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Toutes s’entendent pour dire qu’une plus grande sensibilisation aux réalités autochtones et même aux différentes cultures (approche multiculturelle),

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s’impose pour les professionnels de la santé et des services sociaux qui sont amenés à travailler avec des personnes d’horizons culturels divers : « J’aurais tendance à dire que ça prendrait un peu de conscientisation […] pour accepter l’autre comme il l’est. Je pense qu’une approche multiculturelle serait vraiment bénéfique pour tout le monde, incluant les communautés autochtones. » (Mélanie). Certaines participantes suggèrent que cette sensibilisation pourrait se faire par la mise en contact des Premières Nations et des non-Autochtones afin de briser les stéréotypes et les préjugés qu’ils entretiennent l'un envers l’autre. Ce rapprochement pourrait, entre autres, se faire pendant la formation.

Outre la conscientisation des professionnels de la santé et des services sociaux quant aux différentes réalités culturelles, l’empathie est une qualité que recherchent les participantes chez ces derniers : « J’ai parlé un peu plus avec ma médecin de famille et […] je trouvais qu’elle manquait d’empathie par rapport à mon problème […] J’avais vraiment plus envie de voir la résidente qui était vraiment très compatissante à mon endroit. » (Mélanie). Le développement d’une relation égalitaire, à l’image des cercles de parole à l’intérieur desquels il y a un échange entre les personnes, en est un autre : « J’ai bloqué un moment donné […] J’ai trouvé qu’il avait une attitude paternaliste, et moi je ne suis pas capable […] Chez nous, t’es égal à égal, mais je l’ai jamais senti dans cette relation-là. Je me sentais coincée, souvent. » (Mélanie).

La culture d’origine et le sexe du professionnel sont deux autres aspects soulevés par les participantes pouvant influencer leur expérience dans les services de santé et sociaux. Quelques participantes ayant fréquenté les organismes autochtones ont mentionné préférer avoir un intervenant allochtone ou provenant d’une autre nation que la leur, même si cette situation peut faire en sorte que le professionnel soit moins sensible à leur réalité culturelle. Cela leur assure une meilleure confidentialité étant donné

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que les communautés auxquelles elles appartiennent sont relativement petites et que le niveau d’interconnaissance est élevé : « T’aimes mieux avoir un peu de racisme […] au lieu que tout le monde sache » (Ève). Yannick, quant à lui, a mentionné préférer avoir un homme comme intervenant puisqu’il a constaté une nette amélioration de sa situation lorsque c’était le cas.

Deux aspects concernant l’organisation du travail ont aussi été soulevés par les participantes afin d’améliorer leur expérience dans le système de santé et de services sociaux allochtone : une meilleure disponibilité des professionnels ainsi que de la continuité des services. Par exemple, Yannick, qui était étudiant à l’époque, a rencontré une psychologue a plusieurs reprises. Lorsqu’il a décidé d’arrêter ces études, le suivi s’est lui aussi arrêté. Pourtant, il était encore en détresse. Il aurait souhaité une transition ou de l’accompagnement vers une autre ressource. Plusieurs participantes ont déploré la longueur des attentes pour certains services : « On va te mettre dans les attentes » (Fanny).

Finalement, diverses avenues ont été proposées afin que les services de santé et sociaux soient mieux adaptés à la réalité des Autochtones. L’une d’elles consiste à favoriser une meilleure accessibilité à l’éducation pour les Autochtones désirant poursuivre leurs études supérieures, mais qui doivent quitter leur communauté et déménager en milieu urbain. Ceci permettrait la formation d’un plus grand nombre de professionnels de la santé et des services sociaux autochtones. L’adoption par les professionnels de formes d’interventions alternatives, moins « formelles », comme la thérapie par le plein air, est une autre suggestion : « Au lieu de t’asseoir dans le bureau, tu vas marcher dans le bois, t’asseoir au bord de l’eau. Tu prends le temps qu’il faut » (Nicole). Quelques participantes ont mentionné qu’il serait intéressant

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d’avoir davantage d’interprètes pour accompagner les Premières Nations n’ayant pas le français ni l’anglais comme langue première.

Bref, la majorité des participantes est satisfaite des services de santé ou sociaux qu’elle reçoit dans la ville de Québec. Néanmoins, des améliorations sont possibles. Selon les discours des participantes à l’étude, les professionnels devraient avoir de l’empathie, miser sur une relation égalitaire, prendre en considération les différences culturelles, être disponibles et s’assurer que les services soient rendus avec continuité. Certaines propositions ont émergé pour favoriser ces améliorations, notamment sensibiliser les professionnels et futurs professionnels de la santé et des services sociaux aux différentes réalités culturelles, favoriser la formation de professionnels autochtones, intégrer davantage de méthodes « alternatives » d’intervention (ex. : thérapie par le plein air) et augmenter le nombre d’interprètes dans le réseau.

