• Aucun résultat trouvé

L'utilisation du système de santé et des services sociaux non autochtones chez la population autochtone vivant en milieu urbain

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'utilisation du système de santé et des services sociaux non autochtones chez la population autochtone vivant en milieu urbain"

Copied!
110
0
0

Texte intégral

(1)

L’utilisation du système de santé et des services

sociaux non autochtones chez la population autochtone

vivant en milieu urbain

Mémoire

Kiliane Vallée

Maîtrise en service social

Maître en service social (M. Serv. Soc.)

Québec, Canada

© Kiliane Vallée, 2018

(2)

L’utilisation du système de santé et des services

sociaux non autochtones chez la population autochtone

vivant en milieu urbain

Mémoire

Kiliane Vallée

(3)

iii Résumé

Ce mémoire s’intéresse à l’utilisation du réseau de la santé et des services sociaux chez la population autochtone vivant en milieu urbain. Les études sur le sujet démontrent qu’il existe des inégalités sociales chez cette population se traduisant, entre autres, par une difficulté d’accès à ces services. Le manque de services culturellement adaptés ainsi que la présence de discrimination chez les prestataires de services de santé et sociaux sont les deux principaux facteurs soulevés dans la littérature scientifique envers cette problématique. Dans un discours culturaliste, les particularités culturelles des Premières Nations, Métis et Inuit sont mises de l’avant pour l’expliquer. Cette étude propose un regard différent sur la question en examinant l’expérience des Autochtones sous l’angle de leurs rapports avec les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux. De quelles manières se sentent-ils perçus par ces derniers? Quels sont les impacts de ces impressions sur leur expérience et l’utilisation des services? Les résultats démontrent que les Autochtones vivent différemment leur expérience allant de la satisfaction à la perte de confiance envers les services reçus. Toutefois, les éléments négatifs soulevés spontanément par les participantes sont davantage d’ordre organisationnel que relationnel. Les Autochtones qui ont participé à ce mémoire sont néanmoins à la recherche de professionnels empathiques et de relations égalitaires.

(4)

iv Summary

This research focuses on the use of health and social services by the Aboriginal peoples living in urban areas. Studies on the subject show that there are social inequalities in this population, which results, among other things, in a difficulty in accessing these services. The lack of culturally appropriate services and the presence of discrimination among providers are the two main factors raised by the scientific literature about this issue. In a culturalist approach, the cultural peculiarities of First Nations, Métis and Inuit are put forward to explain it. This study offers a different take on the issue by examining the experience of First Nations people in terms of their relationships with professionals in the health and social services. In what ways do they feel perceived by them? What are the impacts of these impressions on their experience and use of services? The results show that First Nations people experience different experiences, ranging from satisfaction to loss of confidence in the services received. However, the negative elements spontaneously raised by the participants are more often organizational than relational. The First Nations people who participated in this thesis are looking for empathic professionals and egalitarian relationships.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii Summary ... iv Remerciements ... viii Introduction ... 1 CHAPITRE 1 ... 4 1.1. Contexte historique ... 4

1.1.1. Des premiers contacts à la Nouvelle-France ... 5

1.1.2. Conquête britannique : Transformation des rapports ... 8

1.1.3. Autonomie gouvernementale et transfert des responsabilités .... 10

1.1.4. Luttes identitaires et l’ère de la réconciliation ... 12

1.2. Population autochtone vivant en milieu urbain ... 15

1.2.1. Accroissement de la population autochtone vivant en milieu urbain ... 15

1.2.2. Conditions socioéconomiques et besoins spécifiques des Autochtones vivant en milieu urbain ... 16

1.2.3. Accès au système de santé et de services sociaux allochtone .... 17

1.2.4. Services culturellement adaptés et sécurisants ... 18

1.2.5. Racisme et discrimination ... 20

1.2.6. Limites des études ... 22

CHAPITRE 2 ... 24 Perspective théorique ... 24 2.1. L’interactionnisme symbolique ... 24 2.2. L’expérience ... 25 2.2. La représentation sociale ... 26 2.4. La stigmatisation sociale ... 27

2.5. Pertinence sociale et scientifique ... 29

CHAPITRE 3 ... 31

La méthodologie ... 31

(6)

vi

3.2. Type de recherche ... 32

3.3. Population et échantillon ... 32

3.4. Mode de collecte et d’analyse des données... 34

3.5. Les aspects éthiques ... 36

3.5.1. Consentement éclairé et droit de refus ... 37

3.5.2. Confidentialité ... 37

3.5.3 Enjeux éthiques ... 38

CHAPITRE 4 ... 41

Les résultats ... 41

4.1. La description des participantes ... 41

4.2. L’intégration à la communauté allochtone ... 48

4.3. Les services sociaux et de santé utilisés en milieu urbain ... 50

4.4. Expérience générale du système de santé et de services sociaux non autochtone ... 52

4.4.1. Expériences positives et éléments appréciés ou recherchés ... 52

4.4.2. Expériences négatives et éléments dépréciés ... 55

4.5. Expérience générale des ressources de santé et de services sociaux autochtones ... 58

4.6. Interactions entre les professionnels non autochtones et les participantes ... 62

4.6.1. Attitudes des professionnels de la santé et des services sociaux non autochtones ... 62

4.6.2. Connaissance générale des réalités autochtones des professionnels de la santé et des services sociaux du point de vue des participantes ... 64

4.7. Améliorations possibles du système de santé et de services sociaux allochtone ... 65

CHAPITRE 5 ... 69

Discussion ... 69

5.2. Interactions entre les participantes et leurs professionnels de la santé et des services sociaux non autochtones ... 71

5.3. Attentes des participantes à l’égard des professionnels du réseau de la santé et des services sociaux allochtones... 73

(7)

vii

5.4. Les pistes pour la recherche ... 75

5.5. Les pistes pour l’intervention ... 76

Conclusion ... 78

Bibliographie ... 80

Annexe 1 : Annonce de recrutement ... 86

Annexe 2 : Guide d’entrevue individuelle ... 87

Annexe 3 : Guide discussion de groupe ... 89

Annexe 4 : Consentement individuel ... 92

Annexe 5 : Consentement discussion de groupe ... 97

Annexe 6 : Ressources ... 101

Tableau 1. La classification des thèmes et des sous-thèmes selon les objectifs de la recherche ... 36

Tableau 2. La nation et la communauté autochtone d’origine des participantes ... 43

Tableau 3. Les motivations migratoires ainsi que le nombre d’années d’établissement dans la région de Québec des participantes ... 44

Tableau 4. Services de santé et sociaux utilisés depuis leur arrivée à Québec... 51

Tableau 5. Éléments appréciés et critiqués au sein du réseau de la santé et de services sociaux non autochtone de la ville de Québec ... 58

(8)

viii

Remerciements

Durant mon baccalauréat en anthropologie sociale et culturelle, j’ai développé un intérêt particulier pour la recherche relative aux Autochtones du Québec. Désireuse de travailler avec et pour les Premières Nations, Métis et Inuit, j’ai entrepris une maîtrise en service social afin de me doter d’outils supplémentaires. J’ai énormément anticipé mon accueil dans le milieu autochtone étant donné ma propre origine culturelle, mais aussi du chapeau de « chercheure » que je revêtais. Néanmoins, les personnes avec lesquelles j’ai eu le privilège de collaborer, participantes et acteurs clés, ont fait preuve d’une grande ouverture et de générosité à mon égard. Ce mémoire n’aurait jamais été possible sans eux et c’est pour cette raison que je les remercie du fond de mon cœur de leur contribution à cette recherche.

