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1.4 Le cas applicatif de la thèse : Les matériaux énergétiques de type ther-

1.4.2 Les interfaces naturelles comme couches barrières : verrou scien-

énergétiques multi-couches

Lors du procédé de fabrication, la nano-structuration des couches n’est pas contrôlée à cause des mécanismes de diffusion atomique se produisant lors du dépôt en particulier

1.4. Le cas applicatif de la thèse : Les matériaux énergétiques de type thermites Al/CuO déposés en feuillets multi-couches d’épaisseur nanométrique

Figure 1.3 – Schéma comparatif de matériaux multi-couches, avec une structuration a) microscopique ou b) nanométrique pour des quantités de matière équivalentes. Les interfaces sont représentées en vert foncé.

aux interfaces. Cela produit des couches d’interface dites naturelles appelées couches barrières. Ces interfaces sont des couches de mélange où les atomes déposés réagissent avec la surface sur laquelle ils sont envoyés. Elles vont ainsi constituer une barrière natu-relle empêchant les deux espèces de réagir entre elles. Elles sont néanmoins nécessaires à la stabilité des matériaux énergétiques. Cependant, la formation de ces interfaces n’est pas contrôlée, ce qui constitue un premier verrou technologique. De plus, ces interfaces impactent directement sur les propriétés finales du matériau élaboré en termes de sta-bilité, d’énergie disponible et de sensista-bilité, ce qui lève un deuxième verrou, scientifique cette fois. Si ces interfaces sont trop fines, le matériau va devenir instable et s’initiera au moindre stimulus extérieur. Si celles-ci sont trop épaisses, la quantité de matière inerte devient conséquente et beaucoup de matière sera « perdue ». Par conséquent, le maté-riau deviendra beaucoup plus difficile à initier voire même il deviendra inerte [86, 87]. De plus, de grandes interfaces inertes impliquent une perte importante de matière, ce qui est une aberration pour un système qui se veut être performant et nano-structuré. Le matériau AlCuO en multi-couches est représenté sur l’image TEM a) dans la Figure 1.4 [19]. À partir d’un substrat d’oxyde de silicium, de l’aluminium est pulvérisé, sous atmosphère d’argon, de manière à former le premier bandeau (Figure 1.5.a). La cible d’aluminium est ensuite masquée pour être remplacée par une cible de cuivre. Le cuivre est alors pulvérisé sous une atmosphère saturée d’oxygène, de manière à former l’espèce CuO avant de venir heurter la surface d’aluminium (Figure 1.5.b). Lors de ces dépôts, des réactions de surfaces vont se produire et certains atomes vont réagir et former des zones de mélange, les interfaces.

La Figure 1.4.b montre plus en détail les interfaces créées lors du dépôt d’oxyde de cuivre sur l’aluminium et de l’aluminium sur l’oxyde de cuivre. Dans le cas du dépôt de l’aluminium sur l’oxyde de cuivre, une interface large et diffuse se formera. Elle résulte de la réaction des atomes d’aluminium sur la surface d’oxyde de cuivre. Ceux-ci vont

Figure 1.4 – a) Image TEM de multicouches AlCuO, avec un empilement de 10 couches d’Al (gris foncé) et de CuO (gris clair) [19] b) Images HRTEM des interfaces formées lors du dépôt du CuO (gris foncé) sur l’Al (gris clair) puis de l’Al sur le CuO [20].

complètement amorphiser la surface d’oxyde de cuivre avec la réorganisation des atomes d’oxygène tout autour des atomes d’aluminium [88]. Cela va mener à des déformations importantes comme montré sur la Figure 1.4.b. Pour ce qui est de l’autre interface, le dépôt de l’oxyde de cuivre sur la surface d’aluminium mènera à une dissociation de la molécule dont les atomes vont s’adsorber sur la surface sans la perturber, menant à la formation de cette interface lisse et nette [20, 88].

Il apparaît ici que si l’on arrive à contrôler la formation de cette couche d’interface et ses propriétés en termes de structure, de composition, d’épaisseur, il sera alors pos-sible de contrôler et de prédire les performances des matériaux dans le but in fine de pouvoir les utiliser pour des applications ciblées. Ces couches barrières peuvent alors être considérées comme un « bouton réglable » sur lequel le technologue peut agir pour contrôler le matériau et lui conférer des performances précises. Par exemple, la vitesse de réaction étant limitée par le transport de masse des réactifs, il est aisé de penser qu’en jouant sur la structure des matériaux et en particulier sur la taille et la structure des interfaces en les manipulant et en les optimisant à souhaits pendant le procédé technologique de fabrication, on pourra contrôler leurs performances énergétiques (en terme de rapidité de combustion par exemple).

Les matériaux énergétiques multi-couches peuvent être ainsi considérés comme une catégorie de matériaux réactifs aux propriétés réactives adaptables à condition d’être en mesure d’accéder à une élaboration contrôlée atome par atome.

1.5. Objectifs, originalité et mise en oeuvre de la thèse

Figure 1.5 – Procédé de dépôt d’AlCuO en multi-couches par pulvérisation a) Dépôt de CuO b) Dépôt d’Al. Les interfaces sont représentées en vert foncé.

1.5 Objectifs, originalité et mise en oeuvre de la

thèse

Le but de ce travail de thèse vise le développement d’outils théoriques multi-échelles pour construire un modèle-simulateur prédictif de l’ensemble du processus d’élaboration de couches nano-structurées dans les conditions expérimentales réalistes.

Plus précisément pour le cas applicatif choisi dans ce travail de thèse, c’est-à-dire des applications énergétiques nanométriques conduites au LAAS-CNRS pour des fonctions pyrotechniques dans les micro-systèmes : fonctions thermiques, pneumatiques, biochi-miques, il s’agira de modéliser l’intégration de matériaux selon les procédés de dépôt en phase vapeur en tenant compte des paramètres technologiques telles que la température et la pression des gaz introduits dans la chambre. Cette thèse s’inscrit dans la suite des travaux de thèse réalisés par Cloé Lanthony en 2013 [89]. Ces travaux ont pour but de comprendre la formation de couches d’interfaces lors de la fabrication par pulvérisation cathodique magnétron d’un matériau multi-couche AlCuO.

Cette problématique est abordée par une approche multi-niveaux avec une prospec-tion des mécanismes à l’échelle atomique, puis par des simulaprospec-tions du procédé faites avec un outil pour l’ingénieur développé spécialement pour répondre au besoin de cette étude. Cet outil est capable de simuler le dépôt de matière sur de grandes surfaces (allant de plusieurs angströms à la centaine de nanomètres), où le temps simulé n’est

plus une limite (nous sommes capables de simuler un dépôt de plusieurs heures et plus), pour des systèmes comprenant des centaines de milliers d’atomes. De telles simulations peuvent être comparées avec des résultats expérimentaux ou encore être prédictifs pour évaluer l’effet des paramètres expérimentaux sur la formation des interfaces.

Durant ces trois années de travail, les objectifs principaux ont été de :

• Avoir une compréhension fondamentale des mécanismes de croissance des maté-riaux directement intégrés.

• Comprendre la formation des couches d’interface dans les matériaux énergétiques Al/CuO et mettre en relation leur structuration.

• Développer une plateforme de simulation du procédé, comme un nouvel outil de simulation afin d’être en mesure de mener des simulations prédictives du procédé.

1.5.1 Une vision atomistique des matériaux intégrés,