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L’un des objectifs de cette recherche porte sur les interactions entre les participantes et leurs professionnels de la santé et des services sociaux allochtones. Cette section explore la manière dont les participantes vivent leurs rencontres avec ces derniers et perçoivent leur connaissance des réalités autochtones.

4.6.1. Attitudes des professionnels de la santé et des services sociaux non autochtones

L’une des questions posées aux participantes était : « De quelles manières les professionnels de la santé et des services sociaux non autochtones vous accueillent-ils lors de vos visites? ». Mélanie, qui s’identifie très peu à la culture autochtone, affirme avoir eu de bonnes relations avec les professionnels qu’elle a rencontrés et elle n’a pas vécu de discrimination de la part de ces derniers. Elle suggère d’ailleurs que ses expériences positives peuvent être liées au fait qu’elle n’a pas de traits physiques distinctifs ni d’accent pouvant l’associer à ses origines culturelles. Ce point de vue est partagé par Yannick qui affirme ne pas avoir vécu de mauvaises expériences étant donné qu’il n’a « pas l’air » d’un Autochtone : « À première vue, je nai pas l’air Autochtone, donc l’accueil est normal » (Yannick). Cependant, les deux répondantes estiment que dans le cas contraire, elles auraient probablement eu un accueil différent de la part des professionnels de la santé et des services sociaux. Gérald, quant à lui, affirme que même si son médecin connaît son origine culturelle, il n’est pas traité différemment pour autant et il a une bonne relation avec ce dernier : « Mon médecin il le sait parce que j’en ai parlé, (…) mais ça change rien pour lui » (Gérald).

Les autres participantes ont déjà vécu des expériences négatives avec un professionnel en raison de leur origine culturelle. Ces expériences sont la

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plupart du temps liées à l’expression de préjugés ou de stéréotypes à leur égard. Ces propos créent de l’irritation et de la colère chez les personnes qui en sont victimes. Voici l’expérience initiale de Fanny avec son médecin de famille.

« Moi, mon médecin de famille, au début je l’ai pas aimée […] Juste la manière qu’elle a vu mes enfants, comment ils s’habillaient “Hein! Ils ont des vêtements de marque tes enfants! ” Là, j’étais comme frue. Ça m’a choquée ce qu’elle me disait […] Pour elle, les femmes autochtones [qui habitent la Côte-Nord] priorisent la bière et la drogue à leurs enfants. Elle m’a dit ça. […] Elle nous mettait tous dans le même bateau. » (Fanny)

Si être traitées différemment est une réalité ressentie par les participantes, il leur est difficile de donner des exemples concrets de telles situations. La phrase qui revenait le plus souvent pour exprimer ce sentiment était : « Tu le sens tout de suite ». Souvent, c’est la manière d’être des professionnels qui les affecte : ils les sentent moins sympathiques et condescendants dans le ton de leur voix. Voici deux illustrations :

« Ils nous parlent comme en bébé, parce qu’on a un accent. On comprend le français. On a un accent, c’est tout. » (Ève)

« Mais lui [son bébé], il pleurait et moi je suis tellement fragile, je pleurais aussi. Elle m’a dit “Si t’es pas capable, sors dehors” […] Je suis restée, et là on dirait qu’elle pognait les nerfs, elle serrait très fort quand elle a mis mon soluté […] On était quatre dans la chambre et avec les autres, elle était full fine. » (Édith)

Finalement, il arrive aussi que ce soit les réceptionnistes qui changent d’attitude à la vue de la « carte autochtone ». Quelques participantes reçoivent parfois de petits commentaires ou se font lancer des regards qui les indisposent : « Ça m’est arrivé de voir des p’tites faces… ou de me faire sortir la face croche » (Yannick). Mélanie explique ces attitudes par la complexité

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des documents à remplir pour la clientèle autochtone en raison du programme fédéral de remboursement des services de santé non assurés. L’irritabilité des réceptionnistes pourrait donc être attribuable à la somme de travail qu’entrainent les services à la clientèle autochtone. Cette attitude n’en crée pas moins un malaise chez les personnes qui ont vécu cette situation.

En résumé, les participantes ont vécu des expériences variées avec les professionnels de la santé et des services sociaux non autochtones de la ville de Québec. Le fait de ne pas « avoir l’air Autochtone » est l’un des éléments soulevés par quelques participants pour expliquer leurs interactions positives avec leur professionnel de la santé. Ce fait est confirmé par les propos des participantes ayant des phénotypes associés aux Autochtones. La majorité a vécu des expériences négatives avec leur médecin ou intervenant pouvant se traduire par des préjugés ou des stéréotypes, une attitude condescendante et l’infantilisation. Ces manifestations sont parfois ressenties par les participantes comme des réactions maladroites : « C’était maladroit, ça manquait de tact. C’était pas professionnel de dire ça [en parlant d’une situation négative avec son médecin de famille » (Édith).

4.6.2. Connaissance générale des réalités autochtones des professionnels de la santé et des services sociaux du point de vue des participantes

Les recherches traitant de l’accessibilité des services de santé et sociaux pour la population autochtone vivant en milieu urbain soulèvent la connaissance générale des professionnels quant aux réalités autochtones comme étant un des facteurs pouvant l’influencer. Les Premières Nations seraient, de manière générale, à la recherche d’un professionnel ayant une sensibilité à leurs réalités. Dans le cadre de cette recherche, le discours des participantes quant aux connaissances qu’ont les professionnels de ces réalités a été exploré. La question suivante leur était posée : « Quelle connaissance les professionnels

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de la santé et des services sociaux ont-ils de l’histoire coloniale du Québec et de votre culture? ».

La plupart des participantes ont l’impression que les professionnels de la santé et des services sociaux ne connaissent pas l’histoire coloniale du Québec et des réalités culturelles autochtones: « Zéro puis une barre! C’est assez impressionnant en fait, ils n’ont aucune idée » (Mélanie). La présence de préjugés et de stéréotypes est l’aspect principal mentionné par les participantes pour justifier leur affirmation : « Je pense qu’il y a encore beaucoup de préjugés autant des côtés des services sociaux que de la population. Et les préjugés, ils viennent de l’ignorance. » (Nicole). Quelques participantes ont mentionné qu’elles avaient l’impression que les rencontres avec leurs intervenants étaient plus « compliquées » étant donné qu’il leur

fallait parfois contextualiser de manière culturelle leurs problèmes et « éduquer » les intervenants : « Il faut comme créer un lien de confiance avec

un inconnu et lui expliquer [être] Autochtone c’est quoi. » (Ève).

Toutefois, certaines participantes ont mentionné que depuis les dernières années, les professionnels de la santé et des services sociaux, et la population en général, sont un peu plus sensibilisés aux questions autochtones. Selon ces dernières, plusieurs évènements auraient contribué à faire connaitre les réalités autochtones tels que la Commission de vérité et réconciliation du Canada ainsi que le mouvement Idle no more. « De plus en plus, il a moins de préjugés […] Avec Idle no more, ça créée beaucoup de liens, […] les gens viennent plus [dans les communautés]…les Pow-Wow. Les gens viennent, mais il y a encore une réticence » (Nicole).

4.7. Améliorations possibles du système de santé et de services sociaux