Un tel projet ne peut se réaliser sans l’aide d’un directeur de maîtrise qui nous guide et encourage tout au long de ce long processus. Monsieur Daniel Turcotte, je vous remercie pour votre patience ainsi que vos judicieux conseils. Vous avez su respecter mon rythme de travail et mettre de l’ordre dans mes idées. Travailler avec vous a été un réel plaisir et je suis très fière du résultat de notre collaboration.

Finalement, je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont supportée de près ou de loin durant cette maîtrise. Famille, amis et collègues de travail, vous avez été la petite étincelle de bonheur dans les moments plus difficiles. Un merci spécial à Anissa Vallée et Philippe Gauthier, mes réviseurs linguistiques, mais aussi mes deux meilleurs complices.

(9)

1

Introduction

L’un des phénomènes actuels concernant les populations autochtones du Québec est l’augmentation de leur présence en milieu urbain. Plusieurs facteurs expliquent cette « migration urbaine », dont la recherche d’une meilleure qualité de vie. Bien que plus marquée au cours des dernières années, cette présence dans les villes n’est pas nouvelle comme en témoigne l’existence depuis plus de 30 ans des Centres d’amitié autochtone. Ces organismes ont pour mission « d’améliorer la qualité de vie des citoyens dans les villes, de promouvoir [leur] culture et de favoriser le rapprochement entre les peuples » (Regroupement des centres d’amitié autochtone (RCAAQ), 2016: 7). La présence des Centres d’amitié autochtone démontre qu’il existe des besoins spécifiques chez cette population qui connaît des conditions socioéconomiques précaires généralement marquées par une espérance de vie inférieure, un taux de chômage élevé, la pauvreté et l’itinérance.

Les conditions socioéconomiques des Autochtones vivant en milieu urbain et les besoins qui en résultent soulèvent des questions sur l’accessibilité aux services sociaux et de santé dispensés par les non autochtones. Ces services sont-ils accessibles aux Autochtones ? Sont-ils utilisés par eux? Selon la littérature scientifique sur le sujet, les services de santé et les services sociaux québécois sont difficiles d’accès pour les Premières Nations, Métis et Inuit. Cette difficulté résulterait, entre autres, d’un manque de services culturellement adaptés et sécurisants ainsi que de discrimination de la part des professionnels de la santé et des services sociaux. Ces facteurs influenceraient de manière négative l’expérience des Autochtones et les décourageraient à fréquenter le réseau de la santé et des services sociaux.

Ces constats sur les difficultés d’accès s’insèrent généralement dans un discours culturaliste où l’accent est mis sur les particularités culturelles des

(10)

2

Autochtones. Tout en reconnaissant qu’il existe certaines différences culturelles, cette recherche propose plutôt d’examiner ce problème sous un angle socioconstructiviste, en le posant comme étant social, non seulement culturel. Cela étant, ce mémoire s’intéresse à l’expérience des Autochtones de la ville de Québec dans leur utilisation des services de santé et sociaux non autochtones. Il porte plus spécifiquement sur leurs interactions avec les professionnels de la santé et des services sociaux et sur les facteurs pouvant influencer cette interaction.

Ce mémoire est divisé en six chapitres. Le premier chapitre fait un bref rappel historique de la construction des rapports sociaux entre Autochtones et Allochtones. Il présente également l’état actuel de la population autochtone vivant en milieu urbain et sa fréquentation du système de santé et des services sociaux. Il établit aussi la pertinence sociale et scientifique de cette recherche. Le deuxième chapitre explique la théorie sur laquelle repose cette recherche, soit celle de l’interactionnisme symbolique, et les concepts qui ont été utilisés afin d’examiner l’utilisation du réseau de la santé et des services sociaux chez les Premières Nations, Métis et Inuit vivant en milieu urbain. Trois concepts ont été retenus : celui de l’expérience, étant donné que l’on veut faire ressortir les émotions, sentiments et impressions des Autochtones à l’égard des professionnels, ceux de la représentation et de la stigmatisation

sociale comme facteurs déterminants de l’expérience. S’ensuit la présentation

de l’approche et du type de recherche utilisés, la population à l’étude, l’échantillonnage et la méthode de collecte de données. Finalement, on retrouve la présentation des résultats au chapitre 5 ainsi qu’une discussion portant sur ces derniers au chapitre 6.

Les Autochtones de cette recherche ont connu des expériences variées à l’intérieur du réseau de la santé et des services sociaux allant de la satisfaction à la perte de confiance. De manière générale, leurs mauvaises

(11)

3

expériences se situent davantage au plan de l’organisation des services plutôt qu’au plan relationnel. Néanmoins, les participantes sont à la recherche de professionnels empathiques et de relations égalitaires. Plusieurs suggestions sont apportées afin d’améliorer l’expérience des Autochtones dans le réseau de la santé et des services sociaux telles que favoriser l’accès à une meilleure éducation afin de former des professionnels autochtones, sensibiliser les professionnels aux différentes réalités culturelles afin de déconstruire les préjugés et les stéréotypes, adopter des modes d’interventions alternatifs comme la thérapie en plein air et l’augmentation du nombre d’interprètes dans le réseau.

(12)

4

CHAPITRE 1

1.1. Contexte historique

La première partie de ce chapitre présente les contextes historiques et contemporains dans lesquels se sont développés et se construisent les rapports sociaux, culturels et politiques entre les Autochtones et les Euro-Canadiens. Cette présentation permet d’avoir une meilleure compréhension de l’expérience des Autochtones dans le réseau de la santé et de services sociaux allochtones : « Il faut d’abord comprendre comment se sont construites historiquement les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones […] étant donné que les caractéristiques de cette rencontre influencent encore aujourd’hui la contemporanéité de la profession [du service social] » (Lemay, 2011; 13). Dresser un portrait de cette histoire demeure une entreprise complexe étant donné qu’il existe plusieurs versions reposant chacune sur les motivations du groupe d’intérêt qui la raconte (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013). Ce survol historique cherche néanmoins à poser un regard nuancé sur la rencontre entre les Premières Nations et les Européens.

Puisque les sources historiques valorisées par les intellectuels de l’époque étaient les documents écrits, surtout les carnets de voyage des explorateurs et les rapports des missionnaires ou des marchands, l’histoire du pays a longtemps été racontée à partir des premiers contacts entre Autochtones et Européens, en plus d’être teintée par les motivations coloniales et marchandes de l’époque (Cook, 2013). Depuis quelques années, les sources utilisées se sont diversifiées et c’est au travers de la tradition orale autochtone ainsi que par les découvertes archéologiques qu’une histoire canadienne plus complète a été racontée (Cook, 2013; Tremblay, 2013). Néanmoins, c’est cette rencontre et la cohabitation entre les Premières Nations et les Allochtones sur le territoire canadien qui seront décrites dans

(13)

5

la première partie de ce chapitre étant donné que ce sont les interactions entre ces deux groupes culturels qui sont mises de l’avant dans le cadre de cette recherche.

Dans ce document, le terme « Autochtone » fait référence aux personnes issues des peuples des Premières Nations, Métis et Inuit qu’elles soient inscrites ou non au Registre des Indiens1. Le terme « Autochtone vivant en

milieu urbain » fait référence aux Autochtones vivant en dehors de leur communauté d’origine, et ce, dans une région urbaine du Québec ou du Canada.

1.1.1. Des premiers contacts à la Nouvelle-France

Le premier voyage2 de Jacques Cartier (1534) dans le Nouveau Monde avait

une visée exploratoire, s’intéressant davantage aux ressources naturelles qu’à la colonisation du territoire (Morissette, 2012; Tremblay, 2013). Une année seulement après avoir mis le pied sur le continent, Cartier repartit vers l’Europe en raison de relations tendues avec les Iroquois, mais aussi à cause d’un hiver ardu et de la maladie. Il amena avec lui plusieurs « prisonniers » autochtones, pour finalement revenir en 1541 dans l’optique cette fois-ci de coloniser le territoire. Ce fut cependant sans succès (Tremblay, 2013). Il faudra attendre quelques décennies plus tard avant qu’une autre tentative soit effectuée par Samuel de Champlain (1603).

