et la portée de l’obligation contenue dans la demande d’interprétation, de façon à ne pas concentrer directement son attention sur la protection des droits reconnus dans sa décision précédente. En agissant de la sorte, la Cour a permis une

524 C.I.J., Demande d’interprétation de l’affaire Avena, (mesures conservatoires), op.cit., p.328, §63.

525 Ibid., p.330 §72.

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étonnante passerelle526 entre deux procédures à finalité a priori différente527 et cela afin d’éviter l’exécution de nouveaux ressortissants mexicains et la violation de leurs droits individuels.

Le raisonnement de la Cour pourrait laisser croire également à une

Le raisonnement de la Cour pourrait laisser croire également à une