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CHAPITRE 5 Discussion

Cette recherche s’intéresse à l’utilisation du système de santé et de services sociaux allochtone chez la population autochtone vivant en milieu urbain, et ce, sous l’angle de ses rapports sociaux avec les professionnels. Les résultats démontrent que les participantes ont vécu différentes expériences à l’intérieur du réseau de la santé et des services sociaux québécois allant de la satisfaction à la perte de confiance envers les services. Cette section présente une discussion de résultats obtenus selon les objectifs de cette recherche qui sont de 1) documenter et comparer l’expérience des participantes à l’intérieur des services de santé et sociaux non autochtones et autochtones; 2) explorer les interactions entre les participantes et les professionnels; 3) mettre en lumière les éléments qu’elles recherchent lorsqu’elles utilisent le réseau de la santé et de services sociaux allochtone. Elle se veut une réflexion sur la satisfaction et les besoins des Autochtones vivant en milieu urbain quant à la prestation des services de santé et sociaux allochtones, et ce, dans une perspective d’amélioration continue des pratiques.

5.1. Comparaison des expériences à l’intérieur des services de santé et sociaux allochtones et autochtones

L’expérience générale des participantes à l’intérieur du système de santé et de services sociaux non autochtone comporte des éléments positifs et négatifs qui sont principalement liés à l’organisation du travail et à la continuité des services. Le programme fédéral de remboursement des services de santé non assuré (SSNA), l’enregistrement des établissements ou des professionnels à ce programme, les services de première ligne au CLSC ainsi que l’orientation et la référence par le médecin de famille sont les principaux aspects positifs soulevés spontanément par les participantes. Les listes d’attentes, la

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complexité des démarches au moment du transfert d’un professionnel ou d’un établissement à un autre, le manque de suivi, le cadre formel des rencontres, les séances « chronométrées » et le nombre élevé de clients par intervenant sont les aspects négatifs qui ont été mentionnés en premier lieu.

Il s’agit de résultats somme toute surprenants étant donné qu’ils vont à l’encontre de la littérature sur le sujet qui indique que les besoins et les insatisfactions des Autochtones envers le réseau de la santé et des services sociaux non autochtones se situent généralement dans les sphères professionnelle (savoir-faire) et relationnelle (savoir-être) (Benoit, Carroll et Chaudhry, 2003; Brown, 2005; Tang et Brown, 2008; DeVerteuil & Wilson, 2010; CCNSA 2011; RCAAQ, 2016). Qui plus est, plusieurs de ces insatisfactions se retrouvent dans la population générale, comme le démontre la recherche de l’Institut de la statistique du Québec (2008) intitulée Regard

croisé sur la satisfaction et les attentes des usagers à l’égard des services de santé et des services sociaux du Québec en 2006-2007. Ce constat soulève un

questionnement principal : est-il juste de parler de besoins spécifiques aux Premières Nations, Métis et Inuit? Tout comme le mentionne le RCAAQ (2008), les résultats démontrent que la population autochtone vivant en milieu urbaine est hétérogène sur plusieurs aspects, dont le niveau d’attachement à la culture et la tradition. Cet attachement influence la nature des besoins et des attentes de la population autochtone urbaine en matière de santé et de services sociaux étant donné que la question identitaire y joue un rôle important.

D’ailleurs, en comparant l’expérience des participantes, nous avons constaté que leur propos à l’égard des services exclusifs aux Autochtones sont plus variés que ceux concernant les services non autochtones. Sur cet aspect, précisons d’abord que trois participantes n’ont pas fréquenté les services exclusifs aux Autochtones. Deux d’entre elles connaissaient leur existence,

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mais le réseau québécois répondait déjà à leurs besoins. La moitié des participantes ayant fréquenté des organismes autochtones ont mentionné avoir eu une belle expérience à l’intérieur de ces derniers et les fréquentent encore au besoin. Les éléments qu’elles apprécient sont surtout d’ordre culturel (cercle de paroles, ateliers avec les aînés, etc.) et organisationnel (rythme moins formel des rencontres). Les autres ont mentionné ne pas avoir aimé leur expérience avec les services exclusifs aux Autochtones. Certaines se sont senties mal à l’aise devant la manière dont les employés les regardaient tandis que d’autres ont trouvé l’ambiance peu chaleureuse. Ces malaises ont d’ailleurs découragé les participantes à fréquenter ces organismes. Une des participantes a aussi mentionné préférer utiliser les services allochtones étant donné que les risques de croiser une connaissance sont moins élevés.

Il est possible de dégager trois points communs chez les participantes ayant fréquenté les ressources exclusives aux Autochtones : elles ont habité dans une communauté autochtone avant de venir s’établir à Québec, elles s’identifient à leur culture d’origine et elles ont vécu une arrivée marquée par un choc culturel (rythme de vie, langue, etc.). Il est difficile de dégager une tendance générale quant aux facteurs intervenant sur l’expérience avec les différents services. Néanmoins, la notion identitaire semble jouer un rôle important sur l’utilisation des derniers. Les participantes qui utilisent les services exclusifs aux Autochtones ne sont pas nécessairement à la recherche de pratiques spécifiques à leur culture, même s’il s’agit d’un aspect apprécié. Elles souhaitent plutôt avoir accès à un endroit sécurisant où elles ne se sentent pas jugées et stigmatisées.

5.2. Interactions entre les participantes et leurs professionnels de la