1.Le Registre des Indiens est le répertoire officiel des Autochtones « inscrits » auprès du gouvernement fédéral à titre d’Indiens selon les termes de la Loi sur les Indiens. Plusieurs individus ne sont pas inscrits à ce registre, mais se reconnaissent tout de même comme Autochtones. Ces derniers n’ont toutefois pas accès aux droits qui se rattachent au statut d’Indien (Affaires autochtones et du Nord Canada, 2011).

2 Les premiers contacts entre les Autochtones et les Européens remontent bien avant l’arrivée

de Jacques Cartier à Stadaconé (1535). Ils se sont déroulés principalement dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent. Les Autochtones y pratiquaient la chasse aux phoques et les Européens, la pêche à la morue et la chasse à la baleine : « La région du golf baignait dans une ambiance de contact culturel » (Tremblay, 2013; 47).

(14)

6

La majorité des écrits confirment que ce sont les notions d’alliances (commerciales et militaires) et de collaboration qui ont marqué les relations entre les colonisateurs français et les Premières Nations (Lepage, 2009; Morissette. 2012; Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013). Toutefois, ces alliances étaient stratégiques et s’inséraient dans une logique coloniale où trois groupes d’acteurs tentaient de tirer leur épingle du jeu : les dirigeants la métropole française, les missionnaires ainsi que les marchands (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013; Gohier, 2013). C’est donc dans un contexte marqué par des luttes de pouvoir que se sont construits les rapports sociaux entre Autochtones et colonisateurs français (Beaulieu, 2013).

Une « politique indienne de médiation » a été mise en place au milieu du 17e

siècle par les administrateurs français afin d’encadrer ces rapports, reconnaissant entre autres les alliances commerciales et militaires conclues avec les Premières Nations (Gohier, 2013). Même s’il existait encore des tensions entres les colons français et les Iroquois, les conflits prirent fin en 1701 avec la Grande Paix de Montréal : « Une quarantaine de nations amérindiennes, dont les Iroquois, conclurent la paix et s’engagèrent à remettre dorénavant tous leurs différends à la médiation du gouverneur français » (Harvard cité par Gohier, 2013 : 116). L’objectif de cette politique, qui était d’accroître le commerce des fourrures sur le territoire en assurant la protection des parties prenantes, autochtones et européennes, fut atteint :

Cette activité [la traite des fourrures] exigeait la collaboration et le bon voisinage avec les trappeurs et les commerçants amérindiens […] Les explorations, la découverte du territoire et de ses ressources n’auraient pu être réalisées sans la contribution des Autochtones (Lepage, 2009 : 3-7).

(15)

7

Durant les mêmes années, la réforme protestante menaça l’influence de l’Église catholique en Europe et cette dernière décida de prendre part aux explorations afin de convertir les « sauvages » et ainsi élargir ses rangs et rétablir son autorité en Occident (Gohier, 2013). C’est par l’intermédiaire d’une idéologie évolutionniste3 que les représentants religieux validaient

l’activité des Jésuites sur le continent: « Les missionnaires tiraient profit de l’idée selon laquelle les Amérindiens étaient des sauvages non civilisés pour légitimer une tutelle qui leur servait à accroître leur pouvoir dans la société coloniale » (Gohier, 2013 : 120). L’Église créa des missions à l’intérieur des petits regroupements autochtones provenant de la région des Grands Lacs afin d’y enseigner la religion, tout en ayant comme motivation « cachée » l’acquisition de droits fonciers sur le territoire (Morissette, 2012; Gohier, 2013).

La monarchie française, qui s’inquiétait du pouvoir grandissant de l’Église, adopta en 1663 une politique de « francisation » afin de raviver son autorité. Elle avait comme objectif d’inculquer les coutumes et pratiques françaises aux Premières Nations (Gélinas, 2013). Pour ce faire, les administrateurs français incitèrent les Autochtones à venir s’établir près des colonies. Une quinzaine d’années plus tard, cette stratégie politique fût abandonnée étant donné que les colons français adoptaient la plupart du temps le mode de vie des Autochtones : « Les emprunts culturels étaient si nombreux que les ‘‘agents’’ coloniaux français expédiaient souvent à Versailles des lettres chargées de plaintes à propos de l’indiscipline des Canadiens et leur tendance à vouloir adopter un mode de vie jugé proche des populations indiennes qu’ils côtoyaient » (Martin cité par Gélinas, 2013 : 180).

3 Les Premières Nations qui parcouraient le territoire à cette époque ne se fréquentaient pas

les unes aux autres, mais il existait des activités traditionnelles et sociales entre les membres d’une même nation qui « se déroulaient selon des rythmes saisonniers et des déplacements quasi identiques chaque année sur le territoire d’appartenance » (Morisette, 2012; 52). Contrairement au discours de l’époque, les nations autochtones étaient organisées socialement et avaient une structure politique qui lui était propre (Lepage, 2009).

(16)

8

Même si les discours politique et religieux de l’époque traçaient une image peu flatteuse des Autochtones, il en allait autrement sur le terrain puisque les colons français adoptaient leur mode de vie. Il existait une forte mixité culturelle s’expliquant, entre autres, par l’absence de femmes dans les colonies françaises (Morissette, 2012). Comme le mentionne Lepage (2009), les échanges culturels étaient réciproques; les Autochtones se sont mis à utiliser le métal pour fabriquer leurs outils et à pratiquer la religion catholique alors que les colons français adoptaient des pratiques autochtones. Néanmoins, c’est durant cette époque que l’image du « sauvage » s’ancra dans l’imaginaire collectif.

1.1.2. Conquête britannique : Transformation des rapports

La Conquête britannique eut d’importantes répercussions sur les relations entre les Autochtones et les colons français, instaurant entre autres un réel rapport de pouvoir « colonisateur/colonisé » : « La tutelle britannique remplaça peu à peu la diplomatie et les alliances, favorisant un enfermement à la fois physique et culturel des peuples autochtones dans un carcan de plus en plus rigide » (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013; 17).

La prise de Montréal, en 1760, par les Anglais marqua la fin de la guerre de Sept ans durant laquelle les colons français avaient alimenté les tensions entre les Autochtones et les colons anglais afin de ralentir leur ascension sur le territoire (Gohier, 2013). Pour faire cesser les attaques contre ses colonies et pour inciter les Autochtones à prendre les armes contre la monarchie française, l’Empire britannique proposa un accord aux Premières Nations du Saint-Laurent (Ibid). En échange de leur retrait dans le conflit militaire, elle leur promit la protection de leur terre, l’autorisation de pratiquer la religion catholique et les « mêmes privilèges que sous le Régime français » (Gohier, 2013 : 176). Les Autochtones acceptèrent cette entente en affirmant leur

(17)

9

neutralité dans le conflit (Lepage, 2009 : 5) et celle-ci fut scellée par deux traités et la création du département des « Affaires indiennes » dirigé par la Couronne britannique. Sous le couvert de la « protection » des intérêts autochtones, cette politique permit à la Couronne d’accroître son contrôle sur le territoire. De plus, les promesses qui avaient été faites aux Premières Nations n’ont jamais été honorées créant ainsi de l’insatisfaction chez ces dernières : « L’objectif du département des Affaires indiennes était moins de « protéger » réellement les Amérindiens que d’assurer le maintien de son autorité auprès d’eux » (Gohier, 2013 : 14). Cette entente fût incluse dans la première constitution du pays, la Proclamation royale (1763), et transforma profondément les rapports entre les Autochtones et les non-Autochtones (Lepage, 2009). Bien que celle-ci fût abolie, les articles concernant les populations autochtones ont, quant à eux, été maintenus jusqu’à ce jour (Ibid).

Cette entente transforma les rapports entre les Autochtones et les non-Autochtones par l’émergence d’un nouveau discours politique, soit celui selon lequel les Premières Nations, en raison de leurs particularités culturelles, ne parvenaient pas à défendre leurs propres droits et intérêts (Gohier, 2013). Le département des Affaires indiennes véhicula cette image afin de légitimer la présence d’agents dans les communautés : « Graduellement, les Affaires indiennes s’imposèrent comme un intermédiaire incontournable entre les autorités supérieures de l’état et les Amérindiens, plaçant ces derniers dans une situation de tutelle croissante » (Gohier. 2013 : 125).

À la suite de la signature de la paix entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, l’importance du département déclina peu à peu. Cette dernière ne voyait plus l’utilité des alliances militaires autochtones qui lui étaient très coûteuses (Gohier, 2013). Voyant leur pérennité menacée, les agents des Affaires indiennes s’affairèrent à trouver une nouvelle stratégie afin d’assurer

(18)

10

leur survie. Ils soulevèrent le fait qu’en raison de la politique de protection, les Autochtones étaient tombés dans une forme de dépendance et de sous-développement et que la Couronne avait la responsabilité de mettre en place des mesures afin d’améliorer leurs conditions de vie (Ibid). Sous le couvert de l’émancipation, le département proposa à la Couronne d’assimiler les Premières Nations aux us et coutumes anglaises (Milloy cité par Gohier, 2013). La Couronne adopta cette proposition en y voyant un moyen de faire des économies substantielles et mit en place une politique de « civilisation » (Ibid).

1.1.3. Autonomie gouvernementale et transfert des responsabilités

Au milieu du 19e siècle, les colonies anglaises prirent une distance politique

avec la métropole par la mise en place d’une assemblée législative (Canada-Uni) et devinrent, en 1867, un pays à part entière obtenant ainsi son autonomie gouvernementale (Morissette, 2012 : Gohier, 2013). La responsabilité que possédait le département des Affaires indiennes quant à la « gestion » des Autochtones fut transférée au gouvernement fédéral canadien.

Durant cette période, l’industrie forestière se tailla une place de choix dans l’économie canadienne, diminuant par le fait même celle de la traite des fourrures (Morissette, 2012). Les Autochtones, qui avaient perdu leur position stratégique d’alliés militaires et commerciaux, furent de plus en plus perçus par le gouvernement fédéral comme un obstacle au développement économique du pays en raison de leur occupation du territoire (Lepage, 2009; Morissette, 2012). En 1876, le gouvernement adopta la Loi sur les Indiens qui avait comme objectif « caché » l’assimilation complète des Premières Nations à la culture occidentale. Des mesures concrètes, comme le Registre des Indiens et la création des réserves et des pensionnats4, ont été mises en place afin

4

Selon les estimations du gouvernement fédéral, c’est 150 000 Autochtones qui auraient connu les pensionnats (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015).

(19)

11

d’accélérer le processus entamé sous la politique de « civilisation » (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015). Cette loi, s’inspirant de la Proclamation royale (1763), réitérait la responsabilité de « protection » du gouvernement fédéral envers les communautés autochtones et légitimait par le fait même une tutelle de plus en plus grandissante : « Au nom de la protection, on se permettra de décider ce qui est bien pour eux » (Lepage, 2009; 21). Toujours en vigueur aujourd’hui, la Loi sur les Indiens a connu plusieurs amendements, mais la clause concernant l’émancipation5 ne

fut abolie qu’en 1984 (Lepage, 2009) et le dernier pensionnat financé par le gouvernement fédéral fut fermé à la fin des années 90 (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015). Ces mesures ont créé une forme d’exclusion sociale, politique et économique chez la population autochtone qui était dorénavant perçue comme « pupille de l’État ». D’ailleurs, le Québec est la dernière province canadienne ayant reconnu le droit de vote aux Autochtones en 1969 (Lepage, 2009).

Les Autochtones se sont fortement opposés à cette assimilation (Gélinas, 2013): « Malgré les mesures coercitives adoptées par le gouvernement, celles-ci n’ont pas réussi à atteindre leur objectif de la politique […] Les Autochtones ont refusé de renoncer à leur identité » (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015; 6). Néanmoins, cette période laissa de profondes séquelles physiques, psychologiques et sociales chez les Autochtones ainsi que de la colère et de la méfiance envers les non-Autochtones. Cette période renforça également l’idée selon laquelle les Premières Nations étaient moins « évoluées », voire inférieures, que les Occidentaux.

5 Ce sont plus de 13 000 Autochtones qui ont été « émancipés » volontairement ou

(20)

12

1.1.4. Luttes identitaires et l’ère de la réconciliation

La création du Canada en 1867 ainsi que l’émigration de plusieurs d’entre eux vers les États-Unis inquiéta les Canadiens français désireux d’administrer eux-mêmes leurs colonies selon leurs propres coutumes. Jusqu’à présent, ils avaient été peu touchés par la Conquête Britannique (Lepage, 2009; Gélinas, 2013) : « Une des menaces qui, à leurs yeux planaient sur cette identité, était la proximité que les Canadiens anglais, les Américains et les Européens établissaient entre la culture canadienne-française et la culture autochtone » (Gélinas,2013; 181). Pour contrer cette menace, les Franco-Européens se sont efforcés de maintenir une distance avec les populations autochtones, du moins en apparence, en les évacuant de leur histoire nationale et les dépeignant en opposition avec leur propre culture (ex. : barbare/civilisé) (Ibid): « Jusqu’aux années 1960, les manuels d’histoire diffusés dans les écoles véhiculaient une image peu reluisante des peuples autochtones » (Lepage, 2009; 9). Toutefois, la mise en place des « réserves indiennes » a eu pour effet de créer une réelle distance entre les deux cultures (Morissette, 2012). Les années 90, avec la crise d’Oka6, furent déterminantes

sur les relations entre Autochtones et non-Autochtones; elles renforcèrent une représentation négative des Autochtones dans l’imaginaire collectif québécois (Lepage 2009). Il est possible d’affirmer qu’à la fin du 20e siècle, les

relations entre Autochtones et non-Autochtones du Québec étaient à leur plus bas : « Une grogne populaire s’en est suivie atteignant probablement un sommet vers le milieu des années 1990 » (Lepage, 2009; 1).

Durant les années 70, les leaders autochtones ont commencé à dénoncer publiquement la situation de « misère » dans laquelle le gouvernement fédéral les avait plongés ainsi qu’à sensibiliser le public à leurs réalités (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015). Ces dénonciations avaient

6 Conflit entre la communauté de Kanesatake et la municipalité d’Oka désireuse d’agrandir son terrain de golf.

Les Autochtones de cette communauté se sont mobilisés contre ce projet qui empiétait, entre autres, sur leur cimetière. Cette crise a duré 78 jours et a été fortement médiatisée au détriment des Mohawks (Trudel, 2009).

(21)

13

pour objectif de faire avancer leurs revendications politiques orientées vers la reconnaissance de leurs « droits ancestraux et [leurs] droits issus des traités, un meilleur partage de richesse tirée de l’exploitation de leurs terres traditionnelles ainsi qu’un véritable engagement du gouvernement afin d’améliorer leur condition de vie au sein de leurs communautés » (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013; 15). Leurs efforts furent en partie récompensés. Par exemple, une commission royale (1996) sur les peuples autochtones fut tenue. Elle recommanda au gouvernement fédéral de mettre en place des mesures de réconciliation. Mais plusieurs d’entre elles n’ont jamais été prises en compte. Néanmoins, cette commission eut pour effet de sensibiliser le public aux réalités autochtones qui étaient de plus en plus médiatisées (Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 2015). En 2011, une autre commission, celle de vérité et réconciliation, fut mise en place afin de dénoncer les sévices subis par les Autochtones ayant connu l’époque des pensionnats (Ibid). Présentement, à la suite de plusieurs mobilisations autochtones, une enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées est menée par le gouvernement fédéral (Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones, 2014). Tous ces exemples récents démontrent une certaine ouverture de la part du gouvernement fédéral quant aux questions relatives aux Autochtones. La présence de non-Autochtones aux mobilisations et manifestations autochtones indique que de plus en plus de citoyens sont interpellés par ces enjeux. Il existe aussi des organismes, comme le Cercle Kisis de Québec, qui tentent de promouvoir la culture autochtone et le rapprochement entre les cultures : « Depuis quelques décennies déjà, des voix s’élèvent, tant dans le monde autochtone que dans la société québécoise, pour critiquer cet héritage et pour proposer de nouveaux modèles de cohabitation et de partage des ressources » (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013; 18).

(22)

14

Ce résumé historique suggère que les rapports sociaux, culturels et politiques entre Autochtones et non-Autochtones du Québec ont déjà été moins malencontreux à l’époque de la Nouvelle-France, mais ceux-ci s’inséraient tout de même dans une logique coloniale et étaient stratégiques (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013; Gohier, 2013). Le système colonial mis en place sous le régime britannique, les luttes de pouvoir entre les différents groupes d’acteurs présents sur le territoire, les transformations liées à l’économie du pays, les alliances militaires et finalement les enjeux identitaires des Canadiens français en tant que minorité culturelle ont transformé ces rapports. Une distance s’est créée entre les Autochtones et les Allochtones, distance qui a été renforcée par des discours politiques antagonistes, des représentations peu flatteuses des Autochtones et une méfiance réciproque :

La réalité des Autochtones au Québec est donc loin d’être uniforme, tant sur le plan culturel que dans le domaine juridique et politique. Ces derniers partagent néanmoins un lourd héritage colonial, qui encore aujourd’hui marque leurs rapports à la société allochtone ainsi que la réalité quotidienne des communautés. (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2013; 24)

Même si plusieurs initiatives ont été entreprises au cours des dernières années afin de faire valoir les droits Autochtones, mais aussi le rapprochement entre les deux groupes culturels, beaucoup de travail reste à faire : « Entrevoir un avenir commun dans la paix et l’harmonie est une pensée bien noble, mais entre Autochtones et Québécois, le plus grand obstacle demeure la méconnaissance » (Lepage, 2009; 3).

(23)

15

1.2.

Population autochtone vivant en milieu urbain

Les Autochtones vivant en milieu urbain constituent un segment de la population québécoise qui connaît depuis quelques années un essor démographique important. À l’aide d’une recension des écrits scientifiques, cette partie documente ce phénomène ainsi que les conditions socioéconomiques de cette population, son accessibilité au système de santé et de services sociaux allochtone et les facteurs culturels et sociaux pouvant intervenir sur celle-ci.

1.2.1. Accroissement de la population autochtone vivant en milieu urbain En 2015, la population autochtone du Québec s’élevait à environ 105 000 personnes, ce qui représente un peu plus de 1 % de la population québécoise, et était répartie à l’intérieur de onze nations reconnues par l’Assemblée nationale : Abénaquis, Algonquins, Attikameks, Cris, Huron-Wendat, Innus, Malécites, Micmacs, Mohawks, Naskapis et Inuit (Statistiques Canada, 2015). Les données les plus récentes indiquent qu’en 2006, environ 60 % des Autochtones du Québec vivait en milieu urbain (Lévesque & Cloutier, 2013). Ces nombres sont considérés comme une sous-estimation de la situation réelle, puisqu’ils n’incluent pas les Métis et les « Indiens non inscrits » au registre officiel que certains qualifient de « population flottante ». Cette dernière compterait entre 15 000 et 25 000 individus (Ibid). En prenant en considération ce chiffre, la population autochtone vivant en milieu urbain s’élevait à plus de 80 000 personnes en 2006 et se retrouvait principalement dans les régions de Montréal et Québec (Ibid).

Depuis les années 1980, la présence des Autochtones s’est accrue considérablement dans plusieurs régions urbaines du Québec : Montréal, Québec, Trois-Rivières, Gatineau, Baie-Comeau, Val-d’Or et Saguenay (Lévesque & Cloutier, 2013). Selon le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations (CGIPN) (2012) et le Regroupement des centres d’amitié

(24)

16

autochtones du Québec (RCAAQ) (2016), cette augmentation est due à la migration des Autochtones vers la ville. Les deux principaux motifs migratoires sont la poursuite d’études et l’employabilité : « L’étude sur les Autochtones vivant en milieu urbain (ÉAMU), menée par l’Environics Institute (2010), désigne la ville comme un véritable lieu de développement, d’expression et d’émancipation des cultures autochtones ». Il existe donc une présence autochtone importante dans les villes du Québec qui est caractérisée par une certaine mobilité, c’est-à-dire par des allers-retours entre la communauté d’origine et le milieu urbain. Les principaux facteurs influençant le retour dans les communautés sont d’ordre familial et culturel; la majorité des Autochtones entretiennent un lien fort avec leur communauté d’origine (CGIPN, 2012).

1.2.2. Conditions socioéconomiques et besoins spécifiques des Autochtones vivant en milieu urbain

Selon le CGIPN (2012), les Premières Nations, Métis et Inuit qui vivent en milieu urbain ont des niveaux de scolarisation, d’emploi et de revenu plus élevés que ceux vivant dans les communautés : « Cela pourrait expliquer pourquoi certains adultes désirent quitter » (CGIPN, 2012; 32). Même si les possibilités d’emploi et de scolarisation semblent meilleures en ville, les conditions socioéconomiques des Autochtones vivant en milieu urbain demeurent en deçà de celles de la population allochtone. Celles-ci sont entre autres caractérisées par l’itinérance, la pauvreté, un taux de mortalité et de suicide élevé ainsi qu’une espérance de vie plus basse que la population québécoise non autochtone (Benoit, Carroll et Chaudhry, 2003; J. Siggner, 2004; Centre d’amitié autochtone de Montréal, 2008; Tang et Brown, 2008; Environics Institute, 2010). Il est possible d’affirmer que certaines problématiques vécues chez les Autochtones vivant en milieu urbain sont le résultat, ou du moins ont été influencées, par l’histoire coloniale du pays : « Nombreux sont ceux qui sont restés avec des traumatismes psychosociaux

(25)

17

suite à des sévices physiques, sexuels et psychologiques en plus de ressentir un sentiment de honte face à leur culture par l’enseignement péjoratif reçu à cet égard lors de leur passage aux pensionnats autochtones (Fast cité par RCAAQ, 2016; 11).

Braveman (2006) qualifie cet écart « d’inégalité sociale de santé », étant donné qu’il se situe à l’intérieur d’un groupe social spécifique, marginalisé par la société. En d’autres mots, les Autochtones ne possèderaient pas les mêmes opportunités de développer leur plein potentiel. Une étude effectuée par le Centre d’amitié autochtone en 2008 à Montréal a identifié plusieurs besoins spécifiques aux Autochtones vivant en milieu urbain : développer un sentiment d’appartenance à la communauté autochtone, avoir accès au logement, à l’éducation, à de la formation, à des services de santé, des services de garde, de services sociaux, d’orientation et d’information et des services de traduction. D’autres études effectuées à Val-d’Or ainsi que dans l’Ouest canadien identifient les mêmes besoins (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2003; Jaccoud et Brassard, 2004; Tang et Brown, 2008; Dugré & Thomas, 2013). Corroborant ces résultats, près de 45 % des participants de l’Enquête

régionale sur la santé des Premières Nations (2010) qui vivaient en dehors de

leur communauté d’origine et en milieu urbain, surtout des femmes et des personnes âgées de 60 ans et moins, ont mentionné avoir déjà eu de la difficulté à satisfaire au moins un de leurs besoins essentiels (nourriture, logement, service public, vêtement, transport ou service de garde) au cours de l’année précédente (CGIPN, 2012).

1.2.3. Accès au système de santé et de services sociaux allochtone

Il est important de mentionner que les Premières Nations, Métis et Inuits bénéficient des mêmes régimes d’assurance-maladie et d’hospitalisation ainsi que des mêmes programmes sociaux (ex. : assurance sociale) que les non-Autochtones. Les Autochtones inscrits au Registre des Indiens peuvent aussi

(26)

18

compter sur un programme fédéral de remboursement des services de santé non assurés (SSNA)7, qu’ils vivent à l’intérieur ou à l’extérieur d’une

communauté (Affaires autochtones et régions nordiques, 2007; Santé Canada, 2016). Pourtant, l’une des principales causes expliquant cette inégalité sociale de santé, selon la littérature scientifique, est une difficulté d’accès au réseau de la santé et des services sociaux québécois chez la population autochtone. Plusieurs recherches suggèrent qu’elles sont le résultat d’un manque de « services culturellement adaptés » aux réalités des Premières Nations, Métis et Inuit ainsi que par la présence de discrimination (racisme) chez les professionnels de santé et des intervenants.

1.2.4. Services culturellement adaptés et sécurisants

L’une des difficultés rencontrées par la population autochtone vivant en milieu urbain serait un manque de services « culturellement adaptés et sécurisants » (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2003; DeVerteuil & Wilson, 2010; Dugré et Thomas, 2013; RCAAQ, 2016). Pour être adaptés, ces services devraient adopter une approche globale et tenir compte des « contextes historiques, légaux, politiques et sociaux » (RCAAQ, 2016: 13) dans lesquels l’individu se retrouve et les effets que ces derniers ont sur lui.

Selon l’étude de Beaulieu, Gervais et Papillon (2013), les Autochtones auraient tendance à éviter le réseau de la santé et des services sociaux étant donné qu’ils ne répondent pas à leurs réalités culturelles. De manière générale, les Premières Nations, Métis et Inuit ont un concept plus holistique de la santé et de la guérison où la spiritualité occupe une place importante.

Contrairement à la pensée occidentale, le peuple autochtone ne se considère pas comme une entité séparée de son environnement.

7Médicaments sur ordonnance et en vente libre, équipement et fourniture médicale, service

de counseling en santé mentale, soins dentaires et de la vue ainsi que le transport pour des raisons médicales (Santé Canada, 2016).

(27)

19

Chez les Autochtones, on ne retrouve aucune séparation entre le monde spirituel et le monde vivant » (Van de Sande et Renault, 1998; 166). De plus, l’expression de la culture autochtone est considérée comme un véritable moyen de guérison. (RCAAQ, 2016 : 11)

Par conséquent, des services adaptés devraient utiliser, par exemple, des outils traditionnels et culturels autochtones comme la roue médicinale et le concept du cercle qui représente l’entraide, la réciprocité et l’inclusion chez les Premières Nations, Métis et Inuit (Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, 2011; RCAAQ, 2016). L’approche communautaire, le soutien par les pairs, les activités familiales et de groupe, la patience, la camaraderie, l’ouverture, le respect du rythme et la connaissance des réalités autochtones sont d’autres exemples d’aspects recherchés par les Autochtones dans le réseau de la santé et des services sociaux (Beaulieu, Gervais et Papillon, 2003; Carfuel, 2014). Même si la culture et la tradition occupent une place importante chez les peuples autochtones, il existe des différences individuelles : « Il appert que plusieurs membres des peuples autochtones en milieu urbain n’ont pas le même attachement à la culture et aux traditions » (RCAAQ, 2016: 9). À cet égard, il faut prendre le temps de bien saisir l’individu afin d’avoir une approche culturellement adaptée et sécurisante.

Les intervenants et les professionnels de la santé et des services sociaux doivent être conscients de leur propre bagage culturel ainsi que du contexte dans lequel la prestation des services est effectuée. Cette dernière peut parfois être teintée par un rapport de pouvoir spécialiste/client (RCAAQ, 2016: 203). À l’origine, la pratique du travail social auprès des peuples autochtones était un outil d’assimilation, même si les travailleurs sociaux pensaient agir pour le bien de ces derniers : « La profession est passée d’une tentative d’assimilation à un comportement d’accommodation et d’adaptation […] Les services sociaux pour Autochtones ont jusqu’à récemment été livrés de façon paternaliste et avec une certaine indifférence au plan culturel » (Van

(28)

20

de Sande et Renault, 1998 : 165). Ceci étant, la pratique du travail social peut être mal perçue par les Autochtones et le lien de confiance, plus difficile à établir, ce qui peut décourager certaines personnes de fréquenter le réseau de la santé et des services sociaux québécois (DeVerteuil et Wils, 2000; Beaulieu, Gervais et Papillon, 2003; Tang et Brown, 2008; Lemay, 2011; Dugré et Thomas, 2013).

1.2.5. Racisme et discrimination

Le second facteur qui influence l’accès au réseau de la santé et des services sociaux québécois chez la population autochtone est la présence de racisme chez les prestataires de services.

La recherche a démontré que les peuples autochtones dans le monde entier ont vécu des expériences négatives avec les services de santé […] Ces expériences peuvent se traduire par une réduction de l’utilisation de services de santé critiques pour les Autochtones. (Centre de collaboration nation de la santé autochtone [CCNSA], 2014; 9)

Comme le portrait historique le démontre, les représentations sociales des peuples autochtones se sont construites dans un contexte colonial où ces derniers étaient perçus comme des « groupes inférieurs » (Do, 2012). Selon plusieurs études, ces préjugés favorisent le racisme vécu par les Autochtones (O’bomsawin, 2011; CSSSPNQL, 2013; CCNS, 2014; RCAAQ, 2015). Abuser des drogues ou de l’alcool, être paresseux et moins intelligents, dépendre de l’aide sociale et de la charité ainsi qu’être sans emploi sont des préjugés dont les Autochtones se sentent victimes de la part des non autochtones (Environics Institute, 2010).

(29)

21

Brown (2005) et Tang et Brown (20088), qui se sont intéressés aux facteurs et

processus idéologiques pouvant influencer l’accès aux services de santé et sociaux chez les Autochtones en milieu urbain, ont remarqué une forme de discrimination à l’intérieur de ces services. En effet, il existe une divergence entre le discours égalitariste tenu par les professionnels et la perception des Autochtones interrogés. Ces derniers ont parfois l’impression d’être traités différemment en raison de leur origine culturelle et de leur condition socioéconomique généralement précaire (double stigmatisation) ce qui influence de manière négative leur expérience de ces services. Ces études ont d’ailleurs conduit à mettre en évidence que les professionnels de la santé interviennent différemment avec la clientèle autochtone, mais inconsciemment. Leurs interventions seraient influencées par les représentations sociales négatives qu’ils entretiennent à l’égard des Autochtones. Cela compromettrait une intervention juste et équitable : « Le racisme peut se manifester dans les services de santé par un temps d’attente plus long, moins de renvois à des spécialistes et un traitement irrespectueux des Autochtones » (CCNSA, 2014 : 9). Rappelons la mort de Brian Sinclair, un Autochtone de Winnipeg ayant attendu plus de trente heures en salle d’urgence, mais n’ayant jamais reçu de soins, car le personnel avait tenu pour acquis qu’il était ivre et qu’il dormait pour faire passer sa « gueule de bois » (Puxley, 2015). Tang et Brown (2008) affirment que les Premières Nations, Métis et Inuit peuvent aussi avoir une fausse perception de la qualité des services qu’ils reçoivent. Puisqu’ils sont victimes de racisme au quotidien et qu’ils ont l’impression que les non-Autochtones ont une image négative d’eux, ils peuvent appréhender leur expérience dans le réseau de la santé et des services sociaux. Cette appréhension peut, par la suite, influencer leur expérience avec les professionnels de la santé et des services sociaux.

8 Cette étude s’est déroulée dans un hôpital de Vancouver auprès de 30 Autochtones et 38

(30)

22

Bref, il existe une inégalité sociale de santé entre les populations autochtone et allochtone engendrée, entre autres, par une difficulté d’accès au réseau de la santé et des services sociaux chez le premier groupe. Cette difficulté résulterait d’un manque de services « culturellement adaptés et sécurisants » et d’une barrière discriminatoire. La présence de préjugés et de stéréotypes entretenus envers les Premières Nations, Métis et Inuit empêche parfois une prestation des services juste et équitable et influence de manière générale l’expérience de ces derniers dans le réseau de la santé et de services sociaux.

1.2.6. Limites des études

Les études de cette recension des écrits présentent certaines limites. L’une d’entre elles est que la majorité des études recueillent leurs données auprès des professionnels ou bien des dirigeants d’institution ou d’organisme. Ceci étant, le point de vue des premiers concernés, soit les utilisateurs de services autochtones, n’est que très rarement sondé. Lorsque c’est le cas, le groupe d’appartenance (Amérindiens/Premières Nations, Inuit et Métis) des participants est rarement cité. Il s’agit d’une limite importante étant donné que chacun de ces groupes s’inscrit dans des contextes culturel, politique, économique et social différents. Rappelons qu’au Québec, il existe plus de 50 communautés autochtones qui se situent parfois près des villes, parfois plus éloignées, voire même isolées. Également, les méthodes d’échantillonnage ne sont généralement pas décrites, ce qui rend difficile d’établir jusqu’à quel point les résultats sont représentatifs de la réalité des Autochtones. Puisqu’il s’agit d’études qualitatives, les résultats ne peuvent être généralisés à la population entière. Soulignons enfin que plusieurs de ces études se situent principalement dans un discours culturaliste où les difficultés d’accès sont expliquées par les particularités culturelles des Autochtones. Bien que ces différences existent, mettre l’accent sur cet aspect peut renforcer la marginalisation des peuples autochtones, en plus créer une distance avec les non-Autochtones. Néanmoins, ces résultats alimentent les réflexions sur les

(31)

23

facteurs sous-jacents à l’utilisation des services de santé et sociaux chez la population autochtone urbaine et ils soutiennent la pertinence de s’intéresser à la façon dont elle se sent perçue par les professionnels de la santé et des services sociaux.

(32)

24

CHAPITRE 2

Perspective théorique

La section qui suit est une présentation du cadre conceptuel de cette recherche. C’est l’interactionnisme symbolique de Blumer (1969) qui a été retenu comme cadre d’analyse étant donné que l’on s’intéresse à l’utilisation du réseau de la santé et de services sociaux allochtone chez la population autochtone vivant en milieu urbain, et ce, en examinant les rapports sociaux avec les professionnels.

2.1. L’interactionnisme symbolique

Pour Blumer (1969), l’interactionnisme symbolique repose sur trois prémisses : 1) les êtres humains agissent envers les objets sur la base du

sens qu’ils ont pour eux; 2) le sens de ces objets se construit à partir de

l’interaction avec autrui; 3) le sens de ces choses est traité et modifié par un

processus d’interprétation. Ces objets peuvent être physiques tels qu’une

chaise, sociaux tels qu’un ami, un ennemi ou un parent, ou abstraits tels que des valeurs, des principes moraux. En d’autres mots, ce sont les réalités que l’être humain rencontre dans son quotidien.

Dans le cadre de cette recherche, la réalité qui est interrogée est l’utilisation du réseau de la santé et des services sociaux québécois par la population autochtone vivant en milieu urbain. Puisqu’elle s’appuie sur l’interactionnisme symbolique comme cadre théorique, une attention plus particulière est portée à la manière dont sont vécues les relations entre les participantes9 et les professionnels de la santé et des services sociaux. De

quelle manière les Autochtones se sentent-ils perçus par les professionnels? Quels sont les facteurs qui ont contribué à la construction de ce sentiment?

9

Le féminin sera utilisé étant donné que la majorité des Autochtones ayant participé à la recherche était des femmes.

(33)

25

Quels sont ses impacts sur leur utilisation du réseau de la santé et des services sociaux québécois? Ce choix théorique renvoie à une démarche de recherche qui s’attarde au processus d’interprétation ainsi qu’aux facteurs qui influencent la manière dont les Autochtones vivent leur expérience à l’intérieur du réseau de la santé et de services sociaux allochtone. Pour y parvenir, trois concepts sont utilisés: l’expérience, étant donné que l’on veut faire ressortir les émotions, sentiments et impressions vécues par les participantes lors de leurs contacts avec les professionnels, ainsi que la

représentation et la stigmatisation sociale puisqu’elles peuvent agir comme

facteurs déterminants de l’expérience.

2.2. L’expérience

Selon De Lauretis (citée par Scott, 2009; 87), « l’expérience est le processus par lequel chez tous les êtres sociaux, la subjectivité est construite.» L’individu, lors de ses expériences personnelles, vit des émotions et des sentiments qui sont emmagasinés et liés à des situations précises par l’intermédiaire d’un processus cognitif (Jodelet, 2006). C’est au travers de ses expériences que l’individu accumule des informations et des connaissances auxquelles il se réfère afin d’appréhender le monde qui l’entoure et ainsi, orienter ses conduites. C’est par l’intermédiaire de l’expérience que se construit le sens qu’il attribue à un objet donné. Bien qu’il soit emmagasiné dans la mémoire de l’individu, le sens donné à un objet peut se transformer par l’intermédiaire d’expériences nouvelles (Ibid).

L’une des critiques envers le concept d’expérience est le fait qu’il soit très centré sur l’individu en excluant l’effet du contexte social, historique, économique et politique dans lequel il se situe : « Les termes dans lesquels on va formuler cette expérience et sa correspondance avec la situation où elle émerge vont emprunter des préconstruits culturels et à un stock commun de

(34)

26

(Jodelet, 2006; 14). Ces préconstruits culturels ainsi que ce stock commun de

savoir font référence aux idéologies et discours dominants à l’intérieur d’un

groupe social pouvant influencer l’expérience et la conduite individuelle. Il faut donc prendre en considération ces éléments afin d’avoir un regard plus global sur la manière dont un individu expérimente son rapport au monde (Jodelet, 2006). C’est pour cette raison que la notion de représentation sociale est utilisée dans le cadre de cette recherche puisqu’elle est révélatrice de ces préconstruits culturels.

2.2. La représentation sociale

Jodelet (1984) et Lemay (2011) affirment que la représentation sociale est une image à laquelle est associée une signification reconnue et partagée par un groupe particulier. Cette signification prend forme au travers de l’expérience individuelle et collective étant donné qu’elle est influencée d’une part par l’interaction avec autrui, et d’autre part par les idéologies, les croyances et les discours dominants qui prennent racine dans un processus historique (Lemay, 2011; Scott, 2009) : « [Les représentations sociales] circulent, se croisent, se cristallisent sans cesse à travers une parole, un geste, une rencontre dans notre univers quotidien » (Lemay, 2011; 54). La représentation sociale, tout comme la notion d’expérience, a donc un caractère construit qui n’est pas immuable; elle se transforme au fil du temps, des rencontres et des circonstances.

Toutefois, elle n’est pas seulement le produit de l’interaction, elle l’influence également étant donné qu’elle agit comme un référent, un point de repère pour l’acteur social dans une situation donnée. Elle oriente sa conduite à travers un processus d’interprétation (Jodelet, 1984; Jodelet, 2006; Lemay, 2011) : « [elle] agit comme un système de référence qui nous permet d’interpréter […] de classer les circonstances, les phénomènes, les individus » (Jodelet, 1984; 360). Par exemple, une personne n’agira pas de la même

(35)

27

manière si elle croise quelqu’un qu’elle considère comme un « ami » ou un « ennemi ». Ces deux termes renferment des significations bien distinctives, l’une étant positive et l’autre négative, à partir desquelles l’individu oriente son interaction avec l’autre. Les expériences cliniques d’Abric (1976) ont bien démontré cette fonction d’orientation. Lors de sa recherche, les participants agissaient différemment à l’intérieur d’une même situation selon le rôle (représentation sociale) qui leur avait été attribué (étudiant ou machine). Comme le dit Lemay (2011; 59) : « La représentation sociale, en tant que système d’interprétation, agit comme médiateur entre un sujet et son milieu et entre les membres d’un même groupe ».

2.4. La stigmatisation sociale

La stigmatisation sociale est un processus complexe qui marque les individus d’une caractéristique qui les discrédite aux yeux du reste de la population (Roger, 1997; Bouthillier, 2003) et qui prend souvent la forme d’un préjugé ou d’un stéréotype. Ce processus a pour effet de réduire l’identité de ces individus à une seule facette, laquelle est généralement marquée par la déviance (Bouthillier, 2003). Même si le concept de stigmatisation est généralement utilisé dans le domaine de la santé mentale et de la déviance (Lacaze, 2008), certains indices permettent de l’appliquer à différents groupes culturels, dont les Autochtones. Par exemple, l’un des préjugés concernant les Premières Nations serait qu’ils sont des « exploiteurs de système » (Lepage, 2009 : 33).

Bref, la présente recherche vise à mieux comprendre l’utilisation du réseau de la santé et des services sociaux allochtone par la population autochtone vivant en milieu en s’attardant aux rapports sociaux qu’elle entretient avec les professionnels. Pour atteindre cet objectif, trois opérations seront réalisées : 1) documenter et comparer l’expérience des participantes à l’intérieur des services de santé et sociaux non-autochtones et autochtones;

(36)

28

2) explorer les interactions entre elles et leurs professionnels; 3) mettre en lumière les aspects qu’elles recherchent chez un professionnel et dans le réseau de la santé et de services sociaux allochtone de manière générale.

Que toute connaissance commence avec l’expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n’est pas des objets qui frappent nos sens et qui produisent eux-mêmes des représentations et d’autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu’elle compare, lie ou sépare ces représentations (Cournarie, 2010; 106).

Donc, c’est l’expérience générale des participantes dans le réseau de la santé et des services sociaux québécois qui sera examinée dans le cadre de cette recherche. L’un des objectifs sous-jacents de cette recherche est de faire ressortir les aspects positifs et négatifs de cette expérience, mais aussi les faits (actes, paroles, etc.) qui ont mené à une telle subjectivité. De plus, l’expérience des participantes à l’intérieur des services de santé et sociaux autochtones sera explorée afin de faire une comparaison avec les services non autochtones.

Le résumé historique de cette recherche démontre qu’il existe des représentations sociales associées aux peuples autochtones. Elles se sont fortifiées au fil du temps par l’intermédiaire d’évènements, comme la crise d’Oka, et prennent généralement racines à l’intérieur de dynamiques coloniales. Ces représentations sociales, souvent peu flatteuses, ont marqué l’imaginaire collectif québécois et continuent d’avoir des répercussions sur les Premières Nations, Métis et Inuit comme la stigmatisation sociale qui peut mener à de la discrimination et de l’exclusion.

La recension des écrits a également mis en lumière le fait que professionnels de la santé et des services sociaux ont tendance à agir différemment avec la

(37)

29

clientèle autochtone en raison de leurs préjugés. Il s’agit d’un effet de la stigmatisation sociale. Il s’agira donc de déterminer si les participantes de cette recherche ont l’impression d’être traitées différemment. Quels sont les éléments qui témoignent d’un traitement différent? Dans quelle mesure cette impression joue un rôle sur leur utilisation des services?

2.5. Pertinence sociale et scientifique

La fréquentation du système de santé et de services sociaux allochtone par la population autochtone urbaine est un thème de recherche pertinent autant sur le plan social que scientifique. Le document du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord (2015a) démontre qu’il existe des préoccupations sociales quant à l’état de santé de la population autochtone urbaine dont les conditions socioéconomiques sont caractérisées par la précarité. Ce document souligne l’importance de trouver des solutions aux difficultés d’accès de cette population à une éducation de qualité, à un emploi valorisant, à des logements adéquats ainsi qu’à des services de santé adaptés à leur réalité (Ministère des Affaires Autochtones et Développement du Nord Canada, 2015). La mise en place de projets comme Mamu Teshkanun à Sept-Îles, qui vise à dresser un portrait des besoins, des enjeux et des défis que rencontrent les Autochtones de cette ville quant à l’accès aux services de santé et aux ressources psychosociales (RCAAQ, 2015a) démontre la pertinence sociale de travaux sur l’utilisation des services par la population autochtone. D’autant plus que, présentement, se déroule la Commission

d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au

Québec étant donné « l’existence de possibles pratiques discriminatoires envers les Autochtones dans la cadre de la prestation des services publics au Québec » (Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, 2017). Celle-ci a été constituée en décembre 2016 et a pour objectif d’identifier les causes de cette discrimination et d’intervenir sur celles-ci (Ibid).

(38)

30

La majorité des études effectuées jusqu’à présent sur l’utilisation du système de santé et de services sociaux allochtone des Autochtones vivant en milieu urbain se situe dans un paradigme culturaliste, mettant l’emphase sur les particularités culturelles des Autochtones. Bien qu’il soit important de tenir compte de ces différences culturelles, cette emphase peut exacerber l’écart entre Autochtones et non-Autochtones, en plus d’évacuer l’aspect social de la problématique. La présente recherche propose d’analyser l’utilisation du système de santé et de services sociaux allochtone des Autochtones sous un angle socioconstructiviste. Quelles sont leurs expériences avec les professionnels de la santé et des services sociaux? Se sentent-ils stigmatisés par ces derniers et la population en général? Si oui, quels sont les impacts de ce sentiment sur leur utilisation des services? Cette recherche propose une piste d’investigation novatrice en posant le problème comme étant un phénomène social et en misant sur la déconstruction des préjugés.

Figure

Tableau 1. La classification des thèmes et des sous-thèmes selon les  objectifs de la recherche
Tableau 2. La nation et la communauté autochtone d’origine des  participantes
Tableau 3. Les motivations migratoires ainsi que le nombre d’années  d’établissement dans la région de Québec des participantes
Tableau 4. Services de santé et sociaux utilisés depuis leur arrivée à  Québec
+2

Références

Documents relatifs

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à

13 Votre établissement a-t-il consolidé toutes les entités (incluant les fondations) sous son contrôle? Si vous avez répondu « oui », vous devez indiquer le nom de ces